Comme exécutant, Eugenio Toussaint est reconnu être un bon pianiste de jazz. Comme compositeur, il connait parfaitement n'importe quel instrument pouvant apparaître dans un big band ou dans un orchestre symphonique. Dans le cas de la guitare, durant sa pas si lointaine jeunesse, Toussaint s'est essayé à la guitare-rock et, d'après la rumeur, il s'en est sorti avec un certain brio. D'un autre côté, il n'a jamais négligé le rôle fondamental joué par la guitare dans l'histoire du jazz et de surcroît, il a même collaboré avec certains guitaristes de renom. Pour la démonstration, il y a ce merveilleux concert qu'il a donné en collaboration du fameux guitariste Cristobal Lopez, au cours duquel, depuis son piano, Eugène Toussaint a prouvé qu'il savait parfaitement tout ce qui se passait sur l'instrument de son collègue. Il était donc logique qu'un jour il écrive un Concerto pour la guitare.
Juan Arturo Brennan.
Compléments biographiques:
Eugenio Toussaint nait dans la ville de Mexico le 19 octobre 1954. Il commence sa carrière professionnelle en 1972 à l'âge de 18 ans comme pianiste dans un groupe autodidacte, Odradek. Il étudie jusqu'en 1974 l'accompagnement au piano avec Jorge Pérez Herrera et la technique pianistique avec Néstor Castañeda. Il intègre à 21 ans le groupe Blue Note dirigé par le contrebassiste mexicain Roberto Aymes. Il parcourt alors tout le Mexique et effectue ses premiers enregistrements. Il fonde un an plus tard, le 2 octobre 1976, le groupe Sacbé avec ses frères Enrique Toussaint à la basse et Fernando Toussaint aux percussions et avec Alejandro Campos au saxophone.
Eugenio Toussaint part en 1979 aux États-Unis avec Enrique et Fernando et reforme à Minneapolis le groupe Sacbé avec le guitariste Will Sumner. Après une année aux États-Unis, il reçoit une bourse du gouvernement mexicain pour aller étudier à la Dick Grove Music Workshops à Los Angeles. Il y rencontre le saxophoniste Jon Crosse qui s'ajoute au groupe Sacbé. Il étudie cette même année l'orchestration avec Albert Harris. Il travaille de 1982 à 1983 avec le trompettiste Herb Alpert et avec le chanteur Paul Anka.
Il retourne au Mexique en 1986 pour composer de la musique orchestrale. Ses œuvres ont été interprétées entre autres par l'orchestre symphonique national du Mexique, l'orchestre symphonique de l'UNAM, le Cuarteto Latinoamericano, Horacio Franco, l'orchestre symphonique de Carlos Chávez, la Camerata de las Américas, l'orchestre de jazz du Berklee College of Music et le Curtis Ensemble. Il reçoit par deux fois une bourse du Fondo Nacional para la Cultura y las Artes. Une reformation du groupe Sacbé, un trio avec ses deux frères, a joué au Riviera Maya Jazz Festival, au Festival international de jazz de Montréal, au Haitis Port Au Prince Jazz Festival, au Philippines Jazz Festival à Manille et au Java Jazz Festival à Jakarta. Il a également participé à la création d'un site internet, musycom.com, qui donne des cours de musique gratuitement.
Il meurt dans la ville de Mexico le 8 février 2011.
Dernière édition par Icare le 2015-05-08, 23:47, édité 4 fois
Icare Admin
Nombre de messages : 17532 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Eugenio Toussaint est un compositeur qui est davantage connu dans le domaine du jazz mais qui a malgré tout composé des pièces de forme plus classique dont le très beau Concerto pour guitare et orchestre de chambre déjà évoqué dans l'introduction biographique. Il a aussi composé un magnifique Gauguin pour hautbois, harpe et orchestre et une truculente Bouillabaisse pour piano et grand orchestre. Enthousiasmé par la qualité de ces pièces concertantes, j'espérais en découvrir d'autres, bien que ses travaux dans le domaine du jazz m'intéressent également. Cependant, en cherchant des informations sur la toile pas plus tard qu'aujourd'hui, j'appris qu'il était mort depuis 2011, à l'âge prématuré de 57 ans. C'est donc à titre posthume que j'ouvre un topic sur ce talentueux musicien mexicain.
Icare Admin
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Le Concerto pour guitare et orchestre d'Eugenio Toussaint suit le schéma traditionnel des trois mouvements "Allegro-Adagio-Son". Il est né d'une commande du "Festival Internacional Cervantino" pour la Camerata et est dédié au guitariste Jaime Marquez. Avec ces interprètes et sous la direction d'Eduardo Alonso Crespo, l'oeuvre fut présentée à Guanajuato en octobre 1994, justement le jour du quarantième anniversaire d'Eugenio Toussaint. Le premier mouvement, qui est un allegro, s'imprègne ouvertement des sonorités du jazz avec l'idée assez tranchée de faire en sorte que la partie soliste ne sonne pas espagnole. Si on se réfère aux propos du compositeur: <<Eviter à tout prix tout ce qui sonne en mode phrygien.>> L'adagio du second mouvement se veut davantage introspectif avec quelques moments de pure mélancolie. Soit dit en passant, voilà une oeuvre très tonale, profondément mélodique qui inspire le vagabondage ou la balade en temps heureux car la mélancolie du second mouvement qui me traverse ne me rend pas triste. Bien au contraire, elle me rend heureux, printanier. Je ne veux pas dire que j'ai l'impression d'écouter une très belle musique de film, ce qui parfois est péjorativement perçu par certains, mais il vrai que le contemporain n'offre plus guère de formes aussi tonales et chaleureuses, se donnant davantage pour mission de les renouveler, voire les révolutionner...Ce qui m'intéresse aussi: la musique avant tout et au-delà de toutes politisations...je revendique pleinement cet écart ou cet égarement par la délicate et délicieuse musique d'Eugenio Toussaint qui a remis Schoenberg et Boulez au placard afin de suivre une esthétique musicale qui lui correspond mieux. Le troisième mouvement du Concerto pour guitare est un Son basé sur un patron rythmique original de 6/4, puis transformé en 3/4 à la suggestion de Jesus Medina pour faciliter la tâche du chef d'orchestre et des musiciens. Le mouvement est rapide, rythmique et brillant, débouche sur une fantastique conclusion dynamisée par l'emploi de la généreuse dotation de percussions prévue dans la partition. Toussaint vouait visiblement une certaine admiration au peintre français Paul Gauguin, au point de lui dédier un concerto qui porte son nom. Peut-on même évoquer un double concerto pour hautbois, harpe et orchestre. Il est tout simplement magnifique et mon passage préféré est sans le moindre doute celui où la harpe de Mercedes Gomes y est malmenée, produisant des sons frappés quasi-métalliques dans une "confrontation" (qui n'en est pas une) rythmée avec le hautbois de Roberto Kolb. Je me rends compte que j'étais resté (trop?) longtemps sans réécouter ces deux oeuvres du compositeur mexicain, tant de délicieux moments musicaux s'étaient éclipsés de ma mémoire: là voilà rafraîchie! Son oeuvre que j'avais cependant réécoutée récemment est Bouillabaisse pour piano et orchestre, la raison pour laquelle je n'y suis pas revenu cette fois-ci. Toujours est-il que la lettre T m'aura conduit sur un autre continent, en Amérique latine.
Icare Admin
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