Pascal GAIGNE (cinéma)

Eléments biographiques:

Pascal Gaigne est né en 1958 à Caen, dans le Calvados (en France), et vit à Saint-Sébastien (Espagne) depuis 1985. Il a étudié auprès de Guy Maneveau à l'Université de Pau (France) et auprès de Bertrand Dubedout au Conservatoire National de Toulouse. 1er prix de composition en 1987. Compositeur aux multiples facettes, travaillant dans différents domaines comme le cinéma, les concerts et la musique de scène. Sa musique de cinéma comprend environ 80 références avec des réalisateurs espagnols de renom tels que Victor Erice (El Sol del membrillo), Daniel Sanchez Arevalo (Azul Oscuro casi negro, Gordos), Iciar Bollain (Flores de otro mundo, Katmandú), Montxo Armendáriz (Silence cassé), Salvador Garcia Ruiz (Mensaka, El otro Barrio, Castillos de Carton), Ramón Salazar (Piedras), Gracia Querejeta (7 tables de billard français), Eduardo Chapero-Jackson (Verbo, Los mundos sutiles), Miguel Angel Jimenez (Chaika ), Jon Garaño & Joxe mari Goenaga (80 Egune, Loreak), et avec d'autres noms internationaux comme le Béninois Omer Oke (Querida Bamako, La causa de Kripan), le réalisateur cubain Pavel Giroud (Omerta), le Français Safy Nebbou (Le cou de la girafe) et du Finlandais Rax Rinnekangas (Journey to Eden, Watermarked, La dernière vie de Lucifer, Theo's House). Sa musique pour le cinéma a remporté plusieurs prix, dont un Pentagramme d'or pour "El otro barrio" au Festival du film de Buenos Aires, un Biznaga d'argent au Festival du film espagnol de Malaga pour 20 Centimetros, la Meilleure bande originale européenne pour "Azul oscuro casi negro", du Festival européen Fédération des Compositeurs (FFACE) et a reçu diverses nominations aux Oscars espagnols (Goya), aux Oscars finlandais (Jussi) et aux Prix de la musique espagnole.

Lasa e Zabala: Justicia - extrait:

Pascal Gaigne est devenu pour moi un des compositeurs de musique de film majeurs de sa génération. Je commence à avoir un bon nombre d'albums et je suis souvent fasciné par leur contenu, certes à différents dégrés comme avec tous les compositeurs que je suis avec plus ou moins d'assiduité. Je l'ai découvert avec sa partition très mélodique et d'un charme candide pour Le cou de la girafe de Safy Nebbou, puis il s'en est suivi différents opus, certains d'entre eux plus fouillés et moins facilement accessibles que Le Cou de la Girafe ou encore Lasa & Zabala avec ce générique passionné et merveilleusement désespéré qui, quelque-part, transpire le fatalisme. La bande originale que j'ai réécoutée aujourd'hui est la dernière musique que j'aurai découvert de lui, même si l'aventure avec Pascal Gaigne va se poursuivre encore et encore, tant je fus encore une fois soufflé par la teneur dramatique et les audaces créatives de cette oeuvre.

La Ermita est le nouveau film de Carlota Pereda ("Cerdita"), un drame surnaturel dans lequel son point de vue particulier parvient à transcender le cinéma de genre en explorant des thèmes tels que l'amour maternel-filial, la mort, les fantômes ou la réconciliation avec nous-mêmes et avec notre entourage. Le film aura sa première mondiale au Festival de Sitges.

La musique de Pascal Gaigne est d'une noirceur d'une franche radicalité, souvent très atmosphérique, invitant choeurs ténébreux, instruments solistes comme par exemple un violoncelle viscéral ou encore un piano parfois exubérant ou esquissant un thème mélodique sous un voile de pudeur, sans vraiment s'affirmer comme telle. La sinuosité et l'obscurité reprend souvent leur domination sur une oeuvre qui s'autorise quelques formidables éclats armée de percussions et d'orchestre. Il y a notamment un morceau avec choeurs et orchestre que je trouve fantastique, qui a d'ailleurs la précieuse qualité d'être suffisamment développé, c'est-à-dire de ne pas être trop court, ce qui arrive trop souvent en musique de film. Voilà en tout cas une bande originale qui, sans faire partie des plus accessibles du compositeur, jouit de belles recherches sonores et de poignants rebondissements.

Castillos de Carton/Le Cou de la Girafe: extraits en concert:

La Ermita:

Synopsis: Emma (Maia Zaitegi) veut apprendre à communiquer avec l'esprit d'une jeune fille piégée dans l'ermitage de sa ville depuis des siècles. Elle tente de convaincre Carol (Belén Rueda), une médium incrédule et fausse, de lui apprendre à dialoguer avec les fantômes. Son aide sera le seul moyen pour elle de rester unie à sa mère après son décès. Si Carol ne la protège pas, la vie d'Emma sera en danger.



C'est la dernière bande originale que j'ai acquise de Pascal Gaigne et je sais qu'il y en aura d'autres! J'ai souvent remarqué que des critiques, lorsqu'ils donnent un avis sur un film, ils englobent tout dans un même sac-poubelle sans le moindre discernement, partant sans doute du principe simplificateur que si le film est raté, la musique l'est fatalement, elle aussi. La Ermita de Pereda Carlota n'échappe pas à ce jugement négatif sans le moindre discernement. En même temps, le critique ne connait la bande-son que dans le contexte filmique et non en dehors. N'ayant pas encore vu ce film, il se peut cependant que mon avis rejoigne le sien, tout comme une mauvaise ou sur-utilisation de la musique peut provoquer des jugements sévères sur celle-ci, comme ça arrive souvent, alors que c'est parfois son emploi qui doit être remis en cause plus que la musique elle-même. Toujours est-il que la bande originale de Pascal Gaigne sur disque, hors contexte, contient des moments fabuleux, oniriques, pourvus de constructions sonores fort bien troussées, sans doute étranges, pas pour toutes oreilles, mais rien qui puisse dérouter un béophile éclairé. Je ne dis pas que chaque instant de l'album est fascinant, c'est une musique de film écrite pour un film horrifique avec des moments moins convenus et plus intéressants que d'autres, et c'est pour ces moments-là précisément que j'aime cette B.O. et dont le point culminant s'intitule Almas Perdidas; les percussions, les voix, la folie en fusion!

vivant et composant uniquement en Espagne, il m'arrive de percevoir Pascal Gaigne, qui a un nom pourtant bien français, comme un compositeur espagnol, comme Alberto Iglesias ou encore feue Bernardo Bonezzi, bien que ce dernier ait un nom italien. Je n'ai encore jamais été franchement déçu par une musique de film de Pascal Gaigne, c'est-à-dire déçu au point de regretter l'achat. Il y a bien sûr, comme chez tous les compositeurs, oeuvrant ou non pour l'image, tous sans exception, des opus qui nous fascinent plus que d'autres, pas toujours pour des raisons de qualités mais aussi parce qu'il y a des styles, des esthétiques qui nous plaisent plus que d'autres, tout simplement. Ayant déjà un nombre suffisant de ses albums, je vais prochainement lui consacrer un cycle entier comme je l'ai récemment effectué pour Alexandre Desplat. Comme pour Alexandre Desplat et Alberto Iglesias, le cycle comprendra des pièces de concert, car Pascal Gaigne est aussi un compositeur entier qui compose en dehors du cinéma et défend d'ailleurs une approche plutôt "moderne" ou disons "très contemporaine" de la musique.

Aujourd'hui, en conclusion de mon cycle ..."Dispensable...indispensable"..., j'ai découvert un de ses tous derniers travaux pour l'image, celle du cinéaste Benito Zambrano pour le film El Salto. Le film traite d'un sujet dramatique hautement d'actualité:

Ibrahim (Moussa Sylla) est un immigré arrivé il y a quelques années en Espagne depuis la Guinée sans papiers. Aujourd'hui, ses racines sont à Madrid, où il vit avec Mariama (Nansu Nsue) et travaille comme maçon. Un jour, la police arrête Ibrahim et il est expulsé vers son pays natal. À partir de ce moment, son seul objectif sera de retourner en Espagne pour retrouver Mariama et une fille à naître.



Comme souvent, Pascal Gaigne n'opte pas pour une approche conventionnelle qui pourrait être, soit une approche classique avec un orchestre plus ou moins important, au service d'une musique plutôt lyrique et sentimentale, soit une approche plus clichée avec une forte coloration ethnique en liaison avec l'origine des principaux protagonistes, ce qui, dans les deux cas, peut aussi offrir une partition de qualité. Gaigne préféra opter pour une approche plus cérébrale et surtout plus atmosphérique, dosant celle-ci de quelques élans mélancoliques, humanisant l'ensemble d'un lyrisme contenu et intimisé par le violoncelle de Boris Boho. Outre une pointe onirique amorcée par quelques apports minimalistes d'électronique, l'oud arabe est l'unique touche réellement exotique de la partition. L'élément qui m'a le plus marqué et fasciné est un emploi intéressant des percussions par Manu Gaigne, celles-ci ayant un rôle récurrent dans cette bande originale qui s'étale sur une cinquantaine de minutes, dont l'éventuelle faiblesse serait de cumuler un peu trop d'échantillons musicaux, ce qui superficialise sa partie centrale. Heureusement, une reprise somptueuse du thème principal, développée sur presque huit minutes, apporte le point culminant, prolongé par le thème du voyage qui termine l'album. Superbe!

Petit détail qui me paraît curieux : la Guinée Espagnole (aujourd'hui Guinée Equatoriale depuis 1968) est à presque 100% de religion chrétienne, par conséquent le prénom arabe Ibrahim semble incongru. Mais je répète : détail insignifiant

joachim a écrit:

Petit détail qui me paraît curieux : la Guinée Espagnole (aujourd'hui Guinée Equatoriale depuis 1968) est à presque 100% de religion chrétienne, par conséquent le prénom arabe Ibrahim semble incongru. Mais je répète : détail insignifiant

J'ai connu, au travail, deux collègues guinéennes et elles étaient de confession musulmane.

Icare a écrit:

joachim a écrit:

Petit détail qui me paraît curieux : la Guinée Espagnole (aujourd'hui Guinée Equatoriale depuis 1968) est à presque 100% de religion chrétienne, par conséquent le prénom arabe Ibrahim semble incongru. Mais je répète : détail insignifiant

J'ai connu, au travail, deux collègues guinéennes et elles étaient de confession musulmane.

Bon on passe en HS, mais faut bien te répondre, car tes collègues étaient certainement de la Guinée : il faut préciser qu'en Afrique il existe 3 Guinées : la Guinée proprement dite (ex Guinée française), la Guinée ex portugaise devenue Guinée Bissau et la Guinée ex espagnole devenue Guinée Equatoriale. Les deux premières sont principalement musulmanes, la troisième est chrétienne, principalement catholique et un peu protestante.
Maintenant, peut-être que l'Ibrahim du film ne vient pas de la Guinée Equatoriale comme je ne supposais, mais d'une des deux autres Guinées ?

Mon mari sait sûrement tout ça, moi alors je n'y connais rien du tout. J'apprends là grâce à Joachim. C'est drôlement compliqué. Dire que ça vient des colonies tout ça.. Quelle période (et je suppose que Portugal, Angleterre et France se faisaient la guerre en plus pour ces bouts de petit pays)..