Boris TISCHENKO ou Tichtchenko (1939-2010))

Boris Ivanovitch Tischenko (Tichtchenko, Tishchenko) (en russe : Бори́с Ива́нович Ти́щенко), né le 23 mars 1939 à Leningrad et mort le 9 décembre 2010 à Saint Petersbourg est un compositeur et pianiste soviétique et russe, d'origine ukrainienne.

Boris Tichtchenko a étudié au Collège Musical de Leningrad entre 1954 et 1957. Il y a appris la composition auprès de Galina Oustvolskaïa, et le piano auprès de Mikhelis. Puis, de 1957 à 1963, il a étudié la composition avec Vadim Salmanov, Viktor Volochinov et Orest Ievlakhov, et le piano avec L. Logovinski au Conservatoire de Leningrad. Il est alors devenu l'élève du compositeur Dmitri Chostakovitch, et a ainsi terminé ses études en 1965. Depuis lors, il enseigne au Conservatoire de Leningrad, où il est devenu professeur en 1986.
Tichtchenko a activement contribué à faire passer à l'Ouest le manuscrit des mémoires de Chostakovitch. Par la suite, il a cependant émis des doutes sur l'authenticité du Testament publié par Solomon Volkov en 1979.
En mars 2006, il a été choisi comme le premier lauréat du prix "Epokha Shostakovicha", qui a été créé pour le centenaire de la naissance de Chostakovitch.


Musique

Son œuvre inclus neuf symphonies (numérotées), deux concertos pour violon, deux concertos pour violoncelle, un concerto pour piano, six quatuors à cordes, trois sonates pour violoncelle seul, onze sonates pour piano, deux requiem, de la musique de chambre, des œuvres vocales, un opéra : Le Soleil volé, une opérette : Le Cafard, trois ballets : Les Douze, L'Abeille et Yaroslavna (l'éclipse), ainsi que de la musique de scène pour le théâtre et de la musique de film.

Le syle musical de Tichtchenko et sa technique de composition en font un représentant typique de l'école de Leningrad. Il a été très influencé par la musique de ses professeurs Dmitri Chostakovitch et Galina Oustvolskaïa, intégrant ces influences à son propre style. Il a essayé d'utiliser certaines idées expérimentales ou modernes, telles que le dodécaphonisme ou la musique aléatoire, mais reste cependant bien plus attaché aux traditions de son pays. Il a fait preuve d'originalité en écrivant son second concerto pour violoncelle, pour 48 violoncelles, 12 contrebasses et percussion (1969). Cependant, il a ré-orchestré cette œuvre dix ans plus tard en vue de son exécution par un orchesre traditionnel.

Il a été honoré par l'orchestration de Dmitri Chostakovitch pour son premier concerto pour violoncelle, et par la suite a remercié son maitre par l'orchestration, l'édition et la transcription de quelques œuvres de celui-ci.
L'écriture du Requiem de Tichtchenko, basé sur le poème interdit de Anna Akhmatova, pendant la période de stagnation politique en 1966, a été un geste culturel courageux.


Œuvres


Opéras et ballets

Les Douze, ballet en quatre actes, Op.25 (1963)
l'Abeille, ballet en un acte op 39 (1968)
le Soleil volé, opéra en un acte, Op.40 (1968) (livret de Mikhail Bialik, Z. Korogodsky et B. Tichtchenko, d'après le conte de Korneï Tchoukovski)
Le Cafard, comédie musicale en un acte, Op.41 (1968) (livret de Z. Korogodsky, d'après le conte de Korneï Tchoukovski)
Yaroslavna (L'éclipse), ballet en trois actes, Op.58 (1974)


Musiques de scène

Newly-Ploughed Virgin Soil, incidental music, Op. 16 (1959)
The Death of Pushkin, dramatic music, Op. 38 (1967)
The Choice, music to A. Arbuzov's Play, Op. 51 (1972)
That One Who Gets a Slap, music to L. Andreyev's play, Op. 55 (1973)
Circus Suite, from the above, Op. 55a (1973)
Advice and Love, music to V. Tendriakov's play, Op. 60 (1974)
A Lark, incidental music for J. Anouilh's play, Op. 62 (1974)
Rosa Bernd, music to G. Hauptman's play, Op. 65 (1975)
The Children of the Sun, music to M. Gorky's play, Op. 66 (1976)
An Ignoramus, music to D. Fonvizin's play, Op. 68 (1976)
The Seven Call Signs, Op. 70 (1977) (music for the Olympic Games in 1980, but not used)
Ivanov, music to A. Chekhov's play, Op. 72 (1978)
An Emigrant from Brisbane, music to G. Shekhade's play, Op. 73 (1978)
Richard the Third, music to W. Shakespeare's play, Op. 74 (1978)
A Shore, music to Yu. Bondarev's play, Op. 75 (1979)
Excuse Me, music to V. Astafiev's play, Op. 78 (1980)
Continuation of Don Juan, music to A. Radzinsky's play, Op. 82 (1980)
Rumours, music to A. Salinsky's play, Op. 88 (1983)
Such a Long Winter, music to Yu. Voronov's play, Op. 89 (1984)
Light but not Heat, music to A. Ostrovsky's play, Op. 95 (1986)
The Three Sisters, music to Chekhov's play, Op. 102 (1987)
The Dog's Heart, music to Chervinsky's play, Op. 103 (1988)
The Event, music to Nabokov's play, Op. 110 (1991)
George Dandin, Music to Molière's play, Op 117 (1993)
Boris Godunov, music for Pushkin's tragedy, Op. 126 (1999)
Duel, music for drama production after A. Chekhov, Op. 134 (2003)


Musique orchestrale

Symphonies

Symphonie No. 1, Op.20 (1961)
Symphonie No. 2 "Marina", Op.28 pour chœur et orchestre (1964)
Symphonie No. 3, Op.36 pour orchestre de chambre (1966)
Symphonie No. 4, Op.41 avec narrateur (1974)
Symphonie No. 5, Op.67 (1976)
Symphonie No. 6, Op.105 pour soprano, contralto et orchestre symphonique (1988)
Symphonie No. 7, Op.119 (1994)
Symphonie N° 8, OP. 149 (2008)
Symphonie N° 9, inachevée (2010)
Symphonie française, d'après Anatole France, Op.12 (1958, rev. 1993, Op.116)

Praeludium e Fugue, pour orchestre à cordes op 7 (1957)
Danaide, poème symphonique op 24 (1963)
Octaves op 26 (1963)
Palekh op 34 (1965)
Sinfonia Robusta, Op.46 (1970)
Paeludium en mi op 87 (1983)
The Siege (ou Brockade) Chronicles Symphony, Op.92 (1984)
Concerto Alla Marcia, pour 16 solistes op 106 (1989)
5 Symphonies de Dante, dans "Béatrice", cycle choral et symphonique, Op. 123 n° 1 à 5 (1998/2005)
Symphonie Pouchkine, Op.125 (1998, d'après La Mort de Pouchkine, Op.38)
Huge Sonata pour orchestre à cordes op 132 (2002)
Lamento : arrangement du 3ème mouvement de la sonate 29 de Beethoven pour harpe et cordes op 140 (2005)
Variations sur trois thèmes de Chostakovitch op 143 (2005)


Musique concertante

Concerto pour piano, Op.21 (1962)
Concerto pour violon No. 1, Op.9 (1958, rev. 1964, Op.54)
Concerto pour violon No. 2, Op.84 (1981)
Concerto pour violoncelle No. 1, Op.23 pour violoncelle, 17 instruments à vent, percussion, et harmonium (1963) (également orchestré par Dmitri Chostakovitch en 1969)
Concerto pour violoncelle No. 2, Op.44/1 pour violoncelle, 48 violoncelles, 12 contrebasses, et percussion (1969, ré-orchestré pour violoncelle, orchestre à cordes et percussion en 1979, Op.44/2)
Concerto pour flûte, piano et orchestre à cordes, Op.54 (1972)
Concerto pour harpe, Op.69 (1977)
Concerto pour violon, piano et orchestre à cordes op 144 (2006)


Piano

Sonates pour piano

Sonate pour piano No. 1 op 3 (1957, rev. 1995 op 121)
Sonate pour piano No. 2 op 17 (1960)
Sonate pour piano No. 3 op 32 (1965)
Sonate pour piano No. 4 op 53 (1972)
Sonate pour piano No. 5 op 56 (1973)
Sonate pour piano No. 6 op 64 (1976)
Sonate pour piano No. 7, avec cloches op 85 (1982)
Sonate pour piano No. 8 op 99 (1986)
Sonate pour piano No. 9 op 114 (1992)
Sonate pour piano No. 10 op 124 (1997) d'après la Suite op 4
Sonate pour piano No. 11 op 151 (2008)

Variation pour piano op 1 (1956)
Suite pour Piano "Egosuite" No. 1 op 4 (1957)
Suite pour piano n° 2 op 6 (1957)
A Muleteer, fable pour piano op 11 (1958)
Trois énigmes pour piano op 19 (1960)
Huit portraits pour deux pianos op 122b (1996)
Invasion, étude de concert pour piano sur un thème de P. Dvoirin op 131 (2002)
Confusion, étude de concert pour piano sur un thème de P Dvoirin op 133 (2003)


Musique instrumentale

Sonate pour violon No. 1 op 5 (1957)
Sonate pour violon No. 2 op 63 (1975)
Sonate pour violoncelle No. 1 op 18 (1960)
Sonate pour violoncelle No. 2 op 76 (1979)
Sonate pour violoncelle n° 3  op 136 (2003)
Douze inventions pour orgue op 27 (1964)
Rondo pour violon et piano op 2 (1956)
Capriccio pour violon et piano op 31 (1965)
Deux pièces pour percussion op 45 (1970)
Douze portraits pour orgue op 113 (1992)
Fantaisie pour violon et piano op 118 (1994)
Sonate pour 5 flûtes à bec et orgue op 127 (1999)
Quatre pièces pour tuba op 94 (1985)


Musique de chambre

Praeludium e Fugue, pour quatuor à cordes op 7 (1957)
Quatuor à cordes No. 1, Op.8 (1957)
Quatuor à cordes No. 2, Op.13 (1959)
Quatuor à cordes No. 3, Op.47 (1970)
Quatuor à cordes No. 4, Op.77 (1980)
Quatuor à cordes No. 5, Op.93 (1984)
Quatuor à cordes No. 6, Op. 148 (2007)
Exercises nordiques, suite pour ensemble op 42 (1968)
Quintette pour piano, 2 violons, alto et violoncelle op 93  (1985)
Le coeur du chien, histoires pour ensemble de chambre (d'après Mikhaïl Boulgakov) op 104 (1988)
Concerto pour clarinette et trois pianos op 109 (1990)


Musique orchestrale et vocale

Lénine est vivant, cantate d'après Vladimir Maïakovski pour chœur mixte avec orchestre, Op.15 (1959)
Souzdal, suite pour soprano, ténor et orchestre de chambre op 30 (1964)
Requiem, d'après Anna Akhmatova pour soprano, ténor et orchestre symphonique, Op.35 (1966)
Hard Frost, air pour mezzo-soprano et orchestre op 60a (1974)
Béatrice, cycle choral et symphonique d'après la "Divine Comédie" de Dante, Op.123 (1996-2005)
Requiem in memoriam Galyani Vadhana op. 150 (2008)


Musique vocale

A White Stork, cycle vocal pour voix medium et piano op 10 (1958)
Yuaffu, quatre chœurs pour chœur a cappella op 14 n° 1 (1959)
Energie, fugue pour chœur a cappella op 14 n° 2 (1959)
Chanson de mariage pour chœur de femmes op 16a (1959)
Chansons tristes, cycle vocal pour soprano et piano op 22 (1962)
Trois Lieder sur des vers de Marina Tsvetaieva, pour voix medium et piano op 48 (1970)
Cinq Lieder sur des vers d'O. Driz, pour voix médium et piano op 57 (1974)
La volonté, pour soprano, harpe et orgue op 96 (1986)
À mon frère pour soprano, flûte et harpe op 98 (1986)
le Jardin de musique, cantate pour soprano, mezzo-soprano, baryton et trois pianos op 101 (1987)
Le sage de Chelom, un quatuor vocal et instrumental pour violon, soprano, basse et piano op 110 (1991)
Esquisse du diable, cycle pour voix medium et piano op 120 (1995)
Trois Etudes sur le fond de la mer pour voix grave et piano sur des poèmes de Tolstoï op 128 (2000)
L'heure de notre mort est inévitable, 3 romances pour voix moyenne et piano op 129 (2001)
Simple vérité, 3 romances sur des poèmes de Marshak, Tsvetaeva et Shpalikov op 130 (2001)
La fuite du Temps, cycle vocal sur des poèmes de Anna Akhmatova, pour soprano, violon et violoncelle op 135 (2003)
L' Orange, cycle vocal sur des poèmes de différents poètes, pour soprano, basse et piano, op 137 (2004)
Pensées intenses, pour solistes et choeur a cappella op 145 (2006)


Arrangements/Orchestrations

L'Incoronazione di Poppea, Orchestration of the opera by C. Monteverdi, Op. 37 (1967)
Deciphering of Japanese Gagaku, Op.52 (1972)
Boris Godunov, Orchestration for three Choruses from Prokofiev's Music to Pushkin's Tragedy, Op. 52a (1972)
Satires, orchestration of Shostakovich's Vocal Cycle to words by S. Chorny, Op. 81 (1980)
Version of Shostakovich Piano Trio No. 1, Opus 81 Bis (1980)
Four Poems by Captain Lebyadkin, orchestration of Shostakovich's vocal cycle to words by Dostoyevsky, Op. 97 (1986)
Antiformalistic Little Paradise (Rayok), Orchestration of Shostakovich vocal cycle, Op. 108 (1989)
Orchestration of four romances by Grieg, Op 111 (1991)
Orchestration of seven songs by Mahler, Op. 115 (1993)
Five Romances on poems from the magazine „Crocodile“, orchestration of vocal cycle by Shostakovich, Op. 138 (2005)
Musical Escapade, orchestration of vocal cycle by I. Schlein, Op. 139 (2005)
Reconstruction of two lost parts of the symphony "Americas" by I. Schlein, Op. 139b (2005)
Lamento, orchestration of third movement of Piano Sonata No. 29 by Beethoven for harp and string orchestra, Op. 140 (2005)
Reconstruction of the beginning of Part IV of Symphony No. 2 by I. Schlein, Op. 141 (2005)
Vocalis Etude, orchestration of piece by Maurice Ravel, Op. 142 (2005) (In the form of Habañera)


Musiques de film

On One Planet, Op. 33 (1965)
Birth of a Ship, Op. 43 (1969)
The Pier of That Shore, Op. 49 (1971)
The Word about Prince Igor Troop, Op. 50 (1971) (not released)
The Day of Reception on Personal Issues, Op. 59 (1974)
The Children As Children, Op. 71 (1978)
Light in a Window, Op. 79 (1980)
Sergei Ivanovich is Retiring, Op. 80 (1980)
Yet before the War, Op. 86 (1982) (not used)
Fires, Op. 91 (1984)
Igor Savovich, Op. 100 (1986)
Lost Time, Op. 107 (1988)

Boris Tishchenko est mort hier 9 décembre 2010 à Saint Petersbourg. Il venait de terminer son second Requiem opus 150 demandé par la famille royale de Thaïlande (un vrai, celui-là, l'autre étant sur des poèsies de Anna Akhmatova de 1966).

joachim a écrit:

Boris Tishchenko est mort hier 9 décembre 2010 à Saint Petersbourg. Il venait de terminer son second Requiem opus 150 demandé par la famille royale de Thaïlande (un vrai, celui-là, l'autre étant sur des poèsies de Anna Akhmatova de 1966).

 Tu nous apprends là  une triste nouvelle. Il sera finalement mort l'année où je découvris pour la première fois trois de ses oeuvres; Concerto N°1 pour violon et orchestre (1959) ; Concerto pour violoncelle, 17 instruments à vent, Percussions et Harmonium; (1963),année de ma naissance et Soundtrack to the Motion Picture Suzdal (1964) pour ténor, soprano et orchestre. J'avoue avoir bien aimé ces oeuvres même si je n'en maîtrise pas encore suffisamment l'écoute, si je n'en suis pas encore assez imprégné. Je sais que j'avais apprécié l'instrumentarium du concerto pour violoncelle, par exemple. Il va falloir que je réécoute tout ça. D'autres disques existent de sa musique, notamment une sonate pour piano et cloches. Quelqu'un connait?

Je ne connaissais pas.

Du coup, je viens de relire le sujet et je vois un Concerto pour clarinette et trois pianos op 109 (1990) !!!

Je n'avais jamais entendu parler d'une telle formation

Stadler a écrit:

Je ne connaissais pas.

Du coup, je viens de relire le sujet et je vois un Concerto pour clarinette et trois pianos op 109 (1990) !!!

Je n'avais jamais entendu parler d'une telle formation

Apparemment,il avait un goût pour les formations un peu insolites ou peu usuelles.

Icare a écrit:

une sonate pour piano et cloches. Quelqu'un connaît?

Je viens de l'écouter sur ce CD :



C'est un longue sonate d'une quarantaine de minutes, en 3 mouvements (les deux derniers enchaînés), où les cloches sont marginalisées : on les entend très peu car en fait c'est bien une sonate pour piano (la 7ème). Je trouve une certaine parenté avec les sonates de Prokofiev ou de Scriabine, mais en encore plus moderne. Elle plairait certainement à Icare.

Je viens de réécouter son Concerto pour violoncelle, 17 instruments à vents, percussions et harmonium, et comme avec celui de Denisov, j'y ai retrouvé un violoncelle langoureux et presque introverti, le tout dans un environnement sonore qui évite la clinquance, s'applique à enrichir le discours dramatique du soliste de ce qu'il faut de touches mesurées de l'orchestre, de nuances timbrales et de soli de hautbois ou d'harmonium. L'oeuvre évolue et s'élève dans la dignité, sans lyrisme excessif. Pas un concerto fracassant qui coupe le souffle et se veut grandiose, mais un concerto de l'intériorité et de la profondeur qui m'emmène d'un point à un autre avec un certain intérêt et un intérêt certain.

Mstislav Rostropovich: Violoncelle.
Anastassiya Tischenko: Harmonium.

Dix ans se sont écoulés et finalement je n'aurai rien découvert d'autres que ces trois oeuvres de ce compositeur qui a pourtant bénéficié de plusieurs éditions discographiques. Tout comme Vladimir Cosma, Edward Gregson, je n'avais pas prévu d'intégrer l'unique album que je possède de Boris Tischenko dans mon cycle actuel. Ce fut une idée de dernière minute. De Cosma, j'avais simplement très envie de me remettre son Michel Strogoff, je savais qu'il y avait très longtemps que je n'avais pas réécouté la musique de Gregson à l'exception du concerto pour tuba, et une même observation pour les trois opus de Tischenko que je viens de réécouter ce matin. C'est d'autant plus vrai que le Concerto n°1 pour violon et orchestre, op.9 (1959) en deux mouvements, m'est apparu sous un jour complètement nouveau, comme si je l'écoutais pour la première fois. Je me souvenais juste de l'avoir bien aimé, mais, en général, si je conserve un album ce n'est pas juste pour combler une étagère, c'est parce que le contenu m'avait plu. Et, effectivement, ce concerto est plein de ressources et de moments qui me captivent, que ce soit la souplesse de ton du premier mouvement ou la modernité pleine de mordants et aux dissonances bien agencées du second. Ca déménage dans une structure obsessionnelle comme je l'entends. Tout pour me plaire en fait, jusqu'à la cadence pour violon seul qui, malgré tout, maintient la dynamique avant que la tension ne retombe en direction d'un Finale plus méditatif et rêveur:
par Viktor Liberman et le "Leningrad Chamber Orchestra" sous la direction d'Edward Serov.

Le Concerto pour violoncelle, 17 instruments à vent, Percussions et Harmonium, op.23 (1963) est l'oeuvre qui avait, à la base, attisé le plus ma curiosité, par son instrumentation quelque-peu particulière. Le concerto pour violoncelle est très différent de celui pour violon, de style plus introspectif, très intimiste, et cela dès le début avec l'entrée du soliste: personnage solitaire qui nous chante sa complainte. Le chant du violoncelle est de plus en plus intense et passionné, véhément même! Une trompette entre en scène alors que le jeu du violoncelle se réduit à quelques notes, quelques errements. Le hautbois se joint au triste duo, je dis "triste" car la musique n'est pas spécialement gaie. Elle remonte en intensité et c'est alors qu'arrive le tuba dans toute sa bonhomie et dont l'humeur déteint sur l'ambiance créée par ses prédécesseurs. Le concerto m'apparait comme une grande lamentation instrumentale où toutes les individualités sonores, bien distinctes les unes des autres, s'articulent autour du violoncelle. Les instruments à vent sont de plus en plus nombreux, au nombre de 17 est-il précisé, avec quelques coups de percussion, les cuivres dominant alors la situation. Il s'agit sans doute de la partie la plus chahutée du concerto, avec ces sons plaqués sèchement autour du soliste, comme autant de ponctuations autoritaires. Celles-ci je les avais déjà adorées dans le second mouvement du concerto pour violon. Lorsque la musique accélère encore au rythme d'un xylophone, le violoncelle enfin déchaîné. La réponse des vents et des percussions dans un registre atonal, que j'ai pensé "sériel", offre un maximum de tension et d'éclat à un concerto qui finit inévitablement par se calmer. C'est dans une placidité de dernière partie qu'entre en scène l'harmonium. J'adore ce passage, pas nécessairement mon passage préféré, mais j'adore le son très sobre de l'harmonium et les réponses laconiques du violoncelle, un moment d'intimité entre ces deux instruments qui parlent directement à mon âme. Portée par le hautbois solo et une faible intervention du soliste, la fin est de plus en plus tranquille, méditative, rêveuse, les quelques murmures d'un temps qui s'écoule et se fond au silence de la nuit. (concerto en un mouvement)
Par Mstislav Rostropovich, Anastassiya Tischenko (harmonium) et les instruments à vent et percussions de l'Orchestre Philharmonique de Leningrad sous la direction de Igor Blazhkov.
La troisième oeuvre que j'ai réécoutée s'intitule Soundtrack to the Motion Picture Suzdal (1964) pour ténor, soprano et orchestre de chambre. Apparemment, si j'ai bien compris, il s'agirait à la base d'une collaboration entre Boris Tischenko et le Réalisateur soviétique Solomon Abramovich Shuster  (1934-1995) à l'occasion d'un film de 1964 sur la ville Suzdal. S'écrivant aussi Souzdal, il s'agit de l'une des plus anciennes villes russes. Au XIIe siècle, elle devint la capitale de la principauté , tandis que Moscou n'était qu'une de ses colonies subordonnées. Actuellement, Souzdal est la plus petite des villes russes de l'Anneau d'Or avec une population d'environ 10 000 habitants, mais elle compte plus de 40 monuments historiquement importants et 200 sites architecturaux. Plusieurs d'entre eux sont répertoriés comme sites du patrimoine mondial de l'UNESCO. La pièce de douze minutes qui est présentée sur le disque est une musique très dépouillée et minimaliste. Peu d'effets de l'orchestre de chambre, c'est un piano qui se fait surtout remarquer avec les voix du ténor et de la soprano. J'aime bien justement le caractère dépouillé de cette composition que je trouve très poétique.
Anatoly Manukhov (ténor)
Valentina Kozyreva (soprano)
"Kirov Opera Chamber Orchestra" sous la direction d'Igor Blazhkov.