La vie musicale dans les camps de concentration

Tangos, sonates ou symphonies: Francesco Lotoro, un Italien juif, a entrepris de retrouver toutes les musiques écrites dans les camps de la Deuxième guerre mondiale, mettant au jour un héritage musical à la richesse insoupçonnée.

Une "mission" qu'il espère terminer en 2012 après l'enregistrement de 32 disques.

"J'ai commencé en 1991, c'était beaucoup plus difficile qu'aujourd'hui, il n'y avait pas internet. Au début, j'ai beaucoup voyagé: Terezin (République tchèque), Vienne, Jérusalem", raconte Francesco (44 ans) dans sa maison de la zone industrielle de Barletta (sud) où son piano ne risque pas de déranger les voisins.

Dans un magasin de musique de Prague, il rencontre la soeur du compositeur Gideon Klein, emprisonné au camp nazi de Terezin (Theresienstadt). Eliska lui confie le texte d'une sonate composée par son frère.

"J'ai commencé à l'étudier, il y avait beaucoup d'erreurs. Je l'ai corrigée, enregistrée puis envoyée à Eliska. Elle était ravie. C'était une oeuvre très difficile", se souvient cet élève du célèbre pianiste italien Aldo Ciccolini.

A Terezin, les musiciens avaient droit à une demi-heure de piano maximum par jour, ce qui pourrait expliquer la technicité de certaines pièces.

"Le piano perdait de sa réalité. Le musicien composait dans sa tête et les limites physiques de l'instrument n'existaient plus. Ces oeuvres sont empreintes d'une respiration particulière", estime Francesco, barbe noire et petites lunettes rondes.

A ce jour, il a retrouvé 4.000 morceaux, guidé par un seul critère: une création située entre mars 1933, date de l'ouverture du camp de Dachau peu après le vote des pleins pouvoirs à Hitler, et 1945, fin de la Seconde guerre mondiale.

"Permettre aux musiciens de continuer à travailler était aussi un moyen de mieux les contrôler. Dans le camp d'Auschwitz, il y avait sept orchestres. Quand j'ai commencé, je pensais retrouver tout au plus quelques centaines d'oeuvres".

Des milliers de documents sont aujourd'hui soigneusement archivés dans son bureau de Barletta comme cette photocopie d'une oeuvre en cinq actes du Tchèque Rudolf Karel, un élève de Dvorak, écrite sur du papier hygiénique ou ces paroles d'une ritournelle de Gideon Klein - "Quand nous serons libres, nous irons en Afrique" - conservée au kibboutz de Givat Haim Ichud (nord de Tel-Aviv).

"Je recueille toutes les musiques, écrites en Europe mais aussi en Asie: chants religieux juifs, des pasteurs Quakers hollandais, chansons tziganes ou d'un colonel américain, Edmund Lilly, détenu dans un camp philippin, ballades de soldats italiens prisonniers des Alliés".

"Je respecte toutes les musiques. Je refuse de choisir entre les bonnes ou les mauvaises. Ecrites dans les camps, elles n'étaient pas forcément tristes. Elles parlaient de la foi, la famille, la patrie", relève le musicien, professeur au conservatoire régional.

C'est en solitaire et pratiquement sans aide financière qu'il accomplit ce qu'il considère comme "un devoir", "une course contre la montre".

Sous contrat avec les éditions Musikstrasse, Francesco Lotoro a entrepris l'enregistrement d'une "Encyclopédie discographique de la littérature musicale concentrationnaire" composée de 32 disques dont six sont déjà commercialisés sous le label KZ Musik.

"Je voudrais avoir terminé en 2012. Réunir les musiciens, les choeurs, cela coûte cher. J'espère un jour trouver un Rockefeller. Tout doit être enregistré et vite. Plus de 60 ans ont passé et des musiques sont définitivement perdues", conclut le pianiste d'un air un peu las.

Espérons qu'il va réussir la lourde tâche qu'il s'est imposée

Oui, je trouve que c'est un belle initiative. C'est vrai qu'on ne parle pas assez de cette "originalité" de l'Histoire, à savoir que les camps de concentration avaient des orchestres et organisaient des concerts, etc...

Merci pour cette information, j'espère aussi de tout coeur que ce musicien pourra aller au bout d'une si belle initiative.
Personnellement, j'ignorais tout à fait qu'il existait des orchestres dans les camps nazis !

Voilà 2 liens intéressants sur le sujet:

http://pagesperso-orange.fr/d-d.natanson/musique.htm

http://claudet.club.fr/GhettosCamps/MusiqueGhettosCamps.html

Je recherche un maximum de témoignages, de livres, etc...sur ce sujet. Si vous avez des sources intéressantes, merci de me les communiquer.

Plusieurs compositeurs sont morts dans des camps, en premier lieu Erwin Schulhoff, mais aussi Viktor Ullmann, Gideon Klein...

La documentation sur Terezin est très bien fournie. Il y a des livres, aussi des cd's. C'est d'ailleurs là que les allemands concentraient les musiciens, surtout tchèques, slovaques et polonais. Ils bénéficiaient d'un régime relativement tolérand, par exemple pour l'achat ou l'apport d'instruments, ou l'approvisionnement en papier à portées musicales.

[quote="felyrops"]La documentation sur Terezin est très bien fournie. /quote]

Et où peut on trouver cela stp?

très intéressant.

Vous abordez là un sujet douloureux et passionnant. Il y a une petite vingtaine d'années France Musique a consacré tout un samedi matin à la musique écrite dans les camps de concentration, notamment de Terezin. C'était une musique déchirante et boulversante. Il faut savoir que Terezin était un camp réservé aux musiciens juifs où ils restaient entre 4 et 6 mois avant d'être envoyés à Auschwitz pour extermination. Le traitement qui leur était infligé était terrible. Ils étaient là pour faire de la musique certes mais beaucoup d'entre eux mouraient de maltraitance, l'humiliation était quotidienne et bien souvent leurs instruments détruits sous leurs yeux par simple caprice des kapos. La barbarie nazie sévissait là comme dans les autres camps. Il doit être possible de trouver des livres sur le camp de Terezin. Il faudrait voir au Musée de la Shoah, rue Geoffroy l'Asnier à Paris dont la librairie est assez bien fournie, sinon se rendre dans le Marais à la librairie rue des Ecouffes par exemple ou voir sur Internet. Je me souviens d'avoir lu un chapitre sur ce sujet dans le livre "Maestro" dont j'ai oublié le nom de l'auteur.

Merci pour ces précisions, je vais faire des recherches.

Voilà, moi aussi j'ai fait des recherches: en cd's j'en ai 5 produits par la firme hollandaise Channel Classics Amsterdam, qui ont produit:
- Hans Krasa "Brundibar", merveilleux opéra, 1993
- Chamber Music, Gideon Klein, 1991
- Composers from Theresienstadt,
- Idem, "Songs", Pavel Haas, 1991,
- idem, "1941-1945", quatuors de Hans Krasa, 1992,

Il reste un important cd d'Anne Sofie von Otter, que Snoopy connait certainement, édité par DGG, 2007.

Pour les livres (tous en néerlandais) il faudrait demander aux éditeurs s'il existe des traductions:
-"Muziek in Theresienstadt" par Joza Karas, Katwijk, Panta Rei, 1995.
-"Terezin", Jozef Bor, Amsterdam, Wereldbibliotheek, 2006.
-"Theresienstadt, modelkamp van de nazi's", par George E. Berkley, Baarn, De Kern, 1995.

A notre rencontre j'apporterai ce que tu veux

C'est trés intéressant. J'ignorais qu'il y avait tant de matériel sur ce sujet. Merci beaucoup pour les références, je vais voir si on peut trouver ici en France. Mon petit frére travaillant à la FNAC cela ne devrait pas poser trop de problémes pour trouver tout cela si les produits sont encore disponibles bien sûr.

Merci beaucoup Felyrops

D'après mes recherches le livre de Joza Karas n'a jamais été traduit en français Même problème pour George E. Berkley.

Par contre on trouve une version française du livre de Jozef Bor, "le requiem de Terezin" traduit du tchèque par Zdenka et Raymond Datheil aux éditions du sonneur. Je pense donc que je vais commencer par celui ci. ( 15 euros le bouquin de 124 pages ca fait cher quand meme... )



Pour info...

Personnalités y ayant vécu ou transité

Heinz Alt, compositeur allemand
Karel Ančerl, chef d'orchestre tchéco-canadien)
Robert Dauber, compositeur et violoncelliste
Pavel Haas, compositeur tchèque
Hans Krása, compositeur tchéco-allemand
Viktor Ullmann, pianiste et compositeur tchèque

Personnalités y étant décédées

Elkan Bauer, compositeur autrichien
Rudolf Karel, compositeur tchèque
Gideon Klein, compositeur et pianiste tchèque

J'ai acheté "le requiem de Terezin" aujourd'hui. On va voir ce que ça donne...

Je ne savais pas qu'il y avait des orchestres dans les camps de concentration, ni qu'ils avaient le droit de faire ou de composer de la musique.. Ça m'intéresse vraiment.

Snoopy, as-tu commencé à lire "Le requiem de Terezin" ? Est-ce qu'il vaut la peine d'être acheté?

Permets-moi de t'apprendre Lidesle quelques petites choses sur les camps de concentration. Les allemands étant très férus de musique classique et comme tu dois le savoir la musique tenant une place très importante dans la culture des familles juives, ce qui explique le nombre impressionnant de solistes reconnus dans le monde entier, il a été décidé par les plus hautes sphères nazies qu'un camp de concentration serait exclusivement réservé aux musiciens juifs qui, lorsqu'ils étaient arrêtés, étaient envoyés à Terezin, avec leurs familles dans le mesure du possible, pour satisfaire l'oreille musicale de leurs bourreaux. Beaucoup d'oeuvres musicales créees pendant leur internement ont pu être récupérées comme cela a été indiqué précèdemment. Des orchestres étaient formés pour donner des concerts quotidiens. Quand des musiciens mouraient de mort naturelle dûe aux mauvais traitements ou étaient envoyés à Auschwitz pour extermination, d'autres arrivants les remplaçaient. Il n'y avait jamais pénurie de musiciens. Par ailleurs dans tous les camps de concentration il y avait des orchestres qui jouaient au moment où les prisonniers descendaient des trains que ce soit à Auschwitz, Maïdanek, Treblinka, Buchenwald etc....L'orchestre jouait également lorsqu'il y avait des pendaisons ou des mises à mort beaucoup plus cruelles. Tous les prisonniers du camp devaient assister à la mise à mort quelle que soit la température extérieure et là encore l'orchestre jouait pour accompagner ce moment redouté de tous. Il y a un livre de référence qui est enseigné dans les établissements scolaires et que tu pourrais lire si tu veux en savoir plus, c'est celui de Primo Lévi "Si c'est un homme". Ce livre te dévoilera tout le mécanisme du nazisme dans les camps de concentration. Mais avant de te plonger dedans il faut être sûr que tu soies prêt à affronter l'horreur des camps.

Merci pour votre message, Andante, pensez-vous que je trouverai ce livre en Belgique?

C'est évident que vous devez trouvrer ce livre en Belgique. Il y a bien longtemps qu'il est paru dans la collection de "Poche". Sinon, vous pouvez l'acheter via Internet. Je me permets d'ajouter que pour l'adulte que vous êtes, la lecture d'un tel livre ne devrait pas poser de problème sur le plan émotionnel j'entends. Primo Levi a écrit ce livre sans état d'âme, c'est d'une froideur toute chirurgicale contrairement au livre de Samuel Pisar "le sang de l'espoir" ou encore celui d'Elie Wiesel "La nuit". J'ai mis Lidelse en garde en raison de son jeune âge.

J'ai lu le témoignage d'une violoniste allemande, rescapée de Auschwitz, qui a joué dans "l'orchestre" que dirigeait Alma Rosé dans le camp. Alma Rosé, déportée à Auschwitz était la fille d'Arnold Rosé createur du célébre quatuor Rosé et la nièce (je crois) de Gustav Mahler... Alma Rosé est morte durant sa dépaortation en 1944...Elle a pu sauver quelques déportés qui jouaient, même très mal!, d'un instrument en les incorporant à son orchestre...
Témoignage bouleversant de cette violoniste dont j'ai oublié et le nom et le titre de son livre
Cette "utilisation" des musiciens a pu en sauver un certain nombre...mais laisse aussi un goût au combien amer, de l'utilisation de Mozart, Schubert , Beethoven et bien d'autres , dans ces circonstances.

NB on trouve plusieurs sites parlant d'Alma Rosé comme celui_ci:
http://video.mytaratata.com/video/iLyROoafY86o.html

Merci Jean.

Lidelse a écrit:

Snoopy, as-tu commencé à lire "Le requiem de Terezin" ? Est-ce qu'il vaut la peine d'être acheté?

C'est intéressant mais assez mal écrit à vrai dire. Il faut donc faire abstraction de cela pour se concentrer sur l'aspect "documentaire" du réçit.

Il existe une version poche à 5 euros: http://recherche.fnac.com/search/quick.do?text=requiem+de+terezin&category=book&SID=0ee6e8df-a9fd-efec-cfeb-c441df8def32&UID=035bb7793-ed7f-622b-be0b-8b91bc1e7085&Origin=fnac_google_home&TTL=090720092231&OrderInSession=1&bl=HGACrera&submitbtn=Ok

Il serait de bon ton de souligner ici le rôle d'Albert Einstein http://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Einstein, il a aidé plusieurs musiciens juifs à fuir l'Allemagne avant qu'il ne soit trop tard. J'ai une lettre de recommandation de lui pour un violoniste juif allemand, adressée au ministre belge de la culture (Destrée) alors qu'il résidait quelques mois à la côte belge (Le Coq - De Haan), avant de regagner les Etats-Unis via l'Angleterre.

Bon, j'ai lu Le requiem de Terezin. Un peu decu a vrai dire, je m attendais a plus d'explications, de temoignages, etc...