Il m'aura fallu du temps, mais je viens de terminer l'écoute de cet opéra. Finalement, je suis mitigé : il y a des parties qui me plaisent assez, mais d'autres, complètement atonales et remplies de percussions que je n'aime pas du tout (en particulier dans la prédication aux oiseaux : décidément Messiaen, quand il parle des oiseaux, fait émettre des sons qui ne ressemblent pas du tout à des oiseaux).
Cet opéra est quand même trop long : près de quatre heures de Messiaen, c'est beaucoup pour moi
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Je ne suis pas loin de penser qu'Olivier Messiaen est le compositeur français avec Arthur Honegger que je préfère, toute époque confondue. Ce que je connais de sa musique me fait dire qu'elle me fascine même plus que celle de Debussy. Tant pis si en faisant cette déclaration ici-bas je passe pour un hérétique, mais je trouve la musique de Messiaen extrêmement poétique, divine, religieuse et contemplative. Ce n'est pas juste une musique que j'apprécie, que j'aime écouter comme Chopin ou Satie avant de passer à autre chose, c'est une musique qui me transporte, m'emmène dans son monde sonore inouï. C'est pour moi une toute autre aventure musicale, une musique qui, comme chez l'immense Bach et quelques autres, me donne envie de croire en Dieu. C'est aussi simple que ça, une musique qui me porte au-delà de la musique - je me comprends . Je viens d'en revivre l'expérience dans la découverte de Eclairs sur L'Au-delà... pour orchestre. L'oeuvre démarre sur un morceau intitulé "Apparition du Christ glorieux" et ne fait jouer que la grande famille des cuivres. On croirait presque un grand orgue. Le thème suivant "La Constellation du Sagittaire" présente une musique que les cordes rendent déjà plus lumineuse et aérée. On notera un emploi particulièrement poétique des bois et plus précisément des flûtes, notamment dans les titres qui portent le mot <oiseau> alors que des cordes célestes et linéaires installent une prière conclusive à l'ensemble dans "Le Christ, Lumière du Paradis", exactement là où cette délicieuse musique, nue d'excès lyrique et d'emphase, m'a emporté.
Plus j'apprivoise Eclairs sur l'Au-delà... d'Olivier Messiaen, plus je profite du monde inouï que cette oeuvre me procure:
"Que la dernière oeuvre mystique d'Olivier Messiaen soit consacrée à faire vibrer notre âme par des "Eclairs sur l'Au-delà..." est déjà lourd d'une fervente signification. Le Maître, toute sa vie, a été un contemplatif. Dire qu'il fut un homme de foi ne suffit pas. Ni non plus qu'il fut un musicien chrétien. C'est sa foi vivante qui a transfiguré l'homme et toujours davantage inspiré le musicien. Nul doute qu'à un âge où, du sommet de la vie, le regard intérieur se porte vers le ciel, Olivier Messiaen n'ait atteint, dans cette oeuvre qu'il pouvait pressentir comme une étape ultime, l'effusion la plus intime qui soit du génie musical et de la communion avec Celui qui Est. On notera aussi la modestie délibérée du titre. L'auteur a conscience de ne donner que des "éclairs". En écoutant les onze étapes de l'oeuvre entière, on conserve cette impression qui est peut-être dominante. C'est une succession périodique de timbres soudains et inattendus qui nous orientent, en les évoquant, vers de brusques sillons de feu au ciel intérieur de l'âme. A travers ces éclairs, comment Olivier Messiaen nous introduit-il "au-delà", en évoquant la puissante apparition du Christ en gloire, et progressivement, par delà les constellations, la Jérusalem céleste, le peuple des élus, la joie de l'amour, le rôle des anges au long de l'histoire de la Rédemption, pour parvenir, par le chemin de l'Invisible, jusqu'à la Lumière éternelle du paradis: à nouveau et toujours, le Christ? (...) " Marcel Clément, extrait.
C'est exactement ce que dit ce texte, des éclairs vers la lumière, "une succession périodique de timbres soudains et inattendus qui nous orientent, en les évoquant, vers les brusques sillons de feu au ciel intérieur de l'âme". J'adore cette phrase car elle résume la portée globale de cette oeuvre mystique et si poétique par moment. Puis il y a ces deux moments sublimes où les cordes prennent subtilement le doux éclat d'une lumière céleste dans "Demeurer dans l'Amour..." (cinquième étape) et plus encore "Le Christ: lumière du Paradis" (Final), d'une grande portée spirituelle...J'en adore l'écriture des cordes; elle est exquise...non, pas exquise...divine! Ces cordes m'ont fait entrevoir un éclair de l'Invisible...
<<Après la mort, pendant la purification nécessaire qui précède la vision définitive de Dieu, on ne se souvient plus des joies et des peines de cette vie. On se souvient seulement de ses bonnes et mauvaises actions. A ce moment-là, je me désolerai de tout ce que j'ai pu faire de mal. Mais je me réjouirai aussi de tout ce que j'ai pu faire de bien, et ce dernier souvenir me permettra progressivement de comprendre enfin l'Invisible.>> Olivier Messiaen.
Par l'Orchestre National de la Radio Polonaise, Katowice, dirigé par Antoni Wit.
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Si je ne devais conserver qu'un cd des oeuvres d'Olivier Messiaen, ce serait très probablement celui qui réunit Réveil des oiseaux pour piano et orchestre et Trois Petites Liturgies de la Présence Divine pour piano, ondes Martenot, violon solo, celesta, soprano, choeur et orchestre, sous la direction de Kent Nagano. Il s'agit ici d'un univers merveilleusement poétique et fascinant qui commence par le piano seul dès le premier mouvement "Minuit" du Réveil des oiseaux: citer une ribambelle d'oiseaux au sein de cette oeuvre, relevait d'une véritable gageure, tant ils sont nombreux et variés: y sont cités le rossignol, la chouette chevêche, le torcol, bouscarle, alouette lulu, hypolaïs polyglotte, grive musicienne, mésange bleue, rouge-queue de muraille, pic épeiche, et bien d'autres...Ces oiseaux, existent-ils tous encore quelque-part, dans une forêt?...Chants que Messiaen a minutieusement notés aux différents moments de la journée et qu'il s'est appliqué de traduire le plus fidèlement possible avec le matériel musical - piano et orchestre - qu'il s'est choisi. Il n'emploie d'ailleurs jamais un orchestre trop imposant, trop chargé, ai toujours cette impression qu'il enrichit le récit "oiseauphile" de son oeuvre d'un ensemble instrumental scupuleusement étudié, plutôt que de l'appui d'un orchestre au grand complet. Il en ressort de multiples coloris, tous plus vifs et vivants les uns que les autres. Si dans le premier mouvement, les chants d'oiseaux semblent s'exposer de manière très disciplinée, d'abord au piano seul, puis avec les éléments de l'orchestre, le second, sommet de l'opus à mon goût, "4 heures du matin" ressemble à une danse, transcendée par une grande musicalité. La construction rythmique y est éblouissante, exaltante, les chants jaillissent dans une organisation sonore hallucinante. Deux autres mouvements, "Chants de la matinée & Cadenza finale du piano" complètent en beauté cette poétique musicale définitivement vouée au monde volatile. Yvonne Loriod et l'Orchestre National de France sous la direction de Kent Nagano.
Lorsque l'on pose la question: "Désirez-vous que l'auditeur identifie précisément vos paysages d'oiseaux?" Olivier Messiaen a répondu: "Quand on connaît l'oiseau et le paysage que je veux peindre, on doit prendre un plaisir particulier à l'écoute de la pièce parce qu'on retrouve ces éléments comme on retrouve des amis, des souvenirs d'enfance, ou certaines choses oubliées dans un coin de la mémoire. Néanmoins, le résultat musical est là. La vie se manifeste d'elle-même si l'oeuvre est réussie, sans que l'identification soit nécessaire." Je partage entièrement le propos de Messiaen et, d'ailleurs, je n'ai honteusement reconnu ni identifié le moindre chant d'oiseau dans l'absolu, pas même celui, introductif, du rossignol que je n'ai plus entendu chanter depuis des décennies. Je dis "honteusement", car cette musique m'a malgré tout ramené en arrière, lorsque j'étais enfant et qu'à plusieurs, vers 4 heures du matin, nous allions enregistrer, en plein bois, en France, des chants d'oiseaux. J'aurais aimé en reconnaître un dans le Réveil des Oiseaux de Messiaen, me dire: tiens, celui-là, je l'avais enregistré!
Trois petites liturgies de la présence divine me comble peut-être encore davantage. Je la trouve d'une grande beauté et ne comprends d'ailleurs pas la haine qu'elle a suscité à l'époque de sa création, à Paris, le 21 avril 1945, aux concerts de la Pléïade, Roger Desormière dirigeant la chorale Yvonne Gouverné et l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire. Déjà, Yvonne Loriod tenait la partie de piano. Dans la version que je possède, Jeanne Loriod est aux ondes Martenot. Comme le dira Messiaen; "L'oeuvre fit scandale dans l'esprit de certains confrères et dans les articles de certains critiques; il y en a quelques-uns qui s'en sont donné à coeur joie, qui ont déversé des poubelles sur ma tête pendant dix ans à la suite de cette oeuvre." Pour ma part, je la considère comme l'une de ses plus belles compositions.
Jean, toi qui n'est pas insensible à la poétique de Messiaen, je me demande bien ce que tu penses de ces Trois petites Liturgies...
Jean
Nombre de messages : 8786 Age : 81 Date d'inscription : 14/05/2007
je pense qu'à ma grande honte...je les connais très peu, ne les ayant pas en cd...mais une lointaine écoute sur france musique m'a laissé un très bon souvenir...et je vais bien vite réparé cette ...absence!...si possible avec le réveil des oiseaux!
joachim Admin
Nombre de messages : 27128 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
Tu sais, Jean, dans ce réveil des oiseaux, on ne trouve pas de chants d'oiseaux, ou alors ils tellement stylisés qu'ils sont méconnaissables. Les trois petites liturgies m'ont un peu mieux plu, mais c'est long... (environ 35 minutes) !
La coïncidence veut que j'ai écouté aujourd'hui un de ses derniers morceaux (1987), La Ville d'en haut pour piano et orchestre... sans queue ni tête... Faudrait qu'on m'explique...
Tu sais, Jean, dans ce réveil des oiseaux, on ne trouve pas de chants d'oiseaux, ou alors ils tellement stylisés qu'ils sont méconnaissables. Les trois petites liturgies m'ont un peu mieux plu, mais c'est long... (environ 35 minutes) !
Dans Réveil des oiseaux, on y entend bien des chants d'oiseaux...stylisés sans doute et heureusement car il s'agit avant tout d'une oeuvre musicale... Puis, par exemple, un chant de rossignol retranscrit au piano n'est peut-être pas si évident à identifier, d'autant plus si on ne l'a pas entendu depuis longtemps. A savoir aussi que retranscrire un chant d'oiseau uniquement par un instrument à vent, comme la flûte piccolo, serait peut-être un peu réducteur et cliché aussi. Mais il y a de toute évidence une construction musicale autour de ces chants d'oiseaux pourtant bien réels. Il ne s'agit pas non plus, et heureusement, d'une simple traduction musicale de chants d'oiseaux mis bout à bout, ce qui serait pour le coup un brin superficiel dans le résultat final. Une chance que c'est plus subtil et créatif que ça.
Tu exagères de trouver trop longues les Trois Petites Liturgies. 33 minutes 59, c'est court! Que dire alors des opéras de Wagner ou des symphonies de Mahler? Après, je suis d'accord que si on ne ressent pas de plaisir à l'écoute d'une oeuvre, on peut la trouver longue même si elle ne dure que dix minutes. Imaginons Snoopy s'appliquant à aller jusqu'au bout d'un opéra de Wagner, c'est le combat d'une vie! Jean, ne te laisse pas distraire par le mauvais esprit de Joachim, il exagère. Je suis prêt à parier que cette oeuvre te plairait.
Je viens par ailleurs d'écouter la courte pièce La Ville d'en haut pour piano et orchestre mise en lien par Joachim. Je ne la connaissais pas. Pourquoi dire qu'elle a ni queue ni tête? Elle a un sens, un développement cohérent et un début et une fin. Après, dans ces oeuvres pour piano et orchestre, celle-ci ne me semble pas bénéficier de la grande force poétique du Réveil des oiseaux que je préfère largement pour ma part. Cette "Ville d'en haut" est plus rugueuse, plus sèche, plus urbaine, plus terne aussi à mon oreille et j'avoue ne pas trop aimer non plus. Encore une fois, je préfère l'émerveillement sonore du Réveil des oiseaux. Superbe!
Jean
Nombre de messages : 8786 Age : 81 Date d'inscription : 14/05/2007
eh bien je n'ai pas détesté cette "Ville d'en Haut";; ...et 33mntes pour les petites liturgies ne me font pas peur... : quand une oeuvre me plait, beaucoup ou un peu moins, je suis toujours frustré qu'elle soit trop courte...sans aller jusqu'à souhaiter des 4heures d'affiler ...J'aime beaucoup par exemple, les Troyens de Berlioz...mais comme j'aime bien écouter une oeuvre d'une seule traite...je ne l'écoute que rarement!
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Des canyons aux étoiles... pour piano solo, cor anglais, xylorimba, glockenspiel et orchestre...on y entend aussi des instruments très spéciaux comme l'éoliphone qui recrée le bruit du vent et le géophone, aussi appelé machine à sable qui recrée le bruit de la terre...La musique est décidément un parcours infiniment personnel, une quête de soi au sein d'une quête du son. Enfant, j'adorais m'allonger dans l'herbe, la nuit, pour observer les étoiles et la profondeur du ciel, et le jour, afin d'observer les nuages, d'en examiner les formes et les dessins que ces formes improvisaient. Je le faisais dans un silence presque total. Pouvais-je y voir parfois des portraits imaginaires ou interprétés comme tels, ou des dessins abstraits muables qui se construisaient et se déconstruisaient au rythme du vent et de ce que mon esprit était en mesure d'imaginer. La musique de Des canyons aux étoiles... d'Olivier Messiaen est comme ces nuages et ces étoiles, un mélange de formes sonores qui se dilatent et se reforment indéfiniment comme autant de paysages imaginaires et fondamentalement abstraits, mais aussi des formes immuables et figées dans un infini seulement accessible à l'esprit poète qui sait regarder par-dessus l'épaule des hommes. Dans cette oeuvre immense, il y a bien sûr des étoiles, il y a bien sûr des canyons, il y a bien sûr des oiseaux, mais il y a aussi une ouverture vers un au-delà onirique, une ouverture vers les beautés d'un ciel matériel, puis aussi vers les beautés du ciel spirituel. Ces beautés, grâce à cette musique, je les vois, je les observe, bien au-delà de ce que mes yeux peuvent me montrer. J'adore cette formidable poétique sonore, aussi bien les parties pour instrument seul (piano ou cor) que les parties les plus orchestrales.
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Deux autres oeuvres d'Olivier Messiaen que j'aime beaucoup: Chronochromie pour orchestre et Et Expecto Resurrectionem Mortuorum pour orchestre de bois, cuivres, percussions métalliques et cordes. Dans la première oeuvre qui contient d'ailleurs beaucoup de flamboyance et fulgurance, j'ai une préférence pour l'avant-dernier mouvement "Epode", duquel émerge les cordes. Il y a d'autres passages qui me fascinent mais celui-là est magnifique. Dans la seconde oeuvre, il y a des instants plus méditatifs, plus dénudés, notamment un hautbois solo. Sinon, mon mouvement préféré est le tout dernier "J'entends la voix d'une foule immense...", superbe dans sa construction, son développement...ses couleurs...
Dernière édition par Icare le 2015-04-30, 22:35, édité 1 fois
joachim Admin
Nombre de messages : 27128 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
Olivier Messiaen écrit une oeuvre profondément poétique et géniale, j'aime pratiquement tout chez lui sauf ses pièces d'orgue que je ne connais pas encore.
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Hé bé : Et experto resurrectionem mortuerum, et Chronochromie...
Disons que parmi les oeuvres que j'aime d'Olivier Messiaen, ce ne sont pas forcément celles que je préfère, ce sont en tout cas les oeuvres par lesquelles j'avais découvert ce compositeur, il y a déjà longtemps de cela. Bien que modernes et sans concession, je les ai très vite apprivoisées, ai très vite capté les fulgurances et irisations orchestrales. Chronochromie est une oeuvre puissante, trouvant ses sources dans le chant des torrents mais aussi des oiseaux, dans le charisme des montagnes, les différentes couleurs de la nature. Et expecto, selon Messiaen, se destine à de vastes espaces: églises, cathédrales et même le plein air et la haute montagne. Ses cinq parties s'appuient sur les textes de l'Ecriture Sainte qui traite de la résurrection du Christ, de la résurrection des morts et de la vie des corps glorieux...L'oeuvre est âpre, abrupte, peut paraître glaciale d'un point de vue sonore, seulement, j'y vois davantage un embrasement des couleurs, un feu ardent entrecoupé d'accalmies méditatives...j'ai bien sûr une préférence pour des chefs d'oeuvre tel que Des canyons aux étoiles, la Turangalila-Symphonie, le Réveil des oiseaux, Trois petites liturgies... et même Eclairs sur l'Au-delà..., avec l'infini plaisir d'avoir encore d'autres opus à découvrir, et surtout à approfondir. Vive la musique et vive Messiaen!!
Snoopy Admin
Nombre de messages : 31241 Age : 49 Date d'inscription : 10/08/2006