Quel complément donner au concerto pour violon de Brahms sur un CD ?
Quelques petites pièces orchestrales ? Une sonate ? Un autre concerto romantique, Bruch par exemple – qui aurait à souffrir de la comparaison ? Hilary Hahn a résolu le problème en prenant un virage à 180° avec un concerto du XXeme siècle totalement éloigné de l’esprit romantique : celui d’Igor Stravinsky. Ce choix peut laisser dubitatif. Le seul point commun entre ces deux concertos est leur gestation : Brahms et Stravinsky sont alors au faîte de leur célébrité, chacun a été sollicité par un violoniste célèbre – Joseph Joachim et Samuel Dushkin - avec qui ils ont composé en collaboration plus ou moins forcée. Les créations, dans les deux cas, ne furent que des succès d’estime. Remanié, le concerto de Brahms est à présent un « tube » du répertoire classique. Celui de Stravinski pas encore – malgré une discographie fournie.
Mettre en regard deux pièces opposées sans que l’une desserve l’autre requiert une certaine habileté et beaucoup d’aisance. Hilary Hahn possède l'une et l'autre mais l’orchestre de St Martin-in-the-Fields peine à la suivre. Dès l’introduction orchestrale du concerto de Brahms, l’ensemble sonne poussif et d’une justesse approximative. Le pupitre des cordes et hétérogène, rêche, les sonorités des bois aigres et les cuivres mis bien trop en avant. On est d'autant plus stupéfait qu’avec un accompagnement aussi balourd, Hilary Hahn ne tombe pas dans le même travers. On se prend à rêver au résultat avec une meilleure phalange et surtout un chef plus aguerri au répertoire romantique - brillants dans Mozart, Neville Marriner et son orchestre n'ont jamais connu la même réussite avec Brahms, Beethoven, Mendelssohn ou Grieg. Sony proposait déjà deux versions d’anthologie de ce concerto : Zino Francescatti (Bernstein, New York) et Isaac Stern (Ormandy, Philadelphie). Les autres versions de référence ne manquent pas : Anne-Sophie Mutter (Masur, New York, DG), Itzhal Perlman (Giulini, Chicago, EMI), Gidon Kremer (Harnoncourt, Concergebouw d’Amsterdam, Teldec) sans oublier l’enregistrement historique de Jascha Heifetz (Reiner, Chicago, RCA).
Les défauts dans Brahms – acidité, apreté... - deviennent dans Stravinsky, des atouts. Le chef et son orchestre sont d’évidence bien plus à l’aise dans ce style. Le premier mouvement est pris dans un tempo fulgurant par rapport aux autres versions existantes, qui accentue agréablement le coté ludique et « mouvement perpétuel » de l’accompagnement. Hilary Hahn adopte un jeu sec et nerveux dans cette pièce qui fait, finalement, tout l’intérêt de ce disque. Le tout sonne avec beaucoup de transparence malgré la profusion de thèmes et d’idées musicales confiées aux pupitres solo de l’orchestre - ce qui donne au concerto un air de suite baroque. Dans un programme plus intelligemment conçu, ce disque aurait été hautement recommandable. En l'état, on ne peut que lui préférer les autres références du concerto de Stravinsky, souvent mieux "couplées" : Isaac Stern (avec le compositeur, Columbia Symphony Orchestra, Sony) et Anne-Sophie Mutter (Sacher, Philharmonia Orchestra, DG). L’excellent enregistrement de Viktoria Mullova et Esa-Pekka Salonen (Philips) est hélas indisponible.
Hilary Hahn( violon )
Academy of Saint Martin in the Fields
Sir Neville Marriner( direction )
Sony Classical 2001