Ingram MARSHALL (1942-2022)

Indroduction personnelle avec des éléments biographiques:


Ingram Marshall est un compositeur américain que l'on se plait généralement à situer dans le courant de la musique minimaliste alors que lui se qualifie d'"expressiviste". Il est né le 10 mai 1942 à Mount Vernon dans l'État de New York. Sa musique combine des sons enregistrés sur bandes magnétiques et/ou des interventions électroniques avec des orchestres ou des ensembles plus réduits. C'est exactement ce genre de musique qui se développe sous le titre Kingdom Come (1997), interprété par "The American Composers Orchestra" sous la direction de Paul Lustig Dunkel. J'aime beaucoup cette oeuvre, son caractère religieux qui me plonge dans une espèce de recueillement avec une montée en intensité. Il y avait très longtemps que je n'avais pas réécouté une oeuvre d'Ingram Marshall et je pensais pourtant lui avoir déjà consacré un topic. Ce fut donc un grand plaisir d'y revenir. Dommage que je ne me suis pas souvenu du beau solo de trompette qui domine l'oeuvre à un moment donné car je l'aurais réécoutée bien plus tôt. Cette musique, qui se développe sur une durée environnant les seize minutes, emploie un choeur enregistré sur bande magnétique. Elle exprime en moi une douleur apaisée, une douleur transcendée, une douleur dépassée par la joie du souvenir d'un être cher trop tôt disparu, et il se trouve que cette composition d'Ingram Marshall fut écrite à la mémoire de Francis Tomasic. Étudiant au "Columbia Princeton Electronic Music Center", au milieu des années 1960, Ingram Marshall étudia et travailla notamment avec Vladimir Ussachevsky. Après avoir quitté l'université Columbia, il décida de se concentrer sur la composition et travailla brièvement avec le "New York University Composers Workshop", au Greenwich Village, où il collabora alors avec Morton Subotnick et Ivan Tcherepnin. La collaboration avec Subotnick continua au début des années 1970. Ingram Marshall fut son assistant au "California Institute of the Arts". La seconde oeuvre que j'ai réécoutée s'intitule Hymnodic Delays (1997). Il s'agit d'une pièce pour voix à cappella interprétée par "Theatre of Voices" sous la direction de Paul Hillier. Les oeuvres pour voix à cappella qui me tiennent vraiment en haleine sont rares et celle-ci n'en fait décidément pas partie. Heureusement que mon album enchaîne avec Fog Tropes II (1993) pour quatuor à cordes et bande magnétique où je retrouve, dans un effectif certes bien plus réduit, la lente et magnifique progression de Kingdom Come. Ingram Marshall a obtenu un "Master of Fine Arts" en 1971 et devient professeur à la "CAL Arts". Il commence alors à étudier la musique indonésienne et s'initie notamment à la pratique des gamelans de Java et Bali grâce à l'enseignement du maître originaire de Yogyakarta : KRT Wasitodipura. Durant l'été 1971, il se rend en Indonésie pour un voyage d'étude en compagnie de Charlemagne Palestine.

L'instant musical:

https://www.youtube.com/watch?v=qvfxl96bPXE

Aujourd'hui, j'ai réécouté trois oeuvres d'Ingram Marshall, celles par lesquelles j'ai découvert ce compositeur, un compositeur singulier, développant une approche qui se libère de toutes les chapelles qui délimitent d'une certaine façon la création contemporaine. Ce que j'ai mis en ligne ci-dessus est encore différent des oeuvres de musique de chambre que je viens d'écouter. Il s'agit de Entrada pour quatuor à cordes, de Evensongs pour quatuor à cordes avec, il me semble, un apport de bande magnétique et In my beginning is my end pour piano et trio à cordes. Dans Entrada, Ingram Marshall emploie un quatuor à cordes amplifié. La différence avec ce morceau choisi, présenté sur ce topic, ce n'est pas la langueur...sorte de langueur monotone qui évolue dans un espèce de carcan brumeux opaque...J'apprécie cependant cette poétique un peu lugubre, un peu sinueuse, créant un moment étrange, quasi-insolite. Dans les oeuvres que je viens de réécouter, il y a déjà plus de lumière, d'optimisme, de vivant. Entrada est comme une élégie qui s'élève et se rapproche prudemment du soleil. Evensongs commence sur l'enregistrement d'un carillon et de voix d'enfants. Le quatuor à cordes s'imprime de cette atmosphère du monde réel...un carillon, des voix d'enfants...pour créer une musique qui décrirait à sa manière les liens indéfectibles entre un père et son fils. C'est une musique qui respire la vie, le bonheur, le lien familial, l'intimité d'une joie d'être ensemble. Elle est chaleureuse. Singulière aussi tout en empruntant une voie complètement tonale. Le Quartet pour piano et trio à cordes, en deux mouvements, est porteur de cette même vie, de cette même chaleur, mais dans des formes qui en constituent un style qui le détache très bien des accents et des gestes musicaux du passé. Je n'ai jamais l'impression d'écouter du Schubert ni même du Fauré ou du Ravel, ai l'impression réjouissante d'aborder l'univers singulier et poétique d'Ingram Marshall, un compositeur parfaitement encré dans son époque et qui ne m'a jamais paru impersonnel, bien au contraire...Musicien trop rare à mon goût.

Ingram Douglass Marshall est décédé le 31 mai 2022.

Source : https://www.nonesuch.com/journal/composer-ingram-marshall-dies-80-2022-06-01

Le compositeur Ingram Marshall, dont le compositeur de musique Timo Andres a dit un jour qu'il "fusionne le sacré et le profane de manière mystérieuse, suivant un cheminement de pensée dans des territoires entièrement autonomes", est décédé mardi à l'âge de 80 ans.

"Pour atteindre la musique d'Ingram Marshall", a déclaré le critique musical du magazine new-yorkais Justin Davidson, "tournez à gauche au minimalisme, à droite à l'électronique et continuez jusqu'à ce que vous atteigniez l'avant-garde. Marshall occupe une place individuelle dans le paysage musical contemporain. Ou peut-être est-il plus juste de dire qu'il crée ses propres paysages musicaux, des brumes, des lieux mystérieux qui offrent des moments d'étrange lucidité.

Bien qu'il ait été élevé sur la côte Est et qu'il ait résidé à Hamden, dans le Connecticut, Ingram Marshall a passé une grande partie de sa vie créative antérieure sur la côte Ouest. Il a vécu et travaillé dans la région de la baie de San Francisco de 1973 à 1985, et dans l'État de Washington, où il a enseigné à l'Evergreen State College, jusqu'en 1989. C'était des études supérieures au nouveau California Institute of the Arts, où il a obtenu un MFA. , qui le conduisit en Californie en 1970.
Il étudia la musique gamelan indonésienne, dont l'influence se fait sentir dans le sens ralenti du temps et l'utilisation de la répétition mélodique que l'on retrouve dans nombre de ses pièces. Au milieu des années 70, il a développé une série de pièces "électroniques en direct" telles que Fragility Cycles , Gradual Requiem et Alcatraz ., dans lequel il a mélangé des collages de bandes, des techniques vocales étendues, des flûtes indonésiennes et des claviers. Il s'est produit largement aux États-Unis avec ces œuvres. À la fin des années, il s'est concentré sur la musique combinant bande et traitement électronique avec ensemble et solistes.

Marshall a été professeur invité à l'Institute for Studies in American Music du Brooklyn College en 1990, et il a enseigné la composition à la Yale School of Music, à la Hartt School of Music et au San Francisco Conservatory. Sa musique a été interprétée par des ensembles et des orchestres tels que Theatre of Voices, Kronos Quartet , Bang on a Can All-Stars, Los Angeles Philharmonic, San Francisco Symphony, St. Louis Symphony et American Composers Orchestra. Il a reçu des prix du National Endowment for the Arts, de la Rockefeller Foundation, de la Fromm Foundation, de la Guggenheim Foundation et de l'American Academy of Arts and Letters.

Nonesuch a sorti deux albums de musique d'Ingram Marshall : Kingdom Come / Hymnodic Delays / Fog Tropes II , respectivement interprétés par American Composers Orchestra, Theatre of Voices et Kronos Quartet, en 2001, et Three Penitential Visions / Hidden Voices en 1990. , sa célèbre pièce de 1981 Fog Tropes peut être entendue sur l'album de 1991 American Elegies , sur lequel John Adams dirige l'Orchestre de St. Luke's.