Le coup de coeur du jour ou du moment?

Mike56 a écrit:

Anouchka, personnellement je trouve plus de désespoir dans la musique de Schubert que de Chopin.

Moi aussi.

Ben moi aussi!! … bien que "désespoir" me paraisse trop fort ou inapproprié pour de nombreuses œuvres de Schubert que je trouve très intenses mais pas dans le sens "noir" qu'évoque pour moi le désespoir…
Peut être son quintette pour cordes, son quatuor "la jeune fille et la mort", sa sonate pour piano D 960(les 2 premiers mouvements), quelques (et même plus!) lieder
… nous avons tous des ressentis plus ou moins différents !

Oui, des ressentis un peu différents, mais pas tant que cela au fond, en y réfléchissant.
Disons que je trouve que Schubert, dans sa très courte vie, à mon avis, tentait parfois "d'y croire", de faire semblant, de s'étourdir, et certains Lieder ne sont pas tristes..
Je trouve Chopin plutôt toujours lugubre, il n'était jamais gai, toujours  torturé, rien n'allait, et même à travers certaines de ses valses, censées être un peu "légères", cela se sent...
Chopin, le poète du piano, me ravit et me glace. Pas Schubert, peut-être parce qu'il a une musicalité enchanteresse que Chopin, immense compositeur et virtuose, n'a pas. Il ne cherche même pas, Chopin, à être un peu dans le bonheur.

C'est un petit ressenti du soir !
Bonne soirée  

Je ne suis pas loin d'être d'accord avec toi, Anouchka, à ceci près que je trouve chez Chopin une révolte, une rébellion que je ne vois pas chez Schubert, ce qui n'est pas – mais vraiment pas – un jugement de valeur, car j'aime également ces deux compositeurs.

Kristian, je partage ton point de vue sur la musique de Chopin. J’aime également ces deux compositeurs mais mon cœur penche du côté de Schubert.

Je suis, par nature, plus proche de Chopin, mais je dois admettre que le virus Schubert que je me suis auto-inoculé ces dernières années regagne du terrain !

Je suis d'accord avec vous deux .
Il y a chez Chopin tout-à-fait une rébellion, une révolte, et une dépression permanente car il était loin de son pays chéri , de ses parents et de sa fratrie. L'amour l'a peu consolé, même avec George Sand (cela a duré longtemps car Chopin était un "fidèle", mais c'est assez vite devenu houleux et Sand ne parvenait pas à l'apaiser).
C'est pourquoi je redis que Schubert est obsédé par la mort (un peu comme tout le monde !!, et se sachant malade ensuite , si jeune, etc..)*, mais qu'il n'est pas "parti" dans la vie avec ce rejet de tout que Chopin avait (c'est-à-dire à peu près tout, sauf ses racines, et l'amitié de Liszt pendant quelques années, la vie à Nohant -et il emm.. tout le monde là-bas d'ailleurs avec son humeur insupportable-).
Chopin me fait "pleurer" au fond de moi, j'adore son piano complètement à part de tout -ce que Liszt a très bien admiré et compris et exprimé-. Schubert ne me fait pas pleurer...! Sa musique de chambre, par exemple, comporte des andante d'une douceur et d'une poésie qui font rêver "sereinement"...
Cela semble basique de résumer ainsi un ressenti, mais cela est...

* Gardant en mémoire la disparition aussi tellement prématurée de celui qu'il admirait par-dessus tout et dont il s'est inspiré tout en ayant son identité totale : Mozart.

J'ai déjà envoyé cela, mais j'aime tant...

C'est passionné et pré-romantique, mais pas triste... Pour moi c'est une douce romance, qui me fait penser à une rêverie en sous-bois, près d'une rivière...

https://youtu.be/3kuFzjkUcLw

Ce trio a été élu, il y a quelques années, l'oeuvre de musique classique préférée des Français (d'après un sondage réalisé par Radio Classique)
C'est une de mes pages préférées également.
On décèle le génie du compositeur: avec un minimum de matériel, parvenir à réaliser un chef-d'oeuvre! Quelques notes et ce thème nous bouleverse...

Absolument !
Je suis ravie de ce classement des français mélomanes. Et la version donnée par les frères Capuçon est superbe de sensibilité.
Et là, on est bien loin du "cliché" sur "musique de Barry Lindon", puisque cette musique touche aussi les plus jeunes qui ne connaissent pas le film...

Ce trio est effectivement magnifique. Il faut se laisser porter par cette musique qui me touche profondément.
Contrairement à toi Anouchka, Schubert me « fait pleurer «  ce qui n’est pas le cas de Chopin.

Cet andante me serre le cœur chaque fois que je l'entends, quelles que soient les circonstances. Il y a très peu d'œuvres de musique classique qui ont ce pouvoir sur moi.

Mais malgré tout, j'ai du mal à le dissocier de Barry Lyndon, que je place aussi haut dans le cinéma que ce trio de Schubert en musique. Pourquoi ? Pour une raison bien simple : Je trouve qu'il est parfaitement à sa place dans le film, et il correspond – en moi en tout cas – à exactement la même chose que ce qui se passe dans l'histoire : à savoir le déploiement (« unfolding ») absolument implacable et inarrêtable de la marche d'un destin totalement inflexible.

C'est au-delà du tragique, tant musique et action collent intimement à une destinée depuis longtemps gravée dans le marbre et dont rien ni personne ne peut entraver la marche, quels que soient les efforts déployés par les protagonistes.

Pour moi, celle pièce est une véritable tragédie grecque : tout est écrit, ainsi soit-il , et la seule issue est l'acceptation, faute de quoi le drame serait bien pire encore.

Quelle mécanique parfaite ! Quelle beauté, quelle perfection !

Quel enthousiasme    , qui rejoint le mien mais pas de la même façon , comme je l'ai expliqué.
L'oeuvre, longue, dure 50 mn et comporte quatre mouvements., qu'il faut attentivement écouter (humble avis), tous à la suite car c'est un récit...
Le premier, l'allegro, mon préféré, panache des sentiments divers, dont des ruissellements de source donnés par le piano...
Le second, plus réfléchi, plus pathétique selon certains, plus nostalgique selon d'autres. Probablement inspiré d'une chanson populaire suédoise, "le soleil se couche".
Les autres mouvements reprennent des thèmes un peu folkloriques, et certains thèmes des 1er et 2ème mouvements avec toujours ce jaillissement plutôt gai du piano. J'ai ré-écouté l'oeuvre intégrale par une version Youtube que je ne connaissais pas  -je n'ai pas bien noté le nom genre hongrois, version 2014, j'enverrai cela après la chorale). Dans cette écoute, je ne voulais pas regarder les musiciens jouer, j'ai donc tourné la tablette pour me consacrer au son pur.
Equilibre total des instruments, pureté des sons, toujours ce ruissellement de notes piano dans l'aigu, en cascade.
Cela m'a évoqué exactement ce que je vous disais : Une grande promenade solitaire et méditative, dans les bois et sous-bois, puis une contemplation des cascades et de la rivière. Un ciel voilé avec des éclairs de soleil qui déclinent. Une âme nostalgique, qui pense à des souvenirs ou à un avenir incertain , sans doute plutôt triste, qui se pose des questions mais qui a des lueurs d'espoir en rentrant. Le coeur non serré, mais apaisé et dans une sorte de résilience, et d'acceptation du destin...

Anouchka a écrit:

(...) dans une sorte de résilience, et d'acceptation du destin...

Oui, l'œuvre tout entière porte bien sur ce thème, n'est-ce pas ?

En fait, il n'y a pas vraiment de thème "littéral". Schubert ne l'a jamais voulu (à part bien sûr sa transcription musicale des Lieder, dont "die schöne Mûllerin" qui est un très long cycle de Lieder qui conte finalement le voyage de la vie)*. Mais il construit ce trio à travers les quatre mouvements, comme un récit musical qui garde un fil continu avec des thèmes -dont dans le final, reprise de l'andante sur quelques mesures-. Schubert nous raconte quelque chose.... , son histoire de son moment à lui.
(ce trio fait partie des oeuvres des dernières années).
C'est nous qui nous projetons avec nos états d'âme du jour, notre air du temps, et notre personnalité, dans cette oeuvre-là, c'est bien ce qui fait tout son mystère et sa beauté !

Voici ce que j'a écouté, donc intégralement, hier soir, sans regarder les musiciens. Exécution absolument splendide.

https://youtu.be/8V7BiWlKrvI

* Il faudra que nous en reparlions, de "La belle meunière", cette oeuvre d'une vingtaine de Lieder, qui raconte un voyage, avec un fil conducteur, celui de l'être humain, au cours de sa vie. Voilà encore un absolu chef d'oeuvre !

Ta prose musicale sur Schubert est bien agréable à lire.
La belle meunière est également un autre chef d’oeuvre de Schubert . Je ne l’ai pas écouté depuis un certain temps. Je vais ressortir mon Cd.

Mike56 a écrit:

Ta prose musicale sur Schubert est bien agréable à lire.

Je suis du même avis!

Merci beaucoup pour ces commentaires emplis d'images et "d'odeurs légères"...

C'est pas bientôt fini... je vous quitte un peu et voilà que vous parlez de la tristesse de la musique de Schubert, de la révolte de Chopin...

Certes, certes...et pourtant, c'est avec bonheur que nous les écoutons... sans fin!

Ah, le lied "La belle Meunière"...j'ai aussi un petit faible pour le "Gondolier"...je passe mon loup sur les yeux... c'est Carnaval à Venise...




Je vous laisse, j'abandonne momentanément les notes pour jouer avec les mots!

Merci pour tout cela !  

"La belle meunière" n'est pas un Lied, c'est un "cycle de Lieder", environ 20 (comme "die Winterreise" -"Le voyage d'hiver", est un cycle de plusieurs Lieder.
Nous aurons sûrement l'occasion de reparler de tout cela sur un fil "à part".

Comme c'est le Carnaval, même si je n'ai plus mes enfants à déguiser , je m'amuse à regarder des magnifiques masques que j'ai rapportés de Venise (en particulier un superbe masque de chat, qui est artisanal -et non pas de la prod de masse chinoise-). J'avais offert à mon fils un extraordinaire masque de Casanova aussi (qu'il n'a pas réussi à perdre..).

Evidemment, un incontournable ci-dessous.... Peut-être pas la meilleure version musicale, mais de très belles images !

https://youtu.be/YS9DZRGNcl8

(et n'oubliez pas de faire des beignets aux pommes !)

Pour vite fait revenir à Schubert et toute cette poésie musicale qu'il nous donne si génialement, on le surnommait "der Wanderer" (le "randonneur), comme celui qui randonne toujours sur le chemin de sa vie sans atteindre le but...

J’aime bien ce nom allemand Det Wanderer qui n’a pas d’eq Français.

Oui, en français on dit aussi "Le voyageur", d'ailleurs on peut lui donner aussi en allemand un second sens, "Le vagabond", ce qui parle encore plus !!  
Ce surnom était un peu collé à Schubert parce qu'il a adapté musicalement un célèbre poème "der Wanderer" (en allemand on met des majuscules aux noms communs). **  L'une de ses principales oeuvres est la Fantaisie en ut majeur opus 15, D 760, surnommée "Der Wanderer", (pas par Schubert, mais sans doute comme d'hab par des critiques et journalistes : Pour l'adagio, Schubert emprunte le thème de la marche funèbre - !!!!   - du Lied composé 6 ans auparavant). Nul doute que ceci n'est pas follement gai...quand on comprend le questionnement métaphysique du Lied...

Je ne renvoie pas la Fantaisie par le jeune Kissin, que j'ai déjà postée sur le forum, mais elle est dispo sur Youtube en intégrale, et vraiment, c'est superbe.

**Der Wanderer (en français Le Voyageur) (D 489) est un Lied composé par Franz Schubert en octobre 1816 pour une voix et piano. Une version révisée a été publiée à la fin mai 1821 comme numéro 1 de l'opus 4. Les paroles sont extraites d'un poème allemand de Georg Philipp Schmidt von Lübeck (de). La tonalité du lied est do dièse mineur, le tempo est marqué sehr langsam (très lent). La pièce a 72 mesures. Schubert écrivit un autre lied nommé Der Wanderer sur un poème de Friedrich von Schlegel (de), il s'agit du numéro D 649 en ré majeur.

Cela, par DFK, est une version magnifique (et les images correspondent bien)...
https://youtu.be/BR8_n-B8qu0

Anouchka a écrit:

. Nul doute que ceci n'est pas follement gai...quand on comprend le questionnement métaphysique du Lied...

C'est bien un des points que j'ai souvent évoqué…, me concernant, sans avoir la moindre prétention à le supposer général ou même seulement partagé par quelques uns ?
Mais là, je te prends en flagrant délit de partager au moins partiellement ma réflexion…

A savoir que, bien souvent , pour moi, le texte est en décalage avec ce que je ressens de la musique…
Pour ton exemple précis, si ce lied était chanté ,... dans une langue que tu ne comprends pas du tout, certes tu ne trouverais pas (comme je peux le supposer sans trop me tromper!) "follement gai" (ce qui dans ta phrase est une figure de style qui veut dire le contraire, je pense)… mais il te faut la compréhension du texte pour relever l'évidence qu'il "n'est pas follement gai"... alors que par ailleurs, tu remarques que les belles images de la vidéo sont tout à fait en adéquation avec ce très beau lied; mais si ces images n'évoquent pas une gaité débridée, elles n'évoquent pas davantage un tourment inextinguible; elles belles et paisibles et invitent plutôt à la sérénité..?

NB Ma remarque n'a pas la moindre nuance de reproche ...