Franz TISCHHAUSER (1921-2016)

Il n'y a que très peu de compositeurs qui peuvent se permettre aujourd'hui de hisser le drapeau de la tonalité tout en se vouant à l'humour, un des plus ardus domaines de la musique dite sérieuse. Sa fidèlité à ces deux domaines fait de Franz Tischhauser un compositeur unique en son genre. Bien que la création musicale lui soit un dur labeur et qu'il souffre d'autocritique aigüe, ce perfectionniste donne l'impression d'un musicien à la plume facile, débordant d'idées. Le bon mot de Stravinsky, décrivant Maurice Ravel comme un "horloger suisse", s'applique également au compositeur de précision helvétique Franz Tischhauser.

Né le 28 mars 1921 à Berne, ce fils de médecin passa sa jeunesse à St Gall, et ne se distingue de ses collègues compositeurs ni par une biographie spectaculaire ni par une oeuvre particulièrement abondante. Il suffit pourtant de connaître quelques unes des 23 oeuvres de ce musicien méticuleux pour se rendre compte que chez lui la qualité prime sur la quantité. Grâce à l'activité d'un orchestre de chambre nouvellement constitué à St Gall, le jeune Tischhauser, qui composait déjà au gymnase, fut confronté aux diverses tendances contemporaines, et se saisit avec alacrité de tout ce qui promettait d'outrager ses oreilles réactionnaires de son entourage. Mais, rigoureusement honnête avec lui-même, il s'aperçut bientôt que ce développement était étranger à sa nature, et il ne reste de cette époque que les Six Lieder sur des textes de Morgensten,  Klein Irmchen, datant de 1937. Après sa maturité en automne 1940, il entra au Conservatoire de Zurich où il étudia la composition avec Paul Müller et le piano avec Walter Lang ( et plus tard Rudolf Wittelsbach). De retentissants premiers succès lui valurent d'être appelé en 1951 à la radio de Zurich, et il s'établit alors à teufen, le village sur le Rhin le plus proche de son lieu de travail. il fit partie du département musical de Zurich jusqu'en 1983, dès 1971 en qualité de directeur. L'attachement à la tonalité et à d'autres valeurs traditionnelles qui distingue l'écriture de Tischhauser, ne pouvait manquer de provoquer les fidèles gardiens du Modernisme, mais n'entrava en rien sa carrière. Lui-même fut souvent étonné  de voir que sa musique pénètrait parfois dans les citadelles du festival des musiciens suisses et du Festival SIMC, et fut surpris de se voir décerner en 1988 le Prix de Musique de la ville de Zurich.

Première Partie. Walter Labhart.

Seconde partie: Walter Labhart

Sans sautes d'évolution créatrice et sans expériences de dénaturisation sonore, l'oeuvre de Franz Tischhauser est, à ce jour, riche en tentatives originales de secouer la poussière du passé et de briser la carapace de l'académisme. A ces fins, le compositeur se sert de formes familières comme la sonate, la suite et le concerto, sans oublier la pièce de genre ou le collage de citations populaires. Mais il ne se borne pas à rénover avec brio les genres connus, c'est également un poète de la sonorité et un virtuose du jeu de mots, ainsi qu'en témoignent beaucoup de ses titres:

__Der Geburtstag der Infantin (l"anniversaire de l'Infante) d'après Oscar Wilde, Tanzspiel (ballet) - 1941
__Feierabendmusik (musique de loisirs) pour orchestre à cordes - 1946
__Landpartie (partie de campagne) pour deux cors et cordes - 1948
__Seldwyliana (L'heure des revenants dans une petite ville jadis gaie) pour grand orchestre sans percussion - 1961
__Mattinata pour 23 instruments à vent - 1965
__The Beggar's Concerto pour clarinette et orchestre à cordes - 1976
__Dr. Bircher und Rossini (musique de table) pour clavecin et orchestre à cordes - 1979
__Das Vierklaklavier (chants patibulaires sans paroles d'après Christian Morgenstern) pour quatre clarinettes - 1984

En somme, il était aussi méticuleux que Paul Dukas, en détruisant toutes les oeuvres qu'il ne trouvait pas parfaites.

Je ne connais pas ce compositeur (comme d'ailleurs presque tous ceux que tu nous présentes ) mais je note qu'il a composé un concerto des gueux (beggar's) pour clarinette, qui devrait enthousiasmer Stadler, surtout s'il est tonal...

Pas parce que Stadler est un gueux mais parce qu'il s'agit de clarinette

joachim a écrit:

En somme, il était aussi méticuleux que Paul Dukas, en détruisant toutes les oeuvres qu'il ne trouvait pas parfaites.

Je ne connais pas ce compositeur (comme d'ailleurs presque tous ceux que tu nous présentes ) mais je note qu'il a composé un concerto des gueux (beggar's) pour clarinette, qui devrait enthousiasmer Stadler, surtout s'il est tonal...

Je ne le connais pas encore, bien qu'il existe en cd, mais il est très certainement tonal.

Die Hampeloper (L'Opéra des pantins - Joggeli doit aller secouer des poirettes!) est une oeuvre pour solistes, choeur et ensemble très galvanisante, pleine de vie et subtilement humoristique, avec un leitmotiv accrocheur qui ponctue le récit d'un point à l'autre. Mais arrêtons-nous sur le propos de Walter Labhart:

<< Il est clair qu'il ne s'agit pas d'un opéra au sens strict. Ce titre ironique s'apparente au jargon de la télévision commerciale américaine et du western qui connaissent un "soap opéra" et un "horse opéra". Le second sous-titre précise qu'il s'agit d'une "animation concertante" du livre d'images "Joggeli söli ga Birli schüttle!" de Lisa Wenger. En effet, l'oeuvre aux multiples facettes réussit une synthèse parfaite entre le caractère instrumental-concertant et le geste opératique. Des instruments solistes soulignent le caractère des divers acteurs: la trompette pour le maître, le piccolo (irrésistible) pour son domestique Joggeli, le violon solo pour le petit chien, le hautbois pour le bâton, l'alto solo pour le feu, la clarinette pour l'eau, le violoncelle solo pour le petit veau, et le basson pour le boucher. Pour peu qu'on y ajoute des sons bizarres du piano préparé (pianoforte ferrato), voici exactement l'instrumentation de la "Kassassion" de Tischhauser, qu'il a retrouvée ici.>>

On peut toutefois se rapporter au préface du compositeur:

<<L'originalité du livre d'images "joggeli söli ga Birli schüttle!" par Lisa Wenger, paru en 1908, en a fait un classique extrêmement populaire du genre. La vieille fable du mécanisme de l'oppression, qui sous différentes formes se retrouve également en dehors de la Suisse et de l'Europe, est racontée ici en dialecte bernais et illustrée dans un format extra-large. A gauche, on voit le maître de la ferme, en haut à droite une branche avec deux poires, sous laquelle est allongé, contrairement aux ordres, le héros de la fable, à ses côtés, six autres partisans de la non-violence, chacun envoyé pour raisonner son prédécesseur. Fatigué de déléguer en vain, le maître prend l'affaire en main: son coup de fouet provoque une réaction en chaîne de violence, qui ne finit qu'avec la chute des poires. L'artiste a prêté à ses personnages des gestes et des expressions saisissantes et dans les limites du possible, les a dotés d'articulations de pantin, trouvaille sublime qui sous-entend que même le maître inflexible n'est que le pantin d'un pouvoir suprême inconnu. La mimique de trois arbres visiblement solidaires des grévistes, qui suivent l'action et finissent par montrer une résignation ironique, illustre clairement leur point de vue: c'est votre constitution innée de pantins, qui, à chaque fois, fait échouer vos tentatives bien intentionnées de coexistence pacifique.
L'idée de mettre en musique ce livre d'images me vint grâce à une commande de la fondation zurichoise des cours internationaux de maîtrise, qui voulait donner à de jeunes chanteurs de la classe d'Ernst Haefliger la possibilité de se produire ensemble en public. La création, à laquelle participèrent sans sérieuses difficultés linguistiques des solistes allemands, japonais, italiens et danois, a montré qu'à l'époque des productions d'opéra en langue originale, il n'y a sans doute plus de frontières au dialecte chanté. >>

Die Hampeloper de Franz Tischhauser.

Omaggi a Mätzel pour métronome imaginaire et douze instruments à cordes.


<<Marcia (la paresse et le zèle) - Tarantella (la méchanceté) - Romanza (la candeur) - Variazioni (douze petits nègres). Ainsi qu'il sied à un hommage à l'inventeur du métronome, les quatre mouvements évitent toute fluctuation métrique. Accélérations et ralentissements apparents et arrêts sont écrits en toutes notes et soumis pour ainsi dire au tic tac d'un métronome imaginaire. Dans la Marcia ( j'adore le thème de cette marche...Icare...) ,la Tarantella, et la Romanza, le compositeur donne libre cours à son penchant pour les portraits en musique. Dans les Variazioni, il transmet l'idée fondamentale de la parabole enfantine des dix petits nègres aux douze instruments à cordes: chacun représente un individu; l'un après l'autre est mis hors jeu, à l'exception d'une contrebasse coriace qui, après son solo, rencontre un violon solitaire (moment irrésistible, parfumé d'humour...Icare...)
, sur quoi l'effectif se réunit à nouveau. Les "Omaggi a Mätzel" furent écrits en 1963 à la commande de la Fondation "Ida et Albert Flersheim" pour les Festival Strings Lucerne, et créés la même année dans le cadre du Festival de Lucerne.

Franz Tischhauser.

La première chose qui m'a touché dans la musique de Franz Tischhauser, ce n'est pas forcément le caractère joyeux qui en émane mais plutôt un sens de l'humour particulièrement saisissant dans L'Opéra des Pantins ou Joggeli doit aller secouer des poirettes! pour solistes, groupe vocal et ensemble instrumental. L'humour est quelque chose d'important dans la vie qui serait bien grise sans. La musique, même dite sérieuse, aurait bien tort de s'en priver. J'ai une préférence pour l'humour grinçant, caustique, celui-ci serait plutôt taquin ou espiègle. C'est un sacré sens de la dérision qui jaillit de cette oeuvre. Je ressens le plaisir de chanter chez les solistes. On sent qu'ils ont mis du coeur à l'ouvrage et le groupe vocal aussi. Il y a de la jubilation, de la jouissance jusque dans l'ensemble instrumental qui ne manque ni d'expressivité ni d'incisivité. Dans Omaggi a Mälzel, c'est carrément la formation instrumentale qui marque un trait d'humour, une fantaisie vaguement "schnittkienne": Pour métronome imaginaire et douze instruments à cordes - c'est ainsi en hommage à l'inventeur du métronome, les quatre mouvements évitant toute fluctuation métrique. Cassation pour neuf instruments est née d'impératifs musico-dramatiques puisque les dix courtes pièces qui constituent cette oeuvre servaient d'entractes d'une durée précise lors d'une représentation au théâtre de Zurich de la comédie de Shakespeare "Deux gentilhommes de Vérone". Le ton espiègle y est encore très bien entretenu avec une légère touche baroque notamment représentée par le clavecin.

Chose qui m'amuse en y pensant, ce fut une bonne idée d'enchaîner avec Franz Tischhauser après les oeuvres pour quatuors à cordes de Paul Hindemith. Hormis le caractère "sérieux" de l'opus 22 de ce dernier, je passai ainsi d'une certaine forme de légèreté et d'ironie à une autre. Certes, c'est à mon goût beaucoup mieux chez Hindemith que chez Tischhauser mais ces deux formes se complètent bien et prolongent une bonne humeur communicative. J'ignore dans quelle catégorie on peut classer un compositeur comme Franz Tischhauser et il est vrai que les catégories et moi c'est deux! Et encore moins les classements de valeurs! J'aime prioritairement ceux qui arrivent à m'embarquer dans leur propre univers avec leurs propres atouts et leurs propres faiblesses s"ils en ont, peu importe d'ailleurs que l'un ou plusieurs de ces compositeurs puissent être considérés, parfois à juste titre, comme mineurs dans l'histoire de la musique, et même si on la limite au vingtième siècle. Je rapprocherais un peu Franz Tischhauser d'un Nino Rota, quoique... Non, c'est encore trop différent, il me paraît bien plus comparable à des sensibilités musicales comme Jean Wiener et surtout Jean Françaix. Un peu avec la même verve et le même bon entrain que ce dernier, il sait nourrir une musique bien tonale de sa fantaisie et d'un sens évident de la dérision, voire de l'autodérision, ce qui ne l'empêche pas de glisser ci et là un peu de romance et de mélancolie.

https://www.youtube.com/watch?v=KdEVZxwu-hY


En début d'après-midi, j'ai réécouté les trois oeuvres que je connaissais de lui jusqu'ici; L'Opéra des Pantins ou Joggeli doit aller secouer des poirettes! pour solistes, groupe vocal et ensemble instrumental tout d'abord, puis Omaggi a Mälzel pour métronome imaginaire et douze instruments à cordes et enfin Cassation pour neuf instruments. Ce fut une chouette bouffée d'énergie positive et je me demande si elle va se renouveler grâce à trois nouvelles oeuvres de Franz Tischhauser que je me suis procurées ces tous derniers jours: Les Musiciens de Brême ou ce que des sons peuvent faire pour basson (l'âne), clarinette (le chien), hautbois (le chat), flûte (le coq) et piano (les brigands), Antiphonarium profanum, cinquante proverbes pour deux choeurs d'hommes a cappella et Dr. Bircher et Rossini, Musique de table pour clavecin et orchestre à cordes. J'aime assez ce compositeur pour avoir eu l'envie de poursuivre l'aventure sur quelques opus encore.

Je viens d'écouter la vidéo proposée par Icare, un extrait de son concerto des gueux pour clarinette. C'est plutôt pas mal. J'ai franchement bien aimé.

Icare a écrit:

 Ce fut une chouette bouffée d'énergie positive et je me demande si elle va se renouveler grâce à trois nouvelles oeuvres de Franz Tischhauser que je me suis procurées ces tous derniers jours: Les Musiciens de Brême ou ce que des sons peuvent faire pour basson (l'âne), clarinette (le chien), hautbois (le chat), flûte (le coq) et piano (les brigands), Antiphonarium profanum, cinquante proverbes pour deux choeurs d'hommes a cappella et Dr. Bircher et Rossini, Musique de table pour clavecin et orchestre à cordes.

En commençant l'écoute de Les Musiciens de Brême ou ce que des sons peuvent faire qui est un quintette pour piano et trois instruments à vent, j'ai eu un peu peur. Je n'avais pas compris qu'il y avait une narration en allemand. En fait, c'est écrit dans le booklet mais je n'avais pas percuté. Je suis toujours un peu méfiant lorsqu'un narrateur est crédité dans une oeuvre musicale, craignant qu'il prenne un peu trop le pas sur la musique, d'autant plus dans une langue étrangère que je ne comprends pas. Ca m'était arrivé avec deux oeuvres de Hans Werner Henze. En revanche, ça a toujours bien fonctionné sur celles d'Arthur Honegger. Tout dépend comment l'oeuvre est construite et la place du narrateur dans celle-ci. Au début, j'ai donc un peu peur car le narrateur est bien présent avec juste un basson solo un peu en retrait. Le basson représente l'âne et imite son braiment. C'est d'ailleurs sur ce fameux "hi han!" que la musique commence. Après, il y aura l'aboiement du chien par la clarinette, le miaulement du chat par le hautbois...tiens! Il ne me semble pas avoir entendu le "cocorico" du coq par la flûte. Ca c'était pour la petite boutade! Au fur et à mesure que les différents personnages entre en scène, la musique s'étoffe, prend forme et la narration se raréfie. C'est lorsque les brigands arrivent sous le son du piano que l'oeuvre décolle vraiment. Les oreilles attentives et connaisseuses y identifieront quelques citations classiques allant de Beethoven à Mozart, mais dans une construction instrumentale que j'ai trouvée assez originale et qui arrive à produire comme un thème nouveau à partir de ces fragments ou du moins un moment musical qui prend un sens personnel cohérent et pas juste une succession de citations platement exposées. Au bout du compte, j'ai bien aimé. Voilà en tout cas un compositeur qui, bien qu'écrivant une musique tonale, loin des tumultes de l'avant-garde, ne fait ni dans la bête imitation ni dans le pousse-notes. Il y a quelque-chose d'assez malicieux chez lui, une réelle musicalité qui s'exprime, des idées qui s'entremêlent dans un mélange harmonieux de fantaisies et de références.

En écrivant cela, je décris exactement ce que j'ai ressenti à l'écoute de Dr. Bircher et Rossini pour clavecin et orchestre à cordes. Tantôt l'oeuvre fait la part belle au clavecin dont la sonorité y est particulièrement séduisante, tantôt elle met en avant les cordes, puis les deux avec style et panache. L'humeur y est sans doute souvent rossinienne, mais comme le titre lui fait clairement référence, aucune raison pour moi d'en être surpris. La musique cite à plusieurs reprises le thème principal de Guillaume Tell, mais comme je ne connais pas encore cette oeuvre de Rossini, je n'ai pas pu l'identifier formellement, d'autant plus que Franz Tischhauser s'est, de toute évidence, amusé à le déformer et le transformer. Quel esprit ludique et quelle fantaisie animent cette pièce pour clavecin et cordes: j'ai vraiment adoré! Il n'a même pas réussi à m'ennuyer avec son oeuvre de presque vingt minutes pour deux choeurs d'hommes a cappella, Antiphonarium Profanum, ce qui n'était pas conquis d'avance, connaissant mon intérêt relatif ou du moins modéré pour le choeur non accompagné...Voilà trois oeuvres qui m'encouragent d'approfondir un peu plus ce compositeur...

Icare a écrit:

Les Musiciens de Brême ou ce que des sons peuvent faire pour basson (l'âne), clarinette (le chien), hautbois (le chat), flûte (le coq) et piano (les brigands), Antiphonarium profanum, cinquante proverbes pour deux choeurs d'hommes a cappella et Dr. Bircher et Rossini, Musique de table pour clavecin et orchestre à cordes.

Dr. Bircher et Rossini, Musique de table pour clavecin et orchestre à cordes - 1978/79:

Dans cette musique de table en deux parties, dont le titre n'est pas sans rappeler le "Dr. Jekyll and Mr. Hyde" de Stevenson, le compositeur personnifie deux dispositions d'esprit qui (hélas!) habitent sa poitrine: le sens de la nourriture saine (représenté par le clavecin) et le penchant pour la gastronomie (exprimé par l'orchestre à cordes). Les "Variazioni frugali (Sept fois Birchermuesli) sont donc un hymne à la variété simple et la digestibilité de cette création classique de notre réformateur alimentaire, appréciée aujourd'hui - par exemple sous le nom de "Swiss musely" - de même sur la scène internationale. Comme une sorte de marque d'origine suisse revient à plusieurs reprises la mélodie pastorale de l'ouverture de "Guillaume Tell" de Rossini; et en y regardant de plus près, le matériel sonore des variations en dérive. La "Fantasia opulenta" (Bei TISCH im HAUSE Rossini/A table chez les Rossini), par contre, décrit un souper en quatre plats; et ce n'est qu'au quatrième plat, un dessert ressemblant au Birchermuesli, que clavecin et cordes se mettent d'accord. A la différence du premier mouvement, nous avons ici une abondance de thèmes. Mais la mélodie de référence est un fragment tiré de "L'italiana in Algeri", dont la thématique - amour, beauté, plaisanterie, tendresse, manger, boire, dormir - correspond sans doute à la nature de Rossini, ce légendaire artiste de vivre:
"Fra gli amori e le bellezze,
fra gli scherzi e la carezze
dee dormire, mangiare e bere,
ber, dormire e poi mangiar.
Pappataci dee mangiar, Pappataci dee dormir,
dee dormire, mangiare, bere,
ber, dormire et poi mangiar."
Ne nous arrêtons pas sur le rôle que joue dans l'opéra le "Pappataci", dont les obligations sont décrites dans ces vers; la traduction "benêt" offerte par le dictionnaire vient à point dans un monologue contradictoire comme cette musique de table, et si nous songeons que "pappa" est l'équivalent étymologique de "Mus" (bouillie), ceci nous ramène tout droit au Birchermuesli. Franz Tischhauser.



J'aime beaucoup cette oeuvre - Dr. Bircher et Rossini, Musique de table pour clavecin et orchestre à cordes - 1978/79 - qui exprime la bonne humeur, une musique appétissante pour épicuriens dirais-je...ce clavecin qui démarre seul, ces cordes qui le rejoignent et finissent par jouer seules avant le retour du clavecin... Mais la bonne humeur, l'optimisme, s'exprime d'une autre manière dans Les Musiciens de Brême ou ce que des sons peuvent faire. Dans un cycle qui souhaitait s'articuler autour de la joie et l'optimisme, je ne pouvais faire fi de la musique si vivante et un brin malicieuse de Franz Tischhauser! C'est seulement hier que j'ai appris qu'il était mort en 2016 à l'âge de 95 ans.