Nombre de messages : 27113 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
Sujet: Odette Gartenlaub (1922-2014) Jeu 22 Aoû 2013 - 18:23
Odette Gartenlaub est une compositrice française, née à Paris le 13 mars 1922, et où elle est morte le 20 septembre 2014.
Odette Gartenlaub naît le 13 mars 1922 à Paris dans le troisième arrondissement, rue Debelleyme, au sein d'une famille d'artisans horlogers. Elle commence la musique à l'âge de sept ans et entre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris à neuf ans où elle obtient la même année une première médaille de solfège. Après une première médaille de piano en 1934, elle obtient à quatorze ans un premier prix de piano à l'unanimité dans la classe de Marguerite Long.
La même année elle joue la Fantaisie de Schubert-Liszt avec l'orchestre de la société des concerts du Conservatoire, sous la direction de Gustave Cloez. À quinze ans, elle est lauréate du premier concours international Gabriel Fauré, dont le prix consistait en l’enregistrement d’un disque pour Pathé. Elle perfectionne sa technique avec Lazare Lévy et Yves Nat. Elle poursuit ensuite ses études musicales avec Olivier Messiaen et Noël Gallon : histoire de la musique, harmonie, et fugue, études interrompues en 1942 car elle est renvoyée du CNSM en raison des lois antisémites du gouvernement de Vichy.
Elle retournera au conservatoire après la Libération et sera admise dans la classe de composition d’Henri Büsser auquel succédera Darius Milhaud avec lequel elle travaillera également. Büsser l’incite à concourir pour le Prix de Rome, mais trouvant son nom trop germanique, insiste pour qu’elle se présente sous le nom de Garty. C’est donc sous le nom d’Odette Garty qu’elle obtient en 1948 le premier Grand prix de Rome pour la mise en musique d’un poème de Charles Clerc racontant la légende de Sainte Geneviève.
À son retour en 1952 de la Villa Médicis dirigée par Jacques Ibert, elle rentre à Paris et poursuit une carrière de pianiste et compositrice. Nombreux concerts à la Radiodiffusion française, en province et à l’étranger. En 1954, elle rencontre le chef d’orchestre Désiré-Émile Inghelbrecht qui lui fait jouer avec l’orchestre national au Théâtre des Champs-Élysées les concertos de Bach, Liszt, Schumann, son deuxième concerto, etc. et lui demande de participer à ses émissions radiophoniques «Entretiens autour d’un piano». À cette époque, elle enregistre un disque des œuvres de Debussy. Elle épousa en 1954 le clarinettiste et compositeur Bernard Haultier (1927-2002)
Parallèlement elle est nommée au CNSM, assistante de Jeanne-Marie Darré (piano) puis professeur de solfège en 1959, professeur de déchiffrage pour les pianistes en 1968, et professeur de pédagogie de la Formation Musicale en 1976. Elle est à l’origine en 1975-1976 - à la demande de Marc Bleuse inspecteur à la Direction de la Musique - d’une réflexion sur l’enseignement du solfège, qui aboutira à la réforme pédagogique de la formation musicale. Elle fonde en 1984 l’association des professeurs de formation musicale (APFM) dont elle sera présidente jusqu’en 1995. Odette Gartenlaub est commandeur des Arts et Lettres. Elle meurt à Paris le 20 septembre 2014 et est inhumée au cimetière parisien de Bagneux.
Catalogue
Piano
Cinq pièces faciles : Secret, Rêve, Jeu, Valse, Choral Avec mélancolie, pièce facile Avec tourment, pièce facile Avec grâce, pièce facile Avec belle humeur, pièce facile Petite étude pour les tierces, pièce facile Petite étude pour les mains alternées Sept études pour les intervalles, moyenne difficulté Grave et Toccata, moyenne difficulté Fantasque, difficile Les Caractères de La Bruyère (difficile) Trois Visages (difficile) Images d'Épinal (très difficile) Cinquante et une Miniatures pour piano à 4 mains, débutants à élémentaires Voltiges pour 4 pianos Mécanique pour 4 pianos Zig-Zag pour 2 pianos Enfantillages pour 2 pianos Panorama, deux pièces faciles pour piano
Musique de scène, illustrations musicales
Horace (disque) Polyeucte (disque) De Goupil à Margot, pour ensemble instrumental, texte de Louis Pergaud, pour l'ORTF Illustration sonore, pour ensemble instrumental, d'une série d'émissions littéraires consacrée à l'œuvre d'Henry James (France-Culture)
Musique vocale
La Cassandre d'espoir, pour chœur mixte et piano, texte de Jean-Claude Ibert Danse des fous, pour chœur mixte et piano, texte de Jean-Claude Ibert Ophélie, pour voix de femmes, poème de Maurice Carême La Prière, pour voix d'enfants, poème de Maurice Carême Le Chemin, jazz oratorio pour chœur mixte et orgue, écrit en collaboration avec Jack Diéval
Musique pour orchestre
Adagio, pour orchestre Combat, mouvement symphonique pour orchestre Psaume, pour chœur et orchestre Espace sonore, pour deux voix de femmes et petit orchestre Concerto pour flûte et orchestre Deuxième Concerto pour piano et orchestre Concerto pour clarinette et orchestre Metacosme, avec Jack Diéval Le Logos, avec Jack Diéval Ballets pour Caserta, séries de courtes pièces pour petit ensemble Deux images pour orchestre à cordes et 2 solistes : hautbois, clarinette, 2 pièces faciles Neguev 1961, musique légère Fumées, musique légère Balancelle, musique légère Danse de Fantoche, musique légère Pirouettes, avec piano, musique légère
Musique de chambre
Sonatine pour basson et piano Quintette à vent n° 1 pour flûte, hautbois, clarinette, basson et cor Sextuor pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor et percussion Tubulaire, octuor pour 4 trompettes et 4 trombones Berceuse pour flûte et harpe Quintette à vent n° 2 pour flûte, hautbois, clarinette, basson et cor Souvenances pour violon et piano (2003) Séquence pour flûte et harpe (2004) Deux essais pour harpe (2005) Historiette pour trompette et piano (2007) Turbulence et oscillation pour trombone solo (2007) Obsession pour hautbois solo (2008)
Jean
Nombre de messages : 8786 Age : 81 Date d'inscription : 14/05/2007
Odette Gartenlaub est un cas chimiquement pur d’une musicienne accomplie, honorée et pourtant oubliée. On pourrait dire une de plus ? L’album paru à l’occasion du centenaire de sa naissance est une belle occasion d’écouter – et non pas d’entendre – sa musique. Et d’entamer une réappréciation réelle de son apport.
Le centenaire de la compositrice, pédagogue et pianiste Odette Gartenlaub (1922-2014) aura été dignement fêté, avec constitution d’une association dédiée, pose d’une plaque commémorative sur l’immeuble parisien où elle a vécu, exposition virtuelle à la SACEM et édition du présent album, réunissant des enregistrements des années 50 et 60 avec rien moins que Désiré-Émile Inghelbrecht et Manuel Rosenthal.
En quoi cette musicienne est-elle remarquable sur un plan historique ? Née à Paris de parents juifs d’origine d’Europe centrale, remarquée au Conservatoire de Paris avant guerre avec un premier prix à l’unanimité à 14 ans, renvoyée du Conservatoire en 1941 comme tous les professeurs et les élèves ayant les mêmes origines (ce sera la seule institution d’enseignement supérieur en France à prendre une mesure aussi radicale, « ce n’est pas rien » commentera-t-elle sobrement en 2004), elle survit à la guerre et parvient à décrocher le Second prix de Rome dès 1947, puis le Premier Grand prix en 1948. Elle devient professeur au Conservatoire de Paris en 1959 et amorce une grande réforme du solfège en 1976, grâce à son travail avec le Ministère de la Culture. Un parcours remarquable, mais qui n’a pas empêché l’oubli.
En quoi Odette Gartenlaub doit-elle avoir une place particulière et durable dans nos mémoires ? Parce qu’elle incarne la Musique. Parce que cette femme frêle, d’une résilience extraordinaire, s’est attaquée au pire fléau à s’être abattu sur les apprentis musiciens français, des générations durant, et dont elle avait sans doute elle-même souffert : une conception a-musicale de l’enseignement, incompréhensible pour les autres nations musiciennes, qui a vu l’apprentissage théorique du solfège prendre le pas sur la pratique. Avec la réforme qu’elle a entamé – un combat d’une vie voire de plusieurs – elle a remis la Musique en premier. En quelque sorte, Prima la musica, poi la tecnica.
Et cette essence musicale qui l’imprégnait s’entend. Les œuvres proposées ici rassemblent des partitions composées dans les années 50. Elles sont remarquablement écrites, caractéristiques de l’époque et de cette voie médiane où la modernité cherchait à avancer avec le public et non sans lui. Un souci d’équilibre dont les contemporains ne retiendront que le manque de radicalité, et par là l’inintérêt. Entre Mozart et Boulez, pas de troisième voie. Si le Mouvement symphonique de 1954 et son Concerto pour piano et orchestre de 1957 affirment une orchestration rythmique et charpentée de cuivres qui n’exclut pas l’élégiaque, le Concerto pour flûte et orchestre, avec Manuel Rosenthal dirigeant l’ORTF et Raymond Guiot en soliste (première flûte de l’Opéra de Paris de 1962 à 1991), est particulièrement remarquable. La flûte semble comme un oiseau ivre de liberté. À la première audition on peut s’interroger sur la direction, le sens de l’œuvre. Mais il n’y a pas de sens, pas de direction, il y a seulement la musique, la liberté, une forme d’extase dans la joie, éthérée et suspendue. Une sorte de Messiaen (dont elle ne voulut pas suivre l’enseignement) sans la religion. Il faut garder en mémoire que cette musique si intensément libre a été écrite par une compositrice qui, dix ans auparavant, venait de passer quatre années, dans sa vingtaine d’années, dans la clandestinité. Fascinant.
Jean-Michel Ferran, auteur du livret et d’une biographie Odette Gartenlaub. Les vies multiples d’une musicienne du XXe siècle (2017, Aedam Musicae), nous indique que parmi ses cent-cinquante partitions, la plus achevée, son Concert pour clarinette, orchestre à cordes, percussion, piano et harpe (1973) n’a pas encore été créée. Mais quelle bonne nouvelle ! Car on entre seulement maintenant dans une époque capable d’entendre sa musique et de comprendre la force de son apport. La créer plus tôt, cela aurait été trop tôt, le temps d’Odette Gartenlaub c’est à partir de maintenant.
resmusica
https://www.youtube.com/watch?v=Q0T9QiDq5jA
Jean
Nombre de messages : 8786 Age : 81 Date d'inscription : 14/05/2007