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 Luciano Berio (1925-2003)

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Icare
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MessageSujet: Re: Luciano Berio (1925-2003)   Luciano Berio (1925-2003) - Page 2 Empty2018-01-30, 23:00

A propos de RENDERING PER ORCHESTRA - Schubert/Berio:

<< Au cours de ces dernières années, j’ai souvent été sollicité pour faire «quelque chose» avec Schubert, et je n’ai jamais eu de mal pour résister à cette invitation aussi gentille qu’encombrante. Jusqu’au moment, pourtant, où j’ai reçu une copie des esquisses que Franz, âgé de trente et un ans, avait accumulées pendant les dernières semaines de sa vie en vue d’une Dixième Symphonie en ré majeur (D. 936 A). Ces esquisses sont assez complexes et d’une grande beauté: elles représentent un signal prémonitoire des nouvelles voies, post-beethovéniennes, que Schubert avait déjà commence à explorer. Séduit par ces esquisses, j’ai donc décidé de les restaurer, de les restaurer et non de les reconstruire.
Je n’ai jamais été attiré par ces opérations de bureaucratie philologique qui conduisent parfois un musicologue imprudent à se prendre pour Schubert (si ce n’est pour Beethoven) et à «compléter la Symphonie comme Schubert l’aurait fait lui-même». Curieuse forme de mimétisme, semblable à ces anciennes restaurations de peinture, parfois responsables de dommages irréparables, comme en témoignent par exemple les fresques de Raphaël a la Farnesina de Rome. Tout en travaillant sur les esquisses de Schubert, je me suis proposé d’appliquer les critères modernes de restauration qui s’efforcent de «rallumer» les couleurs d’époque sans pour autant cacher les atteintes du temps et les vides inévitables dont souffre l’œuvre, comme c’est le cas de Giotto à Assise.
Les esquisses laissées par Schubert, le plus souvent sur une seule portée, suggèrent de rares indications instrumentales et relèvent quasiment de la sténographie; j’ai les ai complétées, surtout dans les parties intermédiaires et dans les basses. Leur orchestration n’a pas posé beaucoup de problèmes. J’ai utilisé la même instrumentation de l’Inachevée (deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes, deux bassons, deux cors, trois trombones, timbales et cordes) et dans le premier mouvement (Allegro), j’ai souvent essayé de sauvegarder une évidente couleur schubertienne. Mais pas constamment. Il y a de brefs épisodes du développement musical qui semblent tendre la main à Mendelssohn et l’orchestration naturellement suit. Enfin, le climat expressif du second mouvement (Andante) est stupéfiant: il semble habité par l’esprit de Mahler. Dans les vides entre une esquisse et l’autre, j’ai composé un tissu connectif toujours différent et changeant, toujours pianissimo et «lointain», entremêlé de réminiscences du dernier Schubert (la Sonate en si bémol pour piano, le Trio en si bémol avec piano, etc.) et traversé par des développements polyphoniques conduits sur des fragments des mêmes esquisses. Ce délicat ciment musical qui commente la discontinuité et les lacunes entre une esquisse et l’autre est toujours signalé par un célesta. Pendant les derniers jours de sa vie, Schubert prenait des leçons de contrepoint. Le papier à musique coûtait cher, et c’est peut-être pour cette raison que, mélangé aux esquisses de la Dixième Symphonie, on trouve un bref exercice élémentaire de contrepoint (un canon par mouvement contraire). Je n’ai pas pu m’empêcher de l’orchestrer et de l’assimiler au parcours stupéfiant de l’Andante. L’Allegro final est également étonnant et certainement le mouvement orchestral le plus polyphonique qu’ait jamais écrit Schubert. Ces dernières esquisses, bien que très fragmentaires, sont d’une grande homogénéité, et nous montrent Schubert engagé dans la recherche de différentes possibilités contrapuntiques offertes par un seul et même matériau thématique. Cependant, ces esquisses présentent alternativement le caractère d’un Scherzo et celui d’un Finale. Cette ambiguïté, que le jeune Schubert aurait peut-être résolue ou en quelque sorte «exaspérée», m’attirait particulièrement: en fait, mes «ciments» visent, parmi d’autres choses, à la rendre structurellement expressive. J’ai composé cet hommage à Schubert entre 1989 et 1990 pour l’Orchestre du Royal Concertgebouw d’Amsterdam.
>>  Luciano Berio.

Je crois que je n'ai jamais autant apprécié Rendering per Orchestra que ce soir. L'oeuvre se divise en trois mouvements, les deux premiers dépassant les dix minutes chacun et le troisième atteignant presque les treize minutes. Elle est interprétée par l'Orchestre Régional de Cannes Provence - Alpes - Côte d'Azur sous la direction de Philippe Bender. Ne surtout pas croire qu'on y entend que du "Schubert". Berio y est bien présent, glissant temporairement et à plusieurs reprises dans un complexe harmonique bien plus axé dans la modernité, sublimé par de délicates sonorités statiques apportant une dimension onirique à ces passages: d'une certaine manière, c'est Berio qui s'immisce dans la musique de Schubert, d'abord en début d'oeuvre, tel un caméléon, arborant une fanfare introductive qui ne lui ressemble pas vraiment, puis, plus périodiquement, se révélant sous son vrai visage, délaissant le génie romantique pour des couleurs plus personnelles et mystérieuse: c'est à ce moment-là que la musique me touche le plus. Que Schubert me pardonne! Toutefois, j'aime aussi cette oeuvre pour le lien qu'elle scelle intelligemment entre hier et aujourd'hui, entre le passé et le présent, entre le Romantique et le Moderne, finalement en parfaite osmose avec le déroulement de mes écoutes actuelles qui alternent des cantates de J.S. Bach (les dernières écoutées; BWV 120/11/9/112) et des compositions du vingtième siècle.

https://www.youtube.com/watch?v=gm7tCxRJlss


Orchestra Sinfonica di Milano Giuseppe Verdi
Riccardo Chailly: direction.
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MessageSujet: Re: Luciano Berio (1925-2003)   Luciano Berio (1925-2003) - Page 2 Empty2020-04-20, 09:35

Icare a écrit:
Il y a un moment que ses 11 Folk Songs m'attirent et seront très probablement un de mes achats de 2011!Very Happy

Nous sommes en 2020, neuf ans se sont écoulés et je ne connais toujours pas ses 11 Folk Songs! Certes, j'ai découvert un bon nombre d'oeuvres merveilleuses de divers compositeurs à la place, mais quand même, depuis 2011 du temps s'est écoulé et je n'ai pas progressé dans mon exploitation de l'oeuvre de Luciano Berio. Ce matin, je suis donc revenu à une création que je connaissais déjà depuis justement 2011 et que j'ai déjà écoutée plusieurs fois et que je réécouterai encore, en espérant, cette fois, que j'aurai découvert ses 11 Folk Songs. Il s'agit de son étonnante mais surtout très attachante Sinfonia pour huit voix et orchestre, avec le violon de Régis Pasquier, le "New Swingle Singers" sous la direction de Ward Swingle. C'est une oeuvre que j'aime beaucoup parce qu'elle m'évoque un peu le théâtre d'une certaine manière, même si bien évidemment je ne la rangerais pas dans la catégorie du théâtre musical tel qu'il a pu être imaginé et conçu par, par exemple, Mauricio Kagel qui fait partie des compositeurs contemporains que j'ai le mieux approfondis. Parallèlement, j'ignore pourquoi je n'ai pas plus approfondi l'oeuvre de Berio à partir de cette "Sinfonia", compositeur qui fut pourtant l'un des tous premiers "grands noms" (médiatisés) de la musique contemporaine que j'ai écoutés. Ce fut par le biais d'un album qui s'intitule Coro, par le "Cologne Radio Chorus" et le "Cologne Radio Symphony Orchestra" sous la direction de l'auteur, une grande oeuvre chorale d'un peu moins d'une heure pour voix et instruments composée entre 1975 et 1977. Il était même devenu très vite un de mes albums préférés dans ce domaine. Sinfonia pour huit voix et orchestre fait partie de ces oeuvres qui me touchent, m'interpellent positivement...je précise car le fait qu'une oeuvre musicale ou un extrait m'interpelle ne veut pas systématiquement dire qu'il m'a séduit, interpeller et séduire n'étant pas synonymes, du moins pas chez moi. On peut par exemple être interpellé par l'étrangeté d'une oeuvre ou d'un extrait musical sans être séduit pour autant. Mais, concernant la "Sinfonia" de Berio, là je dis bingo! car je peux effectivement dire que j'ai été à la fois interpellé par son étrangeté et séduit par l'ambiance globale de l'oeuvre. En revanche, j'ai beaucoup de mal à définir mon ressenti avec des mots ni même d'en apporter une description poétique. Ca viendra peut-être un jour. Du coup, je préfère rapporter un extrait du commentaire de Luciano Berio lui-même:

<<Le titre doit être pris au sens étymologique désignant des instruments (ici huit voix et instruments) "jouant ensemble" ou, au sens large, de "jeu collectif" d'éléments, de situations, de références, etc... différentes. Le développement musical de "Sinfonia" est constamment conditionné par la recherche d'une identité et d'une continuité entre voix et instruments, entre texte et musique, entre mots parlés et mots chantés et entre les différentes étapes harmoniques de l'oeuvre. Souvent, le texte n'est pas immédiatement perceptible en tant que tel. Les mots et leurs composantes sont soumis à une analyse qui est partie intégrante de la structure musicale générale: voix et instruments. C'est précisément parce que le degré de perception du texte, variable au cours de l'oeuvre, s'intègre à la structure musicale que le fait de "ne pas entendre clairement" doit être compris comme essentiel à la nature même de l'oeuvre.>>
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Icare
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MessageSujet: Re: Luciano Berio (1925-2003)   Luciano Berio (1925-2003) - Page 2 Empty2020-04-30, 07:28


Hier, j'ai réécouté une des premières oeuvres qui m'ont fait entrer dans la musique contemporaine, il s'agit de Coro de Luciano Berio, pour voix et instruments, par le "Cologne Radio Chorus" et le "Cologne Radio Symphony Orchestra" sous la direction de l'auteur. A l'époque, elle avait été un véritable coup de coeur, un coup de coeur qui ne s'est jamais érodé avec le temps. J'aime toujours autant cette oeuvre qui a en son sein des textures et des combinaisons sonores originales qui conservent toute leur fraîcheur aujourd'hui. Après la musique sacrée d'Igor Stravinsky, ce fut une nouvelle réjouissance, un nouveau moment d'exception, ce furent surtout ces émotions qui m'étaient familières et sont remontées à la surface, celles que j'avais ressenties lors de la première écoute, dans l'intensité du moment...

<<Composé entre 1975 et 1976 pour le "Westdeutscher Rundfunk de Cologne et dédié à Talia Berio, CORO renoue avec le chant populaire qui, de manière explicite, avait déjà fourni la base de Folk Songs (1964) et de Questo vuol dire che (1970). Dans CORO, cependant, je n'ai pas cité ou transformé de chants populaires véritables (à l'exception de l'épisode VI, dans lequel est utilisée une mélodie yougoslave, et de l'épisode XVI, où je reprends une mélodie de mes Cries of London, mais on y trouve plutôt exposés et parfois combinés entre eux des techniques et des modes populaires les plus divers, sans aucune référence à des chants particuliers. Dans CORO, la fonction musicale de ces techniques et de ces modes se voit continuellement modifiée. Il ne s'agit donc pas seulement d'un choeur de voix et d'instruments, mais aussi d'un choeur de techniques diverses allant du lied à la chanson, des hétérophonies africaines (comme les a analysées Simha Arom) à la polyphonie. Dans l'éventail plutôt large des techniques adoptées dans CORO, l'élément populaire n'est naturellement pas le seul. J'insiste parce qu'il s'agit là d'un aspect fondamental de la structure générale de l'oeuvre: une structure essentiellement épique et narrative, formée surtout d'épisodes formant un tout en soi et souvent contrastant les uns avec les autres. Il ne s'agit pas toutefois d'un contraste élémentaire, un seul et même texte revenant en effet à plusieurs reprises avec des musiques diverses ou bien le même modèle musical se représentant plusieurs fois avec des textes divers; tantôt les voix s'identifient totalement à l'articulation instrumentale, tandis que le texte engendre ses propres transformations phonétiques qui se propagent d'un épisode à l'autre, tantôt enfin la vélocité d'énonciation des paroles varie indépendamment de l'articulation générale.>> Luciano Berio.
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Pébété

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MessageSujet: Re: Luciano Berio (1925-2003)   Luciano Berio (1925-2003) - Page 2 Empty2023-03-17, 15:19

Je découvre ce compositeur  Luciano Berio (1925-2003) - Page 2 862589
Etonnant et séduisant.

Azerbaijan Love Song

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