Mauricio Kagel (1931-2008)

Mauricio Kagel est un compositeur, chef d'orchestre et metteur en scène argentin (mais résidant en Allemagne) né à Buenos Aires le 24 décembre 1931 et mort le 18 septembre 2008. Il est installé à Cologne depuis 1957. Il s'est principalement attaché au théâtre instrumental en renouvelant le matériau sonore (électroacoustique, sons divers). Mais il a également exploré les ressources dramatiques du langage musical contemporain dans des pièces radiophoniques, des films, des œuvres électroacoustiques, des formes anciennes.

Né en 1931 à Buenos Aires, Mauricio Kagel suit des études de musique, d'histoire de la littérature et de philosophie à l'Université de sa ville natale et devient conseiller artistique de l'Agrupacion Nueva Musica à l'âge de 18 ans. Il commence à composer ses premières pièces instrumentales et électroacoustiques. De 1955 à 1957, il est directeur des réalisations culturelles à l'Université et des études à l'Opéra de Chambre, et chef d'orchestre au Teatro Colón. En 1957, il s'installe à Cologne où il crée deux ans plus tard le Kölner Ensemble für Neue Musik, et entre 1969 et 1975, dirige les Cours de musique nouvelle à Cologne. Depuis 1974, il occupe la chaire de théâtre musical, ouverte pour lui à la Hochschule für Musik.

L'œuvre de Kagel est étendue et variée. Au début des années 1960, le compositeur a mis l'accent sur le théâtre instrumental, dont Sur Scène (1959) est la première manifestation et va faire de lui une autorité dans le paysage de la création musicale européenne. Par la suite, ses pièces instrumentales et scéniques se multiplient entrecoupées de symphonies de conception « ouverte », Hétérophonie et Diaphonies I, II et III. Dans les années 1970, il dirige son travail vers la grande tradition démontée (Bach, Beethoven, Brahms), à laquelle il intègre des formes de musique de variété.

En 1970, Ludwig van vient souligner, par le retentissement de sa version cinématographique, l'invention de Kagel dans les genres de la scène, du concert, du cinéma et de la radio. L'année suivante, Staatstheater précède de peu un retour à l'orchestre symphonique avec les Variationen ohne Fuge. Pièces instrumentales et pièces théâtrales continuent de s'imbriquer dans cette exploration des sons inouïs et des gestes « producteurs » de musique : de Charakterstück pour quatuor de cithares et Exotica pour instruments extra-européens (1972) aux deux opéras Die Erschöpfung der Welt (1980) et Aus Deutschland (1981).

Depuis les années 1980, Kagel brise de plus en plus les conventions et les habitudes auditives : Rrrrrrr..., ensemble de 41 pièces (1980-1982) et Troisième quatuor à cordes (1986-1987).

Mauricio Kagel est l'auteur de compositions pour orchestre, voix, piano et orchestre de chambre, de nombreuses œuvres scéniques, de dix-sept films et onze pièces radiophoniques. Il a reçu récemment le prix Erasmus.

Oeuvres:

Acustica (1970) électroacoustique
Ludwig van (1970) film
Guten Morgen! (1971) pièce radiophonique
Staatstheater (1971) théâtre musical
Mare Nostrum (1975) théâtre musical
Aus Deutschland (1981) théâtre musical
Passion selon saint Bach (1985) forme à l'ancienne
la Trahison orale(1988) théâtre musical
Idées fixes (1989) théâtre musical

Découverte aujourd'hui de VOX HUMANA? pour choeur et ensemble,FINALE pour ensemble,FÜRST IGOR,STRAWINSKY pour basse et ensemble,trois oeuvres de MAURICIO KAGEL,un autre de mes compositeurs préférés et je dois dire que je me suis bien éclaté, surtout les deux premières pièces qui contiennent de très bons passages. C'est très intense et dans VOX HUMANA? j'adore l'emploi des voix,l'intensité donc, le caractère touffu et tourmenté, le tissu harmonique. Cet enthousiasme kagelien s'est alors prolongé dans la relecture de sa SANKT-BACH-PASSION pour solistes,choeur et orchestre et c'est à peu près le même plaisir que j'ai éprouvé car cette oeuvre imposante de 99mn 59 contient,elle aussi,des moments fascinants...en tout cas pour moi... MAURICIO KAGEL m'apparait de plus en plus comme une des figures les plus attachantes de la musique du XXème siècle même si je suis conscient que sur ce,ce n'est pas sur ce forum que je vais trouver un fervent soutien,vu que le fil de Snoopy a été posté un premier novembre (à savoir si ce fut de cette année ou d'une autre) et qu'il n'a pas attiré les foules

N'est-ce pas lui ton nouvel avatar?
J'en ai entendu certainement sur France musique, probablement à une époque où sa musique m'a fait fuir spontanément ...je vais refaire une tentative...par curiosité ...

Icare a écrit:

MAURICIO KAGEL m'apparait
de plus en plus comme une des figures les plus attachantes de la musique du XXème siècle même si je suis conscient que sur ce,ce n'est pas sur ce forum que je vais trouver un fervent soutien,vu que le fil de Snoopy a été posté un premier novembre (à savoir si ce fut de cette année ou d'une autre) et qu'il n'a pas attiré les foules

C'était novembre 2006

Tu ne t'es pas trompé
Ce que j'ai entendu de lui à la radio m'a fait fuir à tout jamais

joachim a écrit:

Icare a écrit:

MAURICIO KAGEL m'apparait
de plus en plus comme une des figures les plus attachantes de la musique du XXème siècle même si je suis conscient que sur ce,ce n'est pas sur ce forum que je vais trouver un fervent soutien,vu que le fil de Snoopy a été posté un premier novembre (à savoir si ce fut de cette année ou d'une autre) et qu'il n'a pas attiré les foules

C'était novembre 2006

Tu ne t'es pas trompé
Ce que j'ai entendu de lui à la radio m'a fait fuir à tout jamais

merci pour tes encouragements Joachim!

Jean a écrit:

joachim a écrit:

Icare a écrit:

MAURICIO KAGEL m'apparait
de plus en plus comme une des figures les plus attachantes de la musique du XXème siècle même si je suis conscient que sur ce,ce n'est pas sur ce forum que je vais trouver un fervent soutien,vu que le fil de Snoopy a été posté un premier novembre (à savoir si ce fut de cette année ou d'une autre) et qu'il n'a pas attiré les foules

C'était novembre 2006

Tu ne t'es pas trompé  
Ce que j'ai entendu de lui à la radio m'a fait fuir à tout jamais

merci pour tes encouragements Joachim!  

  pas gentil, Joachim; tu lui as retiré le peu d'enthousiasme qui lui restait pour une nouvelle tentative.  

Bon,si ça peut vous rassurer,il y a une première période qui m'a fait fuir aussi et j'ai mis longtemps avant de me ré-intéresser à son Ka. Lui-même a d'ailleurs porté un regard critique sur cette dite-période au point d'instaurer dans certaines de ses pièces postérieures une forme d'auto-dérision,une façon de se moquer de lui-même,d'ironiser une avant-garde qui se mordait la queue. Et c'est justement un trait de caractère que j'aime chez KAGEL; un sens de l'humour qui transparait dans sa musique,ainsi qu'une dimension ludique et un rapport au théâtre.

L'oeuvre que je vous conseille et qui existe sur Naxos est DUODRAMEN et LITURGIEN,deux oeuvres de moins de 24mn pour solistes,choeur et orchestre. Si Au pire elles vous font fuir ou au mieux provoquent de l'ennui,il me parait alors plus raisonnable de faire vos   à MAURICIO KAGEL.

Jean a écrit:

N'est-ce ^pas lui ton nouvel avatar?

Non. C'est un autre de mes compositeurs chéris qui a aussi fait fuir Joachim Mais,cest vrai que Kagel a un peu de cette tête-là.

Icare a écrit:

Jean a écrit:

N'est-ce ^pas lui ton nouvel avatar?

Non. C'est un autre de mes compositeurs chéris qui a aussi fait fuir Joachim Mais,cest vrai que Kagel a un peu de cette tête-là.

et c'est indiscret de savoir qui c'est....ou c'est une nouvelle "Enigme" qui n'est pas à sa place?

Jean a écrit:

Icare a écrit:

Jean a écrit:

N'est-ce ^pas lui ton nouvel avatar?

Non. C'est un autre de mes compositeurs chéris qui a aussi fait fuir Joachim Mais,cest vrai que Kagel a un peu de cette tête-là.

et c'est indiscret de savoir qui c'est....ou c'est une nouvelle "Enigme" qui n'est pas à sa place?

Non ce n'est pas indiscret.

Jean a écrit:

et c'est indiscret de savoir qui c'est....ou c'est une nouvelle "Enigme" qui n'est pas à sa place?

Ce pourrait être un nouveau sujet, en effet


Icare, je vais te dire ce que j'ai écouté de Kagel :

Szenario, Liturgien, Duodramen : pour ces trois là, en effet, c'est plus abordable, quoique je n'achèterai pas le CD

Ce que j'ai trouvé particulièrement horrible : Anagrama, Musik für Renaissance, Halleluai, Anagrama, Furst Igor Stravinski, Atem, Phantasie für orgel mit obbligati, Transicion.

Il est quand même curieux que bien des contemporains, après être parti dans ces musiques inécoutables dans les années 1950/60, se soient ensuite ressaisis pour composer des musiques presque post romantiques : je pense par exemple à Penderecki, Part, Gorecki, et quelques autres que je pourrais citer en y réfléchissant davantage.

Jean a écrit:

Icare a écrit:

Jean a écrit:

N'est-ce ^pas lui ton nouvel avatar?

Non. C'est un autre de mes compositeurs chéris qui a aussi fait fuir Joachim Mais,cest vrai que Kagel a un peu de cette tête-là.

et c'est indiscret de savoir qui c'est....ou c'est une nouvelle "Enigme" qui n'est pas à sa place?

Il s'agit d'Ennio Morricone.

merci ...

joachim a écrit:

Jean a écrit:

et c'est indiscret de savoir qui c'est....ou c'est une nouvelle "Enigme" qui n'est pas à sa place?

Ce pourrait être un nouveau sujet, en effet


Icare, je vais te dire ce que j'ai écouté de Kagel :

Szenario, Liturgien, Duodramen : pour ces trois là, en effet, c'est plus abordable, quoique je n'achèterai pas le CD

Ce que j'ai trouvé particulièrement horrible : Anagrama, Musik für Renaissance, Halleluai, Anagrama, Furst Igor Stravinski, Atem, Phantasie für orgel mit obbligati, Transicion.

Il est quand même curieux que bien des contemporains, après être parti dans ces musiques inécoutables dans les années 1950/60, se soient ensuite ressaisis pour composer des musiques presque post romantiques : je pense par exemple à Penderecki, Part, Gorecki, et quelques autres que je pourrais citer en y réfléchissant davantage.

Des oeuvres que tu as trouvées particulièrement horribles, je connais Musik Für Renaissance, Furst Igor,Strawinsky et Transicion. Je ne me souviens plus de Transicion et j'ai découvert Furst Igor,Strawinsky pas plus tard qu'hier et ce n'est pas l'oeuvre qui a particulièrement retenu mon attention, davantage les deux autres avec lesquelles elle est couplée. Musik Für Renaissance qui a été écrite entièrement pour instruments anciens m'a déçu et me ramène à une oeuvre également écrite pour instruments anciens et bien plus belle du compositeur belge KAREL GOEYVAERTS ; "Que les fruits mûrissent cet été".

Les oeuvres que j'adore de MAURICIO KAGEL sont "Variété" pour ensemble: oeuvre-déclic,"5 Compass for Salon Orchestra","Pan" pour piccolo et quatuor à cordes,"Kantrimusik" pour ensemble, "Sérénade" pour trois instrumentistes,"Auftakte..." pour piano et percussion,"1898" pour voix d'enfants et instruments,avec violons Stroh, "Rrrrrr" pour piano à deux et quatre mains,"Ludwig van" pour ensemble,"MM 51" pour métronome et piano, "Duodramen","Liturgien" pour solistes,choeur et orchestre, "Szenario" pour orchestre, "Sankt-Bach-Passion pour solistes,choeur et orchestre, "Vox Humana?" pour voix et ensemble et "Finale" pour ensemble.

Je ne connais pas bien le parcours des compositeurs que tu cites ci-dessus,mais si MAURICIO KAGEL,comme PIERRE BOULEZ en France et ENNIO MORRICONE/ FRANCO DONATONI en Italie,ont mis un peu d'eau dans leur vin (après avoir mis un peu trop de vin dans leur eau   ), il a toute fois suivi une voie qui reste assez contemporaine et d'avant-garde, une voix très singulière, assez éloignée du post romantisme que tu évoques. Maintenant, il y a des oeuvres du PÄRT et GORECKI de la dernière époque que j'ai pu écouter mais qui ne m'ont pas convaincu. J'ai même trouvé le Stabat Mater du Polonais très soporifique.

Voilà le genre d'oeuvres qui ont dû faire fuir les pauvres Jean et Joachim! Il s'agit des quatuors à cordes I,II & III par le arditti string quartet! Le premier et le second sont de caractère très expérimental,de quoi décourager la tribune de ce forum, pourtant, bien que le second me laisse un peu dubitatif dans son résultat,je trouve que le premier possède un charme et surtout une poétique particulière,une singularité de la matière sonore qu'un ajout mesuré des voix des interprètes peint d'un vague souffle d'humanité. L'aspect bruitiste de cette musique théâtralisée,parfois à la limite d'elle-même,offre un relief saisissant au quatuor hors norme. Je serais enclin à dire que cette musique n'est pas seulement sonore,qu'elle est aussi visuelle et physique. Le troisième est plus accessible et contient davantage d'arrondis et de concession avec la forme tonale. Alors qu'il me donne une impression de "décousu",il contient d'excellents instants musicaux,comme autant de rebondissements bienvenus. Reste en prime,comme un oasis de fraicheur au beau milieu de cordes malmenées et arides,un PAN pour quatuor à cordes sur lequel une flûte exaltée et volatile virevolte de bon coeur.

Je suis en train d'écouter ce CD de quatuors par les Arditi



Que Jean (sans doute) et moi soyions horrifiés par les deux premiers quatuors, ce n'est pas peu dire Que des dissonances, du bruit en quelque sorte, sans queue ni tête. Dans le second, on a même l'impression que ce ne sont plus les cordes qui jouent, mais les instrumentistes qui tapent sur le bois du violon !

Les deux premiers quatuors ont été composés simultanément, entre 1965 et 1967. Ils sont (heureusement !) très courts : 11 et 10 minutes, et d'un seul mouvement. Bien plus tard, en 1986/1987, Kagel compose son troisième quatuor, très différent il s'est sans doute rendu compte à quel point les deux premiers étaient laids Celui ci est en quatre mouvements et dure pas moins de 37 minutes. Ce n'est toujours pas ma tasse de thé, mais celui ci s'écoute quand même sans trop de déplaisir. même si on est soulagé quand c'est fini, car 37 minutes c'est long
Pour compléter le CD, une courte pièce de 5 minutes, pour flûte piccolo et quatuor à cordes, intitulée Pan, et qui est censée rappeler le Syrinx de Claude Debussy. On en est assez loin ! Disons que la pièce est écoutable, sans plus, bien que ce soit ce qu'il y a de mieux sur le CD.

Je t'avais prévenu. Le second est très chiant comme je l'avais mentionné, mais n'étant pas réfractaire à certaines formes d'expérimentations, j'avoue trouver le premier intéressant par sa dimension bruitiste justement et théâtrale et je ne déteste pas les compositeurs lorsqu'ils maltraitent un peu les instruments et les instrumentistes afin d'en tirer des ambiances sonores insolites, voire inédites. La beauté et la cohérence au sens où tu l'entends, Joachim, n'étant pas l'objectif recherché ici. Cependant, je reconnais qu'avec les deux premiers quatuors de Kagel on flirte avec le bruit et on est à la limite acceptable (selon moi) de la musique. Dans ce registre, j'apprécie certains résultats des expérimentations et improvisations instrumentales du groupe italien NUOVA CONSONANZA que j'avais déjà évoqué dans le topic "Morricone".

Réécoute de la première partie de sa SANKT-BACH-PASSION pour solistes, narrateur, choeur et orchestre, et ce fut pour pour moi une plongée dans cette oeuvre passionnée et passionnante de MAURICIO KAGEL. J'ai hâte de prolonger l'aventure avec la seconde partie. Ce que j'adore avec ce genre de musique intense et profonde, c'est qu'à chaque nouvelle écoute, j'ai l'impression de la découvrir pour la première fois. Il y a toujours ce quelque chose de profondément mystérieux et énigmatique dans sa musique, et celle-ci me fascine particulièrement.   Les éléments qui me happent et me séduisent sont autant d'éléments qui m'échappent, se glissent entre les filets de ma perspicacité analytique. La musique de Kagel m'échappe et me fascine et je ne suis pas loin de le considérer comme un véritable génie de la musique moderne.

Et bien la seconde partie de cette Sankt-Bach-Passion m'a été plus poignante encore que la première. Très intéressante musique!!

La réécoute d'aujourd'hui ne fait que confirmer ce que j'ai écrit ci-dessus. D'ailleurs, cette oeuvre (SANKT - BACH - PASSION) ne manque pas de moments très harmonieux et lyriques, que ce soit dans la première partie ou la seconde. Une de mes oeuvres contemporaines de chevet. Grand moment d'émotion pour moi que cette Passion en l'honneur de Bach!!

JEAN; si je devais te conseiller d'écouter une oeuvre de Kagel, ce serait justement celle-ci!

Je viens de réécouter "L'oeuvre pour violoncelle", un album (cd) qui contient 7 pièces musicales de Mauricio Kagel qui, de toute évidence, ne réconcilieraient pas Joachim avec la poétique pourtant bien réelle du compositeur.
 
La première pièce du cd intitulée Match pour deux violoncelles avec jeux de percussions m'a bluffé. Si la musique est à la limite d'un agencement judicieux des bruits et des sons, l'association "Violoncelle-Percussion" fonctionne particulièrement bien à mes oreilles, ce qui n'était pas gagné. Le jeu des percussions et des castagnettes à un moment donné, le son boisé des violoncelles, les coups secs qui pimentent le geste musical, le contexte humoristique de certains passages...

Extrait d'interview sur Match:


Christophe Roy: Match exige une très grande virtuosité gestuelle.


Werner Klüppelholz: Oui, car Kagel, particulièrement dans sa première période, a établi un classement extrêmement systématique du matériau musical. Il a élaboré des tableaux avec tous les modes de jeu concevables d'un instrument, pour la guitare et la contrebasse dans Sonant (1960) et pour le violoncelle, dans Match justement. Dans cette oeuvre, Kagel a toujours traité les deux mains des interprètes de façon indépendante, ce qui accroît naturellement encore la complexité gestuelle. Les deux violoncellistes qui assurèrent la création de l'oeuvre, Siegfried Palm et Klaus Storck, étaient époustoufflés par la connaissance qu'avait Kagel du violoncelle. A l'origine, c'était en fait Pierre Panassou, du Quatuor Parrenin, qui devait jouer avec Palm, mais il n'était pas possible que les interprètes travaillent séparément, à Paris et à Cologne, une pièce si difficile et si inhabituelle.

La seconde oeuvre du cd, General Bass, pour 5 violoncelles, ne m'a pas particulièrement impressionné. J'ai même l'impression d'avoir oublié son contenu. En revanche, sa pièce pour violoncelle solo et interprétée par Christophe Roy, Siegfriedp' m'a beaucoup diverti. Dans un registre très incisif et s'articulant autour d'un motif mélodique récurrent, le violoncelle instaure une dimension obsessionnelle ponctuée par des interventions quasi-théâtrales de la voix humaine. << Dans Siegfriedp', Kagel invente un usage inédit des sons harmoniques, utilisant des doubles effleurements délimitant les portions de corde d'une manière plus précise.>>

Unguis Incarnatus est pour violoncelle et piano est une pièce intéressante, plus intéressante que la version pour douze violoncelles de Magic Flutes qui ne m'a pas particulièrement transporté. La dernière pièce du cd pour ensemble de violoncelles, Motteten, la deuxième oeuvre la plus longue avec Match, m'offre une conclusion bien plus consistante et nerveuse. De la chouette musique tourmentée comme j'aime!

Toujours à propos de Unguis Incarnatus est:


__Cette oeuvre pour piano et... est construite à partir des cinq premières notes de la pièce pour piano tardive de LISZT, Nuages gris. Il s'agit assurément d'un hommage au LISZT devenu, avec ses dernières oeuvres, un ancêtre de la nouvelle musique. Par ailleurs, KAGEL était fasciné par la façon dont le compositeur hongrois avait pu passer - pour dire les choses simplement - d'un très grand nombre de notes à un nombre très restreint, comment le virtuose des transcriptions d'opéra avait évolué vers l'ascétisme. La fascination de KAGEL n'est toutefois jamais complètement désintéressée. Son dialogue imaginaire avec ses prédécesseurs tourne toujours autour de la question: "comment moi, je peux aller plus loin? - Vers quoi dois-je m'orienter à présent? - et pourquoi pas vers les nombreuses formes du <théâtre instrumental>?

Je continue mon soliloque sur la musique de Mauricio Kagel avec une oeuvre que je ne saurais comment définir. Elle fait appel à trois voix d'opéra, une soprano, un alto, un ténor, un ensemble instrumental que j'affectionne particulièrement; clarinette, trompettes, tuba, banjo, guitare, violon et piano. Je me suis régalé à l'écoute de cet univers musical iconoclaste et poétique qui sort de l'ordinaire, mêlant de manière cocasse musique savante et divers éléments de musique populaire. J'y adore l'instrumentarium bien sûr avec l'intervention heureuse et profane du banjo, cet instrument qui tire, non sans ironie, la langue aux puristes. Le récit musical est un monde vivant et ludique par lequel une légèreté apparente prend un ton profond et original: l'oeuvre s'intitule Kantrimiusik (1973-75), Pastorale für Stimmen und instrumente, s'accapare aussi des sons de la nature comme les chants d'oiseaux, le fouet d'une averse d'orage et, à la toute fin, les différents bruits de la ferme, cris d'animaux divers et moteur d'un tracteur qui démarre. Bien sûr, ces sons concrets n'interviennent que ponctuellement au sein d'un récit musical et théâtral qui a tout l'espace nécessaire pour y exprimer une humeur et un style "populo-savant" auquel je suis très friand.

Icare a écrit:

Je continue mon soliloque sur la musique de Mauricio Kagel

soliloque
(nom masculin)
Discours d'une personne qui s'entretient avec elle-même

Oui, je n'ai pas choisi ce mot par hasard mais le smiley que j'avais installé juste après ne s'est pas imprimé.