Griffith ROSE, né en 1936.

Griffith Rose est un compositeur américain que j'ai découvert, il y a deux, trois années de cela, au hasard de trois oeuvres réunies sur un même cd; les Concerto pour alto et ensemble N° 1 & 2, avec Gérard Caussé comme soliste et l'ensemble Sine qua non et Louis le Magnifique par l'ensemble 2e2m. Avec un nom pareil, j'aurais pu supposer une musique joyeuse, une musique qui respire la joie de vivre. Nenni! Le style musical de Griffith Rose est sévère, plutôt cérébral, dans des coloris assez particuliers, qui mélange surtout les cordes et les vents. Le premier concerto pour alto d'une durée assez courte, puisqu'il dépasse à peine les dix minutes, développe une poétique assez austère, peu chaleureuse, énigmatique, hésitante, comme une succession de tentatives lyriques systématiquement brisées dans leur élan. Je l'ai même trouvée âpre, voire aigre et surtout grise, un paysage fragmenté, figé, gris et désolé, peu attachant...Je ne peux pas dire avoir été ému par cette approche...

Ce qu'en dit le compositeur:

Le premier mouvement consiste en sections lyriques interrompues par des accords stagnants, accompagnés par des figures rythmiques répétées. Le second mouvement se compose de quatre variations sans thème. Le troisième mouvement est un Prestissimo. Le motif de "L'oiseau de feu" n'est pas un hommage à Stravinsky. Il est dérivé du matériel de base et, plutôt que de le cacher, je l'ai mis en évidence.

Si le premier concerto pour alto ne m'a pas vraiment emballé, le Concerto pour alto et ensemble N°2, bien qu'il me semble poursuivre une esthétique assez voisine, m'a déjà davantage intéressé. Si on reste enfermé dans une musique aussi sévère et un peu grise, l'alchimie sonore finit par fonctionner, comme si je commençais à trouver une forme de beauté à cet énigmatique paysage, parfois aux étranges coloris. Par exemple, dans le troisième mouvement, le meilleur des quatre, bien que le quatrième est également intéressant, la combinaison originale de la harpe et du piano singe les bris de verre. Ce qui me plait chez Griffith Rose,malgré l'ennui suscité par le premier concerto, c'est l'univers si personnel qu'il réussit à forger, le créant à partir d'une palette de coloris très élaborée et un emploi plutôt libre du "langage" sériel. Louis le Magnifique pour ensemble prolonge avec succès l'esthétique particulière des deux concertos.

Ce qu'en dit le compositeur:

Cette oeuvre se présente comme un concerto pour piano et orchestre de chambre en deux mouvements. Le premier évoque l'homme avec l'impulsion, le génie et le dynamisme qui le caractérisaient. Le second raconte, sous le titre symbolique "Volonté, Visions, Victoires, l'oeuvre pastorienne, non sans couleurs, humour et pittoresque quelquefois.

Louis le Magnifique, cette sorte de concerto pour piano et orchestre, est l'oeuvre qui m'a définitivement permis de percer modérément le mystère de cette musique difficile mais pas insaisissable. En conclusion, si je ne sors pas encore complètement conquis par la prose musicale de Griffith Rose, je l'ai suffisamment aimée pour y revenir un jour...Au bout du compte, j'apprécie bien le caractère intimiste et sinueux de ce qui s'apparente selon moi à des peintures faussement abstraites, subtilement trahies par des pointes furtives de lyrisme. 

Eléments biographiques:

Ce que j'ai pu apprendre ci et là sur Griffith Rose, c'est qu'il est né le 18 janvier 1936 à Los Angeles. Il a vécu à New York, en Floride, et dans la Nouvelle Angleterre. Il suivit des études classiques à l'Université de Yale ainsi que des études musicales à la "Hart School of Music, courant 1954. Il vit alors en Europe depuis 1956 et, entre 1957 et 1958, il étudie la composition auprès de Nadia Boulanger. Il poursuivit jusqu'en 1960 ses études de composition avec Wolfgang Fortner à la "Freiburger Hochschule" et les complétera auprès de Pierre Boulez à l'Académie de Musique de Bâle de 1960 à 1961 et enfin avec Karlheinz Stockhausen à Darmstadt de 1961 à 1962. Il vivrait actuellement entre Paris et Los Angeles.

Griffith Rose s'intéresse à la poésie et, suite à cela, a composé quelques oeuvres pour voix et formations diverses, Five Greek Lyrics, Complaintes, Bluebeard, L'Infinito, Gedichte von Mond. Il est également sensible à la peinture et compose Même d'après "Le Grand Verre" de Marcel Duchamp et Ziggurat d'après une toile de Riccardo Licata.

<<"De cette façon," dit Rose, "J'ai déjà une structure. Dans les couleurs et les formes, les rythmes de la poésie, je trouve une certaine partie de la musique complètement esquissée. Licata et Duchamp sont peut-être les seuls peintres que j'ai "utilisé" ... mais ils ne sont pas les seuls qui m'intéressent. Je voudrais faire quelque chose sur Paul Klee ou Carpaccio, mon grand amour de la Renaissance. En réalité, ce qui m'attire dans le travail de Licata et Duchamp est la géométrie. Quand j'ai mis une scène en musique, ce n'est pas l'impression que je ressens en regardant la scène, mais plutôt une reconstruction géométrique détaillée de la scène elle-même, tout en conservant ses proportions. Je prends la géométrie, en laissant de côté les éléments figuratifs ou anecdotiques ".>>

Il a par ailleurs composé deux Concertos pour alto et ensemble (1974 et 1976), Louis le Magnifique pour ensemble, en 1988, une Rhapsodie pour flûte en 1981, un Requiem Celtique en 1986, un Concerto pour piano (1991), Les Enfants du Siècle en 1992, un Trio pour CZ en 1995...Il aurait aussi composé dans cette période un oratorio pour solistes, choeur et orchestre intitulé Le Procès d'un Poète.