Le Nozze di Figaro

Wolfgang Amadeus Mozart : Le Nozze di Figaro, K. 492

Tom Krause (le Comte), Arlene Saunders (la Comtesse), Heinz Blankenburg (Figaro), Edith Mathis (Susanna), Elisabeth Steiner (Cherubino), Noël Mangin (Bartholo), Maria Von Ilosvay (Marcelline), Karl Otto (Antonio), Kurt Marschner (Basilio), Jürgen Förster (Don Curzio), Natalie Usselmann (Barberine)
Chœur et Orchestre philharmonique de l’Opéra de Hambourg, Hans Schmidt-Isserstedt (direction)
Enregistré à l’Opéra de Hambourg (1967) - 170’
1 DVD Arthaus 101263 (zone 0). (distribué par Intégral)

Ce DVD des Noces de Figaro est le reflet de représentations données à l’opéra de Hambourg en 1967. Rolf Liebermann, directeur de cette maison pendant de nombreuses années, a contribué à développer les enregistrements d’opéras avec de jeunes artistes qui sont devenus des valeurs sûres du chant international. C’est ainsi que l’on retrouve dans cette production la Susanna d’Edith Mathis, le comte de Tom Krause etc…

La mise en scène ne présente aucune surprise: le décor est tout à fait classique et la direction d’acteurs peu originale. Et c’est tant mieux parce que le spectateur peut alors se concentrer sur la musique de Mozart, souvent devenue un prétexte dans l’imagination des metteurs en scène actuels. Les costumes ont un petit côté espagnol, surtout ceux du chœur. La scène du deuxième acte dans laquelle le comte découvre sa méprise quant à Cherubino est réussie car les deux femmes se liguent ouvertement contre le maître pour lui prouver, avec un mépris assez apparent, son erreur. Le décor du dernier acte est réussi, avec ses meubles de jardin verts de même que les portiques qui délimitent la scène.

Edith Mathis est une charmante Susanna. Elle évolue avec grâce sur scène tout en préservant l’enthousiasme propre aux soubrettes. Sa voix est agile et fraîche, ce qui lui permet d’apporter le piquant nécessaire au personnage (par exemple dans les “ding-dong” précis dans le deuxième duo avec Figaro au premier acte). Elle sait également être mutine et rouée dans le duo avec le comte “Crudel”: ses notes sont franches, elle manie avec tact l’art de la séduction au point que ses soi-disant erreurs dans les “no”, “si” deviennent des erreurs délibérées. Le fameux “Deh vieni non tardar” est un pur moment de musique! Adoptant un tempo très lent elle n’abandonne les notes que une à une avec une retenue digne d’une comtesse.

Heinz Blankenburg est très bon dans le rôle de Figaro. Il possède la chaleur et la rondeur des barytons allemands (pourtant il est né aux États-Unis), même si parfois son chant est proche du parlando. Il a un certain panache pour interpréter “Non più andrai!” et l’orchestre n’hésite pas à accentuer le style militaire de ce morceau. Excellent acteur, il est très convaincant dans la scène de reconnaissance du troisième acte où, pendant un moment, il regarde ses “nouveaux” parents avec des yeux hagards. Son air, au dernier acte, est remarquablement chanté et vécu: le chanteur exprime bien sa déception des femmes avec une voix qui traduit la douleur et la colère.

Tom Krause est un Comte imposant et dur. Sa voix donne une vision assez aride du personnage, grand seigneur mais pas charmeur comme pourra l’être Dietrich Fischer-Dieskau dans le film de Jean-Pierre Ponnelle quelques années plus tard. Le personnage s’adoucit un peu au cours de la représentation même s’il est assez impressionnant de colère retenue dans le trio du deuxième acte avec la Comtesse et Susanna. Il chante “Hai gia vinta la causa” avec une certaine autorité mais son timbre reste assez inexpressif.

La Comtesse est chantée par Arlene Saunders qui distille avec délicatesse les notes. Elle n’est pas aussi froide que d’autres comtesses, passées trop vite de Rosina à la Comtessa: elle est très complice de Susanna et la frontière est bien mince entre les deux femmes. La soprano propose un chant assez vif, assez libre mais avec des aigus un peu bas. Il lui manque peut-être aussi un brin de douleur dans “Dove sono”, car elle privilégie le bonheur ressenti à l’époque de son mariage à son désespoir passé.

Le couple Bartholo-Marcelline complète agréablement la partition. Noël Mangin est impayable dans le rôle de Bartholo, car il prend le parti d’en faire un vieux monsieur aigri, qui rumine sa vengeance depuis des années: il exprime bien ses arrière-pensées dans les notes rapides de son air au premier acte. Sa voix de basse-bouffe est suffisamment riche pour décrire le docteur mais c’est surtout sa présence scénique qu’il convient de saluer. Les deux personnages s’entendent très bien pour mener leur projet à bien. Maria Von Ilosvay n’a pas une très belle voix, mais son timbre assez aigre convient bien à la figure âgée de Marcelline. Elle est suffisamment insupportable dans le duo avec Susanna au premier acte pour se montrer bien maternelle au troisième.

Elisabeth Steiner incarne un Cherubino attachant, tourmenté à l’extrême, au point d’être presque euphorique dans “Non so più”. La chanteuse possède une belle voix bien pleine surtout dans le medium qui est corsé.
Kurt Marschner est un Basilio dans la plus pure tradition, à la voix un peu pointue et rauque et à la vis comica développée, se réjouissant par exemple de la découverte de Cherubino caché au premier acte en présence du Comte. Antonio, autrement dit Karl Otto, est fidèle à l’idée de jardinier avec son air un peu perdu et dépassé par les événements. Barberine est correctement chantée par Natalie Usselmann.

Hans Schmidt-Isserstedt apporte de l'énergie, et ce dès les premières notes de l’ouverture: il n’y aura aucun temps mort pendant toute la représentation. Ses tempi sont même parfois trop rapides comme dans l’échange de pardons entre le Comte et son épouse.

Cet enregistrement vidéo ajoute une pierre non négligeable à la discographie déjà fort riche des Noces de Figaro: bon nombre d’interprétations n’arrivent pas à une telle homogénéité. Un seul bémol, l’ouvrage est chanté en langue allemande, comme cela se faisait beaucoup à l’époque. Ces deux parutions de Hambourg, La Flûte enchantée (voir ici) et Les Noces, sont un beau pendant à l’intégrale des opéras de Mozart enregistrée à Salzbourg l’été dernier et éditée récemment par Universal.

Il y a eu un "direct" sur Arte vendredi dernier, des "Nozze", à Vienne, direction Philippe Jordan (désormais directeur musical là-bas).
J'ai enregistré et je le regarde ce soir, la "BO" d'Arte m'a assez plu. A suivre.

J'avais parlé des versions que j'avais vues, dont mes "préférées", sur d'autres fils...
Je vais en parler ici, cela me semble le fil le plus judicieux ? (sans aller ré-encombrer le fil Mozart, par exemple..)..

Donc vendredi 17 mars 2023, en direct de Vienne.

Une belle soirée, j'ai adoré cette écoute (3 h 35 mn, j'avoue que j'ai scindé en deux fois).

"Une folle journée réellement folle"...
C'est exactement ce qui vient à l'esprit, tellement cela pétille , un vrai feu d'artifice,  et des chanteurs-comédiens qui servent magnifiquement la musique de Mozart et ce brillant livret de Da Ponte.

- Direction musicale : Philippe Jordan . Parfaite, il dirige tout avec suffisamment d'ampleur sonore, depuis son pianoforte (donc omni-présent tout l'opéra). Un tempo rapide, qui convient admirablement à ce rythme effréné !

- Mise en scène : Barrie Kosky.

Très bien, rien de rationnel, rien de triste. Une version modernisée qui mélange toutes les époques, un peu vintage (années 70) , années cinquante, etc...
Les décors sont magnifiques (peintures, mobilier..), petites trappes à tiroirs marrantes pour les cache-caches de la fin... Bien sûr priorité à la grande chambre de la Comtesse et du Comte. On ne verra rien de la petite chambrette allouée ( et pour cause   ), à Figaro.
Les costumes sont très beaux, très luxueux, dont le pyjama et le smoking du Comte... les vêtements des Nozze à la fin.. Suzanna en soubrette d'hôtel avec son petit costume noir et tablier, ne revêt sa jolie robe qu'à la fin..

- Les voix :

Mention spéciale à :

- Hanna-Elisabeth Müller, la Comtesse, dont le mezzo d'une profondeur, d'une douceur fruitée, est splendide. Ses arias sont extraordinaires. Et quel jeu !  
- Andrè Schuen, le Comte,  jeune baryton autrichien qui interpréta déjà le rôle récemment (dont il y a environ 2 ans au Teatro Real Madrid et à Aix). Sa voix est très grave, superbe. Il n'a que 36 ans, et je pense que sa voix va gagner encore en profondeur dans le grave, en ampleur.
C'est un merveilleux comédien et .. il est très beau (avis tout personnel   ).
- Maria Nazarova (chantant depuis la fosse d'orchestre) : magnifique Suzanna, et doublant Ying Fang qui victime d'une extinction de voix, faisait du "play back" -en jouant très bien une Suzanna un peu paumée !-.

 

Cela ne me fera pas oublier d'autres versions pour moi d'anthologie, au Royal Opera House ou au Teatro Royal de Madrid, mais c'est splendide.

Comme c'est en plein "dans l'actualité", je n'ai trouvé aucune vidéo sur Youtube....

Anouchka a écrit:

- Hanna-Elisabeth Müller, la Comtesse, dont le mezzo d'une profondeur, d'une douceur fruitée, est splendide. Ses arias sont extraordinaires. Et quel jeu !  

De mémoire, je dirais que la tessiture de la Comtesse est celle d'une soprano.
C'est plutôt, Marcelline, la gouvernante, qui est mezzo.
Tu veux peut-être parler des notes graves, médium ou aigues ?

Bel Canto a écrit:

Anouchka a écrit:

- Hanna-Elisabeth Müller, la Comtesse, dont le mezzo d'une profondeur, d'une douceur fruitée, est splendide. Ses arias sont extraordinaires. Et quel jeu !  

De mémoire, je dirais que la tessiture de la Comtesse est celle d'une soprano.

En effet, Hanna-Elisabeth Müller est soprano

C'est bien ce qui m'étonnait ....même si la soprano en question (comme nombre de ses collègues!) possède un grave voluptueux

...et Andrè Schuen est plutôt Italien...nè dans le Tyrole du sud qui est en Italie et non en Autriche

https://musiqueclassique.forumpro.fr/t16020-andre-schuen-baryton-ne-en-1984?highlight=schuen

- Hanna-Elisabeth Müller, est effectivement une soprano. Mais pour chanter les arias de la Comtessa, elle est allée bien puiser dans ses graves, c'est ce que je trouve remarquable (car les retombées de ces arias sont redoutables). Je parle de son medium , qui est suffisamment "modulé", humble avis, pour retomber dans un très doux mezzo. C'est formidable d'avoir pu chanter ce rôle, ce fut un vrai triomphe !

- Andrè Schuen est italien : Oui, tu as raison.  Il est bien du Tyrol du Sud, mais de nationalité italienne..... Il avait en fait chanté "Figaro" au Téatro Real, et je ne sais pas pourquoi,je l'ai préféré en Comte, normalement odieux et "irrécupérable".., je l'ai trouvé plutôt bien sûr détestable mais "humain", "ne sachant finalement plus qui il est vraiment, et où il habite", comme on dit...Pas sûr de lui, se posant des questions...Et le "perdono" de la fin, est peut-être sincère....

Je ne pouvais pas parler de toutes les autres voix sans être ennuyeuse, mais c'est vrai que c'est plutôt bien, et Marcellina est particulièrement drôle (et costume très kitsch). Belle ampleur de mezzo .

A revoir..

"Il est bien du Tyrol du Sud, mais de nationalité italienne..... "

Le "mais" devrait être un "et" ...car le Tyrol du Sud n'est pas Autrichien mais bien Italien

Tu as raison.

Le Tyrol du Sud, c'est la province de Bolzano (région Trentin Haut-Adige) maintenant italienne depuis 1919. Anciennement Bozen, cette province a toujours une forte minorité de langue allemande reconnue. Mais bon, on s'égare

Tu ne parles pas de Cherubino, que j'aime bien en tant que personnage de l'opéra ?

J'en parlerai tout à l'heure, il vaut son pesant d'or aussi, pas tant au niveau de la voix, que du jeu !

Ca, c'est sublime.............

https://youtu.be/qZ_aFikkJUo

en effet!!!!!!!!!!! ...qui plus est avec Kiri te Kanawa en comtesse!!

C'est la jeune mezzo-soprano Patricia Nolz, autrichienne (28 ans), qui interprète Cherubino.
Sa voix est belle et puissante, et son interprétation excellente.
Le seul petit bémol pour moi est qu'à cause des costumes un peu spéciaux, elle ne fait pas assez -et c'est un humble avis- l'ado fragile, un peu fou-fou, paumé dans sa quête de l'amour tous azimuts.
Peut-être est-elle trop "grande"de taille, je ne sais pas trop, j'ai trouvé un décalage entre son jeu et celui de Suzanna et la Comtesse. En plus ces dernières la travestissent en genre "gaypride", avec une guêpière noire et porte-jaretelles, perruque bizarre, très hauts talons. J'ai trouvé cela un peu exagéré et pas très cohérent. Mais après tout, comme je le disais plus haut, il n'y rien de logique dans cette folle journée !
De même que les villageoises arrivent déguisées en.. travestis... avec des perruques de toutes les couleurs et des maquillages clownesques, pour manifester contre le harcèlement sexuel du Comte... Heureusement ça ne dure pas longtemps, tout le monde finit par enlever ces horribles perruques orange, ouf !
J'ai lu que le Royal Opera House prévoit pour cet été un "Nozze", dans la version "mythique" de 2006.
A noter que Stéphane Degout interprètera le Comte !

Cherubino est un ado amoureux d'une image, niais et crédule dont tout le monde se moque, le "non piu andrai" de Figaro l'illustre bien.

https://www.youtube.com/watch?v=q4DzUcGQpO8

Absolument superbe, ce José van Dam ! Merci !

C'est aussi un personnage assez attachant dans sa candeur et son air est merveilleux !

https://www.youtube.com/watch?v=z8uLUilSfa0

Ah, c'est sublime  ! et Cherubino est bien là, "on le croquerait" ( ).Merci !!!  

Je pense que je vais regarder de nouveau, dans quelques jours...(version 2023 pour me fixer les idées).

Et ça, ma version "culte" d'il y a quinze ans Glynderbourne, Erwin Schrott génial en Figaro (Figaro fut un peu "pâlichon" sur ce que j'ai vu) :
https://youtu.be/_i9H4HeiSGg