Bo NILSSON, né en 1937

Introduction personnelle:

Le compositeur suédois Bo Nilsson ne se montre absolument pas réfractaire aux différentes esthétiques qui furent développées tout au long du vingtième siècle. Ni la musique atonale ni même la radicalité sérielle ne freina son élan créateur comme le démontrèrent certaines pièces de  sa musique de chambre; je pense notamment à Frequenzen composée en 1956 et à Quantitäten qui vit le jour deux ans après. Si ces pièces semblent satisfaire les exigences d'un sérialisme plutôt radical sous la forme d'un habile exercice de style, l'écoute n'en est pas pour autant pénible. mon oreille a parfaitement accepté la condition sonore de ces oeuvres de courte durée, trop brèves de toute façon pour susciter la moindre lassitude, juste l'impression de côtoyer une musique sérielle qui ressemble à beaucoup d'autres. C'est avec les oeuvres suivantes que le style "Bo Nilsson" prend davantage de liberté avec le "langage" sériel, qui, après l'avoir savamment ingurgité, ingéré et dégurgité, s'autorise plus de souplesse, une manière plus personnelle et poétique de s'accaparer la musique atonale, de la combiner astucieusement avec les formes plus consensuelles de la bonne vieille musique tonale, comme le démontre Déjà Vu (1967) ou encore Flöten aus der Einsamkeit (1976) duquel s'échappe une soprano mélodieuse, si réconfortante pour l'oreille chahutée! Bo Nilsson est l'auteur d'une oeuvre ouverte aux différentes esthétiques de son époque qu'il apprivoise sans à-priori, comme divers outils d'expression utiles à son inspiration, nourrissant ses enthousiasmes de créateur. Il se sert du jazz avec le même appétit, compose pour l'image avec la même insolence et dextérité que pour le concert, musique légère et savante se façonnant dans un même moule, au-delà des débats usés comme les pierres, des débats stériles, au-delà du gouffre qui eut tant séparé l'une de l'autre.

Biographie:

Bo Nilsson est un compositeur et parolier suédois, né le 1 mai 1937 à Skellefteå. Il a d'abord suscité l'attention en tant que compositeur à l'âge de 18 ans quand son "Zwei Stücke", deux pièces pour flûte, clarinette basse, percussion et le piano ont été réalisées en 1956 et diffusée à la Radio ouest-allemande (WDR) ("Musik der Zeit" concert à Cologne) . Il avait juste reçu auparavant une formation de base d'un professeur de musique locale et acquis une certaine expérience en tant que pianiste de jazz. Bien que son style du début doit beaucoup à Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen , il développe également un certain nombre de caractéristiques personnelles: l'utilisation particulière de la percussion dans sa musique, un goût prononcé pour des sonorités lumineuses et incisives, la flûte et la voix semblant y occuper une place de choix, le sens des miniatures, des ambiances chambristes, une façon d'inclure un geste musical purement mélodieux au sein d'un contexte atonal...

En 1957, Nilsson reste largement méconnu dans son propre pays, mais, en revanche, il aimante plusieurs oreilles en Allemagne avec une succession de petites compositions de musique de chambre caractérisées par leur instrumentation raffinée et insolite. Le plus connu d'entre eux est Frequensen (allemand: Frequenzen , 1957) pour piccolo, flûte, vibraphone, xylophone, guitare électrique, contrebasse et percussions (Wallner 1965, 124).


À la fin des années 1950, Nilsson compose un score de douze pages pour son premier travail électronique, Audiogramme , avec seulement des émissions de radio et la partition publiée de Stockhausen Studie II comme sources sur lesquelles se référer, car, à l'époque, il n'a pas accès à l'équipement électronique. Il présente le score au studio de musique électronique WDR dans l'espoir de pouvoir la produire là-bas, et Gottfried Michael Koenig accepte d'assumer le rôle d'«interprète» . La réalisation est achevée en 1958. Nilsson, sans entendre les résultats de son premier essai dans ce domaine, achève une autre pièce électronique. Ce second ouvrage, intitulé Würfelspiel (Dice Game) est également réalisé à WDR, alors qu'il n'est pas certain que la troisième pièce, Zellen (1958), puisse être menée à son terme (Sylvander 1974, 79).

Parmi ses œuvres les plus importantes figurent Quantitäten pour piano solo (1957), Ett blocs timme pour soprano et ensemble de chambre d'après un texte de Öyvind Fahlström , Brief un Oswald Gösta (une trilogie de cantates composées de 1958 à 1962, Ein irrender Sohn pour alto voix, flûte alto et orchestre de chambre, Mädchentotenlieder pour soprano, flûte alto et orchestre de chambre, et und die Augen Zeiger senneur wurden langsam zurückgedreht pour alto ou soprano et orchestre, Drei Szenen pour orchestre (1960-1961), "Entrée" pour orchestre (1962), et Fatumeh pour récitant, choeur, groupe de rock, et orchestre symphonique (1971) (Åstrand 2001; Wallner 1965, 124).

Bo Nilsson a reçu un doctorat honorifique de la "tekniska universitet Luleå" . A cette occasion, l'Université a commandé un portrait de Bo Nilsson, peint par l'artiste Echi Åberg.

laudec a écrit:

J'ai écouté "Flöten aus der Einsamkeit"   et j'ai trouvé ça très agréable à découvrir, j'y trouve d'ailleurs une certaine ressemblance avec la musique de  Jacob ter Veldhuis   .  Je  n'irai pas écouter les œuvres plus "radicales" aux noms évocateurs dont tu parles  , je préfère rester sur cette bonne impression  

Oui, c'est peut-être plus prudent en effet. Comme je vais entre aujourd'hui et demain réécouter les autres oeuvres que j'ai en ma possession, je t'orienterai sur les titres susceptibles de t'intéresser.  

  merci !

J'ai réécouté aujourd'hui trois oeuvres de ce compositeur, tout d'abord l'ambitieuse cantate Brief an Gösta Oswald (1958-59) divisée en quatre partie, Stenogramm pour orgue (1960) et Drei Szenen pour ensemble instrumental (1960-61).

Je vais d'abord me débarrasser par quelques mots de l'oeuvre que je n'ai pas aimée du tout, sans aucun doute la pièce d'orgue la plus horrible et épouvantable que j'aurai eu l'occasion d'entendre jusqu'à maintenant. Ce Stenogramm m'a véritablement dressé les cheveux sur la tête. Heureusement, ce brouhaha dépasse à peine les cinq minutes et jamais une oeuvre aussi courte ne m'avait paru aussi longue.  

La cantate possède de longs passages purement instrumentaux, les solistes n'y intervenant qu'avec parcimonie, et les choeurs seulement dans la dernière partie. Le style est d'une grande radicalité atonale tout comme dans Drei Szenen. Aucune concession tonale dans ces deux partitions qui obéissent ainsi à la domination sérielle de cette époque. Et pourtant...alors que la rigidité est souvent de mise dans le mécanisme sériel, j'ai complètement adhéré à la musique de Bo Nilsson, notamment la cantate qui m'a captivé de la première note à la dernière, la seconde m'ayant surtout fasciné par l'immense palette de couleurs sonores qu'elle déploie. Question d'alchimie alors que le tout sériel peut m'être rébarbatif et rigide dans beaucoup de cas, ici il prend une toute autre dimension, surréaliste, onirique, éblouissante...me voilà comme happé par un monde sonore inouï par lequel je me laisse embarquer sans même essayer de maîtriser quoi que ce soit.    

Laudec, je n'oserais toutefois t'orienter sur ces deux oeuvres d'un atonalisme très sévère. Je préfère préserver mes recommandations pour le troisième volet où les "concessions" seront plus concrètes, plus palpables, notamment au travers d'oeuvres écrites pour l'images (séries tv...) qui explorent même les vertus du jazz.

merci de m'éviter le   !

Dans le troisième volet, j'ai pratiquement tout aimé. On touche là à une autre forme musicale, plus mélodieuse...Fatumeh (1973) démarre par une magnifique flûte aux résonances orientales avant de partir dans un jazz envoûtant. La flûte par le soliste Björn Jison Lindh y est vraiment merveilleuse, un enchantement. Madonna (1973) offre un jazz plus lyrique encore avec une belle présence des choeurs. Deux charmantes pièces pour piano et cordes apportent une ambiance plus romantique sous les titres Invitation to love et Mysteries of love (1969). S'en suit deux autres opus particulièrement captivants, le premier s'intitule Le Bran (1975) pour saxophone soprano, choeur et orchestre. Le second, peut-être mon opus préféré de tout le coffret parce qu'il m'a mis à un moment donné la chair de poule; A Spirit's Whisper in Swedenborg's Gazebo (1970-97) pour soprano, pianos, électronique, thai-gongs et ensemble. Jusque là j'ai vraiment passé un merveilleux moment, c'est-à-dire une cinquantaine de minutes de pur bonheur.     Les deux pièces qui terminent ce troisième volet ne sont, à mon goût, pas aussi prenante, Missilen, (1988) écrite pour un film de télévision dans laquelle la chanson et l'électronique ont une certaine importance (l'une des deux chansons est vraiment bien) et Arctic Romance (1995) pour piano, une conclusion bien sympathique mais un peu anodine.

Globalement, un bien beau coffret "triple cd" que je m'étais procuré en 1997 et que je n'avais pas réécouté depuis longtemps. La redécouverte fut une belle occasion de retrouver les excellents moments de l'oeuvre de Bo Nilsson.

L'instant musical

https://www.youtube.com/watch?v=gBYoFkJ9xeI

J'ai réécouté toutes les oeuvres que je possède du compositeur suédois Bo Nilsson, aussi à l'aise dans des oeuvres sévères et sans grande concession comme Frequenzen, Brief an Gösta Oswald ou encore Drei Szenen, qu'avec des compositions déjà plus légères comme celles qui occupent le troisième volet, Fatumeh, Madonna, Invitation to Love, Mysteries of Love, La Bran, A Spirit's Whisper in Sweedenborg's Gazebo (qui a donné son titre au coffret), Missilen et Arctic Romance pour piano seul. J'ai alterné avec des oeuvres du compositeur norvégien Arne Nordheim dont les dernières que j'ai réécoutées furent Evening Land pour soprano et orchestre et Floating pour orchestre. Cette dernière pièce d'un peu plus de douze minutes m'a vraiment fasciné, dans un genre atonal et d'une belle intensité dramatique, au même titre que Drei Szenen de Bo Nilsson, par le "Swedish Radio Symphony orchestra". Il y eut comme un orchestre en fusion quasi-permanente, en ébullition devrais-je même préciser. J'ai estimé que le "Floating" de Nordheim était un peu dans un même esprit et dans une intensité voisine. Le troisième volet du compositeur suédois fut d'un genre plus "décontracté" si je peux me permettre cette expression, abordant les qualités du jazz avec la même aisance que celles du sérialisme. Il y a une dimension orientale et une part livrée à l'improvisation dans Fatumeh et Madonna, toutes deux datées en 1973. Il y a de la flûte, de la guitare, un piano électrique, un orgue électrique, une basse électrique, une contrebasse, de la batterie, des percussions turques, un choeur et un orchestre sous la direction de Stig Westerberg. L'oeuvre que je trouve la plus belle et la plus attachante dans ce troisième disque est A Spirit's Whisper in Sweedenborg's Gazebo (1970/97) par Anna Eklund-Tarantino (soprano), Stefan Nilsson (synthétiseur & piano), Bo Nilsson (piano et thai-gongs, l'ensemble du "Royal Swedish Opera Orchestra" sous la direction de Leif Segerstam. J'y trouve beaucoup de beauté et c'est une poétique qui correspond à ce qui me touche le plus dans un équilibre quasi-parfait entre musique légère et savante. Missilen, tiré d'une série TV, est également très attractif, juste avant la touchante romance pour piano seul.