Yannis MARKOPOULOS 1939-2023

Yannis Markopoulos est un compositeur que j'ai découvert dans une période où je m'intéressais à la musique grecque. J'étais déjà fasciné par le plus populaire d'entre eux, Mikis Theodorakis, puis, très vite, c'est-à-dire presque en même temps, par Eleni Karaindrou et Manos Hadjidakis. Il était donc évident qu'à un moment à un autre le nom de Yannis Markopoulos allait m'apparaître comme une pierre angulaire dans la musique contemporaine grecque.

___Eléments biographiques - première partie:

Markopoulos est né dans l'île de Crête en 1939. Il descend d'une vieille et grande famille crétoise d'artistes, d'hommes de science et de politiciens. A l'âge de huit ans, il commença à jouer de différents instruments de musique comme le violon et la mandoline, et il apprit à jouer de la clarinette dans un orchestre de Lerapetra où sa famille vécut. En 1956, il partit vers Athènes pour poursuivre ses études musicales au Conservatoire d'Athènes sous l'égide du fameux compositeur georges Sklavo et ses études de violon chez Joseph Bustidui. Plus tard, il continua ses études auprès du compositeur Yannis Papaioannou, tout en étudiant les sciences politiques et économiques à l'Université de Pantio. Après le coup d'état des militaires en 1967, Yannis Markopoulos poursuivit ses études à Londres, se concentrant sur la composition et la musique contemporaine avant de revenir en Grèce en 1969. Ses chansons devinrent des hymnes contre les oppresseurs, spécialement pour les jeunes. Entre temps, il écrivit de la musique pour le théâtre, le cinéma et composa des chansons. Il est encore et toujours intéressé par la musique byzantine et la musique ethnique qui l'ont fortement influencées. A l'âge de 17 ans, il vint à Athènes avec dans ses valises une multitudes de ses compositions faites en Crête. Un grand nombre devint extrêmement populaire, comme, par exemple; "A l'autre côté de la mer", "Maisons en ruines" et "Paroles d'or".

La Liturgie d'Orphée, sorte d'oratorio pour solistes, narrateur, choeur et ensemble instrumental, comme à chaque fois que je l'écoute, m'a procuré beaucoup de bonheur...une musique infiniment grecque mais qui a en elle quelque-chose de quasi-universel qui pourrait faire chanter la terre entière dans un même élan communicatif d'espoir et d'amour!    

Eléments biographiques - seconde partie:

Au début de sa carrière, ses compatriotes, l'acteur Manos Katrakis  et le metteur en scène Nikos Koundouros, l'assistèrent dans la préparation de la musique pour le théâtre et le cinéma, ce qui permit à son talent naturel de se développer. Il écrivit de la musique pour le "Théâtre Populaire" de Manos Katrakis, pour le "Théâtre Artistique" de Carlos Kuhn, pour le "Théâtre national grec" et pour le "National english theater". Il écrivit aussi de nombreuses bandes sonores pour des films tels que "Le jeune Aphrodite", "Vortex" et "Lord Byron" de Nikos Koundouros, "L'Exil" de M. Gregoriou, "Cri des femmes" et "Répétitions" de Jules Dassin, "Aimé" de M. Pan Kosmatos, "La peur" de Kostas Manousakis et d'autres encore. A l'étranger, Yannis Markopoulos est particulièrement célèbre pour la musique qu'il composa pour la série télévisée de la BBC "Who pays the Ferryman", une série extrêmement populaire. Le thème principal se trouve au hit-parade britannique pendant plusieurs mois et dût être fredonné et sifflé par des millions d'Européens.

Ses oeuvres les plus impressionnantes ont été composées durant les années 70 avec "Chroniko", "Ithagenia", "Stratis, le marin parmi les Agapanthes", "Service Militaire", "Métanastes", "Haut plateau" et peu de temps après, "Les assiégés libres", liturgie populaire basée sur l'oeuvre du poète national Dionysos Salomos. Yannis Markopoulos est le fondateur du mouvement "Retour aux sources" qui enveloppent toutes les formes d'art de l'Europe contemporaine. Il y a 25 ans, Markopoulos précisa qu'il s'agissait d'une série de plans à réaliser dans le futur autour d'une sélection de divers éléments de musique ethnique en combinaison avec des messages auditifs contemporains bien sélectionnés. Mais sa musique n'a pas seulement un aspect artistique, elle exprime tout aussi bien la vie journalière des gens ordinaires, leurs relations, leurs besoins et leurs aspirations. De Grèce, ses concerts se sont déplacés vers l'Europe et le Canada.

Je viens d'écouter deux oeuvres de Yannis Markopoulos et elles sont très belles. La prmière est une sorte de pièce pour flûte et orchestre d'une durée de 7'20 et intitulée 24 Pyrrichioi Dances: Pyrrichios Dance n°13 - "Nemesis" (2000-2001). La couleur orchestrale chez Markopoulos est très reconnaissable. C'est vivant, plein d'entrain, de vie, les formes y sont généreuses et les sonorités diverses toujours très rondes. Le Concerto pour piano et orchestre Shapes in Motion (1999) n'échappe pas à cette règle d'or, porte en lui toute la grécité et le sens de la danse du compositeur. Comme pour celui de Mikis Theodorakis, c'est le troisième et dernier mouvement qui gagne le mieux mon adhésion, me fait jubiler. L'orchestre est très présent et ne laisse pas grand répit au piano qui, lui, de son côté, ne faiblit jamais. Cependant, je n'ai ressenti aucune rivalité entre l'orchestre et le piano. Je n'avais pas l'impression d'être dans la logique d'un duel avec aucun vainqueur au bout, davantage dans l'intensité amoureuse d'un élan commun fait de convivialité et de passion...La danse s'en retrouve élevée et transcendée...

Je viens de poursuivre mon escale dans l'oeuvre de Yannis Markopoulos et ce fut un moment merveilleux au sein d'une musique mélodieuse et chantante, et même dansante, car la danse n'est jamais très loin dans l'inspiration musicale de Markopoulos. C'est ce que démontre avec saveur et vigueur son superbe Concerto-Rhapsody pour lyre crétoise et orchestre (1986). A chaque nouvelle écoute, je suis complètement transporté par le mouvement dansant et la beauté très directe du concerto rhapsodique. Le second mouvement est extraordinaire sur ce point même si j'aime l'oeuvre en entier. la lyre de Zacharios Spyridakis y est merveilleuse avec ce qu'il faut de virtuosité. Le Triptych for Flûte, Strings and harp (1969, 2001-06) est également très beau, parfaitement représentatif du style du compositeur grec, insérant le folklore crétois dans une forme lyrique et enthousiasmante qui lui appatient. Arrivent ensuite trois pièces plus courtes, deux très belles mélodies magnifiquement orchestrées respectivement intitulées Little Fantasy (2005) et Classical Sketches: N°2 - Lamento (1958) ma préférée des deux, irrésistible, celle-là, et enfin une très jolie pièce pour flûte seule Evilia Topia - Sunlit Landscape (2007) par Marc Grauwels.

Eh bien, cher ami, j'écoute enfin ton CD (je suppose que c'est celui-ci) et partage entièrement ton ressenti, comme quoi il arrive que nous éprouvions les mêmes sentiments.



Le seul "écart" si j'ose dire, c'est pour le concerto de piano "Formes en mouvement" en français. Je préfère le deuxième mouvement, avec son côté répétitif, au troisième que, contrairement à toi, je ne le trouve pas assez équilibré entre le piano et l'orchestre : le piano est largement avantagé, en plus avec une cadence assez longue...

Mais à part ça  :

Le seul catalogue que j'ai trouvé est en grec. Va me falloir du temps pour le déchiffrer

Laudec, Yannis Markopoulos a composé quelques belles pièces pour la flûte. Malheureusement, je n'en ai pas trouvé sur la toile, en grande partie ses oeuvres vocales mais rien pour la flûte. De plus c'est souvent écrit en grec. Pour me faire pardonner, voilà un extrait de son Concerto-Rhapsodie pour lyre crétoise et orchestre que, personnellement, j'aime beaucoup. Parmi les oeuvres que je connais du compositeur, elle est une de mes préférées après La Liturgie d'Orphée:

https://www.youtube.com/watch?v=giTxTXGUp7E

Voici de la belle musique !

Un semblant de catalogue, traduit du grec par google, d'où une certaine imprécision :

Musique instrumentale

1958 Lamento pour flûte, cordes et harpe
1966 24 danses à la Pyrrhus pour orchestre et instruments solo
1976 Qui paie le passeur?, Musique pour la série télévisée du même nom BBC
1986 Music for El Greco (El Greco), Suite de la musique de la série télévisée El Greco
1987 Concerto - Rhapsodie pour Lyre et orchestre
1991 Quads, quatre quatuors à cordes
1993 CARE II, 11 pièces pour piano
1993 Cinq pièces pour violon et piano
1997 Paysages ensoleillés, Fantaisie pour flûte solo
1998 Figures en mouvement, Concerto pour piano et orchestre
2001 Triptyque, pour flûte, cordes et harpe
2005 Petite Fantaisie pour flûte et piano


Musique chorale

1968 Sun le premier, pour solistes, récitant, choeur et orchestre
1976 Les Assiégés libres, pour récitant, voix solistes et orchestre
1994 Liturgie d'Orpheus, pour solistes, récitant, choeur et orchestre


1958 Cinq esquisses pour la danse, pour orchestre symphonique
1962 Thésée, Ballet avec choeur
1995 Ana-naissance - Crète entre Venise et Constantinople, prestation musicale en deux actes avec 4 modules
2000 Erotokritos et de la Vertu, opéra en deux actes
2004 Tachytatos, Le droit de la chaleur, sous forme d'oratorio, spectacle musical, pour solistes, choeur et orchestre


Cycles de chanson

1969 Chronicle, histoire de musique,
1971 Citoyenneté, Musique en neuf parties pour voix et orchestre
1972 Les chansons du nouveau père
1973 Stratis Le Marin parmi les Agapanthous - et d'autres chansons, pour solistes, choeurs et orchestre
1974 Terme, Music Project, en 9 parties, de type opéra en un acte
1974 Metanastes (Immigrants), cycle de chansons
1974 cycles Thessalikos, projet de musique populaire avec des instantanés de style théâtre
1976 Plateau, Conversations en musique

Superbe ! Je suis complètement fan !

Je m'en vais découvrir de ce pas ce compositeur. Il y a tout de même une playlist de 200 compositions de lui sur Youtube !

La vie d'Orphée:

<<Orphée fut le musicien le plus vénéré de la Grèce antique. Il fut à d'origine Thrace, fils d'Oeagre, roi de Thrace, et de la muse Polymnie. Il reçut la lyre comme cadeau d'Appolon et avec elle il enchanta aussi bien les animaux sauvages que les arbres et, comme nous le racontent Eschyle et Euripide, même les rochers. Orphée suivit les Argonautes jusqu'en Colchide. On l'associe aux mystères orphiques. Il serait le fondateur des mystères dionysiaques et il avait ajouté la corde "ipati" à la lyre. Beaucoup de légendes concernant sa vie et mort ont survécu. Celle qui prévaut est celle qui raconte qu'Orphée fut tué par les Ménades, au service de Dionysos, parce qu'il ne révérait pas leur dieu ou parce qu'il méprisait leur amour. Elles l'auraient démembré et jeté à la mer. Sa lyre avec sa tête auraient été emportées par les vagues vers les côtes d'Antissa, sur l'île de Lesbos, où elles auraient été ensevelies. En plus, on dit qu'Orphée n'imita personne dans ses oeuvres musicales et que sa musique ne sonna jamais comme celles des compositeurs pour flûte. Le mythe d'Orphée et d'Eurydice est bien connu. Sa prouesse de descendre aux Enfers montre d'une façon ou d'une autre la confiance du peuple grec dans la puissance de pénétration et de l'invincibilité de la musique.>> (Extrait de l'"Encyclopedia of ancient Greek Music" de Solon Mihailidis.)



La Liturgie d'Orphée:

L'oeuvre est interprétée par l'orchestre "Palintonos Armonia". Il a été établi en 1988 afin de mieux propager la musique grecque. Le nom de cet orchestre provient du philosophe grec Héraclite d'Ephèse. Il est formé de 18 musiciens, solistes d'instruments grecs traditionnels et musiciens d'orchestres symphoniques. Il a fait des concerts aussi bien en Grèce qu'à l'étranger sous l'égide du compositeur Yannis Markopoulos, le fondateur de l'orchestre. Il a enregistré avec lui ses oeuvres Concerto-Rhapsodie pour lyre et orchestre, Les Amis qui s'en vont et La Liturgie d'Orphée.

L'oeuvre est aussi interprétée par le Choeur "Aris" Limassol. Il a été fondé par le distingué compositeur chypriote Solon Mihailidis en 1938 et depuis le choeur a participé à toutes les étapes culturelles de Chypre. Il compte soixante membres et le répertoire se constitue de chansons folkloriques, d'oeuvres contemporaines grecques et étrangères, d'opéras, d'oratorios et de musique religieuse.

La Liturgie d'Orphée de Yannis Markopoulos emploie un second choeur: le Choeur "Ergastiri" d'Athènes. Il se compose de seize membres exécutant pour la plupart des oeuvres de compositeurs grecs présentées pour la première fois. Il a excellé dans de multiples concerts en Grèce et à l'étranger. Il a sorti bon nombre de disques et a travaillé pour la radio et la télévision. La plupart des membres ont été solistes et musiciens à l'opéra.

La Liturgie d'Orphée est l'oeuvre par laquelle j'ai découvert Yannis Markopoulos. Elle fit partie de mes coups de coeur de l'époque. J'étais complètement conquis par la forte "grécité" de cette oeuvre, de ses chants en particulier. D'une écriture très tonale et lyrique, il en ressort un caractère à la fois très chantant et très dansant. Il y a comme de beaux chants d'amour et d'espoir qui la traversent, elle illustre à sa manière, et non sans style, l'invincibilité de la musique.

Yannis Markopoulos vient de rejoindre le paradis des compositeurs. Il a fini par perdre la bataille contre son cancer, à l'âge de 84 ans.