Marlos NOBRE, né en 1939

Marlos Nobre: Mes convictions musicales:

Première Partie:

1) Ma recherche harmonique est fondée sur l'intime conviction qu'il est encore possible de découvrir de nouvelles possibilités harmoniques, indépendamment de la technique des douze sons et même de la tonalité et de la consonance traditionnelle. Je crois que l'échelle chromatique n'est pas encore totalement explorée ni épuisée. Il est encore possible de découvrir des moyens nouveaux et différents de lier et relier les harmonies entre elles lors de la tradition, du système dodécaphonique et de la série. Le résultat pratique de mes recherches et de mes convictions se trouvent surtout dans mes oeuvres pour orchestre, notamment dans IN MEMORIAM, MOSAICO, BIOSFERA et CONVERGENCIAS.

2) J'ai constamment recherché les moyens les plus simples pour exprimer mes idées et ma pensée musicales, convaincu que le fait d'écrire délibérément et volontairement de la musique dont la difficulté et la complexité seraient un but en soi, n'est pas une bonne solution. De même un retour à la tonalité me paraît dénué de sens. Le simple "retour au passé" ne m'a jamais séduit, même s"il me paraît nécessaire d'analyser et de reconnaître dans les oeuvres du passé les forces vitales encore vivantes et valables pour la création musicale, en tout temps et en tout style.

Seconde Partie:

3) Quant à la rythmique, la régularité et les points de référence métrique, associés à la plus large liberté de rythme, elles me semblent des éléments de base de la création. Sur ce point, ma formation subconsciente fut très influencée par les rythmes afro-brésiliens de Recife, ma ville natale où existent encore des rythmes comme le maracatu, le frevo, le caboclinhos, le candomblé et le cirandas.

4) En ce qui concerne la forme, je cherche l'équilibre entre l'unité et la variété, tout en faisant, d'une certaine manière, les idées musicales forger et provoquer leur propre organisation formelle. Pour moi, la forme est la nécessité de donner à la pensée musicale un ordre clair et intelligible, organisé et cohérent. Le matériau sonore se développe généralement dans ma tête comme un drame, comme un roman abstrait.

Troisième partie:

5) Dans mes oeuvres, je cherche comme fin ultime d'établir un équilibre entre la spontanéité et la logique consciente, entre l'économie et la richesse du matériau, sans jamais permettre que la rigueur, la concentration portent préjudice à l'aisance, à l'expansion et à la continuité du flux sonore. Mon souci est finalement que chaque oeuvre trouve sa propre démarche et sa propre logique, qui lui garantissent la parfaite continuité et l'intelligibilité du discours sonore, néanmoins sans jamais renoncer à l'audace de l'expérience innovatrice en tant qu'impulsion nécessaire et non comme une fin en soi.

6) Je comparerai le compositeur à une éponge qui absorbe, au cours de différentes périodes de sa vie, les influences les plus diverses. Aucun compositeur ne sera jamais exactement les expériences auditives d'un autre musicien, expériences dont dépend la formation du style personnel de chaque véritable créateur. Ainsi ma musique est-elle le résultat de mon subconscient qui a absorbé et archivé les influences les plus diverses, tout en les filtrant et en les sélectionnant.

Quatrième partie;

7) La plus grande leçon qui m'a été donnée a été de comprendre finalement les lois de la grande forme des classiques des XVIIIème et XIXème siècles, surtout chez HAYDN et chez BEETHOVEN. La musique sérielle, malgré son richissime apport, a rompu avec cette immense tradition en abrogeant le principe de la répétition, sans apporter à la musique un réel substitut. Les oeuvres sérielles les plus importantes ont toujours été, pour cette raison, celles qui se sont appuyées sur des textes. Ceux-ci ont constitué les cadres de leur organisation formelle. Dans la musique pure et abstraite, le sérialisme, en abordant les grandes formes, a péché par manque d'organisation et de cohérence.

8) Les compositeurs du XXème siècle qui m'ont le plus influencé sont DEBUSSY, BARTOK et LUTOSLAWSKI. Ceux-ci ont été capables d'innover dans le langage musical sans nécessairement rompre avec la plus haute tradition.

Dernière partie:

9) Beaucoup de jeunes compositeurs, et pas seulement ceux d'aujourd'hui, soucieux de produire une oeuvre actuelle, se sont préoccupés exclusivement de problèmes techniques qui ont freiné leur imagination créatrice. Ma musique va chercher son inspiration dans la source de mon inconscient par le biais d'allusions, de citations et d'impressions du passé ou du présent qui, à un moment donné, m'ont séduit. Elles affleurent à ma conscience de manière presque somnambulique et m'incitent à créer.

10) Je suis un inventeur de musique mû par le désir de créer mon propre langage, synthèse de mes expériences auditives et intellectuelles organisées de façon à obtenir des compositions écrites avec la plus grande rigueur possible. Je préfère un langage "impur" mais vivant à un langage "pur" mais mort. Je veux que restent vivants mes visions et mes rêves, et même les mauvais rêves. Je désire que tous deviennent compréhensibles, du moment que j'estime qu'ils valent la peine d'être exposés et qu'ils ont en eux l'énergie et l'émotion capable d'améliorer la vie de ceux qui les écouteront.

Petit interlude musical

icare a écrit:

9) Beaucoup de jeunes compositeurs, et pas seulement ceux d'aujourd'hui, soucieux de produire une oeuvre actuelle, se sont préoccupés exclusivement de problèmes techniques qui ont freiné leur imagination créatrice. Ma musique va chercher son inspiration dans la source de mon inconscient par le biais d'allusions, de citations et d'impressions du passé ou du présent qui, à un moment donné, m'ont séduit. Elles affleurent à ma conscience de manière presque somnambulique et m'incitent à créer.

10) Je suis un inventeur de musique mû par le désir de créer mon propre langage, synthèse de mes expériences auditives et intellectuelles organisées de façon à obtenir des compositions écrites avec la plus grande rigueur possible. Je préfère un langage "impur" mais vivant à un langage "pur" mais mort. Je veux que restent vivants mes visions et mes rêves, et même les mauvais rêves. Je désire que tous deviennent compréhensibles, du moment que j'estime qu'ils valent la peine d'être exposés et qu'ils ont en eux l'énergie et l'émotion capable d'améliorer la vie de ceux qui les écouteront.

Très intéressant ce qu'il dit et sa musique me plaît bien aussi, j'attends sa biographie !  

Personnellement, j'aime beaucoup le style musical et très personnel de ce compositeur. Je viens d'ailleurs d'en revivre l'expérience en l'écoute de trois des onze oeuvres que je possède de lui dans un coffret qui m'est précieux car je pense aimer toutes les pièces de musique qu'il contient...Les trois oeuvres que je viens de réécouter sont In Memoriam pour orchestre, composée en 1976 en hommage à son père, Mosaico pour orchestre et le superbe Convergencias pour orchestre. C'est sans doute le compositeur brésilien qui m'intéresse le plus avec Heitor Villa-Lobos. Bien sûr, il s'agit de deux approches très différentes et je ne saurais dire si le second a joué une influence sur le premier. Toujours est-il que Marlos Nobre ne le cite pas parmi les compositeurs qui l'ont le plus influencé.

Eléments biographiques - Première partie -:

Marlos Nobre est né en 1939 à Recife, Pernambuco. Il a commencé à jouer du piano à l'âge de quatre ans et  enfant, déjà, il aimait improviser. Après avoir commencé à étudier l'harmonie et le contrepoint au Conservatoire, il rejoint l'Institut de Musique de l'Université de Recife. De 1960 à 1962, suivant en cela la volonté de son père, il quitta Recife pour étudier la sociologie et l'anthropologie à l'Université de Rio. Ce choix aura une grande importance dans le type de musique qu'il s'apprête à écrire. A 19 ans, il prend part, avec le Concertino Op.1, à un concours organisé par la Radio MEC (Radio du Ministère de l'Education) sous le pseudonyme de Losmar Breno (nom obtenu en inversant les syllabes de son propre nom), et se distingue par une mention honorable. C'est ce jour-là que le compositeur est né. Une autre série de compositions lui fit gagner 23 concours en 4 ans, au Brésil comme à l'étranger.

Seconde partie:

En 1963, il se vit octroyer pour un groupe d'oeuvres - un solo, un duo, un trio et une pièce pour orchestre - une bourse de deux ans par la Fondation Rockefeller, afin d'étudier à l'Institut Torquato de Tella à Buenos Aires. A l'institut, il rencontra Alberto Ginastera qui devait exercer sur son développement musical la plus marquante et profonde influence. A l'époque, Buenos Aires avait attiré les meilleurs compositeurs de cette génération et Marlos Nobre a pu bénéficier non seulement de l'influence de Ginastera, mais aussi celle de Malipiero, Messiaen, Maderna, Copland.

Troisième partie:

Malgré leur caractère avant-gardiste, les compositions de MARLOS NOBRE ont de fortes résonances folkloriques qui rendent sa musique indéniablement brésilienne. Comme il l'explique: "Je suis né en écoutant le Frevo et le Maracatù, rythmes et sons qui sont devenus parties intégrantes de ma manière de penser et de ressentir. Ma créativité est enracinée dans ces profondes couches de mon subconscient." Lorsqu'on lui demande quels sont les compositeurs qu'il aime le plus et qui ont eu le plus d'importance sur son développement, il répond: Mozart, Bartok et Lutoslawski. Mais malgré son enthousiasme pour eux, sa musique est très personnelle , nourrie par la mémoire des sons de son enfance, par sa réceptivité aux sonorités nouvelles et enrichies de l'observation du monde qui l'entoure. Son inspiration lui vient souvent d'un évènement, d'un article de journal ou d'un poème. Une chronique des Indiens Yanomani le conduit à écrire une oeuvre sur cette tribu Xingù. Un poème de Bolivar, "Mi delirio sobre Chimborazo", l'a inspiré pour écrire sa "Cantata de Chimborazo". Le Ministère de Culture Espagnol lui a commandé une composition pour fêter le 500ème anniversaire de la découverte de l'Amérique, "Columbus", 1992.