J'aime beaucoup les valseuses
Laurent Korcia, électron libre
RENCONTRE MARTINE D. MERGEAY
Mis en ligne le 19/10/2007
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Le violoniste français est en concert dimanche au Conservatoire. Exceptionnellement,le programme est "classique". Rencontre.
D.R.
Les milieux musicaux français le connaissent depuis son adolescence mais la notoriété internationale est survenue il y a quelques années seulement avec un disque atypique et flamboyant, intitulé : "Danses". Les commentaires - qui étaient tout sauf musicologiques - étaient signés Bertrand Blier et Hubert Nyssen, on retrouvait parmi les interprètes Jean-Efflam Bavouzet, Michel Portal, Leonardo Sanchez, Julie Depardieu, et, parmi les compositeurs, Albéniz, Brahms, Grapelli ou Piazzolla. Autrement dit : croisements en tous genres, dont l'écoute révèle comme fil conducteur, outre les choix éclectiques du violoniste, le plaisir - annoncé - de la danse.
Laurent Korcia a sorti d'autres CD (Naïve) tout aussi marginaux et tout aussi bien reçus, dont les "Jeux croisés" (cf. critique dans LLC le 26/9/07), il fut invité récemment à Liège pour donner un double de Brahms assez décalé (cf. critique dans LLB le 24/9/07), il revient ce dimanche à Bruxelles, à l'invitation de Bozar Music, pour un concert de sonates, avec l'excellent pianiste Michael Wendeberg. Nous l'avons rencontré.
Dégaine féline, regard sombre, verbe fluide, le violoniste, d'abord sur la réserve, ne tardera pas à se détendre. Le début des échanges roule sur ces fameux "Jeux croisés", mêlant les artistes et les genres, avec le violon de Korcia comme fil conducteur : "Dans un monde musical assez replié sur lui-même, j'ai toujours envie de proposer des nouvelles formules, en comptant que le temps fera le tri. Et même si ce n'était pas le but, je suis ravi que les gens arrivent à la musique en se disant que "c'est aussi pour eux" que mes disques proposent une musique dans laquelle chacun se retrouve. Je crois que l'interprète a une grande part - donc une responsabilité - dans la façon dont le public reçoit la musique, c'est une question de conviction, d'engagement, de sincérité, c'est ça qui touche les auditeurs. Quelque chose de sublime mal joué est inécoutable; par contre, Elvis Presley chantant n'importe quoi, ça peut être fabuleux !"
L'huître et la perle
Laurent Korcia est natif de Draguignan, rien ne le prédestinait à la musique, ni au violon sauf que, dès l'enfance, il était fasciné par le son de l'instrument, qu'il découvrit à travers des interprètes de légende : "Kreisler, Thibaut, Grumiaux, Menuhin, c'est tout un univers sonore et émotionnel qui m'a happé, qui m'a fait développer une vision particulière du monde, et m'a fait aimer la musique."
La chance du jeune Laurent fut sa rencontre avec Charles Jano, son professeur au Conservatoire de région de Draguignan. "En fait, Charles Jano avait fait toute sa carrière comme ostréiculteur à Royan mais il avait un diplôme de violoniste, oublié depuis quarante ans, et comme il manquait de professeurs au Conservatoire, ça a pu faire l'affaire. Ce fut ma chance, il m'a donné cours trois après-midi par semaine, j'étais violoniste, je le savais et il m'a fait confiance. A 12 ans, je me suis inscrit au Conservatoire de Paris, à 15 ans, je me débrouillais seul."
Etre l'enfant surdoué tombant de nulle part implique une grande force de caractère "et surtout beaucoup de travail, pour acquérir - et entretenir - cette fluidité qui vous empêche de retomber vers le bas. Vingt ans plus tard, la liberté est encore l'état que je recherche par-dessus tout et c'est sans doute en jouant, que, parfois, enfin, je me sens libre...".
C'est pourtant dans un programme très "classique" que Laurent Korcia se présente ce dimanche au Conservatoire de Bruxelles, avec son ami Michael Wendeberg au piano : "La 3e sonate de Schumann est une oeuvre magnifique et complexe, une sorte de labyrinthe obsessionnel avec pourtant un troisième mouvement quasi schubertien. Il y aura aussi la sonate de Debussy, celle de Janacek, des pièces de Achron, Bartók et Bloch et, pour finir en beauté, la Polonaise n°1 de Wieniawski !" (cette dernière déjà présente dans le CD "Danses").
Bruxelles, Conservatoire, le dimanche 21 octobre à 20 heures.
© La Libre Belgique 2007