Violence en musique

En citant Vivaldi et donnant "la tempête" comme exemple de musique "violente" je me pose quand même la question suivante: où est la frontière entre une musique violente et une musique farouche, puissante, dynamique et pleine d'énergie?

Ca fait un peu écho au topic que j'avais proposé sur "la musique qui déchire" (ici) et où pas mal de morceaux présentés là bas valent bien l'impétuosité d'un Vivaldi. Pourtant, ces musiques ne sont pas considérées comme "violentes".

Chez moi, il faut savoir que la violence en musique n'a rien de péjoratif, c'est d'ailleurs pour cette raison que j'évoque des musiques qui expriment une forme de violence plutôt que de musiques violentes proprement dites. J'ai toujours ressenti une forme de "violence musicale" dans certaines oeuvres baroques et plus principalement dans Les Quatre Saisons de Vivaldi, et plus particulièrement encore dans le thème de l'orage. Il s'agit d'une "violence" magnifique car artistiquement transcendée. Aucune des oeuvres que j'ai citées, même parmi les plus modernes, ne me sont agressives, au contraire, elle correspondent à ma perception d'une violence musicale sublimée. A savoir aussi que cette "violence" que je ressens dans des oeuvres pourtant très différentes les unes des autres, est un ressenti personnel qui, s'il contient une part réelle d'objectivité, il contient aussi une part de subjectivité par l'adjectif choisi. D'ailleurs, il y a des musiques puissantes, pleines d'énergie, que je ne trouve pas forcément violentes et des musiques violentes que je ne trouve pas forcément puissantes...plus souvent tranchantes et viscérales. J'admets cependant que les frontières sont minces et varient selon les perceptions et sensibilités de chacun.

Pour conclure mon cycle sur les musiques qui expriment une forme de violence, j'ai invité trois compositeurs du vingtième siècle; Giya Kancheli, par deux oeuvres qui m'étaient encore inédites avant-hier, Symphonies 6 & 7, certains titres du film de Carlos Saura, Tango, composés par Lalo Schifrin et des oeuvres pour quatuor à cordes d'Eric Fischer réunies sous le titre Eau Vent Acier, par le Quatuor Boréal.

1) Giya Kancheli:



Sans connaître les deux symphonies de Giya Kancheli j'étais sûr qu'elles correspondraient à mes aspirations actuelles, déjà parce que le maître géorgien n'est pas inconnu pour moi, je connais un peu sa musique de film et certaines de ses oeuvres symphoniques pour le concert, ce qui m'a permis de retenir un style musical fort caractéristique. Comment le décrirais-je en quelques mots? C'est l'art des contrastes, des moments les plus doux et les plus tonals contrariés par des éruptions sonores dissonantes d'une grande intensité dramatique. La violence réside dans ce contraste saisissant entre douceur extrême et brutalité extrême. Ces deux symphonies en sont très représentatives. Bien sûr, elles ne se limitent pas à ces contrastes, un équilibre y est respecté, des développements, des progressions, comme si l'expressionnisme se confrontait à l'impressionnisme: comme si des plaines infinies étaient soudainement éventrées par des montagnes impressionnantes qui grimpaient au ciel. C'est une petite feuille qui virevolte tranquillement et est brusquement chassée par une bourrasque, un mirage au loin chassé par une tempête de sable...c'est une musique qui nourrit mon imaginaire, sait m'assoupir sous l'effet d'une douce mélopée et me chahuter violemment à grand coup d'éruptions orchestrales...C'est une violence qui me fascine, une violence par des contrastes sonores très étudiés.

2) Lalo Schifrin:

J'ai toujours ressenti une forme de violence dans le tango argentin, peut-être pas dans tous les tangos argentins, mais Tango bàrbaro de Lalo Schifrin est un des meilleurs exemples qui me viennent à l'esprit, même si La Represion, composé lui aussi pour le film Tango de Carlos Saura, dégage une violence plus puissante encore...

La Represione

3) Eric Fischer:

Eau Vent Acier (2007)
__Quatuor n°2 - 1er mouvement
__Quatuor n°2 - 2ème mouvement
__Satellite I à Cyril
__Satellite II à Nicolas
__Satellite III à Marylène
__Satellite IV à Yan

In Tempus Nudiflorum (1999) - inclus: "Pont néoclassique pour débutant de Dieux"
Quartetto per Archi (2000)
Albion (2003) à Nancy
Miniature 25 juin 2005
Quatuors à cordes - Quatuor Boréal



Je souhaitais introduire dans mon cycle une ou plusieurs oeuvres pour cordes dont j'estime qu'elles dégagent une forme vive de "violence musicale" au sens où je l'entends, des oeuvres que j'apprécie bien entendu. Les cordes, que ce soit en quatuor ou dans une formation plus importante, mais surtout en quatuor, fut pendant longtemps ma formation instrumentale de chevet. Aujourd'hui, je serais davantage piano & cordes. J'ai dû faire fonctionner ma mémoire pour choisir l'oeuvre ou l'album qui correspondrait le mieux à mes aspirations. Eau Vent Acier m'est venu assez rapidement à l'esprit, pour sa violence âpre et sans concession: c'est ce que j'aime beaucoup parfois dans la musique contemporaine, ce qui parvient à m'émouvoir, me fasciner, sans compter ces moments obsessionnels qui sont, à mon goût, les points les plus attractifs de ces quatuors à cordes, plus particulièrement le N°2.