La musique étant souvent lié au théâtre, je me permet de faire un petit crossover. Un article est déjà disponible sur la tragédie lyrique, ici c'est plus orienté sur la tragédie "théâtrale", les deux étant complémentaires ^^
La Tragédie antique ou le début des œuvres lyriques et dramatiquesTout a commencé par la présence d'un chœur qui célébrait le dieu en se produisant autour de son autel. Par la suite, on a ajouté les acteurs dans ces cultes faits au dieu Dionysos et c'est ce qui a permis les dialogues tels qu'on les connaît dans la tragédie grecque.
Eschyle a été le premier à les introduire au cinquième siècle av. J.-C., mais c'est Sophocle et Euripide qui les rendirent plus importants dans leurs écrits en préférant comme héros l'homme aux dieux.
Les représentations tragiques de cette époque étaient aussi importantes que les cérémonies religieuses. Le théâtre était construit en demi-cercle à ciel ouvert, les acteurs donnaient un jeu brillant et terriblement stupéfiant, parés des plus beaux costumes. Les thèmes étaient directement puisés dans les légendes ou dans l'histoire de la Grèce. Ces thèmes pouvaient être en rapport avec la nature, les dieux, l'hérédité et ils avaient un point en commun, ils nous donnaient une image de l'homme dépassé par des événements, par des forces trop puissantes. Œdipe roi de Sophocle incarne bien l'homme aux prises avec la fatalité, avec la volonté des dieux.
Aristote théorisera sur la Tragédie : elle devait, selon lui, libérer le spectateur de ses impulsions mauvaises (" La tragédie par la pitié et la crainte purge ses semblables ses semblables passions : "Poétique VI, 2)
Quelle est la fonction principale de la Tragédie ?Pour Aristote, philosophe grec, le but de celle-ci est la catharsis, c'est-à-dire, la purgation des passions. Le spectacle tragique plonge le spectateur dans la pitié et la terreur afin d'amener chez lui une purgation de ses mauvais penchants. Autrement dit, l'effet cathartique consiste à nous faire goûter aux conflits dans lequel se débattent les personnages pour nous en dégoûter. On dit que la tragédie est toute-puissante. Elle propulse la littérature à son apogée, car le héros atteint des sommets de lucidité qui ne pourront être égalés. Voilà sa force.
L’héritage d'Aristote à la RenaissanceLongtemps, le sérieux au théâtre s’est concentré dans les mystères sacrés. C’est à la Renaissance, dans la ferveur de la redécouverte de l’Antiquité et particulièrement de l’œuvre des grands tragiques grecs et latins, que s’inventent ces nouvelles " tragédies " dont la grande référence est Aristote. La Cléopâtre captive (1553) de Jodelle , Les Troyennes (1579) et Les Juives (1583) de Garnier inaugurent ce nouveau genre, mais c'est véritablement avec Alexandre Hardy (1624) que la Tragédie commence à prendre sa place. Si ce théâtre de La Renaissance n'a pas réussi à s'imposer, empruntant d'abord à la Pastorale et à la Tragi-Comédie il a ouvert la voie à la Tragédie Classique Française.
La Tragédie classique ou l'admiration des AnciensLe XVIIème siècle et ses auteurs s'inspireront beaucoup de l'Antiquité et de ses sujets tragiques. Des grands thèmes comme la révolte ou la fatalité reviennent en force durant ce siècle, directement puisés de la période antique. Aussi, conserve t-on des grands tragédiens comme Euripide ou Sénèque le langage poétique et l'action simple.
Cependant, la tragédie du siècle classique doit répondre à plusieurs règles. Il faut dire que cinquante ans plus tôt, sous l’influence du théâtre espagnol et à l’instar des drames élisabéthains en Angleterre, on produisait des pièces extrêmement sombres et violentes, sans grand souci des règles. Mêlant comique et tragique, représentant sur scène, au détour d’intrigues compliquées et aventureuses, duels, blessures, meurtres ou suicides, ces tragédies désordonnées et ces tragi-comédies (ainsi nommées quand elles avaient une fin heureuse) ne correspondaient plus au nouveau goût d’une époque avide de raison et d’ordre. Au nom de la " bienséance ", on trouvait choquants, par exemple, ces vers de La mort de Didon, tragédie de Hardy, poète pourtant fort scrupuleux
- elle doit être écrite en vers dans une langue soutenue.
- elle doit comporter cinq actes (le premier acte étant celui de l'exposition, les trois suivants faisant progresser l'action dramatique et le dernier contenant le dénouement toujours malheureux).
- les personnages doivent être d'un statut social élevé (prince, roi) et l'action doit se dérouler dans un passé lointain (l'Antiquité, la mythologie).
- la tragédie doit concorder avec la règle des trois unités: les unités de temps, de lieu et d'action.: "qu'en un seul lieu qu'en un seul jour, un seul fait accompli tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli" (Nicolas Boileau). En suivant cette règle, pour parler d'une action qui s'est déroulée dans un autre lieu (puisqu'on ne peut changer de lieu), il faudra le faire par le biais des dialogues, d'où entre autres raisons leur importance dans la Tragédie.
Au XVIIIème siècle, la Tragédie n'est plus franchement à la mode car elle ne permet pas, sous sa forme la plus rigoureuse, la critique et la divulgation des idées des lumières. Mais Voltaire reste un grand admirateur de la tragédie classique et de Racine, à tel point qu'il considérait ses propres tragédies (Œdipe, Brutus, Zaïre, Mahomet, Mérope ) comme la seule partie importante de son œuvre.
Au XIXème siècle, La Tragédie est, contestée par les romantiques, particulièrement dans le manifeste du mouvement : la Préface de Cromwell publié en 1827 où Hugo ridiculise les règles classiques, en prenant comme exemple Cinna de Corneille. La Tragédie est donc totalement oubliée tout au long du siècle, et à l'aube du XXème siècle, elle a totalement disparue.
Si la Tragédie en tant que genre n'existe plus au XXème siècle, le tragique demeure toujours. Sous l'impulsion de Cocteau, avec Orphée (1927), la France de l'entre-deux-guerres redécouvre les mythes antiques et pour vingt ans les légendes grecques ou latines sont réactualisées et réorientés vers les interrogations philosophiques modernes, la guerre notamment comme dans La guerre de Troie n'aura pas lieu (Giraudoux). Les grandes tragédies de cette période sont : Antigone de Anouilh, Electre, Amphitryon 38, Ondine de Giraudoux.
Quoi qu'il en soit la Tragédie nous a laissé quelques énigmes encore sans réponse à nous les hommes. En effet, comment peut-on être coupable parce qu'innocent, esclave parce que libre ? Ce sont ces questions que les tragédiens ont posées devant nous, sans que nous ayons l'espoir de trouver une réponse auprès des dieux puisqu'ils se sont enfuis.
Résumé des caractéristiques de la Tragédie telles que finalisées au XVII-XVIIIème siècleLa structure : (5 actes)
- Acte I : Exposition
- Acte II à IV : Action dramatique
- Acte V : Le dénouement
Le dénouement : malheureux, la mort
Les personnages : illustres ou d'un statut social élevé (héros légendaires, rois, princes)
L'action : doit se situer à une époque passée (la mythologie, l'Antiquité, l'histoire biblique)
Règle des trois unités :
- unité de temps : 24h au plus
- unité de lieu : un même lieu (palais, antichambre)
- unité d'action : action est composée d'une intrigue unique
La langue de la tragédie : écrite en vers, en langue soutenue
Fonction de la tragédie :
- inspirer la terreur et la pitié
- son but la catharsis : purgation des passions
- admiration : héros un modèle chez Corneille /
- émotion : chez Racine
La vraisemblance : les apparences de la vérité, l'illusion du possible.
La bienséance : ce qui sied à la morale, à la religion, aux bonnes mœurs.