Adam de la Halle (1240?-1288?)

Adam le Bossu (c'est le nom de son père, un bourgeois aisé dont il hérite aussi du surnom, de la Halle) naît à Arras entre 1240 et 1250, se marie vers 1270, et se fait d'abord connaître comme poète. Vers 1276, il part (peut-être) étudier à Paris et reçoit le titre de maître ès Arts. Vers 1280, il entre au service de Robert II d'Artois, puis de Charles Ier d'Anjou, roi de Naples. C'est ainsi à Naples (v. 1283-1284) qu'est représenté son Jeu de Robin et Marion, développement dramatique du genre de la pastourelle. La date de sa mort est controversée : en 1288 en Italie ou après son retour à Arras en 1306.

Adam de la Halle est un poète et un musicien remarquable. Il a composé de nombreuses pièces courtes (chansons, jeux-partis, rondets de carole, motets, rondeaux polyphoniques), un dit, un congé (son adieu à Arras, vers 1280), et surtout une importante oeuvre théâtrale, qui marque l'éclosion des premiers textes du théâtre profane français.

Poète et compositeur, il intéresse aussi bien l'histoire de la littérature que l'histoire de la musique. On l'appelle quelquefois le dernier des trouvères, car son art présente une double appartenance : il se rattache à la musique monodique (pratiquée par les troubadours du sud de la France et par les trouvères du nord aux XIIe et XIIIe siècles), mais il est aussi héritier du premier grand développement de la musique polyphonique (celle qu'avaient pratiquée les musiciens de l'École de Notre-Dame de Paris, avant et après l'an 1200).

Il est l'auteur des deux premières pièces de théâtre profanes françaises conservées : le Jeu de la Feuillée (1276) et le Jeu de Robin et Marion (vers 1274-1282).

Le Jeu de la Feuillée, ou Jeu d'Adam (v. 1276), notamment, est une oeuvre très originale, qui met en scène Adam, le poète, vêtu en clerc, sa famille, ses voisins, et trois fées. Adam veut prendre congé pour aller faire ses études à Paris, mais se laisse entraîner à la taverne. Adam de la Halle mêle dans cette pièce le motif merveilleux du repas de fées, invitées sous la feuillée par les chrétiens, et le thème du congé, qui est traité sur un ton grinçant, dans un style vif et familier. Ce jeu riche et polysémique (la feuillée est à la fois la loge de verdure de la statue de la Vierge au marché d'Arras, et la "folie", très présente) est un théâtre vivant, mêlant satire et merveilleux, burlesque et quotidien.

Ce Jeu de la Feuillée, en fait, n'est pas une oeuvre musicale mais du théâtre mimé.
Par contre le Jeu de Robin et Marion comporte, entre des scènes théâtrales, des chansons et des danses instrumentales. C'est l'histoire d'un chevalier, Aubert, qui tente de séduire Marion, une jeune bergère, mais celle-ci est amoureuse de Robin, un paysan du village.

Malheureusement le jeu de la Feuillée n'existe pas en CD. D'ailleurs je ne l'ai jamais entendu ! Par contre on peut trouver le Jeu de Robin et de Marion, mais il est difficile d'avoir un bon enregistrement (celui qui est sorti chez Naxos il y a quelques mois est nul). J'ai un enregistrement sur disque vinyl 33 tours chez Archiv Production par le Pro musica antiqua, qui ne semble pas réédité en CD.

J'ai enfin trouvé un bon enregistrement du Jeu de Robin et Marion ,celui-ci par l'ensemble Micrologus :

http://www.amazon.fr/Adam-Halle-jeu-Robin-Marion/dp/B00029RS5Y/ref=sr_1_3?ie=UTF8&s=music&qid=1233602414&sr=1-3

Quant au Jeu de la Feuillée, dont je m'étonnais que l'on ne le trouve pas en CD, et pour cause : ce n'est pas une oeuvre musicale, mais du théâtre mimé.
On ne le trouve qu'en livre.

Oeuvres : 3 ou 4 oeuvres scéniques, 36 Chansons, 46 rondets de carole, 18 jeux-partis, 14 Rondeaux, 5 Motets, 1 rondeau-virelai, 1 dit d'amour, 1 congé.

Catalogue Wilkins (W)


Pour la scène :

Le Jeu de Robin et Marion (1275)
Le Jeu d'Adam ou de la Feuillée (1276)
La Chanson du rou deSicile (1282)
Le Jeu du Pèlerin (1287?, attribution)


Chansons

D'amourous cuer voel vueil chanter • W. 3a
Li Joli maus que je sent ne doit mie • W. 3b
Je n'ai autre retenance • W. 4
Il ne muet pas de sens celui qui plaint • W. 5
Helas, ils n'est mais nus qui n'aint • W. 6a
Helas, ils n'est mais nus qui aint • W. 6b
On me defent que mon cuer pas ne croie • W. 7
Je senc en moi l'amour renouveler • W. 8
Li Maus d'amer me plaist mieus a sentir • W. 9
Li Dous maus me renouvelle • W. 10a
Pour quoi se plaint d'Amours nus • W. 10b
Merci, Amours, de la douce doulour • W. 11
On demande mout souvent qu'est amours • W. 12
Au repairier de la douce contree • W. 13
Amours m'ont si doucement • W. 14a
De chanter ai volenté curieuse • W. 14b
Ma Douce dame et amours • W. 15
Merveille es quel talent j'ai • W. 16a
Qui a droit veut Amours servir • W. 16b
Sans espoir d'avoir • W. 17
Je ne chant pas reveleus de merci • W. 18
Tant me plaist vivre en amoureus dangier • W. 19
Dame, vos hom vous estrine • W. 20a
Mout plus se paine amours de moi esprendre • W. 20b
Pour ce se je n'ai esté • W. 21
Or voi je bien qu'il souvient • W. 22
Puisque je sui l'amoureuse loi • W. 23
Glorieuse vierge Marie • W. 24a
Se li maus qu'Amours envoie • W. 24b
Dous est li maus qui met le gent en voie • W. 25
Amours ne me vent oir • W. 26
De cuer pensieu et desirant • W. 27a
De tant con plus aproisme mon pais • W. 27b
Grant deduit a et savoureuse vie • W. 28a
Qui n'a pucele ou dame amée • W. 28b
Onkes nus hom ne fu pris • W. 29


Rondeaux (à 3 voix)

Je muir, je muir, d'amourete • W. 49
Li Dous regars de me dame - 2 versions • W. 50
Fines amouretes ai : virelai • W. 51a
Hareu, li maus d'amer • W. 51b
A Dieu commant amouretes • W. 52
Fi, maris, de vostre amour • W. 53
Amours, et ma dame aussi • W. 54
Dame, or sui trais • W. 54
Or est Baiars en la pasture • W. 55
A jointes mains vous proi • W. 56a
Diex, comment porroie • W. 56b
Hé, Diex, quant verai • W. 56c
Bonne amourete • W. 57a
Trop desir a veoir • W. 57b
Dieus soit en cheste maison : ballade • W. 58a
Tant con je vivrai • W. 58b


Motets à 3 voix

A Dieu commant amouretes/Aucun se sont loé d'amours/Super te • W. 60
De ma dame vient/Diex, comment porroie/Omnes • W. 62
Entre Adan et Hanikiel/Chiès bien séans/Aptatur • W. 65
J'os bien a m'amie parler/Je n'os a m'amie aler/Seculum • W. 68
J'ai adès d'amours chanté/Omnes • W. 69


Motets à 3 voix attribués

Dame bele e avenant/Fi, mari.../Nus n'iert ja jolis s'il n'aime • W. 72
Mout me fu grief li departir/Robin m'aime, Robin m'a/Portare • W. 73
En mai, quant rosier.../L'autre jour.../He, resvelle toi Robin • W. 74
Bien met amours son pooir/Dame, alegies ma grevance/A Paris • W. 76
Theoteca Virgo geratica/Las, pour quoi.../Qui prandroit • W. 78
Se je sui liés et chantans/Jolietement/Omnes • W. 80


Jeux-partis

Adan, s'il estoit ainsi • W. 30a
Adan, vauriés vous manoir • W. 30b
Adan, d'amours vous demant • W. 31
Sire Jehan, aime ne fustes partis • W. 32
Adan, a moi respondés • W. 33a
Adan, se vous amiés bien loiaument • W. 33b
Adan, qui aroit amée • W. 34
Adan, vous devés savoir • W. 35
Adan, mout fu Aristotes sachans • W. 36
Adan, amis, je vous dis une fois • W. 37
Adan, amis, mout savés bien vo roi • W. 38
Compains, Jehan, un gieus vous vueil partir • W. 40
Adan, si soit que ma feme amés tant • W. 41
Adan, li qués doit mieus trouver merci • W. 42a
Assignés CI, Grieviler, jugement - avec Jehan de Grieviler • W. 42b
Avoir cuidai, engané le marchié • W. 43
Sire, assés sage vous voi • W. 44
Adan, du quel cuidiés vous • W. 45

Est-ce que ce jeu de Robin et Marion ne peut pas être considéré comme le premier opéra, trois siècles avant Monteverdi ?

https://www.youtube.com/watch?v=5cj0rly3JxY



Ça n'a pas dû être facile pour ces étudiants américain de parler et chanter en vieux français !!!


Ici, une autre version par l'Ensemble Micrologus

https://www.youtube.com/watch?v=-tlh6hxU_cY


J'ai quand même une préférence pour celle-ci.

Adam de la Halle, outre ses deux pièces et ses multiples rondeaux et chansons, a composé quelques morceaux religieux, comme ce "Glorieuse Vierge Marie"



https://www.youtube.com/watch?v=8IILqYzQPBU

ou ce motet "Entre Adan et Anikel"

https://www.youtube.com/watch?v=GuSvKLrWXR4

Adam de la Halle occupe une position unique à cheval sur deux courants de l'histoire de la musique. D'une part, il était le « dernier des Trouvères », mettant fin à la brillante floraison précoce de la poésie lyrique en vieux français ; le large corpus de ses chansons de cour faciles et conventionnelles s'inscrit parfaitement dans la tradition entretenue par Aliénor d'Aquitaine ; Thibault de Champagne, roi de Navarre ; et l'éloquent Gace Brulé. D'autre part, Adam a mêlé cette composition monophonique traditionnelle à la forme plus ésotérique du motet du XIIIe siècle et a réalisé les premières expériences de chant profane polyphonique. A cet égard, il s'inscrit résolument au cœur des tendances stylistiques qui s'épanouiront le plus au siècle suivant, avec l'Ars Nova de Philippe de Vitry et surtout dans la figure de Guillaume de Machaut.

Malheureusement, pour un poète et musicien d'une telle polyvalence et d'une telle prouesse, pas un seul document datable de sa vie ne survit. La forme de son nom (et plus tard les attributions manuscrites) racontent sa naissance dans la ville d'Arras - un foyer positif de culture littéraire - à 80 miles au nord de Paris. (Une autre forme de son nom, "le Boscu", suggère un handicap ou même un bossu, mais Adam dans un poème tardif nie ce handicap !) Son père Henri était bien éduqué, et probablement un clerc et employé civique décédé en 1290 ; La femme d'Adam, nommée Maroie, est peut-être décédée à Arras en 1287.

Adam lui-même est souvent décrit comme "Maistre", indiquant qu'il a terminé certaines études avancées; celles-ci ont eu lieu soit à l'abbaye de Vauchelles, soit plus vraisemblablement à Paris. Adam a aussi certainement participé aux activités animées des sociétés littéraires d'Arras, la Confrérie des jongleurs et le célèbre Puy d'Arras. Cette dernière association a choisi un roi qui jugerait les concours poétiques entre les membres; Selon la rumeur, Dieu lui-même assisterait aux festivités pour entendre leur poésie. En 1282, Adam aurait voyagé en tant que poète et musicien dans la suite de Robert II, comte d'Artois, lors d'une campagne à Naples pour aider son oncle Charles d'Anjou après le massacre des Vêpres siciliennes. Adam est mort en Italie, quelque part entre 1285 (la mort de Charles et l'occasion de son poème Le roi de Secile) et 1289.

Comme indiqué ci-dessus, Adam de la Halle a produit un ensemble d'œuvres remarquablement polyvalent. Et contrairement à la majorité des poètes de Trouvère, dont les chansons survivent dans de grandes anthologies, plusieurs manuscrits tentent de ne recueillir que de la musique de lui ; un manuscrit à Paris présage même Machaut en classant par genre les « œuvres rassemblées » d'Adam. Il a composé 36 chansons dans la tradition Trouvère - un nombre relativement prolifique. Dix-sept jeux-partis (dialogues strophiques entre deux poètes) contiennent ses contributions spirituellement formulées (bien que conventionnelles) sur le sujet de l'amour courtois. Ses œuvres les plus longues incluent une Chanson de geste épique sur le roi de Sicile, un drame satirique (Le jeu de la Feuillée) et un drame pastoral avec musique -- Le jeu de Robin et de Marion -- qui est souvent surnommé le « premier opéra comique."

En outre, il a complété au moins cinq essais dans le genre du motet français polytextuel et un ensemble de 16 chansons à refrain basées sur la danse de diverses formes appelées Rondeaux. Ce dernier ensemble, intitulé Le Rondel Adam dans une copie manuscrite de ses œuvres, contient probablement les premières compositions polyphoniques de chant vernaculaire en Europe.



https://www.youtube.com/watch?v=W4-ilOMFIbg