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Sujet: Bruno COULAIS, né en 1954 2011-10-16, 21:10
STABAT MATER:
<<Chercher le "sacré" dans les petites choses du quotidien est la leçon que j'ai reçue du cinéma, et c'est une idée qui m'a accompagné tout au long de l'écriture de ce Stabat Mater. Dans le texte si beau et si poignant du XIIIème siècle, bâti en 20 strophes de 3 vers, j'ai retenu la douleur d'une mère face à la mort de son enfant plutôt que le récit de la Vierge pleurant la mort du Christ. Toujours du cinéma, et tout particulièrement de "L'évangile selon Saint Mathieu" de Pier Paolo Pasolini, j'ai appris que la rencontre d'univers musicaux très divers pouvait nous conduire à "l'universel". Ainsi, le cri de cette mère peut prendre tour à tour les voix sublimes de Marie Kobayashi et d'Aïcha Redouane, les voix blessées de Robert Wyatt et Guillaume Depardieu, ou encore le chant lumineux du choeur de chambre Mikrokosmos. On retrouve ce cri dans le jeu si inventif de Laurent Korcia, dans la violence du quatuor à cordes, dans la guitare électrique de Slim Pezin qui se fond dans le choeur, dans les percussions colorées de Marc Chantereau, dans le solo virtuose de l'altiste Françoise Gnéri, mais aussi dans le jeu si pénétrant de Claire Désert. Après l'enregistrement du concert en la Basilique de Saint-denis, j'ai souhaité bouleverser l'ordre des airs, obéissant plutôt à une logique musicale qu'à la succession traditionnelle des strophes.>> Bruno Coulais.
J'ai eu la chance d'assister au concert de ce Stabat Mater à la Basilique Saint-Denis et j'ai particulièrement aimé cette oeuvre presque déchirante par endroits grâce à un violon viscéral de Laurent Korcia et aux voix troublantes de Guillaume Depardieu, disparu depuis, et de Robert Wyatt. L'oeuvre démarre sur un solo de voix orientale tenu par Aïcha Redouane. C'est la beauté qui nait de la douleur, de la tragédie, de l'horreur d'une mère qui perd son enfant, de cette horreur figée sur un visage de femme pétrie de souffrance que la voix de Marie Kobayashi figera, quand à elle, dans la grâce et l'éclat:
<< Comme cette sculpture de Pascal Convert, les concerts des 28 et 29 juin 2005 sont nés de la célèbre photo "La Madone de Bentalha" de Hocine Zaouar, prise en Algérie lors d'un massacre nocturne de la population perpétré par le FIS en 1997. Une mère perd son fils. C'est l'histoire-même du Stabat Mater deux mille ans après. Cette photo, on l'appelle "La Madone de Bentalha". Comment une tragédie peut-elle faire naître de la beauté? Comment cette mère éplorée, photographiée par un reporter d'actualité peut-elle rejoindre dans l'émotion les plus grands tableaux de la Rennaissance? C'est cette idée qui nous conduit à interroger la musique, celle de Bruno Coulais, pour voir (plutôt pour entendre) comment aujourd'hui avec des musiciens venant de différentes cultures nous pouvons parler de l'amour d'une mère pour son fils et de la douleur de la perte. La douleur de Marie, celle de Bentalha, celle de toutes les mères qui souffrent de par le monde. >> Jean-Pierre Le Pavec.
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Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2011-10-20, 15:45
Biographie:
Dans le milieu des années 80, Bruno Coulais s'impose comme l'un des compositeurs les plus innovants du cinéma français. auteur de nombreuses oeuvres de concert, il découvre dans la musique de film un moyen d'expression supplémentaire, une façon d'amener l'exigence de son écriture vers le plus grand nombre. D'HIMALAYA à BELPHEGOR, Coulais envisage son art comme une ouverture sur le monde, révélant un don d'alchimiste moderne, une manière personnelle de métisser les cultures, de créer une véritable fusion entre, par exemple, choeurs tibétains, percussions égyptiennes et polyphonies corses avec A Filletta, son groupe vocal fétiche depuis le DON JUAN de Jacques Weber. Sans parler d'une griffe unique pour échaffauder des climats oniriques d'une inquiétante douceur à base de berceuses distordues, de voix d'enfants et de boîtes à musique.
Bruno Coulais est un compositeur français né à Paris le 13 janvier 1954. Ayant d'abord reçu une formation classique (violon,piano) le destinant à composer de la musique de concert contemporaine, il s'oriente progressivement vers le cinéma suite à plusieurs rencontres dont certaines seront déterminantes. Sa carrière restera toutefois assez discrète jusqu'à sa rencontre avec Agnès Merlet sur son très beau film Le fils du requin et pour lequel il composa une délicieuse partition qui ne passa pas inaperçue ainsi qu'avec la téléaste Josée Dayan sur deux feulletons à succès La Rivière Espérance et Le Comte de Monté-Cristo, de la très belle musique dans les deux cas même si le compositeur ni exprime pas encore vraiment ses propres ambitions esthétiques. Il lui faudra attendre de rencontrer Claude Nuridsany et Marie Pérennou, les deux réalisateurs du célèbre documentaire Microcosmos. Ce film sur les insectes et une manière nouvelle de les filmer, accordera une place importante à la musique et aux ambitions artistiques et si singulières du compositeur français. Le cinéma trouva en lui un talent véritable qui cassa assez avec la musique traditionnelle et narrative de film, telle qu'elle est prisée, par exemple, à Hollywood. Le style "bruno Coulais" était né.
J'espère bien assister au concert parisien de son CONCERTO POUR VIOLON.
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2012-06-13, 20:44
Le Fils du Requin, ma première bande originale de Bruno Coulais en disque, bien que j'ai découvert et apprécié sa poétique musicale tout d'abord par plusieurs téléfilms:
Dernière édition par Icare le 2023-09-15, 15:55, édité 1 fois
joachim Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2013-05-10, 11:13
J'ai aimé les "voyageurs du ciel et de la terre" (cf lien youtube, rubrique anniversaire )
Tu as des renseignements sur cette oeuvre ? On dirait un peu une musique de film ?
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2013-05-10, 11:43
Il s'agit bien de musique appliquée et plus spécialement composée pour un documentaire sur la nature diffusé au Futuroscope. Elle ne bénéficie à ma connaissance d'aucun support discographique. Je l'ai découverte au hasard de Youtube.
Dernière édition par Icare le 2015-05-18, 20:53, édité 1 fois
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2013-07-18, 09:47
Heureux de cette collaboration avec le groupe polyphonique corse A Filetta au service de l'image, Bruno Coulais eut la merveilleuse idée de les convier pour la réalisation d'un album très réussi, intitulé Si di mè. Il en ressort seize chants tous plus beaux et intenses les uns que les autres. J'ai eu plusieurs fois la larme à l'oeil, non seulement par la beauté des voix et la qualité des chants corses en eux-mêmes mais aussi par la force des mélodies, l'exploitation viscérale de ces voix magnifiques et par un excellent apport de l'orchestre. Bruno Coulais et A Filetta ont également réuni à l'occasion de cet album quelques artistes-chanteurs de qualité; Guram Tamazashvili, Antoine Ciosi, Marie-jo Allegrin et Marie Kobayashi. Le tout dernier extrait du disque Chjarura apparaît à la fois sous forme d'un hommage vibrant à Ennio Morricone ( le thème mélodique évoque Mission) et comme une conclusion idéale et optimiste à une série de chants le plus souvent graves et mélancoliques.
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2013-12-13, 18:55
Lorsqu'un cycle s'achève, un autre commence! Ce cycle-là est complètement dédié aux compositeurs français de cinéma et il commence en beauté avec Bruno Coulais. Voilà d'ailleurs une partie de ce qu'il dit à propos de La Clé des Champs, un film réalisé par Claude Nuridsany et Marie Pérennou:
Le film imposait à la musique de rester à hauteur d'enfant. Si j'avais commencé à travailler avec une matière orchestrale trop ample, elle aurait écrasé le film. Par exemple, le grand orchestre à cordes est utilisé d'une manière partialisée, très légère, un peu comme des déplacements d'air, sans tension. C'est une composition impressionniste à laquelle j'ai associé des sons de jouets d'enfant intégrés comme des instruments à part entière. Ces sonorités dégonflent la masse de la musique pour lui donner une sorte de légèreté inconsciente. Un percussionniste a joué avec des tambourins d'enfant, des clochettes. On a aussi utilisé des sons samplés, des rhombes - instruments très artisanaux, des planchettes en bois accrochées à des ficelles que l'on fait tournoyer - ainsi que des objets fabriqués par Marie Pérennou à partir de choses de la nature comme des petits hochets. La musique, très liée aux sons, va ainsi au-delà d'une simple structure de soutien de la narration. Là encore, comme sur Microcosmos (également réalisé par Claude Nuridsany et Marie Pérennou) où j'avais collaboré avec Laurent Quaglio, j'ai eu la chance de travailler avec ce type génial qu'est Jean Goudier, le créateur des sons. Chacun écoutait ce que l'autre faisait et nous avons vraiment travaillé en harmonie.
Bruno Coulais.2011.
Effectivement, une musique orchestrale avec des passages chantés à hauteur d'enfant, mais avec des orchestrations originales et inventives, une poétique et même une féerie qui en imbibent chaque note. Superbe!
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2013-12-14, 20:46
Magnifique voyage musical au travers de Amazonia et La Planète Blanche. Amazonia est un film de Thierry Ragobert, la musique semble avoir été composée pour un thriller naturalistique, très fouillée dans ses constructions et orchestrations. Elle extirpe de l'orchestre des ambiances sonores tarabiscotées et singulières, surtout si on y accorde une oreille attentive. Dans le vaste domaine de la composition pour le cinéma, il y a ceux qui sont en mesure - ils ont certes, pour une partie d'entre eux en tout cas, la technique pour ça - d'écrire de la musique illustrative au kilomètre dans un registre très conventionnel et attendu. Bruno Coulais, quant à lui, est d'une autre trempe de compositeur qui sait transformer les poncifs du genre en quelque chose de moins prévisible et de plus personnel dans la finalité, d'y insuffler une insolence et un piment qui marqueront la différence, rendront attrayant et même fascinant une musique qui aurait pu n'être que fonctionnelle. Des choeurs éthérés et des cordes délicatement employées ajoutent de la beauté après les moments de tension. Sans avoir vu le film, grâce à la somptueuse partition de Bruno Coulais, je poursuis une aventure onirique. Il en ira de même avec La Planète Blanche, film réalisé par Thierry Ragobert et Thierry Piantamida. Dans cette musique, antérieure à celle d'Amazonia, Coulais y a mis peut-être plus encore de sa folie créatrice, dans la manière de combiner des sons très originaux, de construire des thèmes atypiques. Disons qu'il y a quelque chose de plus viscéral encore, de plus insolite et de si profond à la fois...une esthétique qui ne plait évidemment pas à tout le monde mais que, personnellement, je trouve ludique et même jouissive pour ne pas dire jubilatoire, de par la richesse sonore dont elle se compose ainsi que par sa grande force poétique: il en résulte un style unique et inclassable dans le domaine de la musique pour l'image.
Dernière édition par Icare le 2015-06-21, 19:05, édité 1 fois
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2014-01-31, 10:11
Des trois partitions composées pour l'univers cinématographique de Benoît Jacquot par Bruno Coulais; Les adieux à la reine, Au fond des bois, Villa Amalia, je manifeste généralement une préférence pour la forme concertante (violon et orchestre) qu'il développa dans un style assez contemporain, sur Au fond des bois. Le récit est intense, le violon viscéral: tous les ingrédients musicaux sont là pour faire naître une merveille à mes oreilles. Sauf que, cette fois, j'ai été davantage conquis par le caractère chambriste et singulier qui illumine Les adieux à la reine...vraisemblablement une question d'humeur qui a fait que cette musique a comblé toutes mes attentes. C'est elle qui m'a le mieux convenu lors de cette nouvelle écoute. Les thèmes pour piano de Villa Amalia, par la brutalité nuancée de leur propos, sont également saisissants.
laudec
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2014-01-31, 13:17
Je n'ai pas aimé l'extrait de "Villes invisibles" ... mais
Etonnant, déchirant son "Stabat mater", j'aime beaucoup !
Je découvre nombre de films et documentaires que Bruno Coulais a "mis en musique" et j'aime sa façon de "marier" les sons avec les images, superbe. Souvent planant, comme les images, j'aime passer des moments comme cela à planer après d'autres moments plus tendus. "Himalaya", "Océans", "Microcosmos", "Le peuple migrateur", "La planète blanche" et bien d'autres encore ... que de beauté même si la cruauté n'est jamais loin ...
Peut-être que Frantz a raison en définitive de montrer l'autre face
Frantz a écrit:
Tirés de FDM ( Film de Destructions Massives)
Ce serait trop facile d'oublier que "ça" aussi ! A n'oublier sous aucun prétexte
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2014-01-31, 13:53
J'ai eu la chance d'assister au concert de son Stabat Mater qui est une oeuvre superbe et unique en son genre. Je n'ai jamais réentendu un Stabat Mater de cette veine-là. J'aime beaucoup un passage où la voix de Guillaume Depardieu, aujourd'hui disparu, y est employée avec beaucoup d'intensité et d'émotion. Viscéral!
laudec
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2014-01-31, 13:58
Je n'ai eu l'occasion d'écouter que le court extrait sur YT , j'aimerais pouvoir découvrir la totalité à l'occasion !
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2014-01-31, 21:00
Je n'ai pu m'empêcher de réécouter une nouvelle fois cette sorte de concerto pour violon et orchestre qu'il composa pour le film de Benoît Jacquot, Au fond des bois et, cette fois, j'ai suivi comme jamais l'errance du violon dans une jungle orchestrale tantôt envoûtante, tantôt hostile. Une musique de film de haute tenue!
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2014-02-21, 18:50
Tôt ou tard, le cinéma d'animation devait m'amener à Bruno Coulais, car c'est un univers d'images qui ne pouvait qu'intéresser un compositeur aussi créatif et ludique que lui. Coraline, sa musique, correspond parfaitement à ce monde sonore ingénieux qu'il sait si bien mettre en oeuvre avec tout le talent de mélodiste, d'orchestrateur et d'expérimentateur qui constitue sa personnalité musicale. La partition se compose de moments chantés telle que la dynamique et galvanisante chanson d'ouverture, et de passages orchestraux, souvent originaux et insolites dans leurs constructions. Beaucoup de sonorités corrosives ornent la fascinante partition de Bruno Coulais qui ne s'essouffle jamais...Au contraire, c'est davantage l'auditeur que je suis qui en est ressorti épuisé...épuisé certes, mais conquis, fasciné, émerveillé par un volcan de créativité...ludique au possible!!
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2014-05-23, 09:24
Le cinéma animalier a souvent réussi à Bruno Coulais depuis Microcosmos en passant par Genesis, Le Peuple migrateur, La planète blanche, Océans jusqu'à Amazonia. C'est cette dernière B.O. que j'ai écoutée, ce matin, une partition pour orchestre dans laquelle se mêlent des choeurs, des sonorités singulières que le compositeur a toujours aimé élaborer dans ses oeuvres. Il y a de la guitare solo, de la percussion, des constructions thématiques typiques de son style. le tout s'achève sur une attendrissante mélodie orchestrée avec soin. Il y manque toutefois, selon moi, le grain de folie qui illuminait certains de ces opus antérieurs, comme, par exemple, La Planète blanche pour le même réalisateur Thierry Ragobert.
(Attention! La musique de la bande annonce n'est pas celle du film)
<<Amazonia est une fiction animalière dans laquelle nous n'avons voulu ni voix off ni dialogues. Ce pari de taille que nous avons réussi repose en grande partie sur la qualité du montage sonore qui habille le film et la finesse de la bande originale qu'a composée Bruno Coulais. Ces deux éléments donnent vie aux sentiments de notre héros en inventant un langage qui lui est propre et que le spectateur peut ressentir, partageant ainsi les tribulations de notre singe capucin, perdu au coeur de l'Amazonie.>>
Thierry Ragobert.
Possibilité d'écouter = ici
Suite à un accident d'avion, Saï, un jeune singe capucin né en captivité se retrouve seul au coeur de l'immensité verte. Confronté à cet univers à la fois hostile et merveilleux, il va devoir s'adapter mais, aussi se protéger de la férocité et de l'exubérance d'une nature toute puissante. Saï va alors entamer un long voyage dont l'issue restera incertaine tant qu'il n'aura pas réussi à se faire adopter par un groupe de capucins, seul moyen pour lui de survivre.
laudec
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2014-05-23, 12:38
Voilà une bien belle bande annonce qui en quelques instantanés nous plonge au cœur de la forêt amazonienne. Le génie de l'homme (ici absent) est de nous donner le pouvoir de regarder cette vie par les yeux d'un petit capucin et de nous offrir ces images sans paroles mais avec une musique qui en dit long sur l'ambiance du film à venir. Il est ainsi parvenu à éveiller ma fibre maternelle pour mieux m'attirer à m'élancer avec lui d'une liane à l'autre vers la conquête de cet espace tropical hostile, magique et magnifique à la fois
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2014-06-23, 23:29
Ce soir, j'ai réécouté trois concertos français qui me tiennent particulièrement à coeur. Les Villes Invisibles - Concerto pour violon et orchestre de Bruno Coulais est l'oeuvre que j'ai écouté en dernier. Ce fut un univers plus atonal et fantastique qui s'est déplié devant moi, un monde sonore inouï au travers duquel le violon de Laurent Korcia fut mon guide intime...oui, il s'agit bien d'intimité car ce violon, je l'ai senti tout près de moi, dans une troublante proximité. Grace à lui, j'ai visité des paysages lumineux et étranges, célestes et urbains, suspendus et violents. D'après le compositeur, il s'agit d'un hommage au cinéma, à celui de Bergman, de Fellini, de Fritz Lang..., un hommage aux villes de cinéma, à la musique de cinéma, pas celle qui surligne mais plutôt celle qui révèle un monde invisible que l'image ne montre pas, un hommage à la musique de film sans aucune citation, aucun emprunt, une musique profondément personnelle...J'ai fermé les yeux, toujours guidé par un violon aussi viscéral que virtuose, et j'ai fini par voir ces villes invisibles se dessiner sur mon écran noir.
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2014-11-29, 22:55
Je me suis beaucoup amusé à réécouter l'un après l'autre deux oeuvres concertantes mettant en scène le violon et le cinéma; Les villes invisibles par Laurent Korcia et l'Orchestre Philharmonique de Radio-France sous la direction de Wilson Hermanto qui n'est absolument pas une composition pour l'image mais une oeuvre de concert en hommage au cinéma, et Au fond des bois par Régis Pasquier, le "Hungarian Symphony Orchestra" sous la direction de Laurent Petitgirard qui est une musique de film composée sous la forme d'un concerto pour violon et orchestre en un mouvement. Par rapport à la première oeuvre citée, Les villes invisibles je pourrais quasiment réitérer le même enthousiasme - affiché dans le précédent commentaire - si ce n'est que j'aurais aimé que les cinq parties (ou mouvements) du concerto s'enchaînent plus rapidement, sans baisse de tension, sans un silence trop appuyé entre eux, parce qu'avec ce type de musique atonale qui joue beaucoup sur les ambiances sonores, créant du mystère et de l'étrange autour de villes imaginaires que seule une oreille attentive peut contempler, le mieux est de maintenir l'auditeur dans une certaine cohérence d'ensemble ainsi que dans une certaine tension émotionnelle afin qu'il ne se détache jamais de la dimension onirique du concerto. Car même si je lui accorde une grande affection, ce concerto me paraît un peu bancal à la manière de certaines bandes originales. Le dernier mouvement, le plus agité, s'impose comme son aboutissement. Il est l'instant de transcendance pour moi. Avec Au fond des bois, c'est exactement l'inverse, et si l'oeuvre est finalement plus proche de la conception de Schoenberg que de Schurmann à propos du concerto pour violon, elle est d'une intensité constante, sans baisse de tension, fascinante d'un bout à l'autre et magnifiquement orchestrée. J'ai été une énième fois happé par sa dimension onirique et mystérieuse. Le plus ironique (anagrame d'onirique) dans tout ça, c'est que lorsque j'écoute son concerto Les villes invisibles, j'ai l'impression d'entendre une musique de film et lorsque j'écoute sa musique de film Au fond des bois, qui a réellement été conçue pour le cinéma, en l'occurrence celui de Benoît Jacquot, j'ai l'impression d'écouter un concerto à part entière écrit pour le concert.
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2015-05-18, 20:47
J'ai écouté, ce soir, trois B.O. courtes de Bruno Coulais auxquelles je ferais d'ailleurs une même observation. Chacune des trois offre une ambiance chambriste et, à aucun moment, Coulais n'utilise l'orchestre au complet, il préconise les combinaisons instrumentales pouvant avoir parfois l'allure "classique" d'un quartet pour piano et trio à cordes puis, très vite celle d'une association sonore plus exotique, plus étrange et poétique. C'est une particularité de son style, par ailleurs très identifiable, qui fonctionne quasiment toujours et cela peu importe le film qu'il met en musique, son genre: comédie ou drame, sa situation géographique et temporelle. L'artiste est fidèle à son univers propre, incorruptible et incorrigible. Est-ce suffisant? Non, bien sûr, ce n'est pas toujours suffisant, pas toujours satisfaisant dans la mesure où je ressens une certaine frustration à l'écoute de ces trois partitions; la frustration de thèmes souvent trop courts, comme autant de clichés musicaux figés sur une idée de départ que le cinéma ne permettrait pas un réel développement. Ce n'est pas forcément le sort de chaque extrait: par exemple, le "générique-fin" de Gemma Bovery - film d'Anne Fontaine (2014) est formidable et suffisamment développé, atteignant à peine les trois minutes, certes, ce n'est pas très long, mais cela laisse le temps à l'auditeur de s'asseoir à l'intérieur du morceau, d'en apprécier la construction, l'élaboration et l'aboutissant...j'arrive à me dire qu'il se suffirait à lui-même en concert, que je le reconnaîtrais facilement. En revanche, le "générique-fin" de Journal d'une femme d'une chambre, film de Benoît Jacquot (2015) est déjà plus succinct (1'47). Charme malicieux, emploi subtil du piano et intervention finale d'un instrument rare, du moins dans un orchestre occidental, le hang par Daniel Ciampolini, seulement, à peine installé dans la beauté du thème qu'il se termine déjà. J'aurais aimé qu'il se construise davantage! Bien sûr, de jolies ambiances, souvent personnelles et inventives, se poursuivent dans les échantillons suivants, seulement, il me manque le thème-moteur, celui qui porte la B.O. à bout de bras, comme il existe dans Gemma Bovery et n'existe plus du tout dans 3 Coeurs, autre film de Benoît Jacquot réalisé courant 2014. Là aussi, de belles combinaisons instrumentales, un emploi assez soft du cymbalum sous les doigts de Lurie Morar, des ambiances recherchées et habiles mais figées dans des clichés musicaux privés de développement, autant d'idées, de trouvailles fort sympathiques, réduites à l'état d'anecdotes...J'espère que ce talentueux compositeur ne se limite pas à l'écriture pour l'image et compose aussi pour le concert.
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2015-06-21, 19:21
Océans: un superbe voyage musico-océanique, d'une grande force poétique et même porteur de féérie par une utilisation soignée de l'électronique au sein de la matière orchestrale. J'ai parfaitement ressenti à l'écoute de cette musique, autant dans les passages les plus retenus que parmi les plus animés, les mouvements des océans, les mouvements faussement silencieux des monstres qui les habitent, ces gestes d'une élegance rare que dessinent des silhouettes majestueuses et impériales. Tout ça se retrouve dans la partition de Bruno Coulais; une magnifique symphonie marine qui resserre ses vagues autour de moi pour une formidable étreinte émotionnelle que je fus très heureux de revivre. Il y avait si longtemps que je n'avais pas réécouté ces Océans, B.O. du film documentaire de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (2010).
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2016-10-12, 23:26
Avant de plonger tête baissée dans des oeuvres de Carl Czerni et Giovanni Battista Viotti, je me suis offert une petite parenthèse avec la première collaboration entre Bruno Coulais et Bertrand Tavernier sur son film-documentaire Voyage à travers le cinéma français. J'étais curieux d'entendre cette partition originale car le contexte n'était pas évident. Composer la musique d'un film qui traverse l'histoire du cinéma français sur 40 ans et dans lequel va forcément ressortir de nombreuses bribes de musiques de films écrites par de nombreux artistes, d'Arthur Honegger à Eric Demarsan, en passant par Joseph Kosma, Jean Wiener et beaucoup d'autres. Je me demandais comment la musique de Coulais allait s'immiscer entre tous ces échantillons musicaux. Allait-elle se fondre à un son d'ensemble, au point de devenir transparente et hyper-référentielle, juste un lien intermédiaire entre chaque extrait de ceux qui, comme Georges Delerue, ont pu être ses modèles? J'avais un peu peur, je l'avoue, malgré la confiance que je porte à ce compositeur, d'une musique qui peine à avoir sa propre personnalité, son propre caractère. C'était un piège que pouvait tendre ce film mais pas Tavernier qui, visiblement, savait pourquoi il voulait Bruno Coulais. Même avec des titres tels que "Le jardin du passé", "La douceur de Jean Gabin" ou encore "Melville, l'homme au Stetson", Coulais a réussi à composer une oeuvre assez personnelle qui a justement son propre caractère, sa propre couleur harmonique. Outre des constructions rythmiques assez chiadées, un air de valse qui apporte une touche rétro à une poétique plus contemporaine où les percussions et la harpe y ont un rôle important, c'est une musique qui s'inscrit autant dans le passé que dans le présent. Cet aspect-là m'a beaucoup séduit. J'aime également beaucoup les deux thèmes "Ouverture & Final" de la B.O. déjoués au piano par Jean-Michel Bernard. Quelle bonne idée de les avoir mis en bonus, ainsi que la suite orchestrale qui semble toute destinée à être jouée, un jour, en concert.
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2017-10-31, 22:50
Ce soir, j'ai réécouté une des partitions les plus hypnotiques de Bruno Coulais qu'il composa soit en 1999 ou courant 2000 pour le film d'Elie Chouraqui, Harrison's Flowers. Ce ne sont pas toujours les musiques qui me touchent le plus qui m'inspirent le plus de mots pour en parler. Le phénomène est tellement abstrait dans ce qu'elle a de plus émouvant, de plus profondément émouvant pour moi. En disant cela, je pense principalement à son thème-moteur qui en est aussi la conclusion, par son caractère détaché et obsessionnel et sa forme hallucinante. Le thème commence sur un piano minimaliste et d'une infinie mélancolie alors qu'autour se greffent des effets sonores fugitifs et virevoltants. Ils prendront l'ascendant sur le piano mélancolique pour se transformer en un ballet des lumières. Le piano mélancolique émergera à nouveau avant que le ballet ne reprenne sa danse obsessionnelle. Sans doute rien à voir avec le film mais à chaque fois que j'écoute ce thème d'une beauté quasi-surnaturelle, je pense à une aurore boréale. Elle domine mon imaginaire. Malheureusement, je n'ai trouvé que cet extrait où on en entend une bribe, pas suffisant pour pouvoir s'en faire une idée concrète:
https://www.youtube.com/watch?v=sg6VcVECmqo
Harrison's Flowers (en français Les Fleurs d'Harrison) est un film de guerre d'Élie Chouraqui réalisé en 2000, avec Andie MacDowell (Sarah Lloyd), Elias Koteas (Yeager Pollack), Brendan Gleeson (Marc Stevenson), Adrien Brody (Kyle Morris), David Strathairn (Harrison Lloyd). Harrison est un reporter porté disparu pendant la guerre de Croatie. Quand Sarah, sa femme, l'apprend, elle part immédiatement pour le rechercher. Elle croise Kyle sur sa route, qui s'était disputé avec Harrison avant son départ et ils progressent ensemble jusqu'au cœur de la bataille de Vukovar.
Dernière édition par Icare le 2018-01-05, 23:02, édité 1 fois
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2018-01-05, 18:20
Je ne pouvais clôturer mon cycle autour du voyage sans évoquer les migrateurs du film de Jacques Perrin, Le Peuple Migrateur, sur une musique de Bruno Coulais, interprétée sur ce morceau par Nick Cave. Être un oiseau, j'aimerais tellement être un oiseau, un cygne-chanteur, un corbeau blanc, un aigle royal ou une hirondelle, peu importe, juste un oiseau qui entend ses propres battements d'ailes, un oiseau neige de plumage ou de plusieurs couleurs vives qui vole de plus en plus haut et de plus en plus loin, ou juste ce qu'il faut, juste la hauteur et la longueur qui correspondent à ses besoins. La terre est si belle vu d'en haut et les hommes si petits, réduits à leur réalité terrestre. Voler parmi eux dans ce même mouvement collectif de migration, avec l'espoir qu'aucun coup de fusil ne viendra rompre cette merveilleuse harmonie...Parole d'Icare...
https://www.youtube.com/watch?v=P0v9vd4JEeo
Icare Admin
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2018-03-08, 22:44
Icare a écrit:
Océans: un superbe voyage musico-océanique, d'une grande force poétique et même porteur de féérie par une utilisation soignée de l'électronique au sein de la matière orchestrale. J'ai parfaitement ressenti à l'écoute de cette musique, autant dans les passages les plus retenus que parmi les plus animés, les mouvements des océans, les mouvements faussement silencieux des monstres qui les habitent, ces gestes d'une élegance rare que dessinent des silhouettes majestueuses et impériales. Tout ça se retrouve dans la partition de Bruno Coulais; une magnifique symphonie marine qui resserre ses vagues autour de moi pour une formidable étreinte émotionnelle que je fus très heureux de revivre. Il y avait si longtemps que je n'avais pas réécouté ces Océans, B.O. du film documentaire de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (2010).
https://www.youtube.com/watch?v=wOfc_jRHs3A
Avec les "OCEANS" de Bruno Coulais on pénètre les profondeurs.
laudec
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Sujet: Re: Bruno COULAIS, né en 1954 2018-03-09, 11:02
Quels beaux moments de communion avec la nature que tu nous offres là Icare avec toute la poésie de ton écriture ajoutée