Durant l’Antiquité déjà, les foules applaudissaient pour manifester leur approbation au théâtre ou en politique. Mais pourquoi l’homme fait-il ce geste ?
Il faut l'avouer, c'est tout de même étrange : nous jouons aux otaries en claquant des mains pour manifester notre joie ou notre respect. Pourquoi les gens ont-ils commencé à adopter ce comportement ? Et pourquoi ne pas faire un autre geste, comme siffler ou taper des pieds ?
« Lorsque nous applaudissons un artiste, nous lui tapotons le dos à distance », estime le sociobiologiste américain Desmond Morris. Hypothèse intéressante, mais les chercheurs ne sont pas certains de l'origine exacte des applaudissements. Ce que l'on sait, c'est que ceux-ci sont très anciens, et depuis longtemps ancrés dans les cultures occidentales.
L'homme applaudit depuis (au moins) l'Antiquité
Les bébés le font dès leurs premiers mois, comme si le fait d'applaudir était instinctif. Dans la Bible, on trouve des passages qui témoignent de cette pratique apparemment vieille comme le monde. Le psaume 47 comprend ainsi : « Vous tous, peuple, battez des mains, poussez vers Dieu des cris de joie. »
Comme souvent, tout commence chez les Grecs durant l'Antiquité. Alors que le théâtre se développe et que la politique s'y mêle, les applaudissements deviennent le moyen officiel de mesurer le niveau de satisfaction des foules. Si la pièce est un navet, personne n'applaudit. De même si un homme politique n'est pas aimé.
Dans la Rome antique, la pratique entre définitivement dans les habitudes pendant les représentations théâtrales. À la fin de la pièce de théâtre, l'acteur principal crie « Valete et plaudite ! » (« Au revoir et applaudissements ! »), signalant au public qu'il est temps de faire l'éloge. L'importance de l'applaudimètre – en quelque sorte l'ancêtre du sondage – est bien comprise par les dirigeants romains. Alors qu'il traverse une période d'impopularité, Héraclius, empereur romain d'Orient au VIIe siècle, organise ainsi une rencontre avec un roi barbare en prenant soin d'embaucher des hommes pour l'applaudir lors de la réception. Le but, impressionner et intimider son adversaire.
Un héritage de nos prédécesseurs primates ?
Certains estiment que l'applaudissement est bien plus ancien. Plusieurs hypothèses existent. Selon des chercheurs, l'applaudissement serait un héritage de nos ancêtres primates. « Il est probable que les humains ont hérité de ce comportement d'un prédécesseur primate. […] Quelles situations susciteraient des applaudissements à l'époque pré-homo sapiens ? Peut-être pour signaler la présence physique d'un prédateur ou annoncer un événement pertinent à nos pairs en attirant l'attention sur une menace possible, comme le font les gorilles sauvages de l'Ouest », écrit Alan Crawley, chercheur à l'université de Californie.
Alors que les gorilles tapent sur leurs cuisses et leur buste pour communiquer, nous les humains, supposément plus civilisés, aurions choisi d'applaudir avec nos deux mains. Les applaudissements seraient alors une variante du fait de gifler son propre corps, comme le font beaucoup de primates en état d'excitation. « Certains singes utilisent des gestes audibles, tels qu'applaudir, pour communiquer intentionnellement avec leurs pairs, en particulier lorsque leurs compagnons regardent dans une direction autre que celle souhaitée par l'expéditeur », écrit Alan Crawley. Les applaudissements servent alors à attirer l'attention de ses pairs : un élément utile pour la survie ou l'adaptation d'une espèce.
Un comportement inné ?
Selon ces hypothèses, on applaudit depuis longtemps, mais est-ce inné pour autant ? David Matsumoto, spécialiste des comportements non verbaux, et accessoirement judoka, a observé des athlètes de judo aux Jeux olympiques et paralympiques de 2004, voyants et aveugles de naissance. Le but ? Corroborer l'hypothèse selon laquelle il existe des expressions faciales d'émotions universelles chez tous les êtres humains. Certaines expressions, comme le sourire, semblent en effet innées.
Quid des applaudissements ? Ses observations montrent qu'ils sont identiques chez les voyants et les aveugles. Cependant, ils diffèrent lorsqu'on les observe chez les personnes sourdes ou sourdes-muettes. Ces deux groupes d'individus, pour exprimer leur approbation, n'applaudissent pas mais exécutent un geste silencieux : lever les bras et les mains au-dessus de leur tête et les agiter dans une direction horizontale.
Plus contagieux que le bâillement
Difficile de dire si le fait de taper des mains est purement culturel. Mais une chose est sûre : c'est contagieux. Des chercheurs suédois ont observé que le début et la fin des applaudissements suivent un schéma sigmoïdal (c'est-à-dire plus ou moins en forme de S, comme le montre l'illustration ci-dessous) d'augmentation et de diminution similaire à la propagation d'une infection. Ils suggèrent que cette contagion est probablement la forme la plus rapide du mimétisme social, se propageant plus rapidement que le bâillement, par exemple.
Pourtant, parmi les vagues d'applaudissements qui nous submergent, chacun de nous reste une note distincte dans cette symphonie humaine. C'est ce qu'affirme Alan Crawley en s'appuyant sur de nombreuses études fascinantes. Ces recherches ont révélé que le bruit que nous produisons en applaudissant est aussi unique que nos empreintes digitales. Des algorithmes sophistiqués peuvent même reconnaître l'applaudissement de chaque individu au sein d'un groupe. Étonnant, n'est-ce pas ? Cela mérite bien quelques applaudissements supplémentaires !
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