Timbre noble et d'airan, voix héroïque qui chanta Chorèbe dans Les Troyens de Berlioz, Don Giovanni de Mozart, Rodrigue dans Don Carlo de Verdi, Eugène Onéguine de Tchaïkovski, Ludovic Tézier (lauréat du concours Operalia 1998), se prépare pour revêtir le tempérament non moins passionné et intérieur de Werther, dans la version pour baryton que composa Massenet (Bruxelles, La Monnaie. Du 4 au 22 décembre 2007). Les ouvertures de Wagner, puis la découverte éblouie du Mephistophélès de Boris Christoff (Faust) l'ont convaincu de poursuivre son intérêt pour la musique et surtout pour le chant. Le chanteur marseillais s'enthousiasme pour Parsifal, s'entête toujours à élever sa voix, la rendre claire et articulée. Le baryton stabilise sa voix et parfait sa technique auprès de son professeur Claudine Duprat, puis de Michel Sénéchal au sein du Centre de Formation Lyrique.
Après une première saison éprouvante à Lucerne (Don Giovanni), Ludovic Tézier chante à l'Opéra de Lyon, alors dirigé par Jean-Pierre Brossmann. Le chanteur qui aime se confronter à l'ambiguïté et la profondeur psychologique d'un personnage - comme son approche intuitive, sanguine, et presque animale d'Onéguine, ivre de nostalgie et de remords l'a démontré, a à nouveau convaincu en étant Renato du Bal Masqué de Verdi, sur la scène de l'Opéra Bastille (juin et juillet 2007, sous la baguette de Semyon Bychkov). Une autre scène lui est désormais familière, celle de la Scala de Milan où il a chanté Onéguine, et aussi, Enrico... aux côtés de Natalie Dessay dans Lucie de Lammermoor (version française) de Donizetti.
Aujourd'hui, essentiellement inspiré et porté par les compositeurs romantiques (Beethoven, Verdi, Wagner...), l'interprète frappe et saisit par son articulation dramatique, un style qui mêlant musicalité et intelligibilité, renforce le relief des personnages choisis. Et demain, le wagnérien de la première heure, qui restait stupéfait lors de sa première écoute de Parsifal, aimerait tant chanter Wotan... et plus réalistement, Amfortas.
Dans ce court portrait, Mezzo dévoile la personnalité discrète et attachante du baryton français le plus prometteur de la scène lyrique. C'est un homme tranquille et réfléchi qui aime passionnément - de façon déraisonnée- la conduite en voiture (parce qu'il s'agit toujours de tracer une trajectoire qui pointe directement son objectif), un artiste intense et direct dont l'activité et le souci recherchent le dévoilement des personnages abordés. Si Ludovic Tézier, également photographe, se voyait ténor, il embrase littéralement les planches, comme dans Manon Lescaut de Puccini, ici filmé au Liceu de Barcelone. La caméra accompagne le chanteur dans sa loge, pendant la séance de maquillage, au cours des actes... réflexions sur le métier de chanteur lyrique.
Le baryton marseillais défend ardemment l'aristocratie de son art que l'on ne doit pas confondre avec le chant sonorisé. Aucun doute, l'inteprète a la fierté et même l'orgueil de sa fonction. En plus des représentations barcelonaises, le documentaire intercale plusieurs extraits d'un récital symphonique de mélodies françaises, enregistré à Saint-Etienne, où le chanteur interprète l'Invitation au voyage de Duparc, Scintille diamant de Jacques Offenbach, Chanson de la mort de Don Quichotte (Jacques Ibert), le grand air d'Athanaël de Thaïs de Jules Massenet... et aussi les chansons de Don Quichotte à Dulcinée de Maurice Ravel... Incontournable.
par Elvire James
Sur Mezzo, le 8 octobre 2007 à 21h45