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 Culture et musique

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Snoopy
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Snoopy

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MessageSujet: Culture et musique   Culture et musique Empty2006-10-24, 22:46

L’homme inscrit son destin dans une évolution historique, ce qu’a priori déniait le structuralisme. L’histoire de la musique, en bâtissant une certaine complexité, a également réussi à inscrire l’homme dans son histoire, mais aussi dans son contexte social. La musique, en construisant le temps, construit l’histoire ; l'étude des évolutions sociologiques de la musique retrace alors certaines formes d’adaptation conscientes et inconscientes qui font notre culture.

L’histoire et la culture musicale combinent ainsi à loisir les moments de rupture et de continuité ; la réception de la musique vient inscrire dans ces moments un flux d’informations, ou plutôt d’acceptations, en partie comparable à un système d’apprentissage de la nouveauté. Cet apprentissage s’appuie sur des récurrences, des variations, des comparaisons (la variation dans l’immuable, et l’invariance dans le mouvant). Mais, au-delà, cet apprentissage permet surtout d’établir des relations, donc d’inscrire la réception de la musique dans le temps, dans l’histoire que nous partageons avec tous les autres.

Tout message est un système organisé, régi par des lois fixes. Les structurations de ce message, ou pattern, correspondent à des formes acquises culturellement, ou à des schémas qui conditionnent cette acquisition, cette assimilation. Il faut donc y reconnaître un ensemble organisé de préférences, d’habitudes, qui dégagent des lois dans les stratégies de perception. C’est d’ailleurs seulement à ce titre que l'on peut reconnaître une analogie entre la définition du message et celle de la communication de la musique, forme non verbale de message, et possédant ses propres caractéristiques esthétiques. Car la musique a définitivement marqué dans son projet le désir de rompre avec des stéréotypes de la perception et de la connaissance. La réception de ce message consiste seulement en une perception globale des formalismes esthétiques, mais elle diffère pour chaque individu sur le contenu à fournir à chacun de ces formalismes. Cette réception va donc à l’encontre des rationalités perceptives qui font primer la pensée sur la forme.
Les paramètres physiologiques et psychologiques de la perception de la musique, ou de l’audition en général, s’inscrivent dans une organisation, une structuration, et se développent vers un certain sens, une sémantique que chacun apporte avec sa propre personnalité. Tous ces attributs psychologiques sont dus à ce que les psychologues nomment acculturation, c’est-à-dire notre faculté de percevoir au travers de schèmes d’organisation, d’établir des hiérarchies structurelles, et même parfois de lier certains schémas syntactiques à nos schèmes culturels.
L’auditeur n’est pas toujours tenu de connaître les systèmes de composition utilisés (surtout dans les musiques contemporaines fortement liées à des théories a priori. Par exemple l’écoute d’œuvres essentielles telles l’Incontri de Luigi Nono, ou le Kreuzspiel de Karlheinz Stockhausen n’appelle pas la connaissance des systèmes musicaux qu’elles mettent en place). Cependant, une base commune à tous les langages musicaux permet à n’importe quel récepteur d’apprécier à sa façon les musiques de toutes les époques et de toutes les cultures.

Tout jugement peut être remis en cause, toute révision est envisageable. Partant, l’œuvre n’est plus jamais un objet isolé. De par nos expériences individuelles, elle est avant tout pluralité d’intégration. Des logiques de notre réception sociale s'adaptent pour que l'expérience de l'écoute établisse des relations fonctionnelles entre les différentes structures musicales (cellules mélodiques, rythmiques, refrains, etc.). Ces logiques révèlent une nouvelle forme de connaissance phénoménologique. L'histoire de la musique, en se déclinant dans toutes les composantes sociales, réussit ainsi peu à peu à replacer l’homme au centre des recherches musicologiques, en remontant de l’homme vers le monde extérieur, et en analysant la musique comme la réception d’un message. Traduire ce sens de la musique revient alors, en première analyse, à évaluer statistiquement les réactions de chacun, ce qui consiste à faire du moyen, du milieu, une approximation de ce que représente la musique dans un cadre social déterminé. Une telle réduction ne pouvait qu’engendrer des craintes et des réactions vis-à-vis d’un positivisme rejeté dans la nouvelle conscience de la réalité. Une nouvelle approche fut donc mise à profit pour passer du calcul à la création, de la vision scientifique à la vision créatrice. La théorie de la réception esthétique passe alors de la définition d’un message en général, à celle d’un message musical en particulier, c’est-à-dire d’une communication maîtrisable, à une communication où l’essentiel réside dans l’inexprimé. Comment cette musique qui ne traduit pas obligatoirement un schéma de communication, se décline-t-elle alors dans les différentes civilisations ? Comment l'homme est-il le fruit d'une acculturation et d'une assimilation qui synthétisent tous ses apprentissages ?

Cette acculturation peut toutefois s'apparenter soit à une dégradation, soit à un développement. La question se pose, par exemple, de savoir si l'enfant ne possèderait pas une certaine spontanéité musicale, une attention plus profonde que l’adulte et qui lui serait déniée par l'éducation.

Avant de connaître ou de reconnaître, la personnalité doit avoir produit le son, son, perçu son organisation ou en avoir cerné différentes composantes, la hauteur, la durée, etc., pour que l'audition sache le restructurer et le connaître. Cette intégration passe par tous les niveaux de conscience de notre être et devient par là-même un des fondements de la structuration de la personnalité. Plusieurs écoles d'apprentissage de la musique étudient cet apport fondamental. Toute notre culture s'apprend au contact d'un certain milieu sociologique, et la musique doit y tenir une place, faute de quoi sa perception sera différente.

Quelle influence cette acculturation joue-t-elle sur notre réception des musiques extra-européennes, ou sur l’écoute de styles qui se situent hors de notre champ culturel ?

Robert Francès livre un exemple caractéristique : l’influence de la tonalité comme caractère socioculturel de la réception de la musique. En effet, pour percevoir la musique, nous sommes assujettis à cette hiérarchisation qui nous porte à la structuration sur une échelle de notes, c'est-à-dire à la prédominance fonctionnelle de certaines notes. Les mélodies sont perçues par rapport à un pôle dominant appelé tonique. Nous construisons alors un réseau de réception de la musique, au travers des apports de schèmes culturels. Toute notre personnalité est partie prenante dans l’acte d’entendre :

« Dans un système culturel tel que la musique, envisagé non comme le fait l’exposé de la théorie musicale, mais comme système psychologiquement intégré dans une expérience, constituant une formation, la description de l’élément renvoie, par certains aspects, à certains traits du système ; tout essai de compréhension naïve est exclu, toute réduction phénoménologique mettant entre parenthèses le monde institutionnel de la culture pour tenter de retrouver le vécu dans ses manifestations est sans objet. » (R. Francès, la perception de la musique)
Pour illustrer ce problème (culturel) de la manifestation transcendantale des œuvres musicales pour un auditeur, Roman Jakobson cite le compte-rendu d’une conférence de G. Becking, linguiste et musicologue, que celui-ci a prononcée en 1932 au Cercle linguistique de Prague :

« Un indigène africain joue un air sur sa flûte de bambou. Le musicien européen aura beaucoup de mal à imiter fidèlement la mélodie exotique, mais quand il parvient enfin à déterminer les hauteurs des sons, il est persuadé de reproduire fidèlement le morceau de musique africain. Mais l’indigène n’est pas d’accord car l’européen n’a pas fait assez attention au timbre des sons. Alors l’indigène rejoue le même air sur une autre flûte. L’européen pense qu’il s’agit d’une autre mélodie, car les hauteurs des sons ont complètement changé en raison de la construction du nouvel instrument, mais l’indigène jure que c’est le même air. La différence provient de ce que le plus important pour l’indigène, c’est le timbre, alors que pour l’européen, c’est la hauteur du son. L’important en musique, ce n’est pas le donné naturel, ce ne sont pas les sons tels qu’ils sont réalisés, mais tels qu’ils sont intentionnés . L’indigène et l’européen entendent le même son, mais il a une valeur tout-à-fait différente pour chacun, car leur conception relève de deux systèmes musicaux entièrement différents ; le son en musique fonctionne comme élément d’un système. Les réalisations peuvent être multiples, l’acousticien peut le déterminer exactement, mais l’essentiel en musique, c’est que le morceau puisse être reconnu comme identique. »

Certains éléments sonores sont dans telle culture des éléments de tension (arsis), alors qu’ils seront dans telle autre des éléments de repos (thesis), n’ayant ici aucune influence sur la sémantique musicale, et là un rôle très important.

Seule la musique occidentale, forgée sur un mode de transcription directe, offre un système de symboles, les notes, tant soit peu dégagé des dimensions subjectives et qui lui a permis de se doter d’une tonalité rationnelle car facilement transmissible et assimilable. L'histoire de la musique, de ses styles, est donc évolutive.

Cette recherche de l’universalité a bien entendu énormément influencé le destin de la musique quand l’essor de la notation a accru les possibilités de sa transmission.

La psychologie de la musique née au XIXe siècle (notamment avec les théories physicalistes d’Helmholtz, Brücke et Fechner), a eu la charge de révéler le devenir des esthétiques derrière l’apport conceptuel des sciences et des artistes qui abordaient la technique. Cette nouvelle science correspond d’ailleurs au développement des théories de Freud sur l’inconscient . Mais comme la psychologie n’est pas elle-même en quête des concepts de la pensée musicale, elle ne peut que se contenter d’analyser les différences de réceptivité, fonction des systèmes mis en place par les musiciens.
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