Forum sur la musique classique
 
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 Norbert MORET (1921-1998)

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MessageSujet: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2013-05-18, 23:22

Que dire de la musique du compositeur suisse Norbert Moret? Je dirais qu'elle peut être onirique comme l'est son très beau concerto pour violon et orchestre intitulé En rêve. Elle peut être aussi tourmentée, abrupte, brutale, violente, chahutée, colérique ou orageuse. Je me souviens que lorsque j'étais enfant et que je longeais seul le grand bois qu'il était impossible de contourner pour se rendre au village sans devoir faire un trop grand détour, rien ne m'effrayait autant que les arbres sous l'orage sauf peut-être les aboiements féroces des chiens qui gardaient cette immense propriété. Ils passaient par une large ouverture dans le mur, creusée par les racines des grands arbres, sautaient la rivière et me pourchassaient. J'étais terrifié et pédalais aussi vite que je pouvais. Mais ce bois était aussi le fief des écureuils et des corneilles...ces souvenirs d'enfance mêlés de frayeur et de contemplation des oiseaux et des étoiles, j'étais ce petit chercheur de lait qui chantait contre sa peur d'un ciel trop bas, d'un orage latent qui grondait d'un tonnerre de Dieu au-dessus de ma tête, d'une multitude de feuilles qui virevoltaient comme mille papillons verts et jaunes autour de moi. J'avais peur des éclairs, des nuages menaçants qui cachaient les cieux, du vent qui faisait geindre les platanes. J'avais peur des deux molosses prêts à surgir; ils étaient les crocs acérés d'une forêt furibonde. Alors je chantais de plus en plus fort afin de couvrir les bruits qui m'effrayaient. Déjà, à cette époque, la musique était ma meilleure alliée, et lorsque je chantais, alors que le soleil s'enfonçait au loin, derrière la voie ferrée, je n'entendais plus les bruits suspects qui murmuraient derrière le grand mur séparant le bois de la rivière. En écoutant les Hymnes de silence pour orgue et orchestre de Norbert Moret, j'avais l'impression de revivre les orages de mon enfance, les nuits étoilées, les grands arbres que les automnes rendaient si effrayants et qui agitaient leurs bras nus et anorexiques sous le souffle d'un vent devenu fou, les aboiements féroces des chiens qui restaient parfois invisibles. Cette musique me sembla en communion avec les éléments de la nature, des plus fascinants aux plus effrayants, de ceux qui ont nourri mon imaginaire d'enfant:

<<C'était au début mai 1945, dans cette merveilleuse plaine de la Broye où je suis né. Le baccalauréat achevé, j'accomplissais mes études musicales et, ce jour-là, j'avais assisté à mes cours et je rentrai à vélo du village voisin où se trouve la station de chemin de fer. Il était un peu plus de midi. Le ciel était bas, la lumière grise et sombre. de lourds nuages noirs pesaient sur la plaine comme un couvercle. Les colzas en fleurs étalaient la clarté de leurs taches rectangulaires. La "bise noire" soufflait, violente et glacée. J'avançais péniblement, de trois quarts contre le vent. A quelques centaines de mètres devant moi, remontant le flan de la colline, la forêt déchaînée faisait un bruit de mer en colère. Les arbres étaient agités avec une telle fureur que des cimes en étaient arrachées. On aurait dit qu'un héros mythologique, à la force herculéenne, secouait brutalement les sapins jusqu'à les briser. Juste en dessus des arbres, mais nettement distinct des autres nuages, un long ruban d'environ un à deux mètres d'épaisseur avait l'air de s'appuyer sur les cimes recourbées pour fuir en avant, chassé par le vent. C'était le pollen que la bise entraînait et semait à tout vent pour le grand rite de la fécondation. De cette vision enchantée se dégageait une telle puissance, une telle force, un tel cri d'espérance à la vie, que tout mon être était imprègné. J'étais comme envoûté. Et puis soudain le vent m'emportait. J'étais moi aussi, absorbé, intégré dans la tempête de vie. La voix des grandes orgues m'enveloppait, m'écrasait de son éclat: une percussion magique grondait sourdement et des trombones au souffle puissant crevait le voile sonore de leurs appels déroutants... >> Norbert Moret à propos de ses Hymnes de Silence.


Dernière édition par Icare le 2023-06-22, 11:40, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2013-05-18, 23:30


Je viens de vivre une très belle émotion avec son Mendiant du ciel bleu "Trois visions pour exorciser l'homme" pour deux solistes (soprano & baryton), deux choeurs d'enfants, choeur de femmes, grand choeur et orchestre. Norbert MORET (1921-1998) 333455 Norbert MORET (1921-1998) 333455
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2013-05-19, 16:06


Eléments biographiques (Wikipédia):

Norbert Moret est un compositeur d'origine suisse. Il est né le 20 novembre 1921 à Ménières et il mourut le 17 novembre 1998 à Fribourg. Provenant d'une famille d'agriculteurs de la Broye, NORBERT MORET apprit le piano, l'orgue, le chant grégorien et la composition au conservatoire de Fribourg où il avait obtenu le baccalauréat au Collège Saint-Michel. Entre 1948 et 1950, il séjourna à Paris où Arthur Honegger, René Leibowitz et surtout Olivier Messiaen exercèrent sur lui une influence déterminante et durable. L'année suivante, il fit un stage à l'Orchestre et à la Bibliothèque de la Philharmonie de Vienne sous la direction de Wilhelm Furtwängler, puis il regagna Fribourg et se consacra à la direction chorale ainsi qu'à l'enseignement de la musique, à l'école secondaire d'abord, à l'école normale cantonale ensuite, de 1965 à 1982. Ce n'est qu'en 1974 qu'il remporta un grand succès lors de la Fête de l'Association des Musiciens Suisses avec "Germes en éveil", une composition de musique de chambre avec laquelle il avait trouvé un langage qui lui était propre. En 1983, cette même association lui décerna son prix de composition, prix très prestigieux et convoité.
NORBERT MORET ne cessa de composer jusqu'à sa mort.


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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2013-05-19, 20:18

Norbert Moret, le mystique:

<<La création est le mystérieux tracé d'arabesques et trajectoires qui brisent le fini, défient l'infini jusqu'à l'extrême limite où la folie guette. Car tout acte de création est un acte de folie. Chaque oeuvre nouvelle est un acte d'amour, un acte de folie et un défi.>> Norbert Moret.

Elève inspiré, à Vienne, du chef d'orchestre Wilhelm Furtwaengler, et à Paris, des compositeurs Arthur Honegger, René Leibowitz et Olivier Messiaen, il a signé l'une des musiques les plus accomplies de ce temps, faite de fulgurances, de visions, de songes, de rêve, de silence. Romantique, Norbert Moret? Pleinement, au sens où l'être s'engage dans sa totalité, sa propre plénitude pour un combat sans trève ni relâche contre - ou avec - les démons de la nuit, au sens schumannien de doute, de gouffre, de déchirure. Religieux? Les titres, les oeuvres elles-mêmes le laissent entendre. Encore que panthéiste est certainement le mot qui convienne. Autant d'opus, autant d'exercices spirituels si l'on veut - un spirituel en même temps très incarné, avec ce côté terrien, fortement ancré terrien, le goût des bonnes choses, des infinies saveurs, de la cuisine gourmande. Norbert Moret est d'abord, ou peut-être l'est-il en dernier ressort, un mystique. A preuve, ce jour de début mai 1945 - on a 24 ans - que le musicien relatera plus tard, un peut comme Pascal l'avait fait pour la nuit de feu du Mémorial, ou Romain Rolland, pris d'effroi dans un train stoppé tous feux éteints au milieu d'un tunnel, et cette peur panique de la Mort, de l'anéantissement suivie de la certitude de son exact contraire.

Ce jour-là, Norbert Moret vit une expérience qui va le marquer pour la vie. Pris au milieu d'une tempête dans sa Broye natale, le jeune homme se retrouve face à "cette vision enchantée (d'où) se dégageait une telle puissance, une telle force, un tel cri d'espérance à la vie, que tout mon être en était imprégné. J'étais comme envoûté.". De ce moment-ciel allait surgir l'accord de ré majeur qui sera chez lui une manière de signature, un peu la petite tache rouge qui pose, presque invariablement, dans ses toiles le peintre Corot. On lira ailleurs le récit complet, détaillé de cette expérience, qui nous paraît relever d'un Jean de la Croix, d'une Thérèse d'Avila - "Vers quelle destinée, vers quelle mer de Sargasses, vers quel Cap d'Espérance voguions-nous? (...) Tous les instruments avaient convergé vers un seul son que des cordes affolées martelaient obstinément. C'était comme la copulation démesurée de deux océans mariant leurs eaux."

Cette vision auditive, si l'on peut se permettre d'accoler ces deux termes, qui survient dans l'apaisement des forces de la Nature, son grand calme, permet peut-être, dès lors, de préciser la spécificité du mysticisme de Norbert Moret: contemplatif. A preuve encore, l'oeuvre grandiose qui devait, un jour, notamment en témoigner: Les Hymnes de Silence, pour grand orgue et grand orchestre. Là, tout semble être dit.


Daniel Robellaz


Dernière édition par Icare le 2020-10-11, 10:33, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2013-05-19, 21:39

De belles citations qui donnent envie d'en savoir plus mais peu de documents sonores à trouver. Norbert MORET (1921-1998) Icon_con



vidéo qui nous livre également le beau visage de Norbert Moret.

Pour le peu que j'ai pu entendre "Lumière vaporeuse" et "Dialogue avec l' Etoile", un travail tout en douceur par petites touches subtiles qui exprime une intensité suprême des sentiments, très belle expérience I love you
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2014-07-19, 17:09

Je viens de réécouter trois oeuvres de Norbert Moret, Triptyque pour les fêtes pour voix à cappella, Gastlosen pour orgue et Mendiant du Ciel bleu pour deux solistes, deux choeurs d'enfants, choeur de femmes, grand choeur et orchestre. La première pièce pour choeur à cappella ne m'a pas particulièrement plu, ni vraiment belle ni vraiment intéressante d'une manière ou d'une autre. La pièce pour orgue qui s'étale sur une durée de seize minutes me faisait un peu peur. Je craignais peut-être trop de clusters!Laughing L'oeuvre est plutôt bien passée même si je ne suis jamais réellement entré dans cette musique.

Heureusement, le Mendiant du ciel bleu me laissa une impression beaucoup plus positive. Il y a déjà une très belle formation chorale et l'oeuvre en bénéficie largement. C'est un monde follement poétique et même onirique que je viens de traverser. J'aime beaucoup ses turbulences, ses chants, ses couleurs, les interventions des deux choeurs d'enfants...  Norbert MORET (1921-1998) 333455 
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2014-11-07, 22:05

Icare a écrit:
Je viens de vivre une très belle émotion avec son Mendiant du ciel bleu "Trois visions pour exorciser l'homme" pour deux solistes (soprano & baryton), deux choeurs d'enfants, choeur de femmes, grand choeur et orchestre.  Norbert MORET (1921-1998) 333455  Norbert MORET (1921-1998) 333455

C'est une oeuvre forte, très expressive et en phase avec son époque. Beaucoup d'intensité, de couleur et de lumière, notamment une utilisation délicate de l'orgue dans un registre lumineux et une douceur qui tranche à merveille avec les parties les plus véhémentes . J'aime aussi la présence du choeur d'enfants, l'autre point lumineux de l'oeuvre de Norbert Moret ainsi que son titre, Mendiant du ciel bleu qui avait vraiment aiguisé ma curiosité sur son contenu. Je ne regrette pas. Norbert MORET (1921-1998) 333455 Norbert MORET (1921-1998) 333455 I love you
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2014-11-08, 19:18

Je n'ai pu résister à l'envie de réécouter une nouvelle fois son Mendiant du ciel bleu et j'ai encore mieux aimé qu'hier. Je suis aux anges, mendiant moi aussi du ciel bleu, pendant qu'il y en a encore. Norbert MORET (1921-1998) 395622
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2015-10-24, 15:45

Je suis en train d'écouter son concerto pour violon, enregistré avec le deuxième de Bartok sur ce CD :

Norbert MORET (1921-1998) Folder11

Et on dit que Bartok est dissonant, alors que son concerto semble presque romantique à côté de celui de Moret !

Inutile de dire que je n'ai pas aimé...
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2015-10-24, 17:56

Certes, il est plus moderne et onirique que de forme romantique, mais rien de vraiment tonitruant ni de crispant dans ce concerto. C'est marrant parce que ce cd m'a été offert par un mélomane-béophile qui n'aime pas le contemporain au sens où on l'entend habituellement - le "trop dissonnant ou trop atonal" - et justement par rapport au concerto de Norbert Moret qu'il aime beaucoup, préfère même à celui de Bartok avec lequel il est couplé. Comme quoi! Wink
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2017-12-24, 13:24

Icare a écrit:
Certes, il est plus moderne et onirique que de forme romantique, mais rien de vraiment tonitruant ni de crispant dans ce concerto.

Je viens de le réécouter, il me semble moins crispant que la première fois. Je dirai même que le deuxième mouvement, Dialogue avec l'Etoile n'est pas si mal que ça Very Happy

Dis moi : j'ai relu ton premier post, et tu écris ceci :

Je me souviens que lorsque j'étais enfant et que je longeais seul le grand bois qu'il était impossible de contourner pour se rendre au village sans devoir faire un trop grand détour, rien ne m'effrayait autant que les arbres sous l'orage sauf peut-être les aboiements féroces des chiens qui gardaient cette immense propriété. Ils passaient par une large ouverture dans le mur, creusée par les racines des grands arbres, sautaient la rivière et me pourchassaient. J'étais terrifié et pédalais aussi vite que je pouvais. Mais ce bois était aussi le fief des écureuils et des corneilles...ces souvenirs d'enfance mêlés de frayeur et de contemplation des oiseaux et des étoiles, j'étais ce petit chercheur de lait qui chantait contre sa peur d'un ciel trop bas, d'un orage latent qui grondait d'un tonnerre de Dieu au-dessus de ma tête, d'une multitude de feuilles qui virevoltaient comme mille papillons verts et jaunes autour de moi. J'avais peur des éclairs, des nuages menaçants qui cachaient les cieux, du vent qui faisait geindre les platanes. J'avais peur des deux molosses prêts à surgir; ils étaient les crocs acérés d'une forêt furibonde. Alors je chantais de plus en plus fort afin de couvrir les bruits qui m'effrayaient. Déjà, à cette époque, la musique était ma meilleure alliée, et lorsque je chantais, alors que le soleil s'enfonçait au loin, derrière la voie ferrée, je n'entendais plus les bruits suspects qui murmuraient derrière le grand mur séparant le bois de la rivière.

Je n'arrive pas à déterminer si ce texte te concerne directement ou bien si ce sont les souvenirs d'enfance de Norbert Moret. Si c'est toi, c'est que tu n'as pas toujours été parisien et que tu es d'origine campagnarde ?
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2017-12-24, 16:17

J'ai vécu toute mon enfance et début d'adolescence à la campagne, au milieu des animaux et ce que je raconte est bien mon histoire propre, une partie d'elle.
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2018-11-24, 17:35


Norbert Moret fait partie des compositeurs dits "modernes" ou foncièrement contemporains qui me touchent. Ce n'est pas juste une série de complexes sonores tonitruants froids et mécaniques à mon oreille. J'y trouve un sens, une cohérence, une sensibilité, mais j'y trouve aussi et surtout mes émotions. Je pourrais dire ça de la plupart des oeuvres que j'ai écoutées et son Double Concerto pour violon, violoncelle et orchestre à cordes (1982) en fait partie. Je ne pourrais néanmoins dire que ce qui me traverse pendant l'écoute correspond aux propos du compositeur: <<Le Double Concerto est une de mes rares pages que le drame ne fait qu'effleurer à peine. L'oeuvre est principalement consacrée à chanter la joie et à tenter d'approcher le rêve...>> A mon oreille, elle apparaît davantage tonitruante que chantante, ce qui n'est absolument pas un reproche de ma part: j'aime beaucoup de musiques tonitruantes dont celle-ci. Dire en plus qu'elle "chante la joie" me surprend car à un aucun moment de l'oeuvre je ne la ressens. De l'éclat, de la vigueur, des teintes vives; sans aucun doute...la joie, je n'y avais pas songé...?...Mais reprenons: <<...Ma prédilection pour les cordes très divisées est bien connue. N'est-ce pas l'orchestration rêvée pour vagabonder sur les sentiers vaporeux et mystérieux des parcours intérieurs? Car ce Double Concerto est un peu un voyage sur les traces du "Grand Meaulnes" à la recherche de ce qui est de plus merveilleux en soi-même, à la recherche d'une émotion infinie.>> Là, on touche à l'essentiel.

Carmen Fournier: violon
Thomas Demenga: violoncelle
Orchestre Léon-Bazin dirigé par Jean-Jacques Werner

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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2018-11-24, 19:39

Icare a écrit:
Que dire de la musique du compositeur suisse Norbert Moret? Je dirais qu'elle peut être onirique comme l'est son très beau concerto pour violon et orchestre intitulé En rêve. Elle peut être aussi tourmentée, abrupte, brutale, violente, chahutée, colérique ou orageuse. Je me souviens que lorsque j'étais enfant et que je longeais seul le grand bois qu'il était impossible de contourner pour se rendre au village sans devoir faire un trop grand détour, rien ne m'effrayait autant que les arbres sous l'orage sauf peut-être les aboiements féroces des chiens qui gardaient cette immense propriété. Ils passaient par une large ouverture dans le mur, creusée par les racines des grands arbres, sautaient la rivière et me pourchassaient. J'étais terrifié et pédalais aussi vite que je pouvais. Mais ce bois était aussi le fief des écureuils et des corneilles...ces souvenirs d'enfance mêlés de frayeur et de contemplation des oiseaux et des étoiles, j'étais ce petit chercheur de lait qui chantait contre sa peur d'un ciel trop bas, d'un orage latent qui grondait d'un tonnerre de Dieu au-dessus de ma tête, d'une multitude de feuilles qui virevoltaient comme mille papillons verts et jaunes autour de moi. J'avais peur des éclairs, des nuages menaçants qui cachaient les cieux, du vent qui faisait geindre les platanes. J'avais peur des deux molosses prêts à surgir; ils étaient les crocs acérés d'une forêt furibonde. Alors je chantais de plus en plus fort afin de couvrir les bruits qui m'effrayaient. Déjà, à cette époque, la musique était ma meilleure alliée, et lorsque je chantais, alors que le soleil s'enfonçait au loin, derrière la voie ferrée, je n'entendais plus les bruits suspects qui murmuraient derrière le grand mur séparant le bois de la rivière. En écoutant les Hymnes de silence pour orgue et orchestre de Norbert Moret, j'avais l'impression de revivre les orages de mon enfance, les nuits étoilées, les grands arbres que les automnes rendaient si effrayants et qui agitaient leurs bras nus et anorexiques sous le souffle d'un vent devenu fou, les aboiements féroces des chiens qui restaient parfois invisibles. Cette musique me sembla en communion avec les éléments de la nature, des plus fascinants aux plus effrayants, de ceux qui ont nourri mon imaginaire d'enfant:[/b].

J'ai moi aussi connu ce type d'expérience, dans le petit village de mon enfance aux trois clochers, dans le Poitou.  Very Happy  C'est un très beau poème en prose que tu nous a écrit là, Icare Norbert MORET (1921-1998) 185465 .

Merci ! Mains Norbert MORET (1921-1998) 13150
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2018-11-24, 22:30


Merci. Mains
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2020-10-11, 11:12

J'ai réécouté ce matin cette oeuvre pour orgue et orchestre de Norbert Moret dont l'impact qu'elle a sur moi, comme j'en témoigne en tête de topic, ne s'effectue pas pour des raisons uniquement musicales, même si celles-ci ont une importance capitale dans ma fascination pour cette oeuvre: j'aime ses tumultes orageux, ses fracas, son caractère foudroyant, j'aime ses dissonances qui m'électrisent, ses accalmies, sa puissance expressive et suggestive, l'emploi de l'orgue dont la douceur dans sa phase introductive laisse deviner la tempête aux aguets. Il s'agit donc bien de ces Hymnes de Silence qui, bien qu'enracinée dans une "contemporanité", une modernité, un atonalisme parfaitement maîtrisé et assumé, fait inévitablement partie de mes oeuvres préférées dans ce genre-là. Elle a cette particularité de me fasciner pour des raisons purement musicales et, en même temps, de me renvoyer à un épisode à la fois effrayant et fascinant de mon enfance...C'est aussi du au propre témoignage du compositeur qui a plusieurs points communs avec ma propre expérience, ce qui n'empêche pas que cette musique de Norbert Moret me plonge complètement dans ces souvenirs d'enfance, de ceux qui nous accompagnent toute une vie: la découverte d'un terrible orage lorsque vous êtes enfant et seul, à sa merci, près d'un bois, que vous entendez des chiens hurler derrière un mur éventré, ce n'est pas la même expérience que derrière une fenêtre de votre maison avec vos parents autour de vous qui vont vous expliquer ce qu'est le tonnerre, l'éclair et la foudre. J'étais seul et effrayé par des éléments qui se déchaînaient au dessus de moi et m'étaient encore incompréhensibles...et lorsque la foudre frappa quelque-part, je ne sais où, ce fut un vacarme de fin de monde qui me rendit minuscule, si minuscule...Hymnes de Silence de Norbert Moret est définitivement associé, dans mon esprit, à cet évènement et si j'avais été compositeur, c'est l'oeuvre que j'aurais aimé écrire. Elle se constitue de trois mouvements:
--Tempête de vie,
--Solitude vierge,
--Fusée vers l'étoile.
Elle est interprétée par Heiner Kühner à l'orgue et le "Basler Sinfonie Orchester" sous la direction de Paul Sacher.
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MessageSujet: Re: Norbert MORET (1921-1998)   Norbert MORET (1921-1998) Empty2023-06-22, 12:42


Norbert MORET (1921-1998) 0.43918400_1410241608

Mon quatrième portrait, après Carl Vine, Bruce Smeaton et William Grant Still, fut consacré à un compositeur au style moins souple, plus tonitruant, que les précédents, mais que j'aime essentiellement pour deux oeuvres en particulier, dont une que je trouve personnellement extraordinaire dans tout ce qu'elle exprime d'un point-de-vue purement musical et par ce qu'elle fait émerger du plus profond de moi-même: mon enfance, ma solitude, la peur de l'orage, ces chiens agressifs qui, parfois, surgissaient d'un mur éventré...Bref, tout ce que j'ai déjà évoqué plus haut...Mais, avant d'y revenir brièvement, j'ai d'abord réécouté l'oeuvre par laquelle j'avais découvert ce compositeur - cadeau d'un ami qui aimait le contemporain à petite dose et dans une certaine souplesse de ton -:
___En Rêve - Concerto pour violon (1988) par Anne-Sophie Mutter et le "Boston Symphony Orchestra" sous la direction de Seiji Ozawa
___Concerto pour Violoncelle et Orchestre (1984-85) par Mstislav Rostropovitch et le "Collegium Musicum de Zurich" sous la direction de Paul Sacher.
Ces deux concertos ne représentent pas à mon goût la part la plus essentielle de son oeuvre, même si mon esprit les accepte plus ou moins bien - c'est aussi selon mon humeur et mes aspirations du moment - et même si des passages parviennent à maintenir un minimum d'intérêt au fil du temps et des écoutes successives. Disons qu'avec ces deux oeuvres, je considérerais Norbert Moret comme un contemporain ordinaire, un contemporain parmi les contemporains qui me sont encore accessibles. J'ai réécouté deux oeuvres que j'écoute très rarement, presque jamais, et je sais pourquoi:
___Triptyque pour les Fêtes (1990), pour choeur à cappella; 4 sopranos/2 altos/2 ténors dont Paul Agnew et 2 basses.
Les pièces pour voix a cappella qui me touchent vraiment existent, chez Palestrina, Monteverdi, Morricone..., mais celle-ci me laisse indifférent.
___Gastlosen (2000) pour orgue: Fritz Muggler
L'orgue seul peut autant me fasciner que me faire fuir et lorsqu'il est seul je ne l'aime ni bruyant ni strident. J'en accepte davantage les tumultes lorsqu'il est associé à un orchestre comme dans le concerto de Jean Guillou ou la symphonie concertante d'Aaron Copland ou encore dans Hymnes de Silence de Norbert Moret. Mais là, du même compositeur, je n'accroche pas. Les seize minutes me furent longues. Heureusement, la suite me conduit au meilleur du maître suisse:
___Mendiant du Ciel Bleu (1981) - pour deux solistes (soprano & baryton), deux choeurs d'enfants, choeur de femmes, grand choeur et orchestre, le tout sous une direction d'Armin Jordan.
___Hymnes de Silence pour orgue et orchestre - par Heiner Kühner et le "Basler Sinfonie Orchester".
C'est la seconde oeuvre qui m'a consacré Norbert Moret dans mon "panthéon" personnel, la plus importante, celle qui me remue les tripes, celle qui me remue de l'intérieur, plus qu'une simple oeuvre musicale, plus qu'un hymne du silence, un hymne du souvenir, une de mes oeuvres atonales de chevet.
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