Rachmaninov l’a répété toute sa vie : la mélodie est la musique, sa base absolue, son principe moteur. Écrite en avril 1912 (elle concluait le recueil des 14 mélodies opus 34), puis révisée en septembre 1915, pendant la première guerre mondiale, la célébrissime Vocalise du compositeur russe reste sans doute, en ce domaine, une de ses inspirations les plus pures et les plus parfaites.
C'est peu dire que la mort habite les pensées de cette Vocalise. Rachmaninov la révisa dans une période de grande anxiété (en 1915 le frappa en effet la mort de Scriabine et de son ancien professeur au Conservatoire, Taneïev). Comme le rapporte d'ailleurs Marietta Chaginian,
à cette époque, l'idée de la mort l'épouvantait. Je le vois encore demander à ma mère de lui dire la bonne aventure et de lui faire savoir combien de temps il lui restait à vivre. Il lisait un livre d'Artsibashev qui avait fait sur lui une terrible impression.
"On ne peut pas vive si c'est pour mourir [disait-il]. Comment pouvez-vous supporter la pensée que vous êtes mortels ?"
Qu’on s’imagine une musique sacrée, se déployant généreusement, avec cependant des accents douloureux, des airs de gouffre. Qu’on s’imagine une musique religieuse, invoquant on ne sait quelle divinité, et pourtant élégiaque, noblement désenchantée, comme recueillie, calmement, devant une Providence négative : celle qui accable le sort des hommes et des peuples. On aura alors la Vocalise de Rachmaninov, animée à la fois par la sérénité et, quelque part, par une sourde et muette complainte…
Par son titre, ses moyens d’expression(un chant sans texte à l’origine pratiquement a capella), la Vocalise fait partie des œuvres de la résignation, de la maturité, de la sobriété, à condition d’être jouée sans lyrisme ni excès sentimental, ce qui est bien souvent le cas pour les musiques sérieuses, pour les musiques graves. Rien de théâtral pourtant dans cette méditation à proximité du silence, et rien de plus honnête que cette impossibilité de se taire, que ce repos et cet oubli dans les larges déploiements célestes de cette mélodie. Comme Cioran, Rachmaninov entassait dans sa mémoire d’innombrables horizons effondrés : cette musique est le chant mystérieux qui émane de leur cimetière.
A I'origine, la Vocalise pouvait être chantée avec accompagnement au piano par une soprano ou un ténor. Mais son extraordinaire popularité s'explique également par les nombreuses transcriptions qui en ont été faites : il existe des versions pour violon, violoncelle, flûte, clarinette et plusieurs orchestrations dont celle faite par le compositeur lui-même. Dès 1918, Rachmaninov mentionne d’ailleurs dans une lettre l'engouement pour sa Vocalise, jouée lors d'un concert à Copenhague par un ensemble de 22 violons...
Arrangements
Arrangé pour de nombreuses combinaisons d'instruments différents. Parmi eux:
pour ou avec l'Orchestre
pour orchestre, arrangé par Rachmaninov lui-même, également par Morton Gould, Kurt Sanderling, et V. Kin
pour soprano et orchestre, également de Rachmaninov lui-même, et par Arcady Dubensky
pour choeur et orchestre, arrangé par Norman Luboff et Walter Stoff
pour flûte et orchestre, arrangé par Charles Gerhardt
Pour Chamber Ensemble
pour trio avec piano (violon, violoncelle et piano), organisé par l'Eroica Trio
pour clarinette, violon et piano, arrangée par Quinto Maganini
pour ensemble de jazz, arrangé par Don Sebesky
pour 24 violoncelles, telle que pratiquée par l'Orchestre Violoncelle Londres.
For Solo instrument et piano
pour clarinette et piano, arrangée par David Campbell
pour trombone et piano, arrangée par Christian Lindberg
pour trombone et piano, arrangée par Charles Henry Smith
pour euphonium et piano, arrangée par Steven Mead
pour tuba et piano, arrangée par Vriginia Allen
pour violon et piano, arrangée par Jascha Heifetz
pour violoncelle et piano, arrangée par Jascha Heifetz et Mstislav Rostropovich
pour violoncelle et piano, arrangée par Wolfram Huschke
pour violoncelle et piano, arrangée par Raphael Wallfisch
pour contrebasse et piano, arrangée par Oscar G. Zimmerman (en ré mineur)
pour saxophone et piano, arrangée par John Harle
pour Horn et piano, transcrite par Himie Voxman
For Solo Instrument
pour piano solo, de nombreuses dispositions, notamment par Alan Richardson (1951), Zoltán Kocsis, Earl Wild, et Anton Borodine (2003)
pour accordéon, organisé par Nikolai Ryskov
pour saxophone, arrangé par Larry Teal
pour trompette, arrangé par Rolf Smedvig
pour orgue, arrangé par David Briggs
pour guitare, arrangés par Slash
Autres
pour deux pianos, arrangée par Vitia Wronsky
pour les instruments électroniques, arrangé par Isao Tomita
pour theremin, arrangé par Clara Rockmore