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Sujet: Hanns Eisler (1898-1962) 2006-10-29, 18:09
Hanns Eisler (né le 6 juillet 1898 à Leipzig - mort le 6 septembre 1962 à Berlin-Est) fut théoricien musical et compositeur germano-autrichien politiquement engagé.
Hanns Eisler était le troisième enfant du philosophe et savant indépendant (Privatgelehrter) Rudolf Eisler et d'Ida Maria, née Fischer. Son frère, Gerhart Eisler, fut homme politique communiste stalinien. Sa sœur Elfriede joua un rôle éminent dans la création du parti communiste autrichien puis du parti communiste allemand (KPD) sous le pseudonyme militant Ruth Fischer. Elle s'opposa dès 1925, au stalinisme.
En 1901, la carrière de Rudolf Eisler amena la famille Eisler à quitter Leipzig pour Vienne. Hanns Eisler grandit dans un environnement bourgeois où la musique et la littérature jouèrent un rôle central. En 1916, Hanns Eisler fut enrôlé dans l'armée austro-hongroise, dans une école d'officiers de réserve près de Prague et ensuite, jusqu'en 1918, il devint soldat dans un régiment hongrois. Plusieurs compositions musicales datent de cette période (i.e. Oratorium Gegen den Krieg). Revenu à Vienne après la défaite, il étudia de 1919 à 1923 avec Arnold Schönberg. Eisler fut le premier élève de Schönberg qui composa en adoptant la technique des douze tons (musique dodécaphonique). Il dédia à Schönberg sa Sonate pour piano op.1.
Dès son enfance Hanns Eisler fut attiré par les idéaux communistes (en partie sous l'influence de sa sœur et son frère) et cet élan marquera sa création musicale. C'est à partir de son installation à Berlin en 1925 que cette tendance vers une musique résolument politique se confirma. Berlin traverse alors un âge d'or pour les arts et les lettres et devient un creuset d'expérimentation dans tous les domaines artistiques et politiques tandis que les années 1925-1929 marquent le retour à une prospérité et à une stabilité relative en Allemagne. Hanns Eisler s'éloigne de la vision musicale sacralisée d'Arnold Schönberg et du post-romantisme qu'il juge « embourgeoisés ». Il s'oriente vers des formes musicales plus populaires, influencées par le jazz et le cabaret.
Eisler se rapprocha du parti communiste allemand KPD mais ne sera jamais membre du parti. C'est dans ce contexte que débutera sa collaboration avec Bertolt Brecht lui-même marxiste et « compagnon de route », collaboration qui ne cessera qu'avec la mort de ce dernier en 1956. Hanns Eisler écrivit la musique de plusieurs pièces de Brecht : Die Massname, Die Mutter (d'après un roman de Maxime Gorki de 1907), Galileo, Furcht und Elend des Dritten Reiches.
Eisler et Brecht ont aussi produit des chants politiques qui ont joué un rôle dans les années agitées de la République de Weimar au début des années 1930. Ainsi, la Solidaritätslied (1932) du premier film parlant « prolétarien » Kuhle Wampe.
Dès 1933, la musique d'Eisler et la poésie de Brecht furent bannies par le parti nazi. Tous deux firent partie de la génération anti-nazi qui trouva refuge aux États-Unis. Eisler enseigna à la New School University à New York et composa de la musique de chambre expérimentale. Peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale, il déménagea à Hollywood et composa la musique de nombreux films (Hangmen Also Die de Fritz Lang, None but the Lonely Heart, The 400 Millions de Joris Ivens, Nuit et Brouillard d'Alain Resnais…
Il écrivit en 1947 l'ouvrage Composing for the Films en collaboration avec Theodor Adorno. Eisler reprit la technique dodécaphonique (un exemple en est sa composition Fourteen ways of describing the Rain en l'honneur du 70e anniversaire de Schönberg). Ses deux œuvres essentielles des années 30 sont la monumentale Deutsche Sinfonie (symphonie chorale en 11 mouvements basée sur des poèmes de Brecht et Ignazio Silone) et un cycle de chants Hollywood Songbook.
Depuis la mort de Roosevelt (avril 1945), les États-Unis sont sous l'emprise de tendances anti-soviétiques encouragées par Truman et indirectement par la notion « de rideau de fer » de Churchill. Hanns Eisler (dont le frère Gerhart était accusé par JE Hoover, chef du FBI, d'être une figure centrale de l'espionnage soviétique) fut inquiété par la Commission des activités anti-américaines HUAC. Après deux auditions, Eisler fut accusé d'être « le Karl Marx de la musique » et l'agent soviétique à Hollywood. Il fut, comme de nombreux artistes comme Brecht ou Chaplin, contraint de quitter les États-Unis en 1948. Son frère Gerhart fut condamné à 3 ans de prison mais fut libéré sous caution, puis s'échappa des États-Unis et rejoignit l'Allemagne de l'Est.
Hanns Eisler s'installa à Berlin Est. Il continua à composer, à enseigner au conservatoire Hochschule für Musik Hanns Eisle. Il composa l'hymne national Auferstanden aus Ruinen de la République démocratique allemande (RDA). Son projet le plus ambitieux, un opéra moderne sur le thème de Faust, fut attaqué par la censure communiste. Sa loyauté politique fut mise en cause lors d'une série d'auditions. Ce climat politique et la mort de Brecht en 1956 assombrirent ses dernières années. Il mourut en 1962 et est enterré près de Brecht au cimetière de Dorotheenstad.
Il est aussi l'auteur de chansons comme la délicieuse et humoristique "Mon oncle à tout repeint" :
Mon Oncle a tout repeint (Eisler-Nohain) -------------------------------------------------------
Si tu vas chez mon oncle Eustache Près des abattoirs de Bezons Je te préviens pour que tu saches Tout est changé dans la maison
Refrain : Mon oncle a tout repeint tout repeint tout repeint Le buffet en pich pin la cabane a lapin Mon oncle a tout repeint tout repeint tout repeint Les meubles en rotin La huche à pain Et la grande armoire en sapin !
Un jour les voisins du village L’ont invité pour déjeuner Mon oncle se mit à l’ouvrage Dès qu’ils eurent le dos tourné
En arrivant à la caserne Pour y faire ses dix-huit mois Mon oncle a dit au capitaine Vous allez voir, comptez sur moi !
Hélas sa manie imbécile Ne lui réussit pas du tout On du le conduire à l’asile Mais dès qu’il fut avec les fous…
Je ne connais pas cette chanson, mais j'ai entendu sa Deutsche Symphonie composée pour récitant, solistes, choeurs et grand orchestre. Un monument de 68 minutes. Impressionnant.
joachim Admin
Nombre de messages : 27129 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
Je viens juste de finir d'écouter son "Hollywooder Liederbuch" composé en 1942/43 lorsqu'il était exilé aux Etats Unis, avant qu'il n'en soit chassé comme "espion communiste" par le maccarthisme en 1948.
Ce cycle comporte 47 Lieder sur des poèmes de Berthold Brecht (28), Hölderlin (6), Mörike (5 : les Anakreonte-fragmente) mais aussi Blaise Pascal (2), Goethe, Eichendorf, Viertel, Arthur Rimbaud et Eisler lui-même...
Cycle très éclectique qui parfois fait penser à Schubert, à Schumann, Wolf, Debussy et Schoenberg et même Kurt Weil. Au total, moi qui ne suis pas trop Lieder, de par sa variété, ce long cycle de 71 minutes me plaît bien.
Je ne me suis jamais interessé à ce compositeur , il n'est pas trop à priori dans mes zones d'intérêt....mais faut voir :par ex. j'ai entendu du Hindemith et j'ai trouvé ça pas mal du tout .... : Par contre ,en général je n'aime pas trop tout ce qui est lieder ou qui y ressemble....même dans mes époques de prédilection
Icare Admin
Nombre de messages : 17491 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
La SYMPHONIE ALLEMANDE de HANNS EISLER fut composée pour la majeure partie entre 1935 et 1937,le bref épilogue fut ajouté avant la création à Berlin (24 avril 1959). De la technique dodécaphonique maniée très personnellement (avec inversion,écrevisse ou reflet d'écrevisse) jusqu'aux intonations d'agit-prop,l'oeuvre particulièrement appréciée par le compositeur lui-même est un répertoire des procédés de style les plus divers.
Avec l'image poétique de BRECHT qui présente l'Allemagne comme une "mère blaffarde souillées",le prélude (citations de L'Internationale et des "Victimes Immortelles") évoque le "Mal à l'Allemagne". Dans la seconde partie,la plainte se concrétise dans la passacaille en une accusation contre la terreur nazie dans les camps de concentration ( "Symphonie des camps de concentration" était du reste le titre primitif de l'oeuvre). La quatrième partie,avec le poème de BRECHT "A Postsdam sous les chênes" évoque l'appui donné par la caste militaire au fascisme naissant,tandis qu'une marche funèbre orchestrale dans la 5ème partie thématise les souffrances indicibles des victimes d'après le poème de BRECHT; "Sonnenburg". La 7ème partie (d'après "L'enterrement du provocateur dans un cercueil de zinc" de BRECHT) dénonce les méthodes de la propagande fasciste. A une "Cantate des Paysans" avec le chant d'exhortation "Lève-toi paysan" succède "La cantate des ouvriers" d'après "Le chant de l'ennemi de classe" écrit par BRECHT en exil. La partie orchestrale qui suit exprime sous un aspect dialectique la souffrance et la confiance,et la symphonie en onze mouvements s'achève par l'épilogue d'après un quatrain de BRECHT "Manuel de la Guerre". pour illustrer les vers "Voyez nos fils sourds et ensanglantés...réchauffez les,ils ont froid", EISLER conseillait la projection de photos en rapport avec le texte: des soldats allemands à moitié morts de froid devant Stalingrad. HANS CHRISTOPH WORBS.
Icare Admin
Nombre de messages : 17491 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Découvertes de quelques-unes des pièces orchestrales de HANNS EISLER:
Kleine Sinfonie op.29 (1911-12) (musiques de scène) Fünf Orchesterstücke (1938-40) (musiques de film) Dreï Stücke Für Orchester (1938-57) (musiques du film documentaire "Les 400 millions" de Ivens York) Sturm-Suite Für Orchester (1957) (musique de scène- la pièce révolutionnaire soviétique "Tempête" de Vladimir Bill-Biélozerkovski mis en scène au Théâtre allemand en 1957 par Wolfgang Langhoff. Kammer Symphonie Op.69 (1940) (dédiée à Théodore W. Adorno) partition utilisant en soliste le piano électrique et le novacorde. (musique de film)
Par le "Deutsches Symphonie-Orchester Berlin" sous la direction de Hans E. Zimmer.1995.(Capriccio).
<< Les oeuvres pour orchestre de Hanns Eisler présentées ici,témoignent de sa conception d'une "musique appliquée". Sous ce terme,le compositeur,depuis le milieu des années 20,comprend tout d'abord l'alliance à d'autres formes artistiques (poésie,théâtre, danse) et ensuite la nouvelle fonction en relation avec les techniques médiatiques dont l'essor est irrésistible (radio,film,disque), techniques qui permettent désormais la reproduction de masse de la musique. Parallèlement,la salle de concert perd sa place dominante dans le monde culturel musical. Bien que Eisler,à partir de 1926, comptât parmi les pionniers allemands de la musique de film,de radio et de scène,loin de lui l'idée que la musique sous forme de concerts dût ne plus avoir cours. Mais cette pratique musicale devait évoluer,du fait de la mutation du style de concert en utilisant des formes de la "musique appliquée" dans les salles de concert. Toutes les oeuvres mentionnées ci-dessus sont des exemples de la façon dont Eisler a réalisé son concept,visant à une synthèse du progrès technique et musical. Bien que tous les titres des oeuvres semblent indiquer de la musique de concert "pure",celles-ci sont pourtant des musiques de film et de scène -- de même que ses "Suites pour orchestres" écrites entre 1930 et 1934 et qui,chacune,transportèrent une musique de film en salle de concert.>> Jürgen Schebera.
Cette première écoute ne sera pas suffisante pour donner une impression assez précise sur ces Suites si ce n'est qu'elles m'ont beaucoup plu et que j'ai hâte de les réécouter. J'y reviendrai,ça c'est sûr!
Dernière édition par Icare le 2014-01-24, 09:23, édité 1 fois
joachim Admin
Nombre de messages : 27129 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
Des oeuvres que tu cites, je n'ai écouté que la Kleine symphonie (vraiment "kleine" : 11 minutes), une oeuvre que je trouve tonale et qui m'avait assez plu, et les Funf Orchester stücke.
Connais tu les "Vierzehn arten den Regen zu beischreiben", Quatorze façons de décrire la pluie ? C'est un de ses morceaux les plus connus, issu lui aussi d'une musique de film muet, Pluie de 1929, et qu'il a reprise en 1941. C'est un quintette pour flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano en forme de variations, dont le thème est basé sur les initiales musicales de Schönberg. Bien entendu, c'est une oeuvre sérielle mais qui ne m'a pas trop rebuté.
J'en suis maintenant à avoir écouté une trentaine d'oeuvres de Hanns Eisler, instrumentales et vocales, et voici un des contemporains qui, sans m'enthousiasmer, me plaît assez, y compris dans ce qu'il a composé de sériel.
Après la Deutsche Symphonie, que je considère comme son chef d'oeuvre, j'ai beaucoup aimé sa cantate Mitte des Jahrhundets (Milieu du siècle), le Requiem pour Lenine, le monumental Hollywooder Liederbuch, sans compter Auferstanden aus Ruinen, l'hymne de la RDA que je trouve splendide.
Icare Admin
Nombre de messages : 17491 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
pour un compositeur qui ne t'enthousiasme pas,c'est déjà très bien,je trouve,au point d'apprécier même si c'est de façon relative son approche du sérialisme.
Sinon je ne connais pas encore cette oeuvre "Quatorze façons de décrire la pluie",hélas!
joachim Admin
Nombre de messages : 27129 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
Sinon je ne connais pas encore cette oeuvre "Quatorze façons de décrire la pluie",hélas!
Étant écrit pour le film documentaire de Joris Ivens "Pluie", cette musique apparait sur une des deux DVDs dans le coffret Joris Ivens (Vol 1), disponible à la "Boutique Arte " avec les musiques de Eisler composés pour d'autres films de Ivens (p.e. "Kosomol - chant des heros", "Nouvelle Terre", "400 Millions".
Les film contenues dans le coffret "Joris Ivens, volume 2" ne contiennes pas des compositions de Hanns Eisler, si je me ne trompe pas.
Moi j'aime beaucoup le "chant des heros" du film "Komsomol", tourné en 1932, sur un texte de Sergej Tretyakov. Ce documentaire montre la construction d'un haut fournau à ce qui devient "Magnitogorsk".
Icare Admin
Nombre de messages : 17491 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Il est aussi l'auteur de chansons comme la délicieuse et humoristique "Mon oncle à tout repeint" :
Mon Oncle a tout repeint (Eisler-Nohain)
tiré, d'ailleurs, aussi d'une musique de film: "Dans les rues" de Victor Trivas.
La vaste majorité des compositions de Hanns Eisler est musique vocale, et s'il avait écrit de la musique purement instrumentale, c'était presque exclusivement pour des films, et republié en pièce séparé pour des ensembles instrumentaux.
Ces compositions de musique vocale sont de genres très variés, des "Lied" pour piano et voix par ce qu'on dirait plutôt des "chansons" (en allemand) comme ses 40 chansons sur des textes de Kurt Tucholsky et d'autres, interprétés par des artistes comme Ernst Busch ou Gisela May, des choeurs polyphoniques composé surtout pour les chorales du mouvement ouvrier des années 1920/30 en Allemagne, des chansons de masse "pour chanter dans la rue" comme le fameux "Solidaritätslied" (chant de solidarité) et le "Einheitsfrontlied" (chant du front unique), finalement de la musique pour le théatre, surtout pour beaucoup de pièces de Bert Brecht, mais aussi d'autres auteurs (en 1949 il écrivait une musique pour une pièce de Johann Nestroy (1801 - 1862).
A noter la serie de 10 "Cantatas" écrit en 1937, pour voix solo accomagné de piano ou petit ensemble, dont sept sur des textes extrait de deux romans d'Ignazio Silone, ce qui est remarquable parceque l'auteur italien venait de rompre avec le Kremlin stalinisé est était devenu une "non-personne" dans le monde des partis communistes groupé autour du CPUS.
On doit aussi noter son projet d'une opéra sur le sujet Faust, dont il avait écrit le texte déjà, publié en automne 1952, mais qui avait été condamné comme "formaliste" et "allant en contre de la nature de la nation allemande" par la direction du parti dirigeant de la RDA dans un long article dans l'organe central "Neues Deutschland" et dans une serie de discussions organisé par l'Academie des Arts de la RDA entre mai et juin 1953; la dernière de ces reunions se passait le 10 juin 1953 ... on sait ce que se passait 7 jours plus tard.
Mon oeuvre préferé est le dernier que Eisler avait completé, peu de temps avant sa mort le 6 september 1962 (il y a 50 ans): les "Ernste Gesänge" (chansons serieuses), pour bariton et orchestres de cordes. 8 mouvements avec des textes pris de Friedrich Hölderlin, Bertolt Viertel, Giacomo Leopardi, Helmut Richter et Stephan Hermlin. Eisler lui même avait décrit le cycle comme parcourant "receuillement - réflexion - dépression - essor - et de nouveau receuillement" (j'espère de n'avoir pas trop trahi en traduisant...).
Dernière édition par l.willms le 2012-12-09, 23:32, édité 1 fois (Raison : syntaxe)
joachim Admin
Nombre de messages : 27129 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
Découvertes de quelques-unes des pièces orchestrales de HANNS EISLER:
Kleine Sinfonie op.29 (1911-12) (musiques de scène) Fünf Orchesterstücke (1938-40) (musiques de film) Dreï Stücke Für Orchester (1938-57) (musiques du film documentaire "Les 400 millions" de Ivens York) Sturm-Suite Für Orchester (1957) (musique de scène- la pièce révolutionnaire soviétique "Tempête" de Vladimir Bill-Biélozerkovski mis en scène au Théâtre allemand en 1957 par Wolfgang Langhoff. Kammer Symphonie Op.69 (1940) (dédiée à Théodore W. Adorno) partition utilisant en soliste le piano électrique et le novacorde. (musique de film)
Par le "Deutsches Symphonie-Orchester Berlin" sous la direction de Hans E. Zimmer.1995.(Capriccio).
Cette première écoute ne sera pas suffisante pour donner une impression assez précise sur ces Suites si ce n'est qu'elles m'ont beaucoup plu et que j'ai hâte de les réécouter. J'y reviendrai,ça c'est sûr!
J'y suis revenu hier soir, pour le bonheur de mes oreilles, et des cinq Suites pour orchestre présentées sur ce cd, ce sont sans doute la Kleine Sinfonie opus 29 et la Kammer-Symphonie opus 69 qui m'ont le plus enthousiasmé, la première grâce à la force de ses idées thématiques, ses qualités expressives, la deuxième, aussi par la physionomie singulière que lui apportent le piano électrique et le novacorde. Le "Finale" est vraiment superbe! La Sturm-Suite für Orchester possède, elle aussi, ses beaux moments, je pense notamment à un thème mélodique plutôt original dans sa construction. A vrai dire, il m'a autant séduit que frustré car il aurait mérité un plus grand développement...mais c'est quand même une petite perle dorée et furtive qui vous tombe dans le coin de l'oreille sans prévenir et glisse agréablement au fond de celle-ci. Je l'aurais bien réécoutée plusieurs fois de suite... De Drei Stücke für Orchester, je retiens surtout la construction très poétique du dernier mouvement "Thema mit Variationen". La Suite qui m'a le moins plu est finalement Fünf Orchesterstücke, ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas aimé, juste un peu moins que les autres, c'est tout.
Dernière édition par Icare le 2023-04-25, 08:26, édité 1 fois
Icare Admin
Nombre de messages : 17491 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
La SYMPHONIE ALLEMANDE de HANNS EISLER fut composée pour la majeure partie entre 1935 et 1937,le bref épilogue fut ajouté avant la création à Berlin (24 avril 1959). De la technique dodécaphonique maniée très personnellement (avec inversion,écrevisse ou reflet d'écrevisse) jusqu'aux intonations d'agit-prop,l'oeuvre particulièrement appréciée par le compositeur lui-même est un répertoire des procédés de style les plus divers.
Avec l'image poétique de BRECHT qui présente l'Allemagne comme une "mère blaffarde souillées",le prélude (citations de L'Internationale et des "Victimes Immortelles") évoque le "Mal à l'Allemagne". Dans la seconde partie,la plainte se concrétise dans la passacaille en une accusation contre la terreur nazie dans les camps de concentration ( "Symphonie des camps de concentration" était du reste le titre primitif de l'oeuvre). La quatrième partie,avec le poème de BRECHT "A Postsdam sous les chênes" évoque l'appui donné par la caste militaire au fascisme naissant,tandis qu'une marche funèbre orchestrale dans la 5ème partie thématise les souffrances indicibles des victimes d'après le poème de BRECHT; "Sonnenburg". La 7ème partie (d'après "L'enterrement du provocateur dans un cercueil de zinc" de BRECHT) dénonce les méthodes de la propagande fasciste. A une "Cantate des Paysans" avec le chant d'exhortation "Lève-toi paysan" succède "La cantate des ouvriers" d'après "Le chant de l'ennemi de classe" écrit par BRECHT en exil. La partie orchestrale qui suit exprime sous un aspect dialectique la souffrance et la confiance,et la symphonie en onze mouvements s'achève par l'épilogue d'après un quatrain de BRECHT "Manuel de la Guerre". pour illustrer les vers "Voyez nos fils sourds et ensanglantés...réchauffez les,ils ont froid", EISLER conseillait la projection de photos en rapport avec le texte: des soldats allemands à moitié morts de froid devant Stalingrad. HANS CHRISTOPH WORBS.
Au départ, j'ai eu un peu de mal à rentrer dans cette Symphonie Allemande de Hanns Eisler. Il faut dire qu'après Jean-Paul Dessy, je suis vraiment passé d'un univers à un autre, sans compter une qualité d'enregistrement qui n'est pas du tout la même d'un cd à l'autre. Toutefois, cette petite mise en condition n'a pas duré trop longtemps, quelques petites minutes, pas davantage, puis je fus pris, happé, captivé par les turbulences de cette grande oeuvre dramatique où les parties vocales m'ont autant séduit que les parties purement orchestrales. En fait, c'est une symphonie que j'aime depuis longtemps, depuis le premier jour où je l'ai écoutée, un intérêt même grandissant qui ne s'est jamais démenti jusqu'à aujourd'hui. Une aura indicible traverse l'oeuvre d'Eisler et me la rend très intense et très attachante.
Icare Admin
Nombre de messages : 17491 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Je suis en train de lire un livre en ce moment : Corps et âme de Frank Conroy et il me semble qu'il parle du compositeur et pianiste Eisler qui est le maestro du petit prodige héros du livre. Cela se passe à la même époque, serait ce possible que ce soit le même ? :) Je vous confirmerai. J'écrirai un post sur ce livre d'ailleurs quand j'en aurai fini la lecture car, parlant de musique, il intéresserait sûrement plusieurs d'entre vous.
Icare Admin
Nombre de messages : 17491 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Lors de la parution des "Klavierstücke op.2" de Hanns Eisler chez Universal Edition à Vienne, en 1925, un tout jeune critique du nom de Theodor Wiesengrund-Adorno écrivit: <Voici une excellente occasion d'attirer l'attention sur leur auteur, un de nos jeunes compositeurs les plus doués, digne représentant de la nouvelle génération d'élèves de Schoenberg.> A cette époque, peu après la fin de ses trois années d'études privées auprès du "maître révéré" (en mars 1923), Eisler s'était déjà affranchi du "lyrisme concertant bourgeois". Etabli à Berlin depuis l'été 1925, il se dégageait non sans mal de l'institution musicale bourgeoise traditionnelle pour passer à une nouvelle fonction de la musique en direction de nouveaux dédicataires: les ouvriers. La "musique engagée et militante" de Eisler, c'est-à-dire toute sa production à partir de 1928 - choeurs, chants pour les masses, ballades, musiques de scène et de film - fait partie des grandes innovations artistiques de la seconde moitié des années vingt, les "roaring twenties", les dernières années "fracass antes" de la République de Weimar. Le cd que j'ai réécouté aujourd'hui rassemble des oeuvres composées entre 1930 et 1934 (plus un post-scriptum de 1956): chansons, ballades, suites pour orchestre tirées de musiques de films. Toutes participent du principe eislerien suivant: <En s'unissant à d'autres formes d'art: poésie, théâtre ou cinéma, la musique devient une musique appliquée. Elle en acquiert un sens nouveau et par là une nouvelle utilité.> A l'instar de ses collègues compositeurs: Bela Reinitz, Wladimir Vogel et Stepan Wolpe, Hanns Eisler voulait donner au mouvement choral prolétarien (l'Association Allemande des Choeurs Ouvriers comptaient alors 600 000 membres!) un matériau nouveau et un répertoire de qualité. Il composa plusieurs grandes oeuvres chorales à partir de 1928. En 1929, pianiste attitré de la troupe d'agit'prop "Das Rote Sprachrohr" avec laquelle il accumule les expériences avec "la base", il écrit en peu de temps plusieurs chants engagés d'un genre nouveau, sur des textes d'Erich Weinert, Bertolt Brecht et David Weber, entre autres. Leur musique entraînante et leurs textes forts les rendirent véritablement populaires du jour au lendemain: "Kominternlied", "Roter Weddind" et "Solidaritätslied" coururent littéralement les rues.Dr Jürgen Schebera.
Suite pour orchestre n°2 opus 24 (Niemandsland) en quatre extraits
Wohltätigkeit - from: Vier Balladen opus 22 (texte de Kurt Tucholsky) Ballade vom Nigger Jim - from Sechs Balladen opus 18 (texte de David Weber)
Suite pour orchestre n°4 opus 30 (Die Jugend hat das Wort) en quatre extraits
Das Lied vom SA-Mann - from: Vier Balladen opus 41 (texte de Bertolt Brecht) Ballade von den Säckeschmeibern - from: Vier Balladen opus 22 (texte de Julian Arendt)
Suite pour orchestre n°5 opus 34 (Dans les rues) en huit extraits
Lied von der belebenden Wirkung des Geldes/Die Ballade vom Wasserrad from Die Rundköpfe und die Spitzköpfe opus 45 sur des textes de Bertolt Brecht
Suite pour orchestre n°3 opus 26 (Kuhle Wampe) en quatre extraits.
Ideal und Wirklichkeit sur un texte de Kurt Tucholsky.
Par l'Ensemble Modern. La particularité de ce disque est que H. K. Gruber, que j'apprécie aussi comme compositeur, en assure la réalisation et la direction de l'ensemble, ainsi que l'interprétation des morceaux chantés puisqu'il est aussi chansonnier. Gruber sera le troisième portrait de ce premier cycle germanique.
Icare Admin
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Kleine Sinfonie op.29 (1911-12) (musique de scène) Fünf Orchesterstücke (1938-40) (musique de film) Dreï Stücke Für Orchester (1938-57) (musique du film documentaire "Les 400 millions" de Ivens York) Sturm-Suite Für Orchester (1957) (musique de scène- la pièce révolutionnaire soviétique "Tempête" de Vladimir Bill-Biélozerkovski mis en scène au Théâtre allemand en 1957 par Wolfgang Langhoff. Kammer Symphonie Op.69 (1940) (dédiée à Théodore W. Adorno) partition utilisant en soliste le piano électrique et le novacorde. (musique de film)
Par le "Deutsches Symphonie-Orchester Berlin" sous la direction de Hans E. Zimmer. 1995.(Capriccio).
Ce soir, si je suis resté dans la musique allemande, j'ai changé complètement d'univers, car celui de Hanns Eisler est très différent de celui de Jürgen Knieper. Trois des cinq pièces orchestrales mentionnées ci-dessus sont tirées de musiques de films, sauf Kleine Sinfonie op.29 et Sturm-Suite Für Orchester qui sont tirées de musiques de scènes. Je ne suis plus trop sûr d'avoir exactement les mêmes préférences. Désormais, ce serait davantage les deux derniers opus. Néanmoins, l'extrait du commentaire érudit de Dr Jürgen Schebera concerne le troisième: Dreï Stücke Für Orchester (1938-57)
<<Le 30 janvier 1933, Hanns EISLER se trouvait justement à Vienne à l'occasion d'un concert. Il ne retourna pas dans une Allemagne désormais nazie. Après des premières années d'exil remplies d'activités les plus diverses qui le conduisirent dans différents pays européens, Eisler émigra en 1938 aux Etats-Unis. A New York, il retrouva le documentariste hollandais Joris Evens avec qui il avait déjà travaillé en 1932 et 1933 en Europe pour deux films documentaires. En avril 1938, il composa à New York une importante musique purement sérielle pour le film documentaire de Ivens sur la Chine "LES 400 MILLIONS", une représentation du combat de libération chinois au cours des années 30. A partir de cette musique, le compositeur arrangea en 1940 ses cinq morceaux d'orchestre, exemples-types du traitement "eislerien" de la gamme de 12 tons où, dans le cadre du rapport musical à l'image, le détail doit "concorder" aussi dans le système sériel sans pour cela faire un effet mécanique. A ce sujet, il fit le commentaire suivant en 1958: "J'expérimente depuis deux jours une oeuvre que j'ai écrite il y a environ 21 ans et qui a vraiment l'ambition d'être à la pointe du progrès technique...Et si je le considère aujourd'hui, avec quoi ai-je obtenu cela? Que maintenant cet élan ou cette force ou encore cette brutalité qui émanent de ces morceaux soient à ce niveau technique, cela me satisfait seulement avec le morceau. Si j'avais atteint cela par d'autres moyens, je dirais: cela fait de l'effet. Mais c'est plus que cela...Je crois que par exemple cette oeuvre et d'autres oeuvres n'ont pas pour but seulement des effets qui existent de toute façon. Et si un compositeur parvient à cela, alors je crois qu'il n'a pas travaillé en vain." A titre posthume, Manfred Grabs arrangea en 1973, à partir de la partition du film conservée des "400 MILLIONS" les "trois morceaux pour orchestre".>>
Snoopy Admin
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