Salvador BROTONS, né en 1959

Salvador Brotons est un compositeur espagnol né à Barcelone en 1959, au sein d'une famille de musiciens. Il étudie la flûte auprès de son père puis entre au Conservatoire de Musique de Barcelone où il recevra un diplôme supérieur pour la flûte, la direction d'orchestre ainsi que pour la composition. Il compte parmi ses professeurs Antoni Ros-Martù pour la direction, Xavier Montsalvage pour la composition et Manuel Oltra pour l'instrumentation. En 1985, il obtient une bourse d'étude "Fulbright" qui lui permet de se rendre aux Etats-Unis où il est diplômé de la Florida State University. Entre 1977 et 1985, il est flûtiste soliste de l'Orchestre du Liceu de Barcelone et membre de l'Orchestre de la Ville de Barcelone de 1981 à 1985. Il a composé plus de 80 oeuvres, essentiellement pour orchestre ou formation de chambre. Il a été récompensé de 15 prix de composition. Citons entre autres le Prix "Orchestre National d'Espagne" (1977) pour ses Quatre pièces pour cordes, le Prix "Love d'Or" (1980): à deux reprises le "Premi Ciutat de Barcelona": en 1983 pour sa première symphonie et en 1986 pour l'oeuvre Absències pour narrateur et orchestre: le "Southeastern Composers League Award" pour sa Sinfonietta da Camera (1986)...



Il a également reçu de nombreuses commandes parmi lesquelles il convient de souligner celle de l'opéra en deux actes Reverend Everyman (Florida State University, 1989), la Sonata da Concerto pour trompette et orchestre (Université de Wyoning, 1992), Commemorativa para orquesta (Orchestre de la RTVE, 1995), [b][i]Concerto pour flûte et orchestre (Conferenza dil Mediterraneo, Sicile-Italie, 1997)...

https://www.youtube.com/watch?v=DDEwgVSFAWY

En ouverture de mon cycle consacré à la musique religieuse, j'ai réécouté son beau STABAT MATER. Il est en plus couplé avec une oeuvre intitulée OBSTINACIO, une de ces pièces symphoniques relativement courtes d'une grande vitalité que je pourrais volontiers rapprocher d'une certaine manière du FURIOSO de ROLF LIEBERMANN. Exquis!

Mon premier portrait fut dédié à un compositeur espagnol qui a un nom plutôt italien et qui est mort prématurément à l'âge de 48 ans; Bernardo Bonezzi. Mon second portrait est également dédié à un compositeur espagnol, contemporain de Bonezzi, mais heureusement toujours en vie. Il s'agit de Salvador Brotons qui vit le jour à la toute fin des années 50. C'est un compositeur dont je connais un certain nombre d'oeuvres mais que, à ma grande surprise, j'ai encore très peu évoqué sur ce forum. Il ne s'agit pas du plus avant-gardiste des compositeurs espagnols du vingtième siècle et, dans ce domaine, un compositeur comme Luis de Pablo lui ravit certainement la couronne. Salvador Brotons s'est engagé dans une voix plus néo-classique, ce qui ravira les amateurs de "belles musiques" et laissera sûrement de côté ceux qui chérissent l'aventure atonale et spectrale. Mais comme je suis un aventurier avec un petit côté pantouflard, je peux ainsi m'émerveiller des deux options. Aujourd'hui, en introduction de ce second portrait, j'ai réécouté trois oeuvres de Salvador Brotons; Sinfonia n°3, opus 59, la rhapsodie catalane pour orchestre Terres Ilemosines, opus 57 et Poemes de Rem i Vela, opus 75 pour orchestre à cordes par l'"Orquestra Simfonica del Vallès" sous la direction du compositeur. Sa troisième symphonie me plait bien, peut-être plus pour sa fragilité que par une puissance "wagnéro-germanique" dont elle est dispensée. Tant mieux car ce n'est pas toujours la puissance ni les grands fracas cuivreux que je recherche dans une symphonie. Dans celle de Brotons, il y a de l'irisation, du lyrisme bien sûr, mais aussi des formes plus intimistes avec un usage délicat et poétique des instruments à vent. La Rhapsodie catalane n'échappe pas à un lyrisme un peu rétro que j'appelle "lyrisme de cinéma des années 50" et qui freine momentanément mon enthousiasme. Heureusement, il y a d'autres moments qui me paraissent plus accrocheurs et moins balisés avec des sonorités assez subtiles. Dans la pièce pour cordes, plutôt séduisante dans son ensemble, j'ai une nette préférence pour la partie la plus agitée; le second mouvement me semble-t-il.

Ce soir, j'ai réécouté cinq pièces orchestrales de Salvador brotons, Chinese Zodiac Suite - opus 65/Fusion - opus 45/Ataraxy - opus 35/Presage - opus 34 et Sinfonietta da Camera - opus 38. Ce fut une excellente idée de réaliser un portrait de ce compositeur car je me rends compte que j'étais resté très (trop) longtemps sans écouter sa musique. Finalement, je n'en gardais qu'un souvenir très approximatif. En même temps, je ne peux pas vraiment dire que son approche musicale me soit aussi marquante que celle de Leonardo Balada que j'avais découvert durant la même période et que j'avais pas mal approfondi. Dans ces oeuvres de Brotons que j'ai réécoutées ce soir, il y a des rythmes qui m'ont semblé directement inspirés du flamenco. Je pouvais presque entendre les castagnettes! Encore une fois, le compositeur ne privilégie pas les masses orchestrales même si l'orchestre peut prendre de l'ampleur et gagner en intensité ci et là. Des moments plus délicats et poétiques à mes oreilles sont toujours ceux qui retiennent le mieux mon attention, surtout lorsqu'un instrument, puisse-t-il s'agir d'un hautbois, d'une trompette ou d'un piano, prend un certain essor, c'est-à-dire lorsqu'il s'extirpe de la masse sonore pour m'offrir un "solo" plus ou moins succinct. Plus globalement, c'est très divertissant, vivant, coloré et dynamique, pas vraiment fracassant ni exceptionnel et pourtant je ne m'y ennuie pas une seconde. Peut-être que le plus marquant ou le plus fracassant reste à venir...Je pense avec son Stabat Mater et son Obstinacio qui m'ont laissé un souvenir plus précis et seront la conclusion de ce portrait.

Ce matin, je me suis penché sur son Concerto pour guitare et orchestre "Mare Nostrum" - opus 78 et sur sa Sonate pour trombone, piano et orchestre de chambre - opus 82. Je commence à connaître beaucoup de concertos pour guitare du vingtième siècle et celui de Salvador Brotons n'est pas le plus marquant d'entre eux. Pourtant, il est séduisant, très agréable à suivre, pas fracassant mais pas ennuyeux non plus. Il se découpe en trois mouvements et le second est le plus lent, un adagio qui n'est pas nommé. Si à aucun moment je peux dire que j'ai été surpris ou impressionné, à aucun moment je peux dire non plus que j'ai regardé voler les mouches, comme si cette musique, l'air de rien, me touchait et me captivait sans effort, comme si j'en aimais la simplicité, voire l'intériorité, la douce "hispanité qui en émane, la délicatesse, la sobriété par le jeu tout en nuance du soliste et les délicates interventions de l'orchestre. Le concerto est interprété par Alex Garrobé. La Sonate se constitue de deux mouvements, un "Adagio funèbre" et une "Cadence - Allegro féroce", interprétée par le tromboniste Ricardo Casero et le pianiste Daniel Espasa. La Sonate est charmante, là aussi sans éclat, avec un jeu tout en nuance des deux solistes et des interventions très mesurées de l'orchestre. Je ne suis pas encore tombé sur son "chef d'oeuvre", n'ai pas encore été soulevé ni transcendé, juste touché et séduit, mais je ne désespère pas de rencontrer le point culminant dans sa musique. Pour le moment, je m'en imprègne. J'aime me laisser submerger par l'univers d'un compositeur: depuis hier je respire "Brotons", je hume "Brotons", je vis "Brotons", je rêve "Brotons". C'est tout l'intérêt de mes "Portraits".

En redécouvrant le Concerto pour flûte et orchestre - opus 72 et la Fantaisie pour trompette et cordes - opus 12 de Salvador Brotons, j'ai pris davantage conscience d'une oeuvre élaborée et exigeante malgré tout. Les solistes y sont mis à l'épreuve, que ce soit la flûtiste Magdalena Martinez dans le concerto ou le trompettiste David Thompson dans la courte fantaisie de moins de neuf minutes. Tendresse et virtuosité se nourrissent d'un même élan de romantisme, mais pas un romantisme à la "Brahms" ou à la "Schubert", un romantisme plus "vingtième siècle" avec ses fragments de modernité et d'agitation qui en troublent volontairement le récit. C'est assez optimiste, assez printanier et fleuri. En réécoutant son concerto pour guitare et celui pour flûte, je suis quand même sous le charme des mouvements lents; une telle finesse dans l'écriture, une telle délicatesse et un tel goût dans les orchestrations, un caractère si intimiste...finalement, une musique qui m'accapare un peu plus que je ne l'aurais d'abord cru, l'air de rien...sous peu que je lui consacre toute mon attention...

Son Piccolo concerto - opus 126:

https://www.youtube.com/watch?v=6KnAPt2xbDw

Il n'y a pas de chants d'oiseaux non plus dans la Symphonie n°5 "Mundus Noster" - opus 117 (2010) de Salvador Brotons que je viens d'écouter pour la première fois ce soir. La symphonie se compose de quatre mouvements: "1) Power. Poverty. Ambition, 2) Meditation 1. Hypocrisy, 3) Meditation 2. Violence and the growth of 'ego', 4) Depressive lament. Hope. Elevation and excelling." C'est une bien belle oeuvre et il y a un caractère satirique, voire ironique, dans le second mouvement qui me plait bien, juste après la première "méditation", lors de la seconde partie du mouvement, "Hypocrisy". Après la seconde "méditation" qui constitue la première partie du troisième mouvement, se développe une "violence", une animation où les percussions semblent vouloir rivaliser de leur présence avec l'orchestre. Ce n'est pas une figure musicale très originale en fin de compte, l'ayant beaucoup entendue ailleurs, dans d'autres oeuvres symphoniques qui lui sont plus ou moins contemporaines, mais cette association percussions/orchestre fonctionne très bien. Il me conduit efficacement vers le point culminant de cette symphonie qu'est le quatrième mouvement. Le chemin est toujours aussi balisé mais le résultat est là, l'Emotion avec un E majuscule est au rendez-vous. "Elevation and excelling" illustre bien le meilleur moment de la cinquième symphonie de Salvador Bottons, compositeur qui, visiblement, aime le célesta et le carillon, mais sans en abuser, juste par petites touches judicieusement placées. Finalement, l'air de rien, il me plait bien ce compositeur espagnol.

https://www.youtube.com/watch?v=B5k2F0xZw68

Il y avait longtemps que je n'avais pas découvert un nouveau concerto pour hautbois. J'adore le hautbois. C'est un magnifique instrument. Je lui avais d'ailleurs consacré un fil ici! J'aime beaucoup celui que je viens de découvrir de Salvador Brotons, l'opus 115, composé entre 2009 et 2010 et interprété par Javier Arnal Gonzalez, l'"Orquestra Simfonica de Balears 'Ciutat de Palma'" sous la direction du compositeur. Je l'aime pour ses deux premiers mouvements, même si le troisième ("Tarantella") n'est pas négligeable pour autant. le moment le plus exquis à mon oreille est le second mouvement qui s'intitule "Berceuse". Selon moi il n'y a pas photo, c'est dans la composition des thèmes lents que Salvador Brotons excelle et cette "Berceuse" qui ne m'a pas endormi, bien au contraire, en est l'un des tous meilleurs exemples. Que de finesse dans l'écriture. Que de délicatesse et de subtilité dans les orchestrations. Quel souci du détail comme ce piccolo solo qui illumine de sa voix fébrile un pur moment de recueillement. La musique devient alors un moment d'intimité absolue, un moment de totale nudité où le hautbois prend l'allure d'un personnage onirique d'une incroyable proximité, au point qu'il me semble à portée d'esprit. Je ressens dans ces thèmes lents une volonté minimaliste d'accéder au coeur de la beauté. Je ne suis pas certain de retrouver un même état de grâce dans Four Pieces for String Orchestra - Suite, opus 14 (2010) (qui fut cependant composé au printemps 1977), toutefois, l'oeuvre est loin d'être déplaisante et contient, l'air de rien, quelques petits moments fort séduisants.

Icare a écrit:

En ouverture de mon cycle consacré à la musique religieuse, j'ai réécouté son beau STABAT MATER. Il est en plus couplé avec une oeuvre intitulée OBSTINACIO, une de ces pièces symphoniques relativement courtes d'une grande vitalité que je pourrais volontiers rapprocher d'une certaine manière du FURIOSO de ROLF LIEBERMANN. Exquis!

Je ne pouvais terminer ce portrait sur Salvador Brotons que sur son Stabat Mater - opus 73 pour soprano, baryton, choeur mixte et orchestre sous la direction d'Edmon Colomer et son Obstinacio - Moviment Simfonic n°7 per a Orquestra, opus 56 avec lequel il est couplé. Le "Stabat mater" se divise en six morceaux; "Stabat mater Dolorosa/Qui est homo/Pro peccatis/Eia mater/Saneta mater/Inflammatus et accensus/Quando corpus morietur". Mes préférences vont pour le "Eia mater" (4) et le "Quando corpus morietur". Les "Stabat mater", même ceux du vingtième siècle ) sont souvent très beaux et je n'ai pas le souvenir d'avoir été déçu par l'un d'entre eux. Celui de Salvador Brotons ne déroge pas à la règle. Est-ce que c'est mon oeuvre préférée de ce compositeur? Depuis que je connais sa cinquième symphonie je n'en suis plus très sûr. Plus d'écoutes de celle-ci le détermineront probablement bien que ce ne soit pas très important en soi. J'aime beaucoup les interventions de la soprano solo Joana Llabrés dans le Stabat Mater, parfois employée sous forme de vocalises. Le baryton est Josep Pieres. Obstinacio me semble une approche assez originale dans le vaste corpus du compositeur, par rapport à ce que je connais désormais de sa musique, une oeuvre forte, pleine de vitalité, une conclusion pleine de rigueur et de vigueur à ce portrait!

Avec la Symphonie n°5 "Mundus Noster" - opus 117 (2010) de Salvador Brotons, je retrouve une forme néo-classique qui est plutôt absente des symphonies que j'ai réécoutées de ses collègues compatriotes Jesus Rueda et Tomas Marco. Au matin de cette nouvelle journée qui se présente à moi, ce ne fut absolument pas un mauvais choix. C'est peut-être grâce au soleil qui frappe le carreau pour m'annoncer que lors du déconfinement il pleuvra des cordes, mais l'idée d'une oeuvre plus tonale, plus enchantée, plus printanière et lyrique, me mettrait plus en adéquation avec le bleu du ciel et le sourire des oiseaux qui viennent me narguer du haut de leurs branches. C'est vrai que je respire mieux, eux aussi sûrement depuis que les rues sont plus silencieuses qu'avant...et cette symphonie de Brotons correspondit bien à cette fraîcheur du moment, à ce bain de vie par le cadre d'une fenêtre ouverte. Dans quelques heures, je reviendrai à la musique, mais, cette fois, avec une oeuvre très différente, plus cérébrale et originale, signée Gunther Schuller. Je ne vais pas m'épandre sur la Symphonie n°5 de Salvador Brotons, au risque de me paraphraser, ayant déjà pas mal exprimé mon ressenti, sur ce fil et sur "Le règne de la symphonie", parce qu'elle m'inspire plus ou moins les mêmes mots. Elle réunit des moments épiques, une pointe de mystère vers le début, des moments un peu tristes qui se transforment en romantisme, d'autres plus gais, un sens de la fantaisie agrémenté d'une infinitésimale dose d'ironie, des moments de pure tendresse et d'autres plus violents portés par un jeu frénétique des percussions. La dernière fois, j'avais écrit à propos du quatrième mouvement, "Elevation and excelling" qu'il était le point culminant de cette cinquième symphonie: d'abord par de délicates touches de la harpe et un appui passionné des cordes, le compositeur me conduit dans un romantisme décomplexé que d'aucun dira ne croiser que dans un certain cinéma hollywoodien. Pourquoi pas puisque dans cet épilogue-là, c'est finalement l'amour qui triomphe.

Entre Salvador Brotons et Josep Maria Mestres-Quadreny, on peut dire que c'est le jour et la nuit, ce qui n'est pour moi ni un compliment pour le premier ni un reproche pour le second. Chez l'un comme chez l'autre, il y a évidemment une structure, un sens, une réflexion musicale bien réelle, sauf que chez Salvador Brotons qui arbore une approche néo-classique...néo-tonale diront certains..., les repères y sont vite identifiables. Pour qui a une bonne culture musicale dans le classique, le langage employé par Brotons est balisé, aucune chance de s'y perdre, on sait exactement où on va, où il nous emmène. Ne pas forcément voir un reproche là où il ne s'agit que d'une observation avisée, sinon je n'aurais pas plusieurs albums de Salvador Brotons sur mes étagères! Cet éclaircissement étant fait, j'aurai toujours une préférence pour les compositeurs qui expérimentent davantage, qui poussent la réflexion musicale plus loin quitte à déplaire ou à dérouter parfois le commun des mortels - dont je fais partie, il m'arrive aussi d'être dérouté, décontenancé.... J'aurai donc toujours une préférence pour le compositeur qui arrive à me stimuler intellectuellement, à titiller mon intelligence et à s'extraire avec créativité et rigueur des sentiers battus, voire rebattus, dans lesquels nous aimons nous complaire, souvent par habitude, parfois par paresse. Ainsi, je préférerai toujours l'approche de Tomas Marco à celle de Salvador Brotons. Je ne sais pas pour Josep Maria Mestres-Quadreny car c'est un compositeur que je connais beaucoup moins bien que les deux précédents. Ce que je peux affirmer, c'est qu'il n'y a rien dans l'oeuvre de Brotons qui me fascine autant que le quatrième mouvement de la Simfonia in E. flat de Mestres-Quadreny et ça veut déjà beaucoup dire...

En cette fin de matinée, j'ai réécouté cinq compositions pour orchestre de Salvador Brotons; Chinese Zodiac Suite se constituant donc de six extraits: The Rat/The Buffalo/The Monkey/The Snake/The Pig/The Dragon, Fusion en trois mouvements, Ataraxy et Presage, tous deux en un seul mouvement, et Sinfonietta da Camera en quatre mouvements, par l'"Orquesta de Cordoba" sous la direction du compositeur. Ne pas en déduire par mon commentaire ci-dessus que Brotons est un romantique tardif. Non, quand même pas et heureusement. Il ne s'agit pas de musiques poussiéreuses. Les principales qualités de ses oeuvres c'est qu'elles sont colorées et dynamiques, avec une direction et des développements parfaitement lisibles, comme je l'ai dit, on sait d'emblée où on va: une influence qui m'aurait frappé plus qu'une autre? En y réfléchissant un peu...en fait pas du tout...nul besoin d'y réfléchir: Igor Stravinsky! C'est vraiment l'influence qui m'a sauté à l'oreille, notamment dans le thème du "Dragon" de Chinese Zodiac Suite. Très divertissant dans l'ensemble avec de séduisantes interventions d'instruments solos. Parfois, il est vrai, je n'en demande pas davantage.

Je pense que là où Salvador Brotons arrive à "personnaliser" son approche musicale c'est par son souci du détail et la minutie avec laquelle il brode ses combinaisons sonores. C'est certes observable dans les oeuvres que j'ai mentionnées dans mon précédent commentaire, mais disons que ça m'a encore plus marqué dans sa Simfonia n°3, Op.59 en quatre mouvements et Terres Ilemosines - Rapsodia Catalana per a Orquestra, Op.57, par l'"Orquestra Simfonica del Vallès" sous la direction de l'auteur. Dans la "Simfonia" il y a de belles envolées lyriques qui ne me laissent bien sûr pas indifférent, mais c'est dans les moments de plus grande intériorité que mon oreille se dresse et que l'émotion passe le mieux, c'est-à-dire que la magie opère. Ces moments d'intériorité avec ses petites sonorités qui les constituent deviennent exquis dans la rhapsodie qui, en revanche, perd provisoirement de son intérêt lorsqu'elle s'emballe dans une orchestration et un style que je trouve à cet instant-là trop classique et banal pour me surprendre et me procurer la moindre exaltation. L'exaltation se produira avec une bien plus grande efficacité lors du troisième mouvement de la troisième oeuvre du cd, Poemes de rem i vela, Op.75, oeuvre pour cordes inspirée par des poèmes de Josep Ma. de Sagarra. Des cordes d'une expression bien plus moderne et tranchantes qui aussitôt me prennent aux tripes. Je peux dire qu'alors je suis viscéralement saisi par une musique aussi vigoureuse que rigoureuse. C'est avant de me laisser emporter par un romantisme passionné et désespéré.

Icare a écrit:

Obstinacio me semble une approche assez originale dans le vaste corpus du compositeur, par rapport à ce que je connais désormais de sa musique, une oeuvre forte, pleine de vitalité, une conclusion pleine de rigueur et de vigueur à ce portrait! Very Happy

En effet, c'est pas trop mal, du moins par rapport au concerto pour trombone qui, lui me semble encore trop "moderne"

vidéo désactivée

https://www.youtube.com/watch?v=Tcx_B3iS5jA


Le concerto pour trombone

https://www.youtube.com/watch?v=JhaCg3hxTro

Je pense avoir presque tout ce qui existe en disque de ce compositeur, sauf ses pièces pour guitare seule. J'avoue que je me méfie toujours d'un disque entier consacré à la guitare seule. J'avais d'ailleurs eu la même hésitation avec celles de Ferenc Farkas et d'Aldo Clementi avant d'y renoncer, du moins le temps de pouvoir m'en faire une idée autrement. Ils sont rares les compositeurs qui ont réussi à me procurer du plaisir sans aucune lassitude sur un disque entier de guitare seule. Il y aura quand même eu Mikis theodorakis et Leo Brouwer.

Les oeuvres que je viens de réécouter de Salvador Brotons sont sa Symphonie n°5 - "Mundus Noster", Op.117 (2010), son Concerto pour hautbois et orchestre, Op.115 (2009-10) et Quatre Pièces pour orchestre à cordes - Suite, Op.14 (2010), le tout par l'"Orquestra Simfonica de Balears 'Ciutat de Palma".

Il n'y a pas si longtemps que j'avais réécouté sa cinquième symphonie, en avais récemment parlé sur le topic, "Le règne de la symphonie" et ici quelques commentaires plus haut. Je pourrais réécrire le même ressenti au risque inévitable de me paraphraser, ce qui n'est pas vraiment utile. Je mentionnerai juste la fin de mon propos: <<... "Elevation and excelling" qui appartient au quatrième et dernier mouvement, est à mon goût le meilleur moment de la cinquième symphonie de Salvador Bottons, le point culminant comme je dis toujours: d'abord par de délicates touches de la harpe et un appui passionné des cordes, le compositeur me conduit dans un romantisme décomplexé que d'aucun dira ne croiser que dans un certain cinéma hollywoodien. Pourquoi pas puisque dans cette symphonie, c'est finalement l'amour qui triomphe.>> Si c'est une symphonie que j'estime intéressante en entier, j'ai tendance à focaliser sur son dernier mouvement qui m'est profondément émouvant alors qu'il s'émancipe dans un style romantique et emphatique qui me gêne tellement chez d'autres compositeurs souvent plus lourdingues ou sirupeux...Disons que l'art et la manière me touchent chez lui, l'art de développer une solide mélodie, la manière de faire sonner les cuivres, d'amener le lyrisme et l'emphase, d'explorer un solo de hautbois... Celui-ci sera d'ailleurs magnifique dans le concerto qui lui est dédié, entre les lèvres de Javier Arnal Gonzalez. Je penserais presque que Salvador Brotons trouve son domaine de prédilection dans les compositions pour cordes tant il semble à l'aise avec cette famille d'instruments. Après Terres Ilemosines, elles m'électrisent à nouveau dans Four Pieces for String Orchestra.

Personnellement, je le trouve aussi plutôt habile dans le domaine du concerto. C'est en tout cas ce qui ressort de l'écoute du Concierto "Mare Nostrum" para guitarra y orquesta, Op.78 ainsi que du Concierto para flauto y orquesta, Op.72. Bien sûr, ces deux instruments jouissent d'un immense répertoire ponctué par des références de taille, c'est indéniable, néanmoins l'approche de Salvador Brotons n'en est pas affadie pour autant. Que ce soit dans l'un ou l'autre des deux concertos, il s'en tire plutôt bien, autant dans les mouvements rapides que dans les mouvements lents, délivrant beaucoup de douceur et de délicatesse par l'intermédiaire de l'instrument soliste. En écrivant cela, je pense autant à la flûte de Magdalena Martinez qu'à la guitare "très latino-méditerranéenne" d'Alex Garrobé. Il en résulte donc des oeuvres qui me sont un peu plus qu'agréables, ce qui ne serait pas suffisant à mon oreille, elles sont touchantes, émouvantes, pourvue d'une certaine fraîcheur bien qu'elles évoluent dans une écriture essentiellement tonale avec ce qu'il faut de tendresse et de lyrisme. Les interventions de l'orchestre (Orquestra Simfonica de Barcelona), y sont particulièrement soignées et dosées. Je ne manquerai pas de mentionner en complément, la Sonata para trombon, piano y orquesta de cuerda, Op.82, avec les solistes Ricardo Casero et Daniel Espesa et Fantasia para trompa y cuerdas, Op.12 avec le corniste David Thompson, deux pièces de durée plus courte dans lesquelles je retrouve des qualités similaires, même si je les place à quelques degrés en dessous des deux concertos. J'aime assez le jeu posé du trombone dans l'"Adagio funèbre" d'un genre sombre et dépressif avant qu'il ne se réveille dans une deuxième partie nettement plus animée de cette sonate-concertino comme aime l'appeler son auteur dès lors qu'il ajouta au piano la profondeur des cordes. Il n'y a toutefois pas, selon moi, ce petit quelque-chose en plus qui illumine son concerto pour guitare ainsi que celui pour flûte...

Un propos de Salvador Brotons en rapport à son Stabat Mater:

<<Je ne pense pas qu'écrire un Stabat Mater au tournant du XXIe siècle soit quelque chose d'étrange ou d'audacieux. Les mots du texte sont en latin, une langue universelle, et il existe de nombreux précédents historiques réussis pour le sien. Peut-être, ce qui est vraiment audacieux aujourd'hui, c'est d'écrire une pièce symphonique-chorale qui dure plus de quarante minutes. Il semble que nous éduquions les esprits à recevoir des stimuli courts et facilement assimilables qui pourraient être immédiatement déchiffrés. C'est pourquoi demander aux spectateurs de consacrer les trois quarts d'heure de leur vie à se laisser séduire par une pièce musicale semble trop. Cependant, je pense que l'expérience en vaut la peine.>>

Bien sûr que l'expérience en valait la peine! Très beau Stabat Mater - Op.73 pour soprano, baryton, choeur mixte et orchestre, porté par les superbes voix de Joana Llabres et Josep Pieres, complété par un tonique Obstinacio - Moviment Simfonic n°7 - Op.56 pour achever mon troisième portait d'Espagne.

https://www.youtube.com/watch?v=kw2cMgJD9W0