Rezso SUGAR (1919-1988)

Rezso Sugar est un compositeur hongrois né à Budapest le 9 octobre 1919 et mort dans cette même ville le 22 septembre 1988.
En 1937,il commença ses études à l'Académie de musique Royale Hongroise et fut étudiant en composition de Zoltan Kodaly. Il a été professeur de composition à la "Bela Bartok école de musique secondaire de 1949 à 1968 et à l'Académie Franz Liszt de musique de
1968 à 1979. Il a été lauréat du Prix Kossuth en 1954.

Liste de ses oeuvres:

___M. Hunyadi - oratorium - 1951
___Komives Kelemen - cantate - 1958
___A tenger Lanya - Ballet - 1961
___Paraszti Haboru - oratorium - 1975
___Savonarola - oratorium - 1979


___Nyitani pour orchestre - 1954
___Concerto in memoriam Bela Bartok - 1962
___Metamorfosis - 1966
___Sinfonia a variazione - 1970
___Epilogus - 1973
___Concertino pour violon et cordes - 1976
___Concertino pour flûte et cordes
___Pastorale pour piano et cordes - 1978


___Divertimento - 1948
___Szimfonietta pour orchestre à cordes - 1955
___Partita - 1967
___Dix études pour orchestre à cordes.

___ Vonostrio pour piano et trio à cordes - 1941-1942  
___Sérénade - 1943
___Hegedu-zongora Szonata - 1946
___Vonosnégyes pour quatuor à cordes - 1947-1950-1969  
___Frammenti Musicali pour quintette à vents et piano - 1958
___Rondo pour piano et ensemble de cordes  
___Rapszodia - 1959

Je viens de découvrir trois oeuvres pour orchestre de Rezso Sugar, le Concerto pour orchestre, à la mémoire de Bela Bartok, la Sinfonia a Variazione et Epilogue. Ce compositeur s'inscrit parfaitement dans la lignée des modernistes, entre Bartok et Stravinsky. Cette musique est très riche en rythmes et en coloris, sortes de géométries sonores qui s'enchainent dans une architecture souple, facile à définir, semi-abstraite, qui s'harmoniserait très bien avec la peinture de ,par exemple, Jeno Barcsay qui sert d'illustration à la pochette du cd. Sensible aux "couleurs des sons", et aux contrastes que la palette du compositeur a judicieusement exposés par une grande maitrise de l'orchestre et de toutes les possibilités timbrales qu'il sut tirer de cet effectif, j'ai perçu cette musique autant visuelle que filmique. Si j'y ai "entrevu" une toile faite d'un mélange de teintes pastelles et d'autres plus vives, ainsi que de mouvements aux formes parfois arrondies ou plus angulaires, la musique accompagnait dans mon esprit béophile un film imaginaire. C'est d'autant plus vrai pour son Epilogue qui, plus tendu et crispé, instaure non sans imagination un climat et un suspens très cinématographiques et donc suggestifs. Beaucoup apprécié ce disque!

La réécoute de son Concerto pour orchestre "à la mémoire de Bela Bartok" m'a confirmé une oeuvre remarquable en tout point. L'oeuvre a du tempérament, fourmille d'idées et est d'une grande richesse timbrale. Le moindre son, la moindre sonorité y gagne une couleur, c'est un ballet des couleurs parce que c'est une musique d'un genre moderne qui se complait à bien assouvir l'oeil qui se cache dans l'oreille du mélomane avisé. Si la Sinfonia a variazione continue dans cette optique, son Epilogue en est la formidable conclusion, celle d'un créateur insuffisamment connu et entendu, ce qui est fort dommage...surtout que le peu que j'ai pu entendre de sa musique de chambre sur la toile m'avait paru d'excellente tenue. Ce que je retiens, au-delà d'une réelle maîtrise de son art, c'est un auteur de tempérament qui écrit une musique pas juste belle ou agréable, mais d'un genre fascinant avec ce petit quelque chose en plus.

En réécoutant ce que je connais de Rezso Sugar, je me suis dit que j'aimerais que ce compositeur soit mieux édité car j'aime beaucoup son approche symphonique, comme par exemple dans son Concerto - In memoriam Bélae Bartok (1962), mais c'est aussi vrai dans sa Sinfonia a variazione (1971) et son Epilogue (1973). Rien ne freine mon enthousiasme, chaque moment, lent ou rapide, m'est fortement attractif. Le concerto se compose de six mouvements pour une durée de trente-deux minutes environ. Je ne m'y ennuie pas une seconde. Il y a du mystère et de la tension, des parties plus agitées qui ouvrent sur un thriller imaginaire. C'est un peu ce que je ressens dans Epilogue. La montée en intensité est prenante. Elle captive l'attention sur un drame à venir. Question orchestrations, je suis aux anges. Tout semble être étudié selon mon goût personnel. Je suis sensible à chaque nouvelle sonorité et rebondissement, le son d'un clavecin quelque-peu lointain, d'un piano martelé. Pas de ces surenchères cuivreuses qui peuvent parfois me rebuter, ni dans Epilogue, ni dans la Sinfonia a variazione  ni dans le Concerto. Le tourment des cordes donne le ton dès le premier mouvement du "Concerto". C'est d'abord un basson solitaire qui en appuiera le caractère un peu désespéré, avant que la musique s'amplifie autour de sonorités cristallines et que, de plus en plus intense et captivante, prenne l'allure d'une marche. Sur chaque mouvement, je suis ses péripéties et profite de ses fougues et tonitruances. l'"Allegro feroce" est particulièrement passionnant par son caractère fougueux et chahuté. le "Moderato cantabile" qui suit lui confère un caractère plus méditatif mais tout autant tourmenté. C'est une forme de désespoir qui s'instaure sous la domination des cordes. Trois autres mouvements alterneront agitations et moments plus lents avec brio et panache avant de céder la place à une "Sinfonia" d'un charisme égal et d'un même caractère dramatique. Faite de tonitruance et d'une agitation quasi-continue, c'est une oeuvre en perpétuelle métamorphose, en continuelle mutation. J'ai écouté précédemment des oeuvres pour orchestre de Franz Liszt et Miklos Rozsa et si elles sont porteuses de moments délicieux, il arrive que les parties les plus luxuriantes et pompeuses me refroidissent un peu. Ce n'est pas le cas avec Rezso Sugar dont j'absorbe chaque son, chaque mesure avec intérêt: j'adore comment ces musiques sont orchestrées avec une recherche concise des effets, un souci fascinant du détail, de la petite sonorité originale qui va s'immiscer astucieusement dans la matière infernale de l'orchestre, aussi déchaîné que pleinement maîtrisé. Je repense alors au tout dernier mouvement du "Concerto" qui correspond à merveille à ce que je viens d'exprimer. Particulièrement inspiré et jubilatoire ce morceau-là.

Sinon, il faudra que je me tourne du côté de sa musique de chambre:

https://www.youtube.com/watch?v=yHH06JHK8Mc