Il est souvent dit que les impressions évoluent selon notre expérience personnelle, c'est ce qui nous amène à changer parfois d'avis, à réviser nos jugements, de ne pas se borner à penser que la première impression était la meilleure et qu'il est donc inutile d'y revenir. Dans cette logique intellectuellement pratique, il y a des oeuvres et des compositeurs sur lesquels je ne serais jamais revenu. Puis, j'ai toujours estimé qu'en musique, il ne fallait surtout pas avoir peur de perdre son temps. C'est un risque que le genre musical mérite bien.
J'ignore pourquoi, à l'époque où je découvris la musique de chambre et symphonique de
Pavol Simai, ce qui remonte déjà à plusieurs années, je n'avais été que moyennement conquis par ce que j'avais écouté, au point que j'avais même failli revendre mon cd. Les oeuvres s'intitulent:
Bridges (1992), sextet pour quintet à vents et piano;
Facing Death - troisième mouvement de Scènes (1995) pour cor anglais et percussions,
Sisyfos pour piano (1984);
Cartoons (199O) pour quintet à vents;
Clarisson (1980-1996) pour clarinette et piano et
Nordron (1997) pour bande symphonique. Lorsque, hier soir, j'ai réécouté son sextet
Bridges,j'ai découvert une pièce de musique de chambre qui m'était totalement passée au-dessus à l'époque, comme si j'avais été insensible, hermétique, à quelque chose qui méritait une toute autre attention. Hier soir, j'ai découvert en
Bridges une oeuvre géniale, jubilatoire, vivifiante. Les combinaisons instrumentales y sont très étudiées, y apportent de superbes ambiances ainsi qu'une riche palette de couleurs. D'une énergie communicative, les six instrumentistes s'y donnent à coeur-joie; leur complicité semble parfaite, presque fusionnelle. La musique présente aussi un caractère ludique, sachant installer un sens inouï de la dérision et du burlesque. Une pointe de mélancolie, ci et là, la rend définivement idéale à mon oreille.
Dans
Facing Death, oeuvre relativement courte, le cor joue sobrement sous les coups tragiques des percussions. Il dialogue dignement avec le percussionniste qui, lui, s'exprime plus radicalement. Son dialogue se forme de roulements de tambour, de cloches et cymbales. Le jeu y est théâtral et le ton est grave. J'aime bien le caractère très explicite de cette musique du souvenir, le souvenir des camps de la mort pendant la seconde guerre mondiale.
Sisyfos pour piano est la seconde oeuvre qui m'a réellement passionné lors de cette nouvelle écoute. Son tempérament nerveux et versatile m'a aussitôt saisi, animé, a enflammé mes doigts d'un désir musical irrésistible, engendré l'illusion. Très ludique aussi, le pianiste y est mis à rude épreuve et il faut reconnaître que celui-ci, Fredrick Ullén, ne s'est jamais perdu dans une virtuosité mécanique: au contraire, il s'en sort à merveille, donne chair et surplus d'âme à ce ballet pianistique. Pièce brillante et belle à la fois.
Biographie-éclair:
compositeur suédois d'origine slovaque, Pavol Simai est né en 1930. Il a étudié la musique à Budapest et Bratislava, où il a également été chef du département de musique de Radio Bratislava. Il a enseigné la théorie musicale à l'Université de Göteborg en Suède et a été compositeur en résidence dans le même établissement. Le Quintet à vents
Cartoons ainsi que le duo pour clarinette et piano
Clarisson me paraissent toujours plaisantes, voire divertissantes, mais assez banales, finalement. Je n'y reviendrai pas de sitôt. La bande symphonique
Nordron est la troisième oeuvre qui m'interpelle vraiment sur ce disque, sa truculence, sa vitalité, son humour, sa force de dérision, sa rythmique complexe, sa violence, ses seconds degrés, ses clins d'oeil au jazz, à la comédie, les déplacements des groupes instrumentaux les uns par rapport aux autres.