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Sujet: Laurent PETITGAND 2014-06-24, 23:09
Introduction personnelle:
A l'époque où sortit sur grand écran Les ailes du désir de Wim Wenders, dans lequel apparaît en tant qu'acteur Laurent Petitgand, j'avais été impressionné par le film ainsi que par la très belle musique de Jürgen Knieper . Il était alors logique que je m'intéresse à la suite qui sera réalisée un peu plus tard par Wenders sous le titre Faraway so close!. Si ce second volet n'atteint pas, selon moi, les hauteurs du premier qui est un chef d'oeuvre, il m'a malgré tout bien envoûté. La partition qui n'est plus composée par Knieper mais par Laurent Petitgand est également de très bonne tenue, avec ses voix angéliques, ses thèmes intenses, un assez curieux et minimaliste avec piano solo, une valse aussi, réussie, prenante, une sorte de fugue épaisse et progressive, sans compter un son électronique très élaboré et un violoncelle grave et religieux...
L'instant musical I:
Eléments biographiques:
Laurent Petitgand (Lori P, Loory Petitgang, Little G’love) né le 28 septembre 1959 à Laxou (agglomération de Nancy) est un compositeur, chanteur, multi instrumentiste (guitariste, pianiste, saxophoniste…), auteur, et également acteur pour le cinéma. Élevé dans une famille nombreuse, il chante de 7 à 14 ans en soliste dans une chorale avant d’entreprendre son périple d’artiste autodidacte d’abord seul puis au sein de différents groupes qu’il crée dont Dick Tracy avec lequel il compose sa première musique de film en 1985 pour Wim Wenders, Tokyo-Ga et qui marque le début d’une collaboration fructueuse.
Parallèlement à l’écriture de chansons qu’il interprète, il compose pour la danse et le théâtre notamment pour Angelin Preljocaj “ Liqueurs de chair”, “Amer America” et Camilla Saraceni “Hélène d’Euripide”. Il écrit des textes pour Alain Bashung avec “Les grands voyageurs”, des arrangements de cordes pour Christophe (chanteur) “Comme si la terre penchait”. On le voit dans le rôle du chef d’orchestre du “Alekan Zirkus“ dans Les Ailes du désir puis il interprète des rôles dans les films de Solveig Dommartin, Pascal Remy, Christohe Le Masne, Kim Massee... Il signe en 2006 la musique du dernier film de Paul Auster La Vie intérieure de Martin Frost, publiée par CD Naïve. Depuis juin 2007, il se produit en concert Fautes de frappes et Mauvaise Mine : accompagné de Stephane Chalumeau alias Motif_r électronique.
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Icare Admin
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Sujet: Re: Laurent PETITGAND 2014-06-27, 16:10
The inner life of Martin Frost est un film de Paul Auster que je n'ai pas encore eu l'occasion de regarder. Est-ce que cela peut empêcher l'appréciation de la bande originale qui s'y rapporte? Dans mon cas, je ne peux pas dire que la partition de Laurent Petitgand me laisse indifférent. Essentiellement pour piano, cordes et saxophone solo, plutôt mélodique et intimiste, elle dégage une forme de romantisme troublé ou embrumé. Puis-je ajouter qu'elle est sentimentale? Oui, elle est pleinement sentimentale et délicatement émotionnelle; c'est une musique des sentiments, une musique qui guide les gestes amoureux, souligne les moments d'errance, donne une intensité au mystère, à l'amour, au désir, au rêve:
<<Martin Frost, auteur à succès, vient de publier un livre quand il décide de se retirer quelques temps dans une maison de campagne. En se réveillant le premier jour, Frost, surpris, découvre une femme allongée à ses côtés. Qui est cette femme mystérieuse qui connaît si bien sa vie et son oeuvre ? Fasciné par sa beauté et son intelligence, Martin se passionne pour elle et pense avoir rencontré sa muse...>>
La musique de Laurent Petitgand se constitue d'un piano, d'une harpe, d'un saxophone alto et d'une guitare interprétés par le compositeur lui-même, de deux violons, d'un alto, d'un violoncelle, d'une contrebasse et d'une touche d'électronique. Le meilleur passage qui est aussi le plus onirique de cette B.O., se situe plage 11 et s'intitule "Dream", une mouvance raffinée et irrésistible des cordes, sans doute renforcées par des samples. Très bien fichu et émouvant.
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Sujet: Re: Laurent PETITGAND 2014-12-11, 09:21
Une nouvelle collaboration avec Wim Wenders sur The Salt of the Earth - Le Sel de la Terre amena Laurent Petitgand à composer l'une de ses plus belles musiques, pleine de couleurs singulières, fortement ciselées au sein d'une sorte de rock instrumental langoureux et hypnotique. Plusieurs fois, pendant l'écoute, j'entendais un instrument un peu étrange que je n'ai pas réussi à identifier. Sa musique, parfois originalement construite et assez caractéristique sur ce point de ce que je connaissais déjà de lui, s'échappe avec réussite du schéma classique. Comme je l'ai écrit plus haut, Petitgand a une grande expérience du rock et c'est une partition qui s'y rapporte avec beaucoup de sensibilité et un certain raffinement dans l'élaboration de sonorités originales, le tout au service d'une poétique singulière et non dépourvue de savoir-faire ni de profondeur. Voilà une musique qui me donne encore plus envie de voir le film qui, par ailleurs, doit être très intéressant.
Propos tenu par le compositeur:
<<Composer une musique pour un film de Wim Wenders signifiera toujours pour moi, malgré nos nombreuses collaborations, une aventure singulière et inédite. Nous avons toujours communiqué d'une manière particulière: économie d'indications, information restreinte. L'énoncé du sujet dans un premier temps, puis quelques mots simples échangés ont toujours suffi à ouvrir la voie. La liberté qu'offre Wim Wenders dans une collaboration permet une ouverture, un os creux d'où peut advenir cette musique, le ressenti intime du sujet s'imposant par la simple force des choses. La particularité de mon travail sur la musique du "Sel et la Terre" tient aussi beaucoup à ma collaboration avec Juliano Ribeiro Salgado, interlocuteur privilégié au regard inspiré et stimulant, ainsi qu'à mes échanges fructueux avec David Rosier, le producteur. Le film retrace l'aventure d'un homme courant le monde, témoignant d'une certaine "histoire humaine". Je me positionne ici comme un spectateur privilégié, un autre "rêveur" proposant son point de vue singulier. Comme le peintre réinterprétant une image, d'une manière parfois abstraite, parfois réaliste, mon travail s'inscrit dans une forme d'écriture/peinture automatique, me fiant à mon instinct et aux émotions que m'inspire le sujet, le but avoué étant que l'objet film finisse par nous appartenir à tous, communément.>>
Laurent PetitGand. 2014.
Icare Admin
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Sujet: Re: Laurent PETITGAND 2021-02-07, 08:02
Laurent Petitgand est de ces musiciens atypiques que l'on peut difficilement classer dans une catégorie plutôt qu'une autre. Il a travaillé à deux reprises avec le chorégraphe Angelin Preljocaj, une première fois en 1988 sur Liqueurs de chair et une seconde fois en 1990 sur Amer America. Il a également composé pour le théâtre, notamment Du sang sur le cou du chat de Rainer Werner Fassbinder M.S de Camilla Saraceni, Hall de Nuit de Chantal Akerman et Camilla Saraceni (1992) ou encore Petit éloge de la nuit sur une mise en scène de Gérald Garutti, Théâtre du Rond-Point (2017). Au cinéma, il a collaboré plusieurs fois avec Wim Wenders, mais aussi Phélomène Esposito, à deux reprises, une première fois en 1994, sur Le Mas Théotime, et une seconde en 1995, sur Le Secret de Julia. Plus récemment, il collabora par deux fois avec Pierre-Henri Salfati, une première fois en 2014, sur Repas de Famille, et une deuxième fois en 2015 sur Martin Buber, Itinéraire d'un Humaniste. Il a également collaboré au douzième album du chanteur Christophe; Comme si la terre penchait dans le courant 2006, mais aussi avec Alain Bashung et le chanteur, auteur-compositeur italienToto Cutugno.
https://www.youtube.com/watch?v=-iIcVeGX33c
Hier soir, c'est l'une de ses collaborations avec Wim Wenders qui m'a intéressé: The Salt of the Earth - Le Sel de la Terre qui conduisit à mon avis Laurent Petitgand à composer l'une de ses plus belles musiques (parmi celles que je connais), une musique pleine de couleurs singulières, fortement ciselées au sein d'une sorte de rock instrumental langoureux et hypnotique. Il y a quelque-chose d'assez méditatif et planant dans cette partition qui se compose de seize extraits pour une durée totale qui avoisine les 47 minutes. Planante par moment, mais pas "new age". Je me suis toujours méfié de cette appellation qui renferme un peu tout et n'importe quoi. Il ne s'agit pas ici de quelques accords électroniques plaqués et étirés à l'infini. Il y a une forme très travaillée et de la profondeur dans la musique de Laurent Petitgand, et pas uniquement dans celle-ci, un sens des orchestrations qui sait faire fusionner non sans rigueur des éléments familiers de pop/rock avec des éléments plus classiques de la forme symphonique. Il y a toujours cette superbe sonorité que je n'ai toujours pas identifiée, mais la poétique est là, elle fonctionne, nourrit mon imaginaire, le comble en attendant de voir ce film qui a l'air bien intéressant. Rien que le titre, "Le sel de la terre", me donne déjà soif de ses images.
Icare Admin
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Sujet: Re: Laurent PETITGAND 2021-02-11, 11:49
Angelin Preljocaj: biographie partielle:
<<Chorégraphe et directeur artistique du Ballet Preljocaj - Centre Chorégraphique National, Angelin Preljocaj vit et travaille à Aix-en-Provence depuis 1996. Né en 1957, de parents albanais émigrés en région parisienne, il étudie d’abord la danse classique, puis aborde la danse contemporaine avec Karin Waehner à la "Schola Cantorum". Après un séjour à New York, où il suit les cours de Merce Cunningham (1980), il entre dans la compagnie de Quentin Rouillier à Caen, puis travaille au Centre National de Danse Contemporaine d’'Angers, alors dirigé par Viola Farber. En 1982, il est engagé comme danseur par Dominique Bagouet, installé avec sa compagnie à Montpellier. Angelin Preljocaj y fait ses débuts de chorégraphe en créant, avec Michel Kelemenis, "Aventures coloniales", un duo présenté avec succès au Festival de Montpellier en juillet 1984 et repris en septembre de la même année, pour l’inauguration du Théâtre Contemporain de la Danse. En décembre 1984, Angelin Preljocaj vole de ses propres ailes et présente au concours de Bagnolet "Marché noir", qui obtient le prix du Ministère de la Culture.>>
Je retiens de ce chorégraphe un ballet réalisé en 1990 sous le titre Amer America qui donna lieu à une collaboration intéressante avec Laurent Petitgand. Comme je l'ai d'ailleurs précisé dans mon précédent commentaire, il y avait déjà eu une précédente collaboration entre les deux hommes, en 1988 sur Liqueurs de chair qui avait aussi donné naissance à un album que je ne connais toujours pas aujourd'hui. A l'époque, je ne m'étais pas laissé tenter. Je ne connais que celui d'Amer America paru en 1990, qui contient une partition musicale de 62 minutes environ. C'est toujours réjouissant pour moi de ressortir un de mes plus vieux compact disc et de m'apercevoir que j'éprouve toujours du plaisir à l'écouter, et peut-être finalement, dans ce cas précis, un plaisir demeuré intact depuis l'heure de la découverte. Ce qui est amusant, c'est que je ne suis jamais parvenu à décrire cette musique, ni classique, ni rock, pas si pop que ça. Sans doute trouve-t-elle une part d'inspiration dans la mouvance répétitive qui s'exprime avec singularité et véhémence dans la corrosive "Ronde latinale", mais on ne peut la limiter à cette particularité. Elle construit au fil des extraits, un monde sonore atypique, souvent étrange et insolite, parfois davantage humanisé par la tendre mélancolie d'un piano mélodique et d'un violon suspendu, un peu lunaire, celui de Sabine Cornier.