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 Musiciens en fugue

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Snoopy
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Snoopy

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MessageSujet: Musiciens en fugue   Musiciens en fugue Empty2009-12-28, 06:13

Pendant une trentaine d'années, Philippe Leroux a enseigné la composition avec le statut d'employé municipal. "Ça va bien un moment !", en a-t-il conclu au moment de partir, cet été, à l'Université de Montréal, qui lui a offert un contrat d'une durée minimale de deux ans. Au Québec, ce compositeur, tête de pont de la musique contemporaine en France, a vu ses conditions de vie changer du tout au tout.

A 50 ans, il assurait dix-huit heures d'enseignement hebdomadaires dans un conservatoire municipal de la région parisienne (successivement Aulnay-sous-Bois, Le Blanc-Mesnil, Nanterre) pour un salaire moyen. Au Canada, il ne donne que neuf heures de cours par semaine avec une rétribution nettement plus élevée. Et, surtout, il a davantage de temps à consacrer à la composition. Son gagne-pain ne constitue plus une entrave à la création.

A l'instar de Darius Milhaud, figure de proue du groupe des Six qui fit autorité dans l'entre-deux-guerres, et de Gérard Grisey, pionnier de la musique spectrale, qui prit les rênes de l'avant-garde à la fin des années 1970, d'autres compositeurs français de premier plan sont allés chercher outre-Atlantique les conditions d'enseignement qu'on ne leur donnait pas en France.

Tristan Murail, 62 ans, l'autre "inventeur" de la musique spectrale, a été recruté en 1997 par la Columbia University de New York. Philippe Manoury, 57 ans, référence majeure de la création avec ordinateur, est aujourd'hui "full professor" à l'University of California San Diego. Et deux de leurs cadets en plein boom artistique leur ont emboîté le pas. Fabien Lévy et Franck Bedrossian enseignent respectivement la composition à Columbia (New York) et à Berkeley (Californie).

Une véritable fuite des cerveaux, version musique, que Philippe Manoury considère "en tout point semblable à celle observée chez les scientifiques". Murail, Manoury et Leroux ont en commun d'avoir été recalés pour le poste de professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP). Les places de ce type étant rares en France (trois au Conservatoire de Paris, une à Lyon), les candidats malheureux ont opté pour l'exil.

"La mobilité des compositeurs a été une réalité artistique lors des siècles précédents", rappelle Pascal Dumay, directeur du CNSMDP. Certes, mais la société et le rôle de l'Etat ont changé depuis l'époque ou au XVIIIe siècle un Haendel quittait son Allemagne natale pour dynamiser l'activité musicale de Londres... Pascal Dumay - qui nous avait répondu avant d'être suspendu de ses fonctions de directeur du CNSMDP pour une affaire de moeurs - sent venir la critique d'"une France qui ne ferait rien pour ses compositeurs". Il estime qu'une telle interprétation serait "inappropriée" tant il existe de modalités étatiques de soutien aux artistes en France. L'ancien délégué à la musique (de 2007 à 2009) au sein de la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles au ministère de la culture et de la communication évoque notamment "les contrats d'association mis en place avec la Sacem pour implanter les musiciens dans certaines scènes nationales".

Toutefois, l'apport financier induit par les commandes d'oeuvres et par les résidences d'artistes n'a qu'une réalité ponctuelle. Les compositeurs qui ont quitté la France regrettent de ne pas pouvoir accéder à un statut social décent en enseignant dans des conservatoires autres que nationaux. D'autant que le certificat d'aptitude (CA) en vigueur pour l'enseignement des disciplines musicales n'existe pas dans le cas de la composition.

Rand Steiger, responsable du département de musique de l'Université de Californie San Diego (UCSD) est au fait de cette situation et il est conscient que "le statut d'enseignant-chercheur accessible dans les universités américaines est une excellente solution" au problème rencontré par les compositeurs en France, mais il se refuse à envisager la question sous l'angle d'une concurrence entre les Etats-Unis et la France. "Nous sommes tous membres de la communauté musicale internationale, assure-t-il, et ce qui compte n'est pas que Philippe Manoury soit aux Etats-Unis mais qu'il soit à l'université à San Diego !"

Manoury avait fait la "une" du Nouvel Observateur, fin mai 2004, avec une accroche aux allures de révélation : "Pourquoi je pars." La réponse était d'ordre économique. Le compositeur phare de la France des années 1990 serait bien resté dans son pays, mais il a considéré que la baisse des recettes (commandes, droits d'auteur) ne le lui permettait plus. Endetté, cet auteur qui misait sur des oeuvres de grand format (notamment son opéra K), dont la rétribution n'est pas proportionnelle au temps consacré à l'écriture, n'avait d'autre issue que de décrocher une place de professeur de composition au salaire plus reluisant que ce qu'on lui proposait en France. Il fut l'heureux élu d'une sélection qui portait sur environ 200 candidats. Le mérite est d'autant plus grand que les universités américaines ont pour consigne de faire jouer la préférence nationale en cas d'égalité entre un ressortissant des Etats-Unis et un postulant étranger.

Déterminant dans son choix de l'Amérique, le confort financier ne constitue pas la seule satisfaction de Philippe Manoury à San Diego. Le plaisir de retrouver le mathématicien Miller Puckette, l'ami de longue date avec lequel il a développé des programmes informatiques qui sont devenus des musts pour les générations suivantes, et la liberté liée aux principes d'autogestion de l'université rendent son expérience américaine très positive.

Premier bémol, ses étudiants, qui optent généralement pour l'UCSD en raison de la réputation d'avant-garde qu'elle a acquise dans le domaine artistique. Or la plupart n'ont d'autre ambition que de devenir à leur tour professeur d'université : un travers que Manoury déplore, dans la mesure "où certaines personnalités, très douées pour la création, se contentent d'acquérir le savoir nécessaire à l'obtention du doctorat et à la carrière académique".

Plus critique encore, Manoury compare les universités américaines à un réseau "de monastères du Moyen Age". Le compositeur français regrette également que la vie aux Etats-Unis n'influence en rien son mode de composition. L'essentiel de son activité de compositeur se déroule toujours en Europe. N'ayant guère l'occasion de faire jouer ses oeuvres en Amérique, il se définit comme un "réfugié économique de luxe".

Opposée géographiquement à celle de Philippe Manoury, la situation de Fabien Lévy, 41 ans, l'est aussi sur le plan artistique. Bien qu'elle soit plus présente en Europe qu'aux Etats-Unis, sa musique est régulièrement défendue par des ensembles new-yorkais (Argento, Talea). Elle conjugue ancrage dans le XXIe siècle et ouverture au monde. Avec un tel idéal, le jeune Français est comblé par la vie à New York, "modèle de cosmopolitisme", qui lui donne l'impression de résider "dans un condensé du monde". D'autant que, fait rare aux Etats-Unis, le campus de Columbia se situe en plein coeur de la ville.

Comme son grand aîné Edgar Varèse (1883-1965), Fabien Lévy a quitté Paris pour l'Allemagne avant de se fixer aux Etats-Unis. Ces changements ont stimulé son travail. Le contact avec les étudiants aussi. Si tous ne profitent pas de la liberté "made in USA" pour devenir ces "cow-boys subversifs et autonomes" que Fabien Lévy dit reconnaître chez certains Américains, ils composent un groupe international dans lequel ne figure toutefois aucun Français. Gérard Grisey l'avait confié à son élève quand il professait au CNSMDP : "Pour les jeunes Français, à l'esprit toujours casanier, le séjour à la Villa Médicis est ce qu'il y a de plus exotique."

Au printemps 2008, Franck Bedrossian venait de passer deux ans à Rome au titre de pensionnaire de la Villa Médicis, à Rome. Au moment de faire ses valises, il ignorait encore s'il devait rentrer à Paris et reprendre son poste de professeur de composition au conservatoire du 16e arrondissement ou s'il serait nommé au poste de Berkeley (Californie).

A 36 ans, Bedrossian ira finalement sur la Côte ouest des Etats-Unis vérifier son propre adage : "L'enseignement est peut-être le meilleur moyen de ne pas vieillir en tant que créateur." Seul non-Américain des cinq rescapés d'un vaste écrémage pédagogique, il doit peut-être aussi sa nomination au caractère "saturé" de sa musique. "A Berkeley, les étudiants ont une culture du son complexe qui n'est pas très éloignée du matériau que je développe dans mes oeuvres", concède-t-il, même s'il ne se situe pas dans la descendance des Américains Harry Partch et John Cage, ou d'un certain jazz expérimental qui fait florès en Californie.

A San Francisco, la communauté française est assez fournie, et l'université apparaît, en musique, comme un tremplin pour Paris. D'ailleurs, chaque année, des étudiants de Berkeley obtiennent une bourse pour aller étudier dans la capitale française. Certains suivent le cursus d'informatique musicale de l'Institut de recherche et coordination acoustique-musique (Ircam), rebaptisé par eux " prix de Paris".

D'autres passent encore par d'autres conservatoires, comme celui de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), où enseigne Jean-Luc Hervé en tant que contractuel de la fonction publique territoriale. Sera-t-il le prochain compositeur à s'expatrier ?

Pierre Gervasoni
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joachim
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MessageSujet: Re: Musiciens en fugue   Musiciens en fugue Empty2009-12-28, 11:33

Que voulez vous, depuis De Gaulle, et à part Mitterrand peut-être, on n'a eu que des présidents qui se fichaient éperdument de ce qui est culturel. Et le dernier est le pire dans ce domaine (et pas que celui là Musiciens en fugue 10321 ).
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Hector Berlioz

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MessageSujet: Re: Musiciens en fugue   Musiciens en fugue Empty2009-12-28, 20:22

Sarkozy est le reflet de son époque, il est creux et sans culture.
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