par Lucas Irom
Peut-on avec raison parler de "musique romaine", quand la musique grecque semble supplanter dans le goût et la pratique des romains, toute autre musique? A défaut de sources écrites qui nous privent a priori de repères précieux pour "reconstituer" et "entendre" la musique de l'époque romaine, il y eut bien un goût et une culture musicale à Rome et dans les provinces de l'Empire.
13 chapitres et un glossaire dressent un état des lieux particulièrement exhaustif du fait musical chez les romains (dans la capitale et aux confins de l'Empire, en particulier en Lusitanie romaine).
Les avancées de l'archéologie musicale ne cessent de faire progresser notre connaissance encore trop embryonnaire de l'esthétique musicale et de l'interprétation des romains anciens. Pourtant, les conclusions du dossier apportent la preuve qu'il existait une organisation spécifique de la musique, dans l'armée, sur les champs de bataille; à la ville, au cours des concours, des célébrations, pendant les spectacles et les rites sacrés, au sein des collèges professionnels...
Les néophytes seront comblés: aenatores, aulète, aulos, citharède, ... tibiae et tibicines... chaque appellation reprend sa signification dans son contexte restitué. Bilan des fouilles récentes, synthèse opérée sur l'apport des fac-similés, interprétations des nombreux documents iconographiques parvenus (sculptures, mosaïques, peintures...), parler des instruments et des traditions musicales en société désigne aussi les lieux de musique et leur acoustique, en ce sens les chapitres sur "le théâtre romain et son acoustique" ou, "la musique romaine à la fin du XIX ème siècle", nous ont particulièrement intéressés.
Au fil des pages se dessinent les prochaines orientations capitales de la recherche appliquée au sujet, en particulier l'étude caractérisant la musique romaine, distinguée des sources et traditions grecques. Car le poids de la tradition héritée du XIX ème siècle perdure et l'on est souvent tenté aujourd'hui encore, de douter d'une quelconque esthétique musicale chez les romains tant les notions de raffinement et d'idéal semblent être davantage propres aux grecs.
L'orgue faisait partie de l'instrumentarium familier des romains: où était-il joué? Quel empereur en était amateur? Quels sont les enseignements d'un spécimen exceptionnellement préservé de flûte de pan, retrouvé en 2004: "la flûte de pan d'Eschenz"? Instruments ordinaires, abondamment retrouvés sur les sites de fouilles, les doubles tibiae romaines ont subi d'importantes innovations techniques à partir du 1er siècle après J.C.. Lesquelles? Les guerres impériales ont été rythmées par le jeu de musiciens professionnels: qui étaient-ils et quels étaient leurs instruments? Les aulètes étaient des virtuoses du chant et des instruments, qui rivalisaient d'ingéniosité lors de concours particulièrement suivis à l'époque impériale. Pour quelles raisons précisément? Comment expliquer le succès continu du citharède à Rome sous l'Empire? Comment reconnaître une lyre d'une "cithara"? Quelle était la fonction du tibicen lors des sacrifices romains? Autant de questions auxquelles les nombreuses contributions diverses, remarquablement illustrées, apportent leurs éclairages convaincants et complémentaires. Lecture incontournable.
Ouvrage collectif. Coordination scientifique: Christophe Vendries, professeur d'Histoire romaine, Université Rennes de II. 80 pages. Visuel de couverture: Apollon en bronze (trésor de Weisseberg, Rhétie, circa 165 après J.-C.).
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