Première Partie du texte de Marc Vignal au sujet de Franco Donatoni:
<<Contemporain de Boulez et Stockhausen, Franco Donatoni s'est imposé beaucoup plus tard qu'eux sur la scène musicale européenne, et en particulier en France. Lui-même convient que s'il acquit la notoriété; "c'est en grande partie grâce au Festival de Royan, qui a créé certaines oeuvres de moi pour orchestre qu'on aurait sans doute jamais jouées". Cette déclaration du compositeur date de 1975, et est très peu postérieure aux exécutions de ses oeuvres à Royan. Il ajoute: "On ne peut pas comprendre mes oeuvres récentes si on ne connaît pas l'évolution qui m'a conduit là. Le début se situe en 1952. J'étais alors, comme beaucoup de musiciens italiens, soumis à un choix assez académique: Stravinsky ou Bartok, et j'ai effectivement été bartokien jusqu'à l'âge de trente ans environ." Né à Vérone en 1927, élève de Pizzetti à Rome, Donatoni est effectivement passé, vers 1957-1958, d'un langage post-bartokien avancé aux préoccupations alors les plus urgentes, sans connaître la période sérielle stricte. Il n'en découvrit pas moins à cette époque, grâce notamment à Bruno Maderna, l'Ecole de Vienne, mais estime aujourd'hui n'avoir réalisé, avec Improvisazioni pour piano 1957, qu'une mauvaise copie de la Sonate de Boulez...Les années suivantes, en 1958 et 1959, c'est l'influence de Stockhausen, celui des Gruppen et des Zeitmasse, du structuralisme en somme, qui l'a marqué. Séduit ensuite par John Cage, il fut bientôt rendu "furieux" par le "danger qu'il représentait pour la musique, son nihilisme".
Et de fait, après une période "négativiste", Donatoni amorça une phase de son évolution qu'il qualifia lui-même de "retrouvailles avec le matériau", mais elles s'effectuèrent sous le signe d'une dissociation entre matériau et acte compositionnel. Les "objets-références" - l'opus 23 de Schoenberg dans Etwas Rugirer im Ausdruck (1967), Gruppen de Stockhausen dans Souvenir, Kammersymphonie opus 18 (1967) - perdant leur "sens d'objet musical" et leurs "spécificités propres", et n'étant plus perçus comme tels". " A partir de 1967, j'ai renoncé à composer la matière, et me suis limité plutôt à transformer différentes matières selon mes habitudes artisanales personnelles...Composer veut dire pour moi inventer le processus nécessaire à la transformation continue de la matière" - Franco Donatoni 1975 - Dans un autre texte de 1975, il indique que chez lui; "cette nécessité de transformer, de transmuer la matière a donné naissance à des techniques toujours fondées sur des automatismes". L'automatisme correspondant "à un processus contrôlable à tout moment de l'intérieur, selon le geste d'une volonté et d'une conscience qui déterminent à chaque instant l'ensemble des conditions" - Donatoni 1985 - "Ce qui est intéressant, c'est de transformer une matière organique en matière vivante, et la forme musicale est la matière vivante.">>
Dernière édition par Icare le 2020-11-13, 16:33, édité 2 fois
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Seconde partie du texte de Marc Vignal au sujet de Franco Donatoni:
<<L'importance de l'automatisme, de la répétition par exemple, est aussi grande ici que dans la biologie cellulaire. J'ai cherché à faire progresser les expériences faites dans les disciplines qui traitent de la séparation entre le moi et la matière, et cette dualité existe toujours" - Donatoni 1975 - Cet "automatisme" s'allie chez Donatoni depuis environs 1972, à un rapport de nouveau "positif' avec l'écriture et à l'idée selon laquelle "dans la musique, il existe des réalités qui ne peuvent pas se développer, mais seulement proliférer. Ainsi, un objet ne se développe pas, mais seulement change, tout en restant le même. Ma référence n'est pas ici la vie humaine, mais la vie organique...Les Italiens n'ont jamais eu de développement, et en Italie, on n'est jamais passé par la grande civilisation de la symphonie...On ne raisonne qu'avec le discontinu. Cela correspond à mon goût, depuis mes études au Conservatoire, pour la juxtaposition. C'est là une manière d'être qui me rapproche de Bartok ou Janacek plus que de la tradition allemande". - Donatoni 1985 - Musiques de l'écriture, musiques de la répétition et de l'obsession, musiques de la prolifération et de la transformation progressive, musiques de la densité et de la violence, musiques de la virtuosité aussi...>>
Franco Donatoni est mort le 17 août 2000 à Milan.
Dernière édition par Icare le 2020-11-13, 16:33, édité 1 fois
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
J'adore la clarinette et puis j'avais envie de faire plaisir à Stadler. L'oeuvre me semble portée principalement sur les sonorités claires de la clarinette, s'élevant dans une sorte de danse presque frénétique vers la fin...on y sent l'influence du jazz, je trouve. Clair, puisque c'est son titre, correspond bien à la définition de Marc Vignal. Pour Stadler.
Dernière édition par Icare le 2014-06-09, 22:03, édité 1 fois
joachim Admin
Nombre de messages : 27127 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
La musique de Donatoni peut se reconnaître selon les époques de composition : Néoclassicisme sous l’influence notable de Béla Bartók et Goffredo Petrassi jusque 1953-1954. Sérialisme sous l’influence de Bruno Maderna jusqu’aux années 1960. Aléatoire ou selon les propres paroles de Donatoni Indéterminisme . À la fin des années 1960, le compositeur peaufine l’indétermination par une combinatoire automatisée (ou mécanique) qui marque une déresponsabilisation de l’acte de composer. Négativiste Déjà dans les œuvres des années 1960 et affirmé en 1970. Le compositeur s’intéresse aux potentiels de la décomposition et le porte à désacraliser totalement l’acteur créateur par une dissociation radicale entre le matériel et le geste. Durant cette période, l’une des plus riches, les influences de la littérature sont notables (Franz Kafka, Gustav Meyrink, Heinrich von Kleist, Robert Walser et Marguerite Yourcenar).
Milieu des années 1970, Donatoni crée ce qu’il appelle l'esercizio ludico dell'invenzione (l’exercice ludique de l’invention), un processus (donc un rapport positiviste à l’écriture) qui porte Donatoni à produire un répertoire impressionnant d’œuvres et qui trouve un écho retentissant sur la scène internationale avec les premières pièces de cette longue période comme Ash (1976), Toy et Spiri (1977). Le matériel de composition est minimaliste. Il utilise principalement le traitement combinatoire de la transmutation et de la pourmutation par l’utilisation d’un code automatisé que l’auteur décrit comme la croissance d’une cellule vers un organisme vivant. À partir des années 1980, l’auteur retourne vers la musique vocale (L'ultima sera 1980, In cauda pour chœur et orchestre, 1986, Madrigale 1991, sur les textes de Elsa Morante). Comme dans d’autres œuvres, l’influence (surtout au niveau rythmique) du jazz est à souligner (Hot 1989, Sweet Basil 1993).
En 1984 Atem, représentée à La Scala de Milan, revoit le rapport entre sujet et composition, créant un spectacle sans trame, l’effet spectaculaire étant à chercher dans la visualisation de la musique. Selon les termes de l’auteur : « il s’agit d’un mariage blanc entre l’opéra lyrique et moi». En 1995 Donatoni récidive avec Alfred, Alfred, opéra comique, sur ses propres textes et représenté au Festival Musica de Strasbourg, puis peu après à Paris et en Italie. Cette fois, l’exercice est un succès. Le protagoniste est le compositeur lui-même, dans un lit de chambre d’hôpital, qui assiste en silence, suite à une crise diabétique à une succession d’événements surréalistes qui posent une réflexion sur la vie.
D’une santé fragile (depuis sa jeunesse il souffre de dépression nerveuse qui l’oblige à interrompre fréquemment son travail pour suivre des thérapies), Franco Donatoni souffre du diabète, depuis les années 80. En 1998, il subit une attaque cérébrale, ce qui le handicape. Un second ictus, survenu en 2000, l’emporte le 17 août 2000. La cérémonie funèbre a lieu au conservatoire de Milan (durant laquelle est exécutée Cinis, sorte de requiem laïc composé en 1988).
Années 1950 : néoclassicisme
1950 Quartetto I pour quatuor à cordes 1951 Concerto pour orchestre Il libro dei Sette Sigilli cantate Recitativo e allegro pour violin et piano 1952 Concertino pour 2 cors, 2 trompettes, 2 trombones, 4 timbales et cordes Concerto pour basson et orchestre Sonata pour alto solo 1953 Ouverture pour orchestre de chambre
Années 1950 : sérialisme
Sinfonia pour orchestre à cordes 1954 Cinque pezzi pour 2 pianos Divertimento pour violon et ensemble 1955 Musica pour orchestre de chambre Composizione in quattro movimenti pour piano 1957 La lampara ballet Tre improvvisazioni pour piano 1958 Quartetto II pour quatuor à cordes 1959 Movimento pour clavecin, piano et 9 instruments Serenata pour voix de femmes et 16 instruments, textes de Dylan Thomas Strophes pour orchestre
Années 1960 : indéterminisme / négationniste
1960 For Grilly "Improvisazione perr sette" pour 7 interprètes Sezioni "Invention pour orchestre" 1961 Doubles pour clavecin Puppenspiel I "Studi per una musica di scena" pour orchestre Quartetto III pour bande à quatre pistes 1962 Per orchestra 1963 Quartetto IV (Zrcadlo) pour quatuor à cordes 1964 Asar pour 10 instruments à cordes Babai pour clavecin Black and white pour 37 instruments à cordes 1965 Divertimento II pour instruments à cordes 1966 Puppenspiel II pour flûte et orchestre 1967 Etwas ruhiger im Ausdruck pour flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano Souvenir "Kammersymphonie op. 18" pour 15 instruments 1968 Black and white II "Esercizi pour le dieci dita" pour instruments à clavier 1969 Estratto pour piano Orts "Souvenir n. 2" pour 14 instruments et lecteur ad libitum Solo pour orchestre d'instruments à cordes 1970 Doubles II pour orchestre To Earle pour orchestre de chambre Secondo estratto pour harpe, clavecin et piano 1971 To Earle two pour orchestre 1972 Lied pour 13 instruments 1973 Jeux pour deux pour clavecin et positif Voci - Orchesterübung pour orchestre 1974 Espressivo pour Hautbois et orchestre Quarto estratto pour 8 instruments 1975 Duetto pour clavecin Duo pour Bruno pour orchestra Lumen pour 6 instruments Terzo estratto pour piano et 8 instruments
Années 1980 : invenzione
1976 Ash pour 8 instruments Musette pour Lothar pour musette 1977 Algo pour guitare Ali pour alto Diario 76 pour 4 trompettes et 4 trombones Portrait pour clavecin et orchestre Spiri pour 10 instruments Toy pour 2 violons, alto et clavecin 1978 Arie pour voix de femmes et orchestre, textes de Omar Khayyam, Renato Maestri, Fray Luis de León, Tiziana Fumagalli, Hafiz De Près pour voix de femmes, 2 piccolos et 3 violons Ed insieme bussarono pour voix de femmes et piano 1979 About... pour violon, alto et guitare Argot pour violon Marches pour harpe Nidi pour piccolo 1980 Clair pour clarinette L'ultima sera pour voix de femmes et 5 instruments, texte de Fernando Pessoa Le ruisseau sur l'escalier pour violoncelle et 19 exécutants The heart's eye pour quatuor à cordes 1981 Fili pour flûte et piano Small pour piccolo, clarinette et harpe Tema pour 12 instruments 1982 Feria pour 5 flûtes, 5 trompettess et orgue Lame pour violoncelle In cauda (in tre tempi) pour chœur et orchestre 1983 Abyss pour voix graves de femmes, flûte basse et 10 instruments, texte de Susan Park Ala pour violoncelle et contrebasse Alamari pour violoncelle, contrebasse et piano Diario '83 pour 4 trompettes, 4 trombones et orchestre Lem pour contrebasse Rima pour piano She pour 3 sopranos et 6 instruments, texte de Susan Park Sinfonia op. 63 "Anton Webern" pour orchestre de chambre Françoise Variationen pour piano 1984 Atem, opéra in due tempi e un intermezzo, textes de Brandolino d'Adda, Tiziana Fumagalli, Renato Maestri et Susan Park Cadeau pour 11 exécutants Darkness pour 6 percussions Ombra pour clarinette contrebasse Ronda pour violon, alto, violoncelle et piano 1985 Omar pour vibraphone Sestetto pour 2 violons, 2 altos et 2 violoncelles Still pour soprano leggero et 6 instruments Eco pour orchestra de chambre 1986 Arpège pour 6 instruments Refrain pour 8 instruments 1987 Ave pour piccolo, glockenspiel et célesta Flag pour 13 instruments O si ride pour 12 voix, texte de Brandolino Brandolini D'Adda 1988 A Françoise pour piano Cinis pour voix de femmes et clarinette basse, texte de Gaio Licinio Calvo La souris sans sourire pour quatuor à cordes Short pour trompette en Do Cloches pour 2 pianos, 8 instruments à vent et 2 percussions 1989 Blow pour quintette d’instruments à vent Ciglio pour violon Frain pour 8 instruments Hot pour saxophone et 6 exécutants Midi pour flûte Soft pour clarinette basse
Années 1990 : l'ultime décennie
1990 Ase (Algo II) pour voix de femmes et guitare Bok pour clarinette basse et marimba Chantal pour harpe soliste, flûte, clarinette et quatuor à cordes Cloches II pour 2 pianos Het pour flûte, clarinette basse et piano Holly pour 16 instruments Marches II pour harpe soliste, 3 voix de femmes ad libitum, 15 instruments Rasch pour 4 saxophones Spice (Ronda n. 2) pour violon/alto, clarinettes, violoncelle et piano 1991 Cloches III pour 2 pianistes et 2 percussions Madrigale pour 4 chœur de voix blanche et 4 percussions, texte d'Elsa Morante Refrain II pour 11 exécutants 1992 Aahiel pour Mezzo soprano, clarinette, vibraphone, marimba et piano, texte anonyme An Angel within my Heart pour voix de femmes, 2 clarinettes et trio à cordes, texte de Susan Park Concerto grosso pour orchestre et 5 synthétiseurs Feria II pour orgue Feria III pour orgue Jay pour piano, 2 trompettes, 3 cors et 2 trombones Late in the day (Ronda n. 3) pour soprano, flûte, clarinette et piano, texte de Michael Riviere Mari pour marimba Mari II pour 4 marimba Nidi II pour flûte à bec Scaglie pour trombone Sincronie pour piano et violoncelle soliste Sweet pour Flûte à bec 1993 Algo II pour 2 guitares Ciglio II pour violin e flûte Concertino II pour 5 synthétiseurs Refrain III pour 14 exécutants Small II pour flûte, alto et harpe Sweet Basil pour trombone et big band In cauda II pour orchestre 1994 Ciglio III pour violon et piano Flans pour soprano coloratura et 9 instruments, texte de François Villon Portal pour clarinette en Sib, clarinette basse, clarinette piccolo en Mib et orchestre Puppenspiel III pour piccolo, 2 flûtes et 14 exécutants Serenata II pour 5 instruments Sincronie II pour violoncelle, piano et 7 instruments 1995 Alfred, Alfred, opéra comique, texte du compositeur Algo III pour guitare et 23 exécutants Cinis II pour clarinette basse, marimba et percussion Duetto II pour 2 violons Fanfara pour ottoni et tambour napoléon Incisi pour Hautbois Luci pour flûte en sol Rasch II pour 4 saxophones, vibraphone, marimba, percussions et piano Triplum pour flûte, hautbois et clarinette 1996 Algo IV pour 13 instruments In cauda III pour orchestre Lame II pour 8 violoncelles Lem II pour contrebasse et 15 instruments Luci II pour basson et cor Refrain IV pour 8 instruments Till pour cor 1997 Al pour mandoline, mandole et guitare Che pour tuba Feria IV pour accordéon Luci III pour quatuor à cordes Tell pour cor anglais 1998 Cerocchi 70 pour clarinette, violoncelle et piano Elly pour clarinette, violoncelle et piano Fire (In cauda IV) pour 4 voix de femmes et orchestre, texte de Jack Beeching Poll pour 13 exécutants 1999 Clair II pour clarinette Prom pour orchestre 2000 ESA (In cauda V) pour orchestre
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
C'est fou ce que, parfois, une impression peut changer d'une écoute à une autre. Lorsque j'avais découvert pour la première fois les oeuvres de musique de chambre, Spiri pour clarinette, clarinette basse, hautbois, 2 violons, alto, violoncelle, célesta et vibraphone, Eco pour 2 flûtes, 2 hautbois, 2 cors, 6 violons, 2 altos et 2 violoncelles, Ombra pour clarinette contrebasse, Diario pour 4 trompettes et 4 trombones et Lame pour violoncelle, j'avais aussitôt été saisi par la poétique de la plupart de ces pièces, plus principalement les deux premières; Spiri et Eco , un intérêt qui s'est d'ailleurs poursuivi lors d'écoutes ultérieures. Mais, la dernière fois que je les avais écoutées, il y a un peu près un an, je n'avais pas adhéré. Je n'avais pas vraiment compris pourquoi. Ce soir, j'ai remis ces oeuvres dans mon lecteur et là, l'alchimie a de nouveau fonctionné. Spiri et Eco m'ont vraiment captivé par leurs combinaisons instrumentales mais pas seulement. Ce qui m'avait paru froid et sans chair, la dernière fois, me parut jouissif et généreux, ce soir, dans les gestes et les couleurs. Même l'octuor pour cuivres Diario, ce qui n'était pas gagné d'avance par la formation musicale choisie, ne m'a pas ennuyé du tout. L'équilibre expressif entre les 4 trompettes et les 4 trombones déploie une musique singulière, peu courante, inhabituelle. La composition Lame est une pièce qui ne manque pas d'intensité même si pour le violoncelle seul, je lui préfère Riflessi de Ennio Morricone. Je suis content d'avoir réécouté ces oeuvres et ravisé favorablement ma dernière impression. Comme quoi, il arrive que notre humeur nous joue des tours. Maintenant, c'est une musique de chambre "moderne", sans grande concession, qui risque de ne pas plaire à Joachim.
https://www.youtube.com/watch?v=mIRYEL17hec
Dernière édition par Icare le 2020-11-13, 18:19, édité 3 fois
joachim Admin
Nombre de messages : 27127 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
Pour ma part, et juste derrière la seconde symphonie de Martucci, je viens de poursuivre mon incursion dans la musique de chambre de Franco Donatoni, avec des oeuvres telles que Alamari pour violoncelle, contrebasse et piano, Flag pour treize instrumentistes, Nidi pour piccolo, Toy pour 2 violons, alto et clavecin et Ave pour piccolo, glockenspiel et célesta. J'ai surtout aimé Alamari et Flag et certains passages de Toy. Il y a beaucoup de virtuosité dans ces musiques mais pas au détriment d'une certaine beauté et poétique. Flag est vraiment une oeuvre admirable en tous points. Il y a un passage obsessionnel captivant et un usage particulier de la contrebasse dans Alamari. Je n'avais jamais autant apprécié ces deux oeuvres qu'aujourd'hui. La toute dernière pièce pour piccolo, glockenspiel et célesta, Ave, use beaucoup de sons suraigus et axe principalement son jeu sur les timbres. Pièce d'une grande singularité qui me fascine toutefois modérément.
Dernière édition par Icare le 2020-11-13, 08:43, édité 1 fois
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Après Martucci, la musique de Donatoni m'a remis l'esprit à la bonne époque , avec In Cauda pour choeur et orchestre qui ne manque ni de rythme ni d'intensité, l'ombre du jazz pouvant même s'immiscer ci et là, Portrait pour clavecin et orchestre et Duo pour Bruno et orchestre. Donatoni développe dans chacune de ces oeuvres un monde sonore complexe et inouï qui peut autant laisser l'auditeur au bord du chemin ou alors - c'est mon cas - l'entraîner dans une kyrielle de sons qui ne demande qu'à être domptée par l'oreille la plus téméraire ou disponible. Dans Portrait , j'aime comment résonne le clavecin au sein de l'orchestre et en dehors de celui-ci. C'est tout autre chose qui m'intéresse et me tient en haleine dans Duo pour Bruno, un traitement particulier et inventif de la matière orchestrale, une sculpture pointilleuse de la pâte sonore.
Dernière édition par Icare le 2020-11-13, 08:44, édité 1 fois
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Après Martucci, la musique de Donatoni m'a remis l'esprit à la bonne époque , avec In Cauda pour choeur et orchestre qui ne manque ni de rythme ni d'intensité, l'ombre du jazz pouvant même s'immiscer ci et là, Portrait pour clavecin et orchestre et Duo pour Bruno et orchestre. Donatoni développe dans chacune de ces oeuvres un monde sonore complexe et inouï qui peut autant laisser l'auditeur au bord du chemin ou alors - c'est mon cas - l'entraîner dans une kyrielle de sons qui ne demande qu'à être domptée par l'oreille la plus téméraire ou disponible. Dans Portrait , j'aime comment résonne le clavecin au sein de l'orchestre et en dehors de celui-ci. C'est tout autre chose qui m'intéresse et me tient en haleine dans Duo pour Bruno, un traitement particulier et inventif de la matière orchestrale, une sculpture pointilleuse de la pâte sonore...
Une réécoute inopinée de ces trois oeuvres me fait dire que In Cauda pour choeur et orchestre est celle qui me fait finalement le plus d'effet des trois, suivie de près par Portrait pour clavecin et orchestre. Cette pièce de 18 minutes et 45 secondes offre ce monde complexe et inouï que j'évoquais déjà dans mon précédent message et qui finit par me fasciner: le jeu du clavecin, sa beauté particulière et son rapport à l'orchestre... Duo pour Bruno pour orchestre, a aussi une certaine allure, ce côté inouï que je recherche souvent dans la musique contemporaine, sans compter un traitement alambiqué et maîtrisé de la matière orchestrale . Toutefois, sur la longueur, cette musique m'a un peu fatigué. "L'inouï" a pour le coup un peu usé mon enthousiasme. C'est peut-être aussi parce que je l'ai écoutée en dernier... De toute façon, je préfère Portrait qui me tient en haleine de la première note à la dernière. Il faut dire que le clavecin sous les doigts d'Elisabeth Chojnacka n'en demeure pas moins luminescent et hypnotique.
Dernière édition par Icare le 2020-11-13, 08:44, édité 1 fois
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
J'avais écrit sur un autre fil: <<Aujourd'hui, j'ai réécouté cinq pièces de musique de chambre de Franco Donatoni; Alamari pour violoncelle, contrebasse et piano, Flag pour un ensemble de treize musiciens, Nidi - Due pezzi per ottavino - 1979 pour Pierre-Yves Artaud et Roberto Fabbriciani, ici interprétée par l'excellent flûtiste français, Toy pour deux violons, alto et clavecin et Ave bénéficiant d'une association instrumentale originale; piccolo, glockenspiel & célesta. Par l'Ensemble 2E2M sous la direction de Paul Mefano (Jacqueline Mefano, piano & clavecin). Passer de Purcell à Donatoni tient sans doute du saut périlleux dans le temps. Avec Franco Donatoni, j'ai changé radicalement d'univers et je pense que les cinq pièces (énumérées ci-dessus) ne m'ont jamais autant plu qu'aujourd'hui. Mais bon, je m'aperçois que j'avais dit la même chose en 2014. Hehe Donatoni est un véritable explorateur du timbre instrumental, avec également un goût pour la virtuosité sans que celle-ci ne soit une fin en soi. L'argument poétique n'y est, pour ces raisons, jamais négligé, même si il ne s'apprivoise pas forcément d'emblée. Cette musique est d'un caractère sauvage qui ne se dompte pas d'une oreille distraite. Apprécions le travail formidable du maître italien pour la diversité des formations qu'il emploie, admirons l'alliage de trois instruments suraigus (piccolo, glockenspiel & célesta) dans Ave (1987), ce qui offre une combinaison de timbre quasi-inédite sur un ton presque amusé, plus encore lorsque l'oeuvre décline une citation désarticulée du thème mélodique de La Truite de Franz Schubert, m'abandonnant sur la douce impression d'une interrogation poétique et méditative.
Aujourd'hui, j'ai réécouté trois autre pièces de musique de chambre de Franco Donatoni; Spiri, pour flûte, clarinette sib, clarinette basse sib, hautbois, deux violons, alto, violoncelle, célesta et vibraphone, Eco pour deux flûtes, deux hautbois, deux cors, six violons, deux altos et deux violoncelles, puis Diario pour quatre trompettes et quatre trombones, par l'Ensemble Alternance sous la direction de Luca Pfaff. Je n'ai pas souhaité réécouter Ombra pour clarinette contrebasse ni Lame pour violoncelle afin de concentrer mon attention sur ces trois oeuvres en particulier. Elles me fascinent quand même moins que les oeuvres citées dans le commentaire en couleur. Si l'intensité est là, si la virtuosité domine ces trois pièces, elles l'expriment d'une autre manière. J'en sors certes intéressé mais pas fasciné, sauf avec la troisième oeuvre pour quatre trompettes et quatre trombones, Diario, car j'aime de plus en plus la trompette. J'en ai aimé les sonorités éclatantes et le rythme obstiné qui m'évoque Bartok et Stravinsky, peut-être même plus Bartok que Stravinsky. Dans un premier temps, le quatuor de trombones se fait discret avant d'apporter, sur un rythme saccadé, des contrastes sonores saisissants face à l'insolence des trompettes.
Icare Admin
Nombre de messages : 17488 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
En ce moment, je parcours les oeuvres de Franco Donatoni que j'ai en ma possession , sa musique de chambre qui se tient sur deux albums et trois oeuvres de plus grande formation qui en constituent un troisième. Cette fois, je ne vais pas livrer mes impressions sur chacune des oeuvres que j'ai réécoutées. Il me reste d'ailleurs une partie de sa musique de chambre à revisiter, ce sera pour ce soir. Toutes les compositions auxquelles je fais allusion ont déjà été évoquées sur ce fil et sur quelques autres du forum. Je ne souhaite donc pas me paraphraser dans la mesure où mes impressions n'ont pas beaucoup évolué, que ce soit dans une direction ou une autre. En même temps, je n'ai pas encore tenté de nouveaux opus. Franco Donatoni se situe pourtant parmi les "purs modernistes" que j'aime vraiment bien et dont la musique ne m'est absolument pas hermétique, bien au contraire! Je le place carrément dans mon quatuor de tête en Italie, aux côtés de Goffredo Petrassi, Ennio Morricone et Luciano Berio.
J'ai assez vite préféré sa musique à celle d'Aldo Clementi qui, au départ de mon intérêt pour la musique moderne, m'intéressait davantage: son style que je compare à des "sables mouvants" m'avait d'emblée fasciné et si j'y suis toujours réceptif, surtout Cent Sopirs pour choeur de chambre et 24 instruments à vent sur un texte français antique, rien d'autre ne m'a permis d'approfondir ni d'affûter mon goût pour sa musique, afin de voir comment évolua son style dans le temps. Par chance, Franco Donatoni est déjà mieux édité. Il commença sa carrière pour ainsi dire en même temps que Berio et Clementi. Je m'amuse de ce qu'il dit de John Cage: <<Son goût pour le zen et ses attitudes m'irritaient, je le détestais parce que je sentais qu'il pouvait détruire la musique, mais il m'arrive toujours lorsque je hais quelque chose qu'à l'instant ou que par la suite elle finisse par me pénétrer. L'effet Cage, au-delà de la réelle portée de ses oeuvres, est seulement celui d'un musicien californien, celui d'un farceur.>>
J'ai toujours eu une prédilection pour les compositeurs qui mettent souvent en avant dans leur musique un ou plusieurs instruments solos et ce n'est donc pas un hasard si mon oeuvre préférée de Donatoni est très probablement Portrait pour clavecin et orchestre par Elizabeth Chojnacka et l'Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction d'Arturo Tamayo, d'autant plus que le clavecin est un instrument qui m'a toujours fasciné. Quelle excellente idée ont eu les contemporains de l'utiliser, que ce soit dans le domaine de la musique absolue ou dans celui de la musique appliquée! Ce que dit Donatoni à propos de Portrait est au fond le propos de plusieurs compositeurs sur leur approche de la musique concertante et du soliste: <<Toutes les fois que j'ai écrit quelque chose pour un soliste, j'ai toujours voulu le connaître en personne, connaître sa façon de jouer et de se mouvoir. Cela ne me semble pas du tout étrange: au fond c'est ce que faisaient les compositeurs d'opéras avec les chanteurs. Ils n'écrivaient pas abstraitement pour une voix de soprano, mais pour ce soprano-ci ou ce soprano-là et pour moi s'agissant d'instrumentiste même la façon de se mouvoir revêt une certaine importance.>>