Alexandre DESPLAT

Eléments biographiques:

Alexandre Desplat est un compositeur de musiques de films français, né le 23 août 1961 à Paris. Composant pour des films et téléfilms français depuis 1985, il se fait remarquer au niveau international en 2003 avec la bande originale de La Jeune Fille à la perle. Il est alors de plus en plus demandé à l'étranger, notamment par le cinéma américain, et se met à travailler pour de grands réalisateurs et sur des films à gros budget. Il est le compositeur régulier de nombreux réalisateurs tels que Jacques Audiard, Wes Anderson, Roman Polanski, Martin Bourboulon, Stephen Frears, George Clooney et Guillermo del Toro. Il a également écrit la musique de documentaires, de pièces de théâtre et de spectacles, et a composé une symphonie concertante.

Il a reçu de nombreux prix pour son travail, dont deux Oscars (The Grand Budapest Hotel, La Forme de l'eau), trois César (De battre mon cœur s'est arrêté, The Ghost Writer, De rouille et d'os), deux BAFTA Awards (The Grand Budapest Hotel, Le Discours d'un roi), deux Golden Globes (Le Voile des illusions, La Forme de l'eau), deux Grammy Awards (Le Discours d'un roi, The Grand Budapest Hotel) et huit World Soundtrack Awards.



Comme celui de Michel Korb et de Andrzej Korzynski, le topic d'Alexandre Desplat a disparu, d'autant plus dommage qu'il était bien fourni.

L'instant musical - Regarde les hommes tomber:

Alexandre Desplat est un compositeur très prolifique et entretient plusieurs collaborations avec différents cinéastes, comme il est précisé dans sa biographie ci-dessus (Wikipédia), mais celle qui me tient le plus à coeur est sa collaboration étroite avec Jacques Audiard, parce qu'elle commença avec Regarde les hommes tomber qui est aussi le premier long-métrage du cinéaste, et je me souviens que j'avais aussitôt adoré la bande-son du compositeur et le film aussi que je prendrai un jour en dvd. Aujourd'hui, j'ai réécouté l'album qui est consacré à cette collaboration, ce qui me permit de réécouter des extraits de

Sur mes Lèvres - 2001 -
Carla est malentendante. Employée comme secrétaire dans une agence immobilière, elle mène une vie solitaire et doit subir les humiliations de ses collègues. Son employeur décide un jour de lui adjoindre un stagiaire. L'Agence nationale pour l'emploi lui envoie Paul, un ancien délinquant ayant fait 2 ans de prison pour vol aggravé et recel et venant d'être libéré sous contrôle judiciaire.

Regardes les hommes tomber - 1994 -
Deux histoires complètement opposées vont, par la force des choses, être amenées à se croiser. D'un côté, il y a Simon Hirsch, représentant de commerce taciturne, qui cherche à tout prix à venger son seul ami, un inspecteur de police qui s'est fait tirer dessus au cours d'une enquête. De l'autre, Marx, escroc minable et vieillissant, constamment suivi par Johnny, un jeune paumé qui s'est pris d'affection pour lui et qu'il entraîne dans ses petites combines. (excellente musique)

Un Héros très discret - 1996 -
Albert Dehousse s'enivre depuis son enfance de romans héroïques, vivant par procuration dans un monde imaginaire. Sa vie n'est malheureusement pas aussi exaltante dans la petite ville paisible du Nord de la France où il réside avec sa mère qui vit dans la mémoire d'un père disparu, officiellement héros de la Grande Guerre, mais en fait alcoolique invétéré. La Seconde Guerre mondiale passe sans même y laisser de traces, ôtant peut-être à Albert l'occasion justement de devenir un héros. Il laisse donc de côté son mariage avec Yvette Caron, fille de Résistant, et monte à Paris où l'on célèbre les héros de la Résistance française. (excellente musique)



De Battre mon coeur s'est arrêté - 2005 -
Thomas (Tom), jeune homme de 28 ans, est un marchand de biens véreux à Paris comme son père. Il voulait autrefois devenir pianiste comme sa mère, mais a abandonné ce projet au décès de celle-ci. Soumis au chantage affectif et à l'immoralité de son père vieillissant, il vit dans un univers violent, ne fait preuve d'aucune pitié envers les immigrés qu'il expulse d'immeubles insalubres qu'il rachète, et a des rapports brutaux avec tous ses proches. (excellente musique)

Il met encore en musique Un Prophète (2009), De Rouille et d'os (2012) et Les Frères Sisters (2018).

The King's Speech

Extrait d'un entretien:

Si la musique de film représente naturellement un genre à part entière, comment la situez-vous par rapport au domaine classique?

Alexandre Desplat: L'art d'écrire pour le cinéma est singulier puisque la musique n'est que l'un des éléments d'une création collective. Mais le but ultime du compositeur peut être de parvenir à une écriture qui, bien que dédiée à l'oeuvre cinématographique, puisse enjamber la salle de cinéma pour investir la salle de concert. Cependant, si l'instrumentation est souvent issue de nomenclatures du répertoire classique tant en orchestre symphonique qu'en musique de chambre, on ne doit pas oublier que la musique de film est pensée et écrite pour être enregistrée, ouvrant ainsi des possibilités acoustiques que le concert ne permet pas, et faisant que le passage à la scène peut parfois nécessiter une réécriture. Le temps musical également, est une contrainte inconnue du concert classique, et c'est dans cet espace restreint de liberté que le compositeur de musique de films trouve suivant les directions du metteur en scène son geste artistique - une 'liberté surveillée' en quelque sorte.



Mon nouveau cycle est entièrement, pour ne pas dire exclusivement, consacré à Alexandre Desplat et j'ai décidé d'ouvrir le bal avec un album inédit intitulé Airlines, mettant en scène l'excellent flûtiste Emmanuel Pahud et l'Orchestre National de France sous la direction avisée du compositeur. Cet album me permit de démarrer le cycle avec la première oeuvre de concert que je découvre de lui: une symphonie concertante pour flûte et orchestre intitulée Pelléas et Mélisande. Je procéderai de la même manière avec deux autres compositeurs "de cinéma", tous les deux oeuvrant pour le cinéma espagnol, l'un d'origine française, Pascal Gaigne, l'autre espagnol, Alberto Iglesias. Un cycle entier leur sera consacré avec en ouverture des oeuvres de concert qui me sont encore inédites. Airlines présente aussi une autre pièce de concert pour flûte non accompagnée, une pièce relativement courte portant le titre de l'album et des transcriptions pour flûte et orchestre de quelques-unes de ses nombreuses musiques de films:
La Forme de l'eau (11'08)
Lust, Caution (2'22)
Girl with a pearl erring (7'27)
Birth (7'36)
The Grand Budapest Hotel (4'08)
J'ai tout aimé, mon coup de coeur du moment!

Ce soir, j'ai réécouté la B.O. de Regarde les hommes tomber, le premier long-métrage de Jacques Audiard (1994). Cette excellente musique, qui m'envoûte depuis toujours, a eu cette particularité de me faire découvrir un nouveau compositeur, car, à cette époque-là, Alexandre Desplat était encore un parfait inconnu, Jacque Audiard aussi, si ce n'est qu'il était le fils du génial dialoguiste Michel Audiard. Je ne peux donc réécouter cette bande originale qui s'articule autour d'une espèce de valse un peu macabre sur les bords sans être parcouru par une émotion spéciale, fort plaisante, teintée de nostalgie. Chaque "première" musique qui m'a fait découvrir et aimer un compositeur devient une oeuvre-phare dans mon esprit. Quand j'écris "première musique", je ne veux pas dire qu'il s'agit de la première composition d'un auteur, Regarde les hommes tomber ne fut pas la première composition d'Alexandre Desplat pour le cinéma, mais la première que je découvris du compositeur. Je l'avais tellement aimée que non seulement je l'écoutai souvent, comme envoûté par sa valse macabre et ses autres thèmes, mais je ne perdais plus une miette de sa production, surtout française. Je restais attentif à toutes les nouvelles musiques qu'il composa. J'ai commencé à m'en détacher dès le début de sa période américaine, moins séduit par certaines de ses bandes originales et aussi parce qu'il enchaîna les contrats, devint si productif qu'il m'était impossible de suivre, sans compter un certain affadissement de sa musique. Rien de définitif, cependant: les belles exceptions existent! Alexandre Desplat est un compositeur habile, travailleur et imaginatif qui a de la ressource.

Je l'aime beaucoup aussi. Je n'ai qu'une très belle BO de lui, celle du film "Casanova" (la jeunesse du Don Juan-écrivain), où il s'entoura de musiciens et conseillers mélomanes classiques pour mixer des airs de musique baroque avec ses propres compositions. Excellent et très réussi.
Sinon, je l'entends au hasard des films que je regarde, et je trouve toujours cela très bien.

A propos de sa composition pour "Un Héros très discret" par le compositeur lui-même:

C'est un mélange de musique classique et africaine. Que vous a demandé Jacques Audiard?

___"Un Héros très discret" est une saga. Un conte comme peuvent chanter les Griots africains. Jacques voulait que musicalement nous en retrouvions cette pureté, l'archaïsme qui s'en dégage dans la simplicité du vocabulaire, le dépouillement parfois, mais toujours avec la magie du conte naïf et "merveilleux". Il n'était pas question d'écrire une musique d'époque ou de situation qui aurait appauvri le récit. Je devais donc m'efforcer de trouver une couleur d'instrumentation un peu particulière, d'où l'idée d'associer quatuor ou quintette à cordes (parfois double) à des instruments africains. Néanmoins, il fallait pour cela que j'épure le jeu des cordes classiques pour n'en garder que l'essence: l'archet et la corde, sans le jeu vibré et le phrasé romantique habituel. Certains morceaux sont ainsi joués en pizzicato, ou entièrement avec les sourdines, ce qui n'est pas si fréquent. Les mélodies, quant à elles, sont systématiquement jouées sans vibrato, avec un son un peu timbré et dans une nuance toujours retenue pour éliminer tout "affect". Les pièces plus rythmiques sont également assez éloignées de ce que l'on peut entendre dans le répertoire classique. J'avais besoin, pour cette composition, de musiciens hors pair.
Avec le "Traffic Quartet" (quatuor à cordes), Tom Diakité & Kéma Kanouté (kora, n'goni)
Anne Villette (violon)
Geneviève Stroesser (alto)
Marc Mader (contrebasse), également compositeur doué de sensibilité sur le cinéma de Rithy Panh
Emmanuel Stroesser (piano)
Pap N'Dieye & Brice Wassi (percussions africaines)
On y repère aussi le sanza par Alexandre Desplat
Je ne sais plus si la seconde B.O. de Desplat que j'ai découverte après le délectable Regarde Les Hommes tomber est Marie-Louise ou la Permission ou celle-ci, toujours est-il que pour moi, une révélation musico-cinématographique était née et je savais dès lors qu'Alexandre Desplat allait devenir un musicien majeur dans la composition pour l'image de sa génération. Je ne me suis pas trompé. Il n'y a guère que le cinéma qui puisse occasionner l'écriture d'une telle partition hybride, entre deux mondes sonores que rien ne prédestinait à ce type de métissage.

Une autre B.O., extrait:

Réécoute de deux bandes originales d'Alexandre Desplat. La principale particularité est que l'une est très joyeuse, faite de rires et de bonne humeur, aussi radieuse que romantique, aussi optimiste qu'entraînante, alors que la seconde est d'une noirceur et d'un pessimisme absolus! Sans aucune concession vers la lumière, un tunnel sans issue, une symphonie définitivement dramatique et privée d'un aboutissement heureux, du fameux "happy end", comme on dit en matière de cinéma.
La musique joyeuse et optimiste fut composée pour un film de Manuel Flèche intitulé Marie-Louise ou la permission (1995). De quoi parle le film: Jeune américaine, Marie-Louise vient chercher son amoureux, Jean-Paul, revenant à Paris pour une permission. Le problème c'est qu'il arrive Gare du Nord et qu'elle l'attend Gare de l'Est. Voilà qui est fait : ils passeront le week-end à se courir après, à se rater, à se confondre l'un et l'autre.

La musique sombre, profondément pessimiste, qui couve une violence latente, prête à jaillir de partout et de nulle-part, dont les formidables accalmies sont des adagios plus désespérés que celui de Barber, a été composée pour un film de Florent-Emilio Siri intitulé Nid de Guêpes. Même le rap d'entrée de jeu, infiltré par un orchestre délicieusement tourmenté, interprété par un ténor du genre, Akhénaton, qui a également collaboré avec un autre compositeur français, contemporain d'Alexandre Desplat, Bruno Coulais sur Comme un Aimant de Kamel Saleh (2000 - coréalisé avec Akhénaton), est émouvant: un rap émouvant, c'est plutôt rare à mon oreille (d'ailleurs ceux dans "Comme un Aimant" sont également intéressants, en grande partie grâce aux arrangements de Coulais). Afin d'apporter un accent guerrier aux moments les plus "virils" de sa musique, Alexandre Desplat emploie le carnix.

Synopsis: Dans la banlieue de Strasbourg, un 14 juillet, Louis, un ancien pompier, se rend sur son lieu de travail à moto afin de faire une nuit de garde dans un entrepôt. Dans le même temps, Nasser, Santino et leur bande, des petits voleurs, se préparent afin d'effectuer un casse dans l'entrepôt en question pour récupérer du matériel informatique. Pendant ce temps, un chef de la mafia albanaise, Abedin Nexhep, est escorté sous très haute protection par les forces d'élites européennes commandées par le lieutenant Hélène Laborie. Le convoi militaire est attaqué et trouve refuge dans l'entrepôt que Nasser et sa bande sont en train de piller. Braqueurs et militaires doivent alors coopérer malgré eux face à un assaut massif d'hommes armés venus délivrer leur chef.

Le carnyx: Un carnyx, ou carnynx ou carnux, est un instrument de musique celtique, de la famille des instruments à vent et de la sous-famille des cuivres. Cor de musique celtique à caractère guerrier, en usage à l’Âge du fer (du VIIIème au Ier siècle av. J.-C.), il était utilisé lors des guerres chez les Celtes pour galvaniser les troupes et impressionner l'ennemi.

Incroyable cet instrument !! Beau mais terrifiant.

Réécoute entre hier soir et aujourd'hui deux autres bandes originales d'Alexandre Desplat. C'est presque une redécouverte car , en dehors d'une compilation qui célèbre sa collaboration avec le cinéaste Jacques Audiard réécoutée en 2023, ça faisait longtemps que je n'étais pas revenu sur tous les autres albums que je possède au total: 22 en tout et pour tout. Certes, il en existe beaucoup plus car Desplat fait désormais partie des compositeurs de cinéma les plus sollicités sur la scène internationale et a oeuvré pour beaucoup de films à succès, l'un des plus récents étant La Forme de l'eau. Ce cycle ne me permettra pas d'écouter mes 22 albums, même si je pourrais le faire. Je n'aime pas les cycles trop longs autour d'un thème ou d'un compositeur. J'en ai donc choisi 14, ce qui représente déjà pas mal d'heures d'écoutes. Mes 2 choix entre hier et aujourd'hui furent:

__Le Château des Singes, un film français d'animation de Jean-François Laguionie sorti en 1999. Très souvent, les musiques des films d'animation sont belles, réussies, qu'elles soient composées par Jerry Goldsmith, James Horner, Danny Elfman, Bruno Coulais, Franco Piersanti, Ennio Morricone, Leonard Rosenman, André Popp ou encore Nicolas Errera. Il y en a bien sûr d'autres auxquelles je ne pense pas au moment où j'écris ces lignes. Toujours est-il que Le Château des Singes permit à Alexandre Desplat d'écrire une de ses plus belles musiques de la fin des années 1999, une partition raffinée, colorée, superbement orchestrée, plutôt enjouée et positive, même si, bien sûr, elle contient certains moments plus dramatiques, liés à la dramaturgie de l'histoire. On y entend, outre l'Orchestre Philharmonique de Prague, des instruments à connotation exotique comme le cymbalum, les flûtes de bambou, les ocarinas, doudouk, pékou, tablas, zef.

__1 Chance sur 2, un film français réalisé par Patrice Leconte, sorti dans les salles françaises en 1998, qui mélange comédie, action et aventure avec les deux vieux "singes" (aujourd'hui disparus) du cinéma français; Alain Delon et Jean-Paul Belmondo:



Pour ce film de Patrice Leconte, les pièges ne manquaient pas: J'aurais pu prendre le parti de la drôlerie, du clin d'oeil permanent ou celui d'une partition lourde et traditionnelle. A mon sens, ça aurait été une erreur. D'ailleurs, dans le cinéma hollywoodien, l'écriture symphonique nous ramène parfois très loin en arrière. Comme si certains compositeurs n'avaient pas assimilé ce qui s'est passé musicalement depuis cinquante ans. Pour Une Chance sur Deux, j'ai délibérément voulu casser le son d'un orchestre classique pour y mêler, grâce à trente-deux pistes supplémentaires, des boucles de jungle, des percussions, du banjo, du cymbalum, des samples...Du Royal Philharmonic Orchestra, afin d'éviter un son trop conventionnel, j'ai banni hautbois et bassons et notamment renforcé le pupitre des cors. La section des cuivres , très musclée, était nécessaire pour stimuler la dynamique de l'orchestre. Dans les cordes, j'ai également consolidé la partie grave avec dix violoncelles et huit contrebasses. Ce qui aboutit à un orchestre en forme de pyramide, avec une base très solide, très énergique. En un mot, j'ai retravaillé la formation de façon à obtenir une couleur d'orchestre complètement spécifique au film. Intégrant, de plus, mon goût pour les timbres insolites et les frottements harmoniques. Alexandre Desplat.

Il y a des moments que je trouve particulièrement excellents dans cette bande-son!

Je continue mon incursion dans l'univers musical d'Alexandre Desplat, cette fois par deux films qui permirent au compositeur d'agrémenter sa musique d'éléments orientaux:

__Sous les Pieds des Femmes, un film français réalisé par Rachida Krim, sorti en 1997.
Synopsis: 1996, un couple d'Algériens, Aya et Moncef, vit depuis quarante ans dans une ville du sud de la France. Tous deux ont pleinement vécu la guerre d'indépendance sous les ordres d'Amin, commandant du Front de libération nationale, qu'ils s'apprêtent à accueillir dans leur famille. Aya se souvient que la première fois qu'elle a rencontré Amin, elle n'avait que vingt-deux ans, mais était déjà mère de deux enfants. Sauvage, illettrée, elle est entièrement soumise à l'autorité de son mari. Une nouvelle révolution s'amorce et Amin engage Aya comme assistante. La femme est une militante exemplaire, tenace et courageuse. Elle se découvre des talents insoupçonnés, s'émancipe et surtout goûte pour la première fois à la liberté.

__Syriana, un thriller américain réalisé par Stephen Gaghan, sorti en 2005.
Synopsis: Syriana est constitué d'un entrelacement de plusieurs histoires indépendantes qui décrivent un thème global. Syriana se concentre précisément sur l'influence de l'industrie pétrolière, à travers les destins croisés d'un agent de la CIA (George Clooney), d'un expert en ressources énergétiques (Matt Damon), d'un mandataire (Jeffrey Wright), et d'un jeune ouvrier pakistanais sans emploi (Mazhar Munir) dans un émirat du golfe Persique.

Voilà deux bandes originales qui, en dehors d'instruments conventionnels, font appel à des instruments qui correspondent plus géographiquement aux sujets de ces deux métrages: santour, ohanoon, instruments à vent ethniques, oud, duduk, violon moyen-oriental pour Syriana, voix de Houria Aïchi, qânun, ney, oud, n'goni, berimbau pour Sous les Pieds des Femmes, un film qui réunit Claudia Cardinale, Nadia Fares et Fejria Deliba sur une même affiche.

Il s'agit de deux films très différents, traitant de sujets très différents, Syriana est un thriller américain, Sous les Pieds des Femmes, un drame français ou franco-algérien, deux métrages pour lesquels Alexandre Desplat composa deux musiques originales qui se distinguent d'emblée par leurs différences. Pour le film de Rachida Krim, il opte pour une musique de forte coloration orientale mais portée par des cordes hautement délicates et intelligemment employées: c'est la touche occidentale. Il en ressort une partition émouvante, légèrement sentimentale ou disons une sentimentalité qui n'est pas très appuyée, s'immisce dans une matière sonore entre langueur et luminosité, devenant même onirique dans ses meilleurs moments. J'ai toujours adoré cette musique, celle que je préfère des deux, plus belle, du moins à mon goût, que celle de Syriana qui a, cependant, ses qualités propres et que j'aime également beaucoup écouter pour ses thèmes principaux, ses morceaux d'action, son atmosphère globale, jusqu'à cet extrait avec piano solo qui évoque clairement le Erik Satie des Gymnopédies.

J'ai beaucoup aimé le film "Une chance sur deux", excellement joué, avec une jolie fin en "clin d'oeil"..., et la musique d'Alexandre Desplat est particulièrement juste, très travaillée et très agréable d'écoute avec tous les instruments que tu nous cites.

"Le château des singes", à suivre pour moi, je ne me souviens plus..

Aujourd'hui, je me suis concentré sur deux bandes originales d'Alexandre Desplat qui ne font pas partie de ses plus connues, sans doute parce que les films ne le sont pas non plus:

___Inquiétudes, un thriller français réalisé par Gilles Bourdos, sorti en 2003.
Synopsis: A l'âge de sept ans, Elise Gardet a été témoin du meurtre de sa mère. Depuis, elle essaie d'oublier ce crime non résolu. Elise a 18 ans. Elle est belle, mais étouffe dans sa famille bourgeoise minée par l'inquiétude. Bruno Keller a grandi en lisière de la ville, entre friche industrielle et végétation aride. Pour s'extraire d'un univers familial qu'il exècre, il s'emmure de plus en plus dans ses rêves d'absolu. Seul l'art contemporain illumine sa vie. Habité par la quête de la couleur blanche, Bruno cherche à fabriquer un monde de " beauté " dans lequel il pourrait se fondre. Bruno et Elise n'auraient jamais dû se croiser. Et pourtant...

___The Luzhin Defence, un film franco-britannique réalisé par Marleen Gorris, sorti en 2001.
Synopsis: L'étrange Alexandre Loujine est un grand maître du jeu d'échecs de premier plan. Il participe à un tournoi dans une station balnéaire d'Italie, où il fait la rencontre de la jeune Natalia (Emily Watson), une aristocrate russe que ses parents destinent à un mariage avec le fortuné comte Jean de Stassard, qui assiste au tournoi.



Inquiétudes est une musique globalement tourmentée et très sombre qui, outre le "London Symphony Orchestra", utilise comme instruments solos des bols rituels, des gongs, un violoncelle électrique, des guitares et un charango. The Luzhin Defence fit aussi appel au "London Symphony Orchestra" et certains instruments solos, violons, harpe, céleste, piano, piano stride... Le thème principal avec piano solo est magnifique et même si, globalement, la musique est moins sombre que celle d'Inquiétudes, elle est quand même d'une teneur dramatique assez appuyée, même si l'ambiance très sérieuse qui domine est à deux reprises brisée par la très célèbre Valse n°2 (Jazz Suite n°2) de Shostakovich par "The City of Prague Philharmonic Orchestra" sous la direction de Paul Bateman. Ce cycle est vraiment épatant car il me permet de réécouter un univers musical que j'avais un peu délaissé, mais lorsqu'on a plus d'une vingtaine d'albums d'un même compositeur, il ne peut s'agir d'un hasard ni d'un étrange concours de circonstance. Au contraire, ce nombre signifie que ce compositeur m'intéressa suffisamment pour avoir eu autant de fois envie de découvrir une nouvelle oeuvre, même si j'ai fini par m'en détourner au profit d'autres compositeurs. Je fonctionne ainsi et je sais que concernant Alexandre Desplat, il me reste à découvrir d'autres musiques susceptibles de me plaire. Jusqu'à maintenant, ce cycle-portrait me procure de belles émotions et aucune lassitude.

Si je considère Regarde les hommes tomber comme étant mon oeuvre fétiche d'Alexandre Desplat dans la mesure où c'est elle qui me révéla ce compositeur, je constate que ce qu'il a concocté pour Les Milles, le train de la liberté de Sébastien Grall est celle qui me touche le plus d'un point-de-vue purement musical, je dirais même qu'elle m'émerveille à chaque nouvelle écoute. L'intrigue du film repose sur une histoire vraie. L'auteur s'est largement inspiré du récit autobiographique de l'écrivain allemand Lion Feuchtwanger, Le Diable en France, qui raconte la vie quotidienne dans le camp et l'aventure du "train de la liberté". Ce fameux train qui fonce vers la liberté, je l'entends dans la musique d'Alexandre Desplat, elle en est le mouvement, l'espoir, la soif de liberté, malgré les tensions qui sont aussi présentes dans plusieurs extraits, avec ce piano grave dont je raffole en général. The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson offrit l'occasion à Desplat d'écrire une musique très positive, presque enjouée et humoristique par moment, presque grotesque lorsqu'elle emploie de façon un peu primaire des voix masculines. Un cymbalum y est presque omniprésent, c'est l'instrument que l'on remarque le plus, bien que le compositeur sollicite aussi la flûte à bec, la harpe, le zither, le celesta, le cor des Alpes, la clarinette et la clarinette basse, le basson et les percussions. Un régal. Très différente de ce qu'Alexandre Desplat composa sur Les Milles, ce qui n'a rien de surprenant vu que ces deux films n'ont absolument rien en commun dans l'intrigue qu'ils relatent, si ce n'est qu'ils employèrent le même compositeur, la musique de The Grand Budapest Hotel est également très lumineuse et positive, comme quoi je n'aime pas que les musiques mélancoliques et sombres. Tout dépend de la méthode et du compositeur.

Il fallait bien que ce cycle s'achève à un moment ou un autre. Les deux dernières bandes originales que j'ai réécoutées ont été composées pour un film américain et un film français, plus précisément une comédie avec jean Reno et Christian Clavier que je n'ai pas vue et n'ai pas spécialement envie de voir. Il peut paraître étrange d'aimer la B.O. d'un film qu'on n'a pas forcément envie de voir, tout comme il peut paraître, à certains du moins, bizarre de détester la musique d'un film qu'on a adoré. Je connais effectivement ces deux expériences et ce qui me met particulièrement en colère c'est lorsqu'une excellente musique est médiocrement exploitée dans un film ou quand une musique médiocre "habille" un très bon film et que ce film serait encore meilleur si le cinéaste (ou producteur) avait eu le bon goût de recruter un compositeur compétent et talentueux...comme Alexandre Desplat, par exemple. Ce que j'adore avec ce type de cycle entièrement dédié à un compositeur, c'est que, pendant une semaine environ, il me permet de m'immerger complètement dans l'univers d'une personnalité musicale: j'ai passé une semaine à n'écouter que sa musique, à redécouvrir des moments merveilleux ou flatteurs pour l'oreille que j'avais oubliés et ils furent nombreux: ce n'est pas étonnant qu'Alexandre Desplat occupe une bonne petite place sur mes étagères, de celle qui peut contenir un peu plus d'une vingtaine de CD. Aujourd'hui:

__The Ghost Writer, un film d'espionnage franco-germano-britannique coécrit et réalisé par Roman Polanski (2010)
Synopsis: À Londres, un prête-plume (en anglais ghostwriter, littéralement « écrivain fantôme ») à succès est engagé pour terminer les mémoires d'Adam Lang, ancien premier ministre britannique. Il est chargé de reprendre le manuscrit du ghostwriter précédent, mort par noyade dans des circonstances assez troubles.
Très bonne musique de thriller obsessionnelle, dramatique, plutôt sombre et climatique, avec un usage intéressant de la flûte chantante. Quelques petites touches morriconiennes ci et là.

__L'Enquête corse, un film français réalisé par Alain Berberian, tourné à l'été 2003 et sorti en 2004. (comédie policière)
Synopsis: Le détective Jack Palmer (Christian Clavier) est envoyé en Corse par un notaire pour retrouver Ange Léoni (Jean Reno), un caïd indépendantiste recherché par toutes les polices de France, qui habite un petit village dans la montagne corse, afin de lui remettre un titre de propriété issu d'un héritage. Arrivé sur place en taxi depuis l'aéroport de Figari, il se heurte dans cette comédie policière à la loi du silence.... pratique très commune dans cette île, d'une société traditionnelle de culture corse et traverse une série de rebondissements.
Alexandre Desplat se fait plaisir ou plutôt sollicite sa propre nostalgie de musicien mélomane, en écrivant une partition easy listening, faisant ouvertement référence à des maîtres du genre comme Henry Mancini, Lalo Schifrin et John Barry de la période "James Bond", mais selon sa propre sensibilité musicale et sans omettre d'y intégrer des éléments sonores actuels, celle d'un musicien en osmose avec son époque: il n'était pas question pour lui de se contenter de faire des pastiches ou des imitations fidèles de thèmes de ces compositeurs du passé, mais de les réinventer.

"L'enquête corse", je l'ai vu il y a quinze jours. J'ai bien aimé, c'est excellement joué et une certaine satire du mode de vie corse , effectivement très bien souligné par la musique très travaillée et pleine de vie d'Alexandre Desplat !