« En l’entendant, un de mes amis m’a demandé si j’avais pris le thé chez Debussy. » Ainsi Ralph Vaughan Williams ironisait-il sur la carrure toute française de son premier quatuor à cordes. Écrite lorsqu’il avait 36 ans, après un bref séjour à Paris où il avait reçu l’enseignement de Ravel, l’œuvre évoque en effet, tant par les accents de certains thèmes que par l’agencement des tempi, l’opus 10 de « Claude de France » et le Quatuor en fa du maître. De cette partition lyrique et ensoleillée, on notera surtout la maîtrise de l’écriture pour cordes – qui annonce, déjà, la Tallis Fantasia – et le brillant Rondo capriccioso où, d’un rigoureux exercice contrapuntique, jaillit un foisonnement d’idées mélodiques changeantes.
Trois ans plus tard, Vaughan Williams, à l’instar de Britten, Bax, Bridge, Goossens et Bliss, répond à l’appel d’un homme d’affaires mélomane désireux de commander aux jeunes compositeurs anglais une « Phantasy » pour ensemble de chambre, librement inspirée du modèle des « consorts de violes » de l'époque élizabéthaine. Après avoir arrêté son choix sur un quintette à cordes (à deux altos), Vaughan Williams opte pour quatre mouvements enchaînés au lieu d’un mouvement unique. Hormis cette légère entorse, le cahier des charges est scrupuleusement rempli : le Prélude a la noblesse douloureuse des grandes fugues de Purcell et l’écriture polyphonique tisse sur un quart d’heure d’étranges motifs harmoniques, que n'aurait pas reniés l'Orpheus Britannicus. D’une tonalité moins enjouée que le Premier Quatuor, cette Phantasy montrait Vaughan Williams sous un jour plus introspectif.
En 1942-1943, après avoir mis le point final à une Cinquième Symphonie dont la bonhomie, en ces temps de guerre, allait presque faire scandale à sa création, il s’attelle à son second quatuor à cordes. Cette fois, l’introspection se colore de pessimisme, voire de désespoir. Caractérisée par une instabilité tonale oscillant entre trois pôles (mi mineur, fa mineur et la mineur), cette musique brosse, en vingt minutes à peine, un panorama dramatique, que l'on retrouvera, amplifié, dans la terrible Sixième Symphonie. Au terme d’un tel parcours, la conclusion en ré majeur sonne étrangement : ironie suprême ou promesse de rédemption ?
Grands défricheurs de musique anglaise, les membres du quatuor Maggini nous livrent avec ce disque l’un des fleurons de leur discographie. Se tenant à égale distance d’une conception purement « décorative » (Premier Quatuor) et d’une lecture expressionniste (Deuxième Quatuor), ils s’efforcent surtout de rendre lisible le splendide entrelacement de leurs voix. Peu fréquentées au disque (quatuor Medici, Nimbus ; Music Group of London, EMI), ces trois partitions trouvent sous leur archet des lectures tout simplement enthousiasmantes.
Garfield Jackson( alto )
Quatuor Maggini( quatuor à cordes )
Laurence Jackson( violon )
David Angel( violon )
Michael Kaznowski( violoncelle )
Martin Outram( alto )
Naxos / Naïve 2001