Alexis CONTANT,un compositeur heureux. (1858-1918)

Alexis CONTANT fut l'une des figures les plus remarquables du petit nombre de musiciens qui représentaient notre monde musical, au début du siècle à Montréal. Comme la plupart de ses contemporains,il écrivit surtout de la musique d'inspiration religieuse,et il connut l'exceptionnel bonheur de voir créées toutes ces oeuvres de son vivant,près d'une centaine en tout! Son oeuvre maîtresse, CAÏN,premier oratorio composé par un Canadien français,fut jouée pour la première fois le 12 novembre 1905 au monument national à Montréal,en présence d'un auditoire considérable et enthousiaste.

Né à Montréal le 12 novembre 1858,ALEXIS CONTANT commença à étudier l'orgue et le piano avec JOSEPH FOWLER,organiste de l'église St.Patrick. Plus tard,il s'inscrivit au cours de musique de CALIXA LAVALLEE. En septembre 1880,il est nommé professeur de musique au collège de l'Assomption (il avait alors 22 ans). Mais,un an plus tard,il quitte ce poste et se rend à Boston sur l'invitation de son ami et protecteur CALIXA LAVALLEE afin de poursuivre ses études de composition. Revenu dans sa ville natale,ALEXIS CONTANT est nommé professeur au collège de Montréal. Il prend ensuite quelques leçons de GUILLAUME COUTURE,mais décide au bout de six mois de continuer seul ses études. Il enseigne entre temps au Mont saint-Louis et au couvent des Soeurs Jésus-Marie d'Hochelaga. ALEXIS CONTANT fut organiste durant 31 ans à l'église Saint-Jean-Baptiste. Il mourut à Montréal le 28 novembre 1918,à l'âge de 6O ans.

    Parmi ses oeuvres,relevons: CAÏN,oratorio créé en 1905.
                                              LES DEUX ÄMES,oratorio créé en 1913 et bénéficiant désormais d'une édition c-d-graphique (Fonovox1989).
                                              LE CANADA,cantate créée en 1906.
                                              PATRIE,chant patriotique pour choeur et orchestre écrit en 1903.
                                              L'AURORE,poème symphonique écrit en 1912.
                                              VERONICA,prélude d'un opéra inachevé,un trio pour violon,
violoncelle et piano écrit en 1907.    
Puis,mentionnons cinq messes pour grand choeur et orchestre avec solistes,plusieurs mélodies,motets et pièces instrumentales.                                            

LES DEUX ÂMES

     Après le succès de CAÏN,ALEXIS CONTANT se remet au travail et termine en 1909 un second oratorio,LES DEUX ÂMES,sur un poème de HENRI ROULLEAU,écrivain français établi au Canada. Avant de présenter cette oeuvre nouvelle au public,CONTANT avait soumis le manuscrit au réputé chef-d'orchestre WALTER DAMROSCH alors de passage à Montréal. Celui-ci répondit en ces termes: << The score shows great powers and skitful work. It should have a heuring.>> -- 29 mars 1910. Rassuré, ALEXIS CONTANT fait exécuter LES DEUX ÂMES au théâtre Princess le 16 novembre 1913. L'oeuvre est assez différente de CAÏN par la forme et se rapproche plutôt du poème symphonique. Dans le prélude,on remarque que les formes orchestrales ont évolué. L'oeuvre offre plus de continuité dans le développement des thèmes et montre plus de personnalité et de maturité chez le compositeur. Après le prélude à l'orchestre,il y a un prologue récité sur un arrière-plan orchestral (nouveauté pour l'époque à Montréal). Ce prologue explique le thème de l'oeuvre. L'image de la vie avec l'exposé des luttes incessantes des forces du Bien et du Mal.

EXPOSE

   Deux personnages: un orphelin "Le Voyageur" (baryton),et son "guide" (ténor) sont pendus sur les sentiers du monde. Tour à tour,des appels se font entendre: "Voix des bosquets" (1er choeur) invitent aux mirages de l'amour. "Voix des cités" (2ème choeur) offrent la promesse du bonheur terrestre. "Voix des torrents" (3ème choeur) invitent à une vie de gloire et de domination. Puis,les "Voix des rochers" (4ème choeur) parle de sacrifice et de renoncements. Le voyageur se redresse courageux,repousse les Esprits du Mal et supplie les vertus célestes de le recevoir. Le dernier choeur "Harpe d'or",d'une beauté remarquable,chante la victoire des "Deux Âmes" qui possèdent enfin le royaume céleste.

 On remarque que les choeurs ont la plus grande part dans cette oeuvre,et les deux solistes ne servent qu'à faire le lien entre les différentes parties. Par son thème et son côté mystique,LES DEUX ÂMES fait penser à l'oratorio d'ELGAR THE DREAM OF GERONTIUS sur le poème du Cardinal Newman. On reconnaît là cependant que c'est l'oeuvre maîtresse du compositeur montréalais .

Les compositeurs canadiens français sont complètement inconnus en France, c'est un comble. Qui connaît par exemple André Mathieu ou Claude Champagne, relativement célèbres au Canada ?

Merci pour cette découverte, dont je ne ferais pas de commentaire, je ne connais pas sa musique.

joachim a écrit:

Les compositeurs canadiens français sont complètement inconnus en France, c'est un comble. Qui connaît par exemple André Mathieu ou Claude Champagne, relativement célèbres au Canada ?

Moi! Notamment ANDRE MATHIEU,compositeur précoce et plutôt du genre surdoué qui laissa une oeuvre pour le piano de toute beauté. Je ferai un portrait de lui ici, ainsi que du compositeur CLAUDE VIVIER que j'admire aussi beaucoup et qui fut d'ailleurs assassiné à Paris,dans les années 80. MILLE FOIS HELAS! Pendant que tu as écrit ton post,j'ai rajouté des informations dans mon portrait de Alexis Contant

tu trouves des enregistrements d'Alexis Contant??

Quant à la critique,elle fut partagée. Au lendemain de la première représentation de la troisième messe d'ALEXIS CONTANT,Achille Fortier écrivait: << composition solidement charpentée;oeuvre de valeur ou l'inspiration se manifeste en une mélodie élégante et expressive (très vrai dans LES DEUX ÂMES,par exemple) que soutient une harmonie à la fois savante et distinguée dans sa discrétion.>> (La patrie,Monréal,1903.) En revanche,le jugement de Léo-pol Morin est déjà bien plus sévère: << Si...une certaine facilité, ou mieux encore,une certaine fécondité n'a pas manqué à ALEXIS CONTANT,le goût et le sens critique lui ont toujours fait défaut...Ses oratorios sont de grands essais où il s'avère un musicien consciencieux,mais dépourvu d'originalité de pensée et de forme,et en possession d'un métier enfantin. CAÏN et LES DEUX ÂMES trahissent une grande insuffisance de métier et une imagination à la fois généreuse et d'un goût discutable.>> (Papiers de musique,Montréal,1930) Morin reprocha aux oeuvres de CONTANT << d'avoir été écrites un siècle trop tard et de révéler plutôt qu'une véritable inspiration,un verbiage ambitieux et sans caractère.>> Mais,on peut aussi partager une critique plus nuancée et positive: Dans son ensemble,l'oeuvre de CONTANT reste celui d'un pionnier qui voyait grand et,si le résultat n'a pas toujours atteint le niveau de ses ambitions,il témoigne d'une sincérité et d'une honnêteté dignes d'admiration.

Jean a écrit:

tu trouves des enregistrements d'Alexis Contant??

Une seule oeuvre à ma connaissance: LES DEUX ÂMES paru chez Fonovox vox 7950-2. Sinon,peut-être au Canada existe-t-il d'autres enregistrements. Il se pourrait qu'il existe un enregistrement aussi de son premier oratorio CAÏN,mais n'est peut-être trouvable qu'à Montréal. ANDRE MATTHIEU est déjà un peu mieux servi de ce côté là.

Icare a écrit:

Jean a écrit:

tu trouves des enregistrements d'Alexis Contant??

Une seule oeuvre à ma connaissance: LES DEUX ÂMES paru chez Fonovox vox 7950-2. Sinon,peut-être au Canada existe-t-il d'autres enregistrements. Il se pourrait qu'il existe un enregistrement aussi de son premier oratorio CAÏN,mais n'est peut-être trouvable qu'à Montréal. ANDRE MATTHIEU est déjà un peu mieux servi de ce côté là.

Je viens de la réécouter à l'instant et,bien que frustré de n'avoir pu faute d'un problème technique écouter la seconde partie de la première symphonie d'HAVERGAL BRIAN, ,je peux dire que j'ai vraiment ré-apprécié cet oratorio qui contient de très belles mélodies dont une qui mériterait franchement sa célébrité. Cette musique a par ailleurs un côté contemplatif qui n'est pas du tout fait pour me déplaire. De plus,c'est très finement écrit et orchestré,quant aux parties chantées,elles le sont impeccablement. Rien à dire,l'émotion est là.

Je viens d'écouter son poème symphonique "l'Aurore", de 1912, un morceau post romantique comme je les aime. Si toutes ses oeuvres sont à l'avenant, voici un compositeur tout à fait intéressant.

joachim a écrit:

Je viens d'écouter son poème symphonique "l'Aurore", de 1912, un morceau post romantique comme je les aime. Si toutes ses oeuvres sont à l'avenant, voici un compositeur tout à fait intéressant.

Alors LES DEUX ÂMES est une oeuvre écrite pour toi.

Il faut bien me rendre à l'évidence, lorsque je reviens au compositeur Alexis Contant, c'est toujours par le biais de son oratorio Les deux âmes. Forcément, c'est la seule qui est à ma disposition. C'est un album auquel je tiens beaucoup et que je suis heureux d'avoir tenté un jour, alors que je n'avais pas le moindre indice sur cette musique ni aucun renseignement sur le compositeur. Je suis très attaché à la beauté de cette oeuvre et peu importe les reproches qui ont pu être faits ci et là à son égard. Une chose est certaine, elle correspond parfaitement au thème de mon cycle car le romantisme soyeux du second extrait qui revient aussi à la fin de l'oratorio (l'avant-dernier), délivrant au passage une délicieuse mélodie, est exactement "Le thème marquant" qui m'ensorcelle et que je suis heureux de réentendre une seconde fois au sein de l'oeuvre. Une autre mélodie dans un contexte romantique aussi soyeux intervient vers le milieu de l'oratorio, peut-être plage 10.    

Déjà quatre ans que je ne l'avais pas réécouté.

Rien depuis 6 ans sur ce compositeur sympathique ?

Voici le poème symphonique l'Aurore qui m'avait bien plu en 2014 (et me plaît toujours )



https://www.youtube.com/watch?v=sL9Hb5vWnGw

Sans plus, ça tourne un peu en rond. C'est plaisant mais au bout d'un moment un peu ennuyeux car ça ne décolle pas vraiment