Vincent PAULET, né en 1962

Lorsque j'écoute une oeuvre comme La ballade des pendus pour soprano, flûte, clarinette, violon, violoncelle, piano et quatuor à cordes, j'ai l'impression d'une musique très française, finement dramatique.

   << En mettant en musique La ballade des pendus, je n'ai rien cherché d'autre que de laisser s'épanouir la musicalité intrinsèque du poème de François Villon, dans sa sobriété et sa puissance d'expression tout à la fois; mon premier travail fut d'ailleurs d'écrire la seule partie vocale. J'ai tenu également à mettre en valeur la construction du poème - en intercalant deux commentaires purement instrumentaux, l'un à la suite de la première strophe, l'autre dans le prolongement de la deuxième. J'ai vu la troisième strophe comme une danse, dans l'esprit des danses macabres médiévales. Enfin, Villon, en s'adressant au "Prince Jésus" pour obtenir miséricorde, fait de l'envoi une véritable prière; les cinq dernières notes de la partie de premier violon, dans le suraigu, citent le début d'une antienne grégorienne: "In Paradisum", reposant sur une harmonie transfgurée; car ce n'est pas seulement en se lamentant sur la condition humaine et la noirceur du monde que l'artiste remplit sa mission, mais en transformant cette noirceur - et nos existences tout entières - en oeuvres d'art, ouvrant ainsi l'accès à un monde transcendé.>> Vincent Paulet.

  Né en 1962, organiste de formation, Vincent Paulet a effectué l'essentiel de ses études au Conservatoire de Paris où il fut notamment l'élève de Serge Nigg et de Claude Ballif. Après avoir été compositeur à résidence au Théâtre  de la Renaissance d'Oullins (Rhône), puis au "Bel Image" de Valence, il séjourne en Espagne de 1994 à 1996 en tant que pensionnaire de la Casa de Velazquez. Il enseigne actuellement l'écriture et la composition au conservatoire de Lille. Très tôt, reconnue sur le plan international, sa musique, exécutée par des artistes prestigieux aux U.S.A, au Canada, au Japon, en Russie et dans la plupart des pays d'Europe, a été récompensée par de nombreuses distinctions (Académie des Beaux-Arts, SACEM, Fondation d'entreprise Groupe Banque Populaire, concours internationaux de Boston, Kobé, Trieste, Tarragone...) La discographie de Vincent Paulet, en particulier les deux monographies de De Profundis et tout récemment La ballade des pendus, parues chez Hortus, est régulièrement saluée par la critique (Choc du Monde de la Musique pour "De Profundis").

CATALOGUE:

DUOS
____SONATINE pour violon et piano
____SONATE pour violoncelle et piano
____PARTITA 2 pour flûte et piano

TRIOS
____OISEAUX DE PARADIS pour clarinette en la, alto et piano
____LE GRAND STELLAIRE pour flûte, harpe bleue et percussion
____LE COMPLEXE DU PILOTE pour flûte, violoncelle et piano

QUATUORS
____PROCESSIONS pour deux pianos et deux percussions
____DEUXIEME QUATUOR A CORDES en forme d'études
____CHANTS D'EXIL pour quatuor à cordes
____AEOLIAN VOICES pour quatuor de saxophones

ENSEMBLES
____NOCTURNE pour cor anglais, cor, violon, alto, violoncelle et contrebasse
____TROIS INVENTIONS pour bande de hautbois
____MUSIQUE DE FÊTE pour quintette de cuivres
____MUSIQUE POUR DOUZE INSTRUMENTS
____LA GRANDE STELLAIRE pour flûte, harpe bleue et percussion, quatuor à cordes, contrebasse ad libitum

CONCERTANTES
____OTRA NOCHE (Recordando a Manuel de Falla) pour piano et orchestre
____LE GRAND STELLAIRE (version concertante) pour flûte, harpe bleue, orchestre à cordes et percussion
____CONCERTO pour flûte, harpe, orchestre à cordes et percussion
____IN MEMORIAM MANUEL DE FALLA pour piano solo et 5 instruments

ORCHESTRE
____VOLCANIQUES
____NOCES DE LUMIERE pour orchestre symphonique
____LEGGERO pour orchestre symphonique
____L'OFFICE DES ADIEUX pour orchestre symphonique

MUSIQUE VOCALE
____LICHT IN DER NACHT pour 12 voix
____SUSPIROS pour choeur mixte, violon, alto, violoncelle et contrebasse
____MESSE pour baryton, soprano et orgue
____PSAUME 129 (De Profundis) pour choeur mixte à cappella
____LA BALLADE DES PENDUS pour mezzo-soprano, flûte, clarinette, violon,violoncelle, quatuor à cordes et piano.


Vincent Paulet a également écrit un certain nombre de pièces pédagogiques ainsi que de nombreuses compositions pour instrument solo; orgue, piano,hautbois, saxophone, flûte...dont NUIT pour piano solo.

en regardant tes coups de coeur, Icare, je m'aperçois que tu es très enchanté surtout par les instruments à corde, les ensembles violon, piano et violoncelle par exemple. J'adore aussi ces ensembles.
Quant au compositeur, comme d'habitude, je ne connais pas... Par contre, je connais quelqu'un de connu et qui est... mon professeur d'histoire de la musique !!!!!!!!!! Il est carrément connu sur wikipédia ! faut le faire ! y a plein de sites sur lui ! Ca m'a choqué quand j'ai vu ca. Enfin bref, j'arrête de flooder, ^^

Oui, j'adore les instruments à cordes même lorsque les compositeurs leur vouent une dimension intimiste, tout en retenue, comme le fait un peu Vincent Paulet, d'ailleurs. Les cordes ont souvent un effet magique et immédiat sur moi. Jolie observation, Pianoline.

En rédigeant le catalogue des compositions de Vincent Paulet, quelque chose a titillé ma curiosité. Il s'agit de la harpe bleue dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'à aujourd'hui. Je me suis donc penché sur son cas et voici ce que j'ai trouvé:

<< Moderne et novatrice, cette harpe d'un bleu électrique, offre de surprenantes possibilités. Ses 47 cordes, toutes équipées d'un micro haute fidélité qui en capte la vibration épurée de tous bruits parasites, peuvent être reliées à un rack d'effets spéciaux qui permet, en temps réel, un traitement du son modulable à loisir. Instrument à trois facettes: harpe acoustique traditionnelle, harpe électrique amplifiée et harpe électro-acoustique, la Harpe Bleue libère l'interprétation de toutes contraintes et ouvre aux harpistes un territoire d'expression infini. Sa version avec table large, la Big Blue, offre des qualités acoustiques, une profondeur de timbre et une portée sonore quasiment identiques à celles d'une harpe traditionnelle. (Bois utilisés; érable, et épicéa pour la table d'harmonie - finitions: bleue ou toute finition sur demande - taille: 185 cm - Poids: 36 kg - tessiture: 47 cordes de Sol 00 à Do 45)>>

Ouaaaaaaa ! génial !!! Je ferai des recherches aussi sur la harpe bleue !! On fera un post à nosu deux sur la harpe bleue Icare, ^^

J'ai réécouté le seul album de Vincent Paulet que je possède et qui contient plusieurs pièces de sa musique de chambre:

La ballade des pendus pour mezzo-soprano, flûte, clarinette, violon, violoncelle, quatuor à cordes et piano, la Sonatine pour violon et piano, Nuit pour piano, la Sonate pour violoncelle et piano, la Partita pour flûte et piano et Sur un nuage pour piano.
C'est une musique très introvertie, beaucoup d'intériorité et de raffinement. Rien de viscéral ni de très exaltant, c'est plutôt la musique du recueillement et de la solitude, voire du détachement. C'est presque aux antipodes de ce que j'aime habituellement, peut-être pas le type d'oeuvres sur lequel je reviendrai souvent - je pense qu'il me faudra être dans l'humeur adéquate - c'est une musique qui s'apprivoise - toutefois, j'aime le contenu de ce cd avec une nette préférence pour La ballade des pendus, la Sonatine pour violon et piano et la Sonate pour violoncelle et piano. Il n'y a rien à faire, l'univers introverti et infiniment intime de Vincent Paulet a conquis le rêveur solitaire qui sommeille en moi.

Alors que je croyais avoir découvert le compositeur Vincent Paulet par les oeuvres citées ci-dessus dont La ballade des pendus, je me suis rendu compte en préparant mon cycle consacré à la musique de chambre contemporaine, qu'une oeuvre plus ancienne dormait sous une pile de cd et perdue sur une compilation qui s'est en plus avérée, après réécoute, intéressante en entier. Il s'agit de In memoriam Manuel de Falla pour piano et cinq instruments que Vincent Paulet composa en 1996 et qui résulte d'une commande de la Casa de Velàzquez. J'ai été profondément émerveillé par cette musique pleine de délicatesse, de sensibilité, de recueillement aussi où le piano (n'intervenant qu'à partir de 5 minutes 30 environ), le hautbois et le violoncelle ont leurs parties en solo. C'est à ce jour ce que j'ai entendu de plus beau chez ce compositeur. J'ai vraiment été séduit, tout d'abord par le son très sensible et inspiré des instruments solos, ceux que je viens de mentionner, puis par la formidable construction de l'oeuvre, l'usage de la variation qui en est fait. Une très belle sensibilité musicale transpire de cette composition.  

j'ai bien aimé l'extrait du De Profundis....nettement moins les autres oeuvres  

C'est marrant, Jean, dans le cas où tu écouterais les liens, j'avais prévu ta réponse. Je ne pense pas que cela soit dû à une quelconque qualité médiumnique de mon esprit tortueux,  mais disons que je commence à bien cerner les goûts des oiseaux qui fréquentent ce forum.

   

___De Profundis - Psaume 129 pour choeur mixte - Choeur de chambre Les Eléments sous la direction de Joël Suhubiette:    
Il y avait longtemps que je n'avais pas été autant séduit par une oeuvre pour choeur à cappella. Mais là je dois bien admettre, à ma grande satisfaction, que l'alchimie a fonctionné. J'ai été transcendé par la beauté de cette musique.

___Laus pour orgue - Véronique Le Guen: orgue Pascal Quoirin (Saint-Rémy de Provence):   

___Suspiros pour choeur mixte, ténor solo et quatre cordes - Hervé Lamy: ténor:    

___Salve Regina & Verset sur "Ave Maria Stella" & Elégie pour orgue - Véronique Le Guen:   

Très globalement satisfait de cet album, autant des oeuvres vocales - son "Suspiros" est également très beau - que des oeuvres pour orgue seul, alors que si l'instrument me fascine en lui-même, je ne suis pas toujours friand des oeuvres pour orgue solo. Là j'adhère complètement. Je ne regrette pas d'avoir eu la volonté d'approfondir ce compositeur et je pense que Jean devrait aimer ce disque, qu'il y a ici de quoi flatter généreusement son oreille. J'aimerais aussi connaître l'opinion de Ysov sur ses pièces d'orgue car mon oreille, certes moins experte que la sienne en ce domaine, fut réjouie parce qu'elle a entendu ou plutôt écouté. Laudec risque d'aimer aussi.

Je viens de réécouter, ce matin, les oeuvres mentionnées (pour ne pas dire "vantées") dans mon dernier commentaire du dimanche 13 octobre 2013. J'y évoquais avec éloge à l'appui, son magnifique De Profundis - Psaume 129 pour choeur mixte. Cette nouvelle écoute n'a fait que confirmer mon intérêt pour cette oeuvre. Ce n'était pas gagné d'avance avec une pièce religieuse pour choeur à cappella. Pour cela, il me faudrait remonter à Palestrina, passer par le fantastique Concerto pour choeur d'Alfred Schnittke où à certaines pépites composées par Ennio Morricone sur certains films tels que Giordano Bruno de Giuliano Montaldo avec Gian-Maria Volonté.. Toutefois, l'oeuvre vocale de Vincent Paulet qui a vraiment pénétré mon âme, est Suspiros pour choeur mixte, ténor solo et quatre cordes. Ha, cette oeuvre-là, je l'ai carrément kiffée. Elle a sublimé mon début de matinée!...les choeurs, les quatre instruments à cordes, le ténor...le pied total ou plutôt non, cette musique m'a davantage fait perdre pied pour me faire embrasser temporairement un monde meilleur.  

Je voudrais m'arrêter un moment sur les quatre pièces pour orgue seul qui complètent ce CD: Laus, Salve Regina, Verset sur "Ave Maria Stella", Elégie. Je voudrais rappeler ô combien ce compositeur est en mesure de me faire aimer l'orgue solo plus que je l'aime en général, notamment dans le répertoire du XXème siècle. Ce qui m'exaspère parfois chez certains compositeurs même réputés, c'est une surenchère de la puissance massive de cet incroyable instrument, un peu comme chez certains symphonistes qui, parfois épaulés par une armada d'orchestrateurs, abusent allègrement de la masse orchestrale, pensant qu'en y mettant plein de notes, de pirouettes rythmiques et d'orchestrations luxuriantes, ils signent forcément de la grande musique.   Quelle utopie! Alors l'orgue bourrin, envahissant et envahi de clusters, si ça en fait baver certains, moi ça me gonfle copieusement.  Les pièces d'orgue de Vincent Paulet sont fort heureusement d'une puissance intérieure et d'une spiritualité bien plus importante à mes oreilles. Paulet extirpe de l'orgue la puissance de la couleur et du "beau", plutôt que la puissance physique de l'instrument, c'est-à-dire dans une formidable économie d'effets et par des gestes musicaux d'une élégance rare et d'une merveilleuse fluidité . Il en ressort souvent une musique lunaire et lumineuse, rêveuse et hypnotique. 

Je n'ai malheureusement pas les mots-clef ou les mots magiques pour permettre à quiconque de ressentir ce que je ressens dans la musique contemporaine, surtout lorsque celle-ci s'engage dans des voies atonales ou simplement très introverties et jugées hermétiques ou du moins difficiles d'accès. Je pense qu'il n'y a pas de recette, de mode d'emploi, peut-être un cheminement personnel, je ne sais pas. Dans mon expérience, elle fut instantanée, immédiate. Comme je l'avais déjà écrit quelque-part, j'ai aimé des pièces de musique de chambre d'écriture sérielle sans même savoir ce qu'était la musique sérielle, ne connaissant alors Arnold Schoenberg que de nom. J'ai été spontanément fasciné par ces "nouvelles" structures sonores comme d'autres, certes plus nombreux, ont pu être fasciné par le rock, le baroque ou l'opéra. Personne ne m'avait pris par la main pour m'initier à cette musique-là - je devrais plutôt dire à "ces musiques-là" tant il y a une réelle diversité dans la création contemporaine. Je n'ai pas été conditionné par un père ou une mère qui en composaient ou en écoutaient ni n'avais pour obsession celle de me différencier des autres. Ca s'est fait comme ça comme ça aurait pu ne jamais se faire. Cependant, je suis toujours tenté de dire à un esprit perplexe: <<Ecoute ce que j'aime, tu n'aimeras sans doute pas mais tu sauras un peu mieux qui je suis!>> Si je dis tout ça c'est parce que, dans l'oeuvre de Vincent Paulet La Ballade des Pendus pour mezzo-soprano (Isabel Soccoja), clarinette, quatuor à cordes, piano et chef, il y a eu un passage d'une grande intériorité avec lequel j'ai ressenti une très agréable proximité émotionnelle. Ca m'est arrivé avec beaucoup d'autres musiques de compositeurs très différents de style et d'époque, mais c'est la première fois que je vis ce moment-là avec La Ballade des Pendus. Je ne me souviens plus du morceau, il y en a six en tout: "Strophe I, Commentaire I, Strophe II, Commentaire II, Strophe III, Envoi", mais c'est un moment purement instrumental où la voix d'Isabel Soccoja est absente. C'est tellement intime comme émotion que je ne pourrais pas la partager si ce n'est à une personne qui ressentirait de la même façon que moi et au même moment de l'oeuvre.

Je n'ai pas eu envie de réécouter Nuit ni Sur un Nuage pour piano seul. Je me suis surtout concentré sur sa courte Sonatine pour violon et piano, sa Sonate pour violoncelle et piano en trois mouvements et sa Partita 2 pour flûte et piano. Le disque étant plutôt long, plus de soixante-quinze minutes, j'ai bien fait de reporter les pièces pour piano seul. J'ai été complètement absorbé par la Sonate dans laquelle j'ai retrouvé ce grand moment d'intériorité que j'ai évoqué plus haut, entre le violoncelle et le piano, cette douceur irrésistible, cette "intimité" musicale d'une beauté subtile qu'il faut aller chercher par une écoute attentive et privilégiée qui n'est d'ailleurs pas toujours possible. Mais, lorsque la musique s'énerve, que le piano martèle et le violoncelle hausse le ton, qu'une sorte de valse bancale commence à se construire sans jamais vraiment se concrétiser, devenir une valse "classique", je jubile: ce moment musical me devient alors jouissif.

https://www.youtube.com/watch?v=6nBhjVDJO0A

J'estime que ce propos de Philippe Cathé résume très bien l'approche musicale de Vincent Paulet:

<<Lorsque Vincent Paulet et ses contemporains commencent à écrire, une certaine liberté musicale redevient possible. En France, quelques compositeurs qu'une dizaine d'années sépare de leurs cadets suivent depuis peu une voie indépendante. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale, la modernité redevient interrogeable. Vincent Paulet doit se situer par rapport à deux conceptions, antagonistes en apparence: l'avant-garde et la post-modernité. Il emprunte une voie médiane: une écriture librement atonale, mais intégrant progressivement certains éléments du passé.>>

C'est un point de son écriture que j'avais omis de préciser dans mon précédent commentaire. J'avais aussi omis de parler de sa Partita 2 pour flûte et piano, c'est sans doute parce que cette fois-ci elle ne m'a pas touché, m'a laissé de marbre. Pourtant, en tête du topic, je lui avais accordé un coeur. En même temps, je fus tellement captivé par sa Sonate pour violoncelle et piano que je devais être encore sous son influence pendant l'écoute de la "Partita". C'est quelque-chose qui m'arrive parfois. Lorsque je m'en souviens, j'inverse l'ordre d'écoute...Son De Profundis - Psaume 129 pour choeur mixte à cappella, interprété par le Choeur de Chambre Les Eléments sous la direction de Joël Suhubiette est vraiment très beau, cependant, l'oeuvre qui, lors de cette nouvelle écoute, m'a le plus fasciné est Suspiros pour choeur mixte, ténor solo (Hervé Lamy) et quatre cordes. Ha! le jeu de la contrebasse dans l'avant-dernier extrait et la puissance du choeur! L'oeuvre se constitue de cinq mouvements et voilà ce qu'en dit son auteur:

<<C'est au cours de mon séjour en Espagne en tant que pensionnaire de la Casa de Velazquez que j'ai découvert le "Cancionero Espiritual" dit "de Valladolid". De ce recueil de poésie mystique anonyme publié en 1549, j'ai extrait ce magnifique poème dont les trois premiers vers m'ont inspiré le titre "Suspiros"; ces trois vers liminaires résument la teneur de l'ensemble du poème: le thème de l'absence de Dieu et du mal de vivre qui en découle inspire au poète un feu roulant d'images puissantes, au long des dix strophes suivantes, habitées d'une exaltation visionnaire. La partition, elle, se divise en cinq sections enchaînées: "Ay de mi!", "Si en esta carcel", "Como no oyes?", "Si me trae tan congojosa", "Ay de mi!". Commande de l'association "Musique Nouvelle en Liberté", "Suspiros" est dédié à Joël Suhubiette et au choeur "Les Eléments" qui en donnèrent la première audition à Auch en 2004.>>

Tu parles avec tellement d'enthousiasme de Vincent Paulet que je voulais trouver une des œuvres qui t'ont plu, mais il ne semble pas y en avoir sur youtube.

Par contre il y a "Le Grand Stellaire", un morceau composé en 1991 et revu en 2003, où la flûte et la harpe ont des rôles solistes.



https://www.youtube.com/watch?v=78CtYmh-lnY

Voici ce qu'en dit Vincent Paulet sur son site :

Dès les premières esquisses du « Grand stellaire », la « harpe bleue », que j’ai surtout traité comme une harpe amplifiée, m’est apparue comme une sorte de messager chargé de délivrer des émotions latentes, occultées jusqu’alors par la puissance sonore limitée de la harpe traditionnelle. Au fil de l’écriture de l’œuvre, j’ai découvert un nouvel espace sonore, analogue à un ciel soudain empli de ces étoiles « nouvelles », qui, après des milliers d’années-lumière, décident un beau soir de nous livrer leur éclat.
Selon le Livre de la Genèse, Dieu fit le « grand luminaire » (le soleil), puis le petit (la lune) au quatrième jour de la Création ; dans le continuité de cette poétique, j’ai choisi « Le grand stellaire » pour titre de la partition, laquelle comprend trois mouvements : « Débridé », « En éveil » et « Éclatant ».
« Le grand stellaire » connut d’abord, en 1992, une version de chambre en trio commandée par les dédicataires de l’œuvre, la harpiste Martine Flaissier et le flûtiste Henry Vaudé, fondateurs de l’ensemble Controverse.
Dès 1994, je m’étais employé à développer la dimension harmonique de l’œuvre par l’adjonction d’un quatuor à cordes ; l’extension de ces parties à un orchestre à cordes, donnant naissance en 2003 à une nouvelle version (créée par Thomas Prévost (flûte), Martine Flaissier, Francis Petit (percussion) et l’Orchestre Philharmonique de Radio-France, sous la direction de Kirill Karabits, au cours du festival « Présences 2004 ») est l’aboutissement de cette préoccupation. Pour autant, chacune de ces versions successives, par son ambiance sonore particulière, conserve, à mon sens, sa pertinence.

Vincent Paulet

Cette œuvre correspond bien, je crois, à la définition  de Philippe Cathé : une voie médiane entre l'avant-garde et le post-modernisme. Il me semble même qu'il n'y a pas beaucoup "d'avant-garde" mais surtout du post modernisme  

Merci Joachim pour cette présentation. Effectivement, j'aime beaucoup sa musique en fonction de ce que je connais. Ca n'a pas été immédiat. Lorsque je m'étais procuré l'album qui contient La Ballade des Pendus, je m'étais même dit après une première écoute que j'avais peut-être fait l'acquisition de trop. Puis, aujourd'hui, j'aime beaucoup cette oeuvre ainsi que d'autres du même compositeur. En musique, il y a les coups de foudre immédiats...parfois éphémères...et ces oeuvres qui "s'installent" en nous progressivement pour ne plus jamais en ressortir. Il n'est pas toujours facile d'en expliquer les raisons, peut-être quelques hypothèses mûrement réfléchies sur la question...c'est à voir...Je n'ai pas encore écouté l'oeuvre que tu présentes par cette vidéo et souhaiterais découvrir Volcaniques pour orchestre symphonique, aimant beaucoup l'extrait présenté dans la conférence ci-dessus.

joachim a écrit:

Par contre il y a "Le Grand Stellaire", un morceau composé en 1991 et revu en 2003, où la flûte et la harpe ont des rôles solistes.

Ce n'est pas ma tasse de thé mais ça reste encore écoutable sans trop souffrir.

En fait, suite à nos récentes discussions sur la musique tonale/atonale, expérimentale, etc... Je me pose la question de savoir si finalement la musique doit être écrite par l'intellect ou par l'émotion.

J'ai l'impression que ceux expérimentent, qui usent et abusent de l'atonal, sont plus dans une recherche intellectuelle qu'émotionnelle. Je peux me tromper, car les ressentis et émotions sont très subjectives et propres à chacun, mais je me pose la question.

Pour faire une analogie, c'est un peu comme en peinture. Quand on commence à devoir expliquer son oeuvre c'est qu'à mon sens elle est "ratée" dans le sens où elle n'est pas assez émotionnelle pour se faire comprendre. On doit donc l'expliquer. Elle rate donc ça cible car, à mes yeux, l'art ne doit pas s'expliquer mais se ressentir.

L'intellect prend alors trop de place sur l'émotion et du coup, elle est d'un abord, me semble t-il, plus abscons que dans une "forme" plus "conventionnelle" qui, certainement, parlerait à plus de gens car il me semble (mais je peux me tromper) que naturellement nous sommes portés et attirés par l'harmonie et non la dissonance.

Snoopy a écrit:

En fait, suite à nos récentes discussions sur la musique tonale/atonale, expérimentale, etc... Je me pose la question de savoir si finalement la musique doit être écrite par l'intellect ou par l'émotion. J'ai l'impression que ceux expérimentent, qui usent et abusent de l'atonal, sont plus dans une recherche intellectuelle qu'émotionnelle. Je peux me tromper, car les ressentis et émotions sont très subjectives et propres à chacun, mais je me pose la question.

Nous pouvons tous trouver des démarches expérimentales qui entrent dans cette "catégorie", encore une question de curseur. Pour moi, ce serait François Bayle, l'inventeur de la musique acousmatique et quelques autres de cet acabit. Sinon, tous les contemporains qui m'intéressent et me fascinent, et que j'évoque régulièrement sur ce forum, même lorsque leur approche est atonale ou expérimentale, comme Thomas Marco, Mestres-Quadreny... ou Vincent Paulet (dans un autre registre) - autant le citer puisque nous sommes sur son topic - ne me semblent absolument pas négliger l'aspect émotionnel dans leur rôle de compositeur. Au contraire, j'y ressens des émotions fortes qui ne sont pas juste l'effet de surprise dû à l'originalité de leurs compositions, mais des émotions qui se renouvellent lors des écoutes suivantes, au fil des années. De toute façon, je pense très sérieusement que les créations ou expérimentations qui répondent à des démarches purement intellectuelles et conceptuelles sont déjà dans l'abîme. Peut-être que l'histoire, la musicologie, retiendra François Bayle comme l'inventeur de la musique acousmatique et Pierre Schaeffer le père de la musique concrète, dont les recherches sonores et autres ont pu être intéressantes et même passionnantes pour ce qu'elles sont: des travaux de chercheurs, mais je doute qu'on les retienne comme de grands compositeurs au sens où nous nous les considérons et dont les oeuvres continuent d'émouvoir et fasciner à travers les siècles.