A propos du Concerto pour saxophone par Michael Torke:
<<Le tranchant du timbre de John Harle et la hardiesse qui caractérise son jeu m'ont amené à aller plus avant vers le but que je me suis récemment fixé de rendre ma musique davantage thématique. La brièveté des thèmes peut contribuer à leur mémorisation dans l'esprit de l'auditeur, et si les thèmes sont réellement simples et vigoureux, l'expérience devient presque comme celui d'un "jingle" publicitaire: il ne quitte plus votre esprit. Ce phénomène m'intéresse car si un auditeur comprend vraiment le thème, il est plus à même de suivre la manière dont je le développe, et a davantage de chance de pénétrer la forme et l'architecture de la pièce. D'où le caractère direct du développement thématique de mon concerto pour saxophone. Dans le premier et le deuxième mouvements, de nouvelles notes sont ajoutées au thème, d'abord de manière décorative, puis de plus en plus fonctionnelle à mesure qu'elles sont étirées pour correspondre à la durée des notes du thème initial. J'utilise également des bois par deux soutenant deux instruments à maillets pour harmoniser le thème, tandis qu'en dessous les cordes jouent des accords dérivant immédiatement des notes qu'elles supportent. Dans le troisième mouvement, je m'éloigne un peu de ce genre d'écriture et des accords aux cordes, alternant rapidement, constituent une grille soutenant les mélodies improvisées au saxophone qui ne joue que les seules notes de celle-ci. Cette tentative de rendre le processus plus compréhensible ne cherche pas à être "démocratique" ni à "mâcher le travail" du public (quel public a envie de cela?), mais provient de mon idée que la musique est en définitive quelque-chose de très difficile à cerner et que souvent ce qui est simple est beaucoup plus complexe que ce que l'on croit, et ce qui apparaît complexe est en fait plus simple qu'il n'y paraît.>>
J'écoute toujours le concerto pour saxophone de Michael Torke à la suite de celui de Stanley Myers qui demeure mon préféré des trois et celui de Richard Rodney Bennett, intitulé "Concerto for Stan Getz" et que j'aime beaucoup aussi, presque autant que celui de Myers. Chez Myers, c'est celui dans lequel je trouve le plus d'expressivité et de mordant, notamment dans le troisième mouvement. Chez Bennett, c'est davantage une belle émancipation d'un romantisme quasi-cinématographique tissé par la tendresse du saxophone de John Harle et la beauté des cordes que j'ai trouvées particulièrement soyeuses dans l'élégie du mouvement central. Michael Torke propose un concerto tonal et mélodique mais dans un style différent de Bennett et Myers, un style répétitif qui, dans les premier et troisième mouvements, m'évoque un compositeur comme Michael Nyman et Phil Glass, mais plus Nyman de par les combinaisons sonores. Personnellement, si c'est une musique facile d'accès et coulante à l'oreille, la frustration n'est jamais très loin et heureusement que les mouvements sont relativement courts. Néanmoins, ce concerto est sauvé (à mon oreille) par le délicat et tendre "Slowy" (mouv. 2) que j'estime plus réussi dans la version "John Harle/David Allan Miller" que dans celle présentée sur ce topic. Il s'articule autour d'une mélodie très tendre dont la naïveté apparente se trouve transcendée par sa reprise à la flûte solo, alors que le saxophone devient le second personnage.