Paul Tortelier, compositeur et violoncelliste (1914-1990)

Paul Tortelier, né le 21 mars 1914 à Paris et mort le 18 décembre 1990 à Chaussy, était un violoncelliste français réputé pour ses interprétations autant que pour ses qualités de pédagogue. Il a été également compositeur.


Tortelier est encouragé dès son plus jeune âge par ses parents à entreprendre l'étude du violoncelle. Son père, d'origine bretonne, menuisier de métier, jouait du violon et de la mandoline. Sa mère adorait le violoncelle et voulait faire de son fils un violoncelliste. Enfant doué, il entre à douze ans au Conservatoire de Paris dans la classe de Louis Feuillard puis de Gérard Hekking qui sera son véritable maître. Il obtient un premier prix quatre ans plus tard, à l'âge de 16 ans, et passe ensuite trois ans à apprendre l'harmonie avec Jean Gallon, apprentissage d'ailleurs couronné par l'obtention du premier prix d'harmonie en 1935.
Il entre par la suite dans l'orchestre Lamoureux avec lequel il se produit pour la première fois en soliste dans le Concerto pour violoncelle de Lalo. De 1935 à 1937, il fait partie de l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo qui est à l'époque dirigé par Arturo Toscanini et Bruno Walter. Richard Strauss vient diriger à Monte-Carlo son poème symphonique Don Quichote et c'est Tortelier qui joue le partie de violoncelle solo. Depuis lors, le nom de Tortelier est étroitement associé à cette œuvre ; il en donnera d'ailleurs au cours de sa vie de nombreuses représentations et enregistrements).
En 1939, invité par Serge Koussevitzky, il rejoint l'Orchestre symphonique de Boston comme 3e violoncelliste solo. Après la guerre, il revient en France où il est pendant deux ans (1945-1946) premier soliste à la Société des concerts du Conservatoire.
Ami, admirateur et disciple de Pablo Casals tout à la fois, il est invité par celui-ci en 1950 à être le principal violoncelliste du premier festival de Prades, pour la commémoration du 200e anniversaire de la mort de Bach. Cela contribue à le faire connaître et sa carrière de concertiste s'affirme. Tortelier, invité alors par de nombreux orchestres se produit sur les scènes du monde entier. Il forme aussi avec Arthur Rubinstein et Isaac Stern un trio resté célèbre.

Techniques de violoncelle

Paul Tortelier est par ailleurs l'inventeur d'une position particulière du violoncelle qu'il tenait presque horizontalement. Cette position est obtenue à l'aide d'une pique coudée appelée « pique Tortelier ».


Le professeur

Grand pédagogue, Paul Tortelier devient en 1956 professeur au Conservatoire de Paris. Il quitte en 1969 le Conservatoire pour la Folkwanghochschule d'Essen où il reste jusqu'en 1975, puis pour le Conservatoire de Nice de 1978 à 1980. Dans les années 1970, il donne pour la télévision britannique une série de master-classes qui obtient un grand succès. Il est également en 1980 le premier occidental à être nommé professeur honoraire au Conservatoire de Pékin.
Il meurt le 18 décembre 1990, terrassé par une crise cardiaque au château de Villarceaux à Chaussy (Val d’Oise) alors qu’il donnait un cours à une douzaine de jeunes musiciens. Il avait 76 ans.
Il aura notamment eu comme élève Philippe Muller, Anne Gastinel, Georg Pedersen, Hege Waldeland, Stefan Metz, Arto Noras, Frieder Lenz, Melissa Phelps, Michel Strauss, Jean Decroos, Jacqueline du Pré, Aisling Drury-Byrne, Aleth Lamasse, Gerhard Mantel, Solen Dikener, Raphaël Sommer.


La famille Tortelier

La musique chez Paul Tortelier se faisait en famille : sa femme Maud Martin, épousée en 1946, était également violoncelliste : elle avait étudié au CNSM avec Pierre Fournier, Maurice Maréchal et Joseph Calvet et jouait avec lui dans les œuvres qui requéraient deux violoncelles. Et il avait insufflé à ses enfants la passion de la musique : son fils Yan-Pascal est aujourd'hui un chef d'orchestre réputé, sa fille aîné Maria de la Pau (née à Prades le 13 mai 1950 et filleule de Pau Casals) pianiste concertiste et la troisième, Pomona, violoncelliste. Paul Tortelier a notamment créé en 1977 avec sa fille aîné Maria de la Pau et son fils Yan-Pascal (violon) le Trio en ut mineur d’Edvard Grieg.

Bien que catholique, Tortelier a été enthousiasmé par la création d'Israël et a passé à partir de 1955 un an avec sa femme et ses enfants dans un kibboutz, Mabaroth, en Israël. Son expérience israélienne lui inspirera d'ailleurs l'écriture d'une symphonie, la Symphonie d’Israël (1956).


Le compositeur

Paul Tortelier, en plus de son activité de violoncelliste, a eu également une activité notable de compositeur. Ses œuvres sont pour la plupart consacrés à son instrument. Ainsi, on lui doit deux concertos pour violoncelle, un concerto pour piano (1955), un concerto pour deux violoncelles et orchestre (qu'il jouait avec sa femme), des duos pour deux violoncelles (1954), une suite pour violoncelle seul en ré mineur (1944-1955), une sonate pour violoncelle et piano (1944) et une autre pièce, Spirales (1943), des variations pour violoncelle et orchestre intitulées Puisse la musique sauver la paix ainsi que de nombreux hymnes à la paix qui dénotent bien l'humanisme dont Tortelier était porteur.
En 1986 il composa une dernière pièce pour violoncelle seul : Mon Cirque.

Il est également l'auteur d'un livre : How I Play, How I Teach publié chez Chester à Londres en 1973.

J'ai les six suites pour violoncelle de Bach jouées par lui, et c'est un grand moment vraiment.
C'est vrai, on voit bien sur la photo de l'album, la façon qu'il avait de tenir son instrument.
Je l'écoute très souvent.

Joachim, je me suis permis de déplacer ce fil dans la rubrique "compositeurs" car j'ai acheté en cd des compositions de Paul Tortelier; son Double Concerto pour deux violoncelles et orchestre (1950) dont les deux solistes sont Arto Noras et Maud Martin Tortelier, avec le BBC Philharmonic sous la direction de Yan Pascal Tortelier; sa Suite in D minor (1944) pour violoncelle solo par Paul Tortelier lui-même; Offrande pour cordes (1970) avec le Malboro Music Festival sous la direction du compositeur, puis Your Grey-Blue Eyes (1990) pour violon et cordes avec comme soliste Yan Pascal Tortelier, une courte pièce de moins de deux minutes.

Je sais que les grands interprètes ne font pas nécessairement de grands compositeurs mais j'avais trop envie de connaître cette facette de sa personnalité, notamment son double concerto. J'y reviendrai donc prochainement, après écoute.

C'est vrai que pour certains, on ne sait pas trop s'il faut les mettre dans interprètes ou compositeurs. Tortelier était quand même plus connu comme interprète, c'est pourquoi je l'avais classé là. Mais puisque tu as écouté quelque chose de lui (ce qui n'est pas mon cas), tu as bien fait.

Tu nous diras ce qu'il en est de ses oeuvres quand tu auras écouté ton CD ?


Un autre violoncelliste célèbre, c'est Rostropovitch. Il a également composé, je l'ai appris hier, mais je n'ai pas même trouvé une liste de ses oeuvres, c'est pourquoi je l'ai laissé dans les interprètes.

Voilà, c'est fait! Je viens d'écouter les quatre oeuvres qui sont réunies sur mon cd et que j'ai mentionnées ci-dessus. L'oeuvre qui m'a le plus touché est son Double Concerto pour deux violoncelles et orchestre, ce qui ne m'étonne guère, au fond. Le compositeur a composé ce double concerto pour son épouse Maud mais aussi pour pouvoir l'interpréter à ses côtés, dans le monde entier. Il est de forme tonale et romantique, ne manque donc pas de lyrisme. Je suis sûr, Joachim, qu'il ne te déplairait pas. Il est d'une bonne tenue, solidement charpenté, se suit sans ennui. Les second et troisième mouvements me semblent particulièrement réussis, mais le premier ne manque pas d'intensité non plus. Je ne dirais toutefois pas de ce Double Concerto qu'il est fascinant, époustouflant ni même d'une beauté à couper le souffle. Je le trouve plus précisément attractif et attachant, très attachant, une belle oeuvre, une belle preuve d'amour d'un homme pour une femme qui partagea avec lui, le temps d'une vie, un autre amour aussi intense pour la Musique avec un grand M. Comme chez les Casadesus, ce fut une affaire de famille. La Suite en Ré mineur pour violoncelle solo ajoute un beau moment musical au répertoire de ce magnifique instrument; on n'y ressent la présence invisible de J. S. BACH, sans doute le grand compositeur classique pour lequel il vouait le plus d'admiration et de reconnaissance. Sa pièce pour cordes intitulée Offrande ne m'a pas spécialement déplu même si je dois reconnaître qu'elle ne m'a pas fait plus d'effet que cela. En revanche, la pièce courte pour violon et cordes Your Grey-Blue Eyes est un petit délice de romantisme un peu rétro qui offre une conclusion pleine de tendresse.

Belle découverte pour moi, merci. J'aime les instruments solo, le dépouillement de cette musique dans la nature sans même les couleurs.
Ses papillons on les voit voler bien haut !

J'ai réécouté son DOUBLE CONCERTO pour deux violoncelles et orchestre et j'accroche toujours aussi bien. En marge des turpitudes de l'avant-garde qui sévissaient déjà en Europe, en 1950, période où fut composée cette oeuvre - de ma part, il ne s'agit en rien d'un regret ni d'un compliment mais d'une simple observation - la musique s'envole dans les méandres d'un lyrisme amoureux et raffiné parmi lesquels deux violoncelles ne s'opposent pour ainsi dire jamais dans un duel "passionnel", à savoir celui qui va battre en virtuosité son rival. Non, au contraire, il s'agit davantage d'une complicité entre les deux solistes, d'osmose même où les deux protagonistes vont se soutenir mutuellement, être le prolongement harmonieux l'un de l'autre jusqu'au final, ou, sans opposition, les deux violoncelles vont alors s'exprimer communément dans un grand jeu virtuose et concluant. En revanche, j'ignore pourquoi, mais sa SUITE IN D MINOR pour violoncelle solo m'a laissé au bord du chemin alors qu'à la première écoute, j'avais plutôt apprécié. Je n'ai pas réécouté non plus les deux autres pièces mentionnées dans mon précédent commentaire. Je n'en ai pas eu envie. Je me suis focalisé sur ce DOUBLE CONCERTO.  

Icare a écrit:

J'ai réécouté son DOUBLE CONCERTO pour deux violoncelles et orchestre et j'accroche toujours aussi bien. En marge des turpitudes de l'avant-garde qui sévissaient déjà en Europe, en 1950, période où fut composée cette oeuvre - de ma part, il ne s'agit en rien d'un regret ni d'un compliment mais d'une simple observation - la musique s'envole dans les méandres d'un lyrisme amoureux et raffiné parmi lesquels deux violoncelles ne s'opposent pour ainsi dire jamais dans un duel "passionnel", à savoir celui qui va battre en virtuosité son rival. Non, au contraire, il s'agit davantage d'une complicité entre les deux solistes, d'osmose même où les deux protagonistes vont se soutenir mutuellement, être le prolongement harmonieux l'un de l'autre jusqu'au final, ou, sans opposition, les deux violoncelles vont alors s'exprimer communément dans un grand jeu virtuose et concluant.

Je viens de le réécouter ce soir, ce qui fait guère moins d'un an depuis la dernière fois, mais mon impression n'a pas échangé d'un iota. Je suis très attaché à la forme romantique et amoureuse de ce Double Concerto. Pour moi, c'est le concerto de l'amour, le concerto d'une grande complicité amoureuse entre un homme et une femme, entre un homme et son instrument, entre une femme et son instrument, entre un homme et une femme et leurs instruments: la musique qui s'est échappée de ces étreintes ne peut être qu'amour et bonheur...un homme, une femme, deux violoncelles, quatre corps qui respirent, un orchestre qui ne retient pas toujours son souffle...lyrique...