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 Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)

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Snoopy
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MessageSujet: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2007-02-14, 11:48

Edison Vassiliévitch Denisov (né à Tomsk, alors Union Soviétique, le 6 avril 1929 - mort à Paris le 24 novembre 1996) était un compositeur russe.

Un temps élève de Dmitri Chostakovitch, Denisov, une personnalité exigeante et intransigeante, a développé un langage sévère et riche, teinté de sérialisme, loin de l'éclectisme de son collègue polygraphe Alfred Schnittke.

Il a écrit des concerti pour divers instruments, un Requiem dans la tradition poétique et anticléricale de Frederick Delius et une symphonie, chef d'œuvre intense et d'une noirceur désespérée, expression de la souffrance spirituelle du compositeur anti-totalitaire, où passe le souffle d'Anton Webern (citation de la quatrième des six pièces pour orchestre, opus 6, la « marche funèbre »).
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2007-02-14, 12:14

Je connais encore hyper mal mais j'avais assez bien aimé le peu que j'ai écouté de son "Soleil des Incas".

A noter qu'il a orchestré à merveille un opéra très peu connu de Debussy : "Rodrigue et Chimène" et aussi des mélodies de Moussorgski ("Enfantines" et "Sans soleil") - je ne connais pas ces dernières pour ma part, les CDs sont introuvables bien évidemment.
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2010-11-01, 19:56

EDISON DENISOV fait également partie de mes compositeurs préférés et je connais beaucoup de ses oeuvres. Je viens de réécouter son REQUIEM qui avec son autre chef-d'oeuvre SINFONIE,constituent deux sommets de la musique contemporaine. Ce me serait très douloureux,mais si je devrais n'emmener que deux créations contemporaines de la seconde moitié du XXème siècle sur une île déserte,il se pourrait que je choisisse ces deux-là, tant je les considère parfaites sur tous les points. Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 262336


Dernière édition par Icare le 2020-07-03, 22:28, édité 1 fois
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joachim
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2010-11-01, 20:24

Tu ne seras pas étonné si je te dis que j'ai écouté une quinzaine de ses oeuvres (mais pas ce Requiem), et que je n'ai rien aimé, sauf un petit peu une courte sonate pour flûte et piano.
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2010-11-01, 20:50


Non pas vraiment. Hehe
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2011-04-08, 15:14

Découverte également du Concerto pour hautbois d'un autre de mes compositeurs contemporains préférés,au même titre que John Corigliano; il s'agit de Edison Denisov,une oeuvre que je trouve tout aussi inspirée que celui de l'Américain. Toujours par le soliste Steinar Hannevold (même cd),ce concerto est plutôt "moderne" dans l'écriture,parfaitement en phase avec son temps mais qui,lui aussi,joue à la frontière du romantisme,notamment dans son magnifique troisième mouvement intitulé comme le premier "Tranquillo",amorçant une ligne mélodique et un climat onirique de toute beauté!! En fait,ce Concerto pour Hautbois ne fait que confirmer ma passion pour ce grand compositeur que je place très haut dans ma hiérarchie personnelle.

 Ma joie ne s'est pas arrêtée là car,en sandwich entre le "Corigliano" et le "Denisov",le Concerto pour hautbois et orchestre avec sextuor à cordes obligé de Gisle Kverndokk,compositeur certes beaucoup moins connu,ne démérite pas du tout. J'ai été conquis par le climat de ce concerto auquel le sextuor apporte une touche,un cachet original,un quelque chose de soyeux et savoureux.

 Peut-être mon plus bel achat en musique contemporaine de ces deux derniers mois! I love you  I love you


Dernière édition par Icare le 2020-07-03, 20:50, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2011-12-01, 10:02

Je viens de réécouter son QUINTETTE POUR PIANO ET QUATUOR A CORDES parce que j'en avais réellement envie. Comme souvent, la musique de DENISOV m'obsède, ce qui démontre que je suis vraiment fasciné par ce compositeur. Ce QUINTETTE n'y fait pas exception! Dans les premier et troisième mouvements, c'est un sentiment d'infini et de passion désespérée que je ressens, comme une plainte langoureuse et insistante devant l'Eternel, comme une recherche désespérée de la Lumière. La forme et le mouvement me font penser à un vent intense qui déforme et reforme des couches nuageuses épaisses et denses à travers lesquels des rayons lumineux tentent de se frayer un chemin. Le mouvement médium est davantage une bourrasque de notes cassantes et brutales. Le tourbillon y est fragmenté, déchiré. Le troisième et dernier mouvement, aussi mélodique que le premier, réitère sa plainte passionnée avec cette impression d'infini, mais on dirait que cette fois, l'Eternité a entendu cette voix; le piano s'illumine de notes scintillantes, les cordes s'éclaircissent enfin, se suspendent...une porte semble s'ouvrir à la lumière et la Musique n'est plus désespérée, juste céleste. Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455 Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455

DENISOV est de ces compositeurs contemporains qui m'ont fait réellement aimer le contemporain au même titre que BACH et VIVALDI m'ont fait aimer le Baroque, MOZART, le Classique, BEETHOVEN et SCHUBERT le Romantique et STRAVINSKY, les Modernes. Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 473398
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2011-12-01, 13:33

Avant de m'attaquer à des oeuvres qui me sont totalement inédites, je viens de me repasser son Concerto pour hautbois et orchestre. Dans un discours tout autant passionné, il explore à merveille la voix lumineuse du hautbois. Le second mouvement, comme dans le Quintette avec piano, est le plus tempétueux et aussi le plus court. Le troisième reprend l'esprit "tranquille" du premier mais s'évade par le premier violon, vers quelque chose de très lumineux et onirique à la fois. Saisissant et merveilleux. Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455 Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455 Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455 Le hautbois y est exquis, sorte de guide angélique qui conduit à la Lumière. J'aime aussi l'usage très tempéré des percussions, celle pouvant vaguement évoquer le grondement lointain du tonnerre dans le second mouvement, celle aux sonorités plus cristallines qui ajoute quelques perles de lumière au récit luminescent du hautbois.
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2011-12-01, 17:07

Je viens de découvrir son oeuvre pour clarinette qui se résume en trois opus réunis sur un même cd. On peut approcher ces oeuvres comme un magnifique voyage entre la pénombre et la lumière et dont le paysage sonore se modifie d'une pièce à l'autre, d'abord le piano et les percussions, le quatuor à cordes et enfin l'orchestre symphonique. Dans ce dernier contexte instrumental, le discours de Denisov prend toute sa dimension onirique. Je suis toujours dans cette impression récurrente d'une quête désespérée de la lumière. Alors certes le discours est cérébral, peut-être métaphysique - je ne sais pas - mais fort intelligible et surtout fascinant. J'en suis sorti bouleversé. Je le redis, sa musique est fort intelligible, moderne mais dont les racines sont pourtant bien encrées dans le passé. Elle m'inspire également un sentiment d'éternité comme le meilleur de Schubert, mais je ne saurais en dire plus pour l'instant sur ce précieux sentiment. Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455 Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455 Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2011-12-01, 20:10


Je viens encore de découvrir trois oeuvres de Edison Denisov et j'ai adoré les trois. Sa suite Colin et Chloe tirée de son opéra L'écume des jours m'a beaucoup interpelé, notamment pour avoir incorporé avec aise des éléments de musique populaire et de jazz . J'ai été surpris par la force expressive de cet opéra - l'épilogue est sublime - ce qui m'incite à vouloir le découvrir intégralement. Death is a long sleep - Variations sur un thème de J. Haydn, pour violoncelle et orchestre, est une pièce de musique qui a fini par me mettre la larme à l'oeil, je peux même dire qu'il a transcendé le thème de Haydn avec un jeu irrésistiblement lancinant du violoncelle. Avec le concerto pour violoncelle et orchestre, on est toujours dans cette quête sombre et désespérée de la lumière même si il y a bien plus à dire sur cette oeuvre fascinante, dont la proximité insolite entre le violoncelle et la guitare électrique. Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455 Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455 Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455 De nouvelles écoutes sont toutefois nécessaires pour pouvoir compléter au mieux et le plus poétiquement possible mes premières impressions. Ha! je n'ai pas fini de vous embêter avec mes compositeurs contemporains dont Denisov. Hehe
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2011-12-01, 20:21

Icare a écrit:

Ha! je n'ai pas fini de vous embêter avec mes compositeurs contemporains dont Denisov. Hehe


Pauvres de nous Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 231625

Le concerto pour violoncelle, si c'est l'opus 44, je l'ai écouté, et il ne m'a pas plu

Et encore moins celui pour piano op 46 Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 10321

Ce que j'ai encore préféré chez lui, si on peut dire, c'est sa sonate pour flûte et piano, et aussi, un peu, Signe en blanc op 47 pour piano...
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2011-12-01, 20:32

joachim a écrit:
Icare a écrit:

Ha! je n'ai pas fini de vous embêter avec mes compositeurs contemporains dont Denisov. Hehe


Pauvres de nous Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 231625

Le concerto pour violoncelle, si c'est l'opus 44, je l'ai écouté, et il ne m'a pas plu

Il est pourtant très accessible et magnifique, c'est vrai qu'il est sombre et tourmenté, mais tellement intense et passionné! Certes, ce n'est pas aussi mélodique et enchanteur que Theodorakis mais ce n'est pas non plus du Xenakis ni du Stockhausen! Suspect Pour le concerto pour piano, l'opus 46, je ne suis pas sûr de connaître. Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 1521897346 une lacune à combler dans ce cas. Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 338665
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2013-07-04, 20:39

Je suis dans la découverte de quatre oeuvres de DENISOV qui, jusque là, m'étaient inédites: les Symphonies de chambre N°1 (1982) & 2 (1994), Au plus haut des cieux pour soprano et orchestre de chambre (1987) et Cinq Romances d'Anna Achmatova pour soprano et ensembre (1994). Encore une fois, c'est un grand souffle céleste qui traverse ces oeuvres. Je les ai perçues, lors de cette première écoute, comme un vaste et riche paysage sonore que j'ai juste survolé, appréhendé sur un angle haut et global. J'attends les prochaines écoutes avec impatience, j'attends de mieux apprivoiser un style musical et un sens de l'inouï qui jusqu'ici m'a toujours transporté, voire, dans le meilleur des cas, ébloui.Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 395622

Chamber Symphony n°1

https://www.youtube.com/watch?v=Y-7zLX0Twng


Dernière édition par Icare le 2020-06-30, 23:31, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2013-07-04, 22:46

Chose étonnante, je viens de réécouter ces oeuvres sauf que, cette fois, je n'utiliserais pas les mêmes termes pour exprimer mon ressenti, genre "grand souffle céleste" ou " vaste et riche paysage sonore". Non, j'y ressens comme une formidable lamentation toute en mouvement, sinueuse et passionnée, qui semble se poursuivre d'une oeuvre à l'autre. Ainsi démarre-t-elle dès le premier mouvement de la première symphonie de chambre, qu'elle continue dans Au plus haut des cieux...J'adore plus encore la véhémente seconde symphonie de chambre, sans doute parce que j'aime la manière dont elle est orchestrée avec une omniprésence des instruments à percussion, peut-être aussi parce que j'adore le caractère abrupt et corrosif de son discours.  Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455 Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) 333455
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2014-11-21, 19:34

Five Paganini Caprices pour violon et orchestre à cordes est sans doute l'oeuvre la plus mélodieuse d'Edison Denisov que j'aurai écoutée et même réécoutée en dehors de sa musique de film. Comme son titre le laisse aisément supposer, elle reprend cinq thèmes mélodiques de Paganini pour un nouveau traîtement plein d'élan et de beauté, et porté par un violon solo aussi virtuose que poétique. Je me suis laissé transporter vers le firmament des violonistes. Very Happy  

Stepan Arman: violon

Pour mon Top 13, cette oeuvre à le côté pratique de pouvoir citer deux compositeurs en un. Hehe
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2016-08-11, 19:12

Après des oeuvres d'un style très classique, j'ai eu envie d'une approche plus moderne avec un de mes compositeurs russes préférés: Edison Denisov. J'ai décidé d'écouter...ou plutôt de réécouter... son Concerto Piccolo pour quatre saxophones (joués par un seul exécutant) et six percussionnistes. Il prit forme en 1977 et fut joué pour la première fois à Bordeaux le 28 avril 1979. Il est dit que "le jeu dialectique entre les deux groupes d'instruments à personnalité sonore bien définie, comme les saxos (soprano, alto, ténor, baryton) et la percussion a rappelé à Denisov l'optique de composition propre du Concerto grosso défini au XIIIème siècle par les maîtres du Baroque. D'où le clin d'oeil du titre, avec le remplacement de grosso par piccolo. L'écriture musicale, bien que s'appuyant sur la rigueur du sérialisme, s'ouvre à la fantaisie et au vol libre". C'est exactement ça, surtout qu'à l'écoute je n'ai absolument pas souffert de la rigidité sérielle. Au contraire, il y a une certaine souplesse de ton qui contribue à me rendre ce concerto hautement magnétique.

La Sonate pour saxophone alto et violoncelle date de 1994 et est dédiée à Claude Delangle. J'aime beaucoup cette association pas si courante entre le saxophone et le violoncelle. Dans cette Sonate en trois mouvements, elle fonctionne à merveille. Edison Denisov en a fait le commentaire suivant:

<<Les deux instruments, saxophone et violoncelle, s'assemblent à la perfection, tout en conservant leurs propres spécificités d'écriture propre. Assez virtuose, cette Sonate s'inscrit dans la lignée de la Sonate pour saxophone et piano composée en 1970, et en développe les idées. Elle comporte trois mouvements, le deuxième étant le plus long et le plus développé. Il s'agit d'un long dialogue entre les deux instruments, ils sont traités de façons uniformes et mélodiques, tandis que dans les autres mouvements, ils sont le plus souvent superposés. Le deuxième mouvement introduit souvent des quarts de tons; le troisième, des éléments de jazz.>>

Voilà des oeuvres qui me font vraiment aimer le saxophone.
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2016-08-11, 22:11

Dans ma lancée, j'ai poursuivi avec sa Sonate pour saxophone alto et piano de 1970 puis avec son Quintette pour quatuor de saxophones et piano. J'ai une préférence pour le Quintette, conçu en 1991 et considéré par José Luis Garcia Del Busto comme un chef-d'oeuvre, le fruit manifeste de la maturité d'un grand compositeur. Pour ma part, j'y apprécie beaucoup de raffinement et une certaine douceur parfumée de mystère. Voilà encore un effectif instrumental qui me sied à merveille et duquel Denisov extrait toute la substance poétique d'une telle combinaison sonore. J'approuve!
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2020-06-30, 23:27

Le Concerto pour saxophone alto et orchestre (1986?), Peinture pour orchestre (1970) et la Sonate pour saxophone alto et piano (1970) font partie des premières oeuvres par lesquelles j'ai découvert Edison Denisov. C'était en plein milieu des années 1990, lorsque je cultivais un goût prononcé pour les musiques sombres et tourmentées. Je fus admirablement bien servi avec le Concerto pour saxophone alto, interprété par Claude Delangle et le "BBC National Orchestra of Wales" sous la direction de Tadaaki Otaka, comme si ce compositeur composait spécialement pour moi. Hehe Bon, à cette époque-là, je découvrais et approfondissais aussi son collègue et compatriote Alfred Schnittke et ce dernier, par un caractère souvent brutal, polystyliste et extraverti, m'accaparait davantage. J'ai aussitôt senti chez Edison Denisov une personnalité musicale plus introvertie, cérébrale et posée, même sa musique de film étant bien plus "sage" que celle de Schnittke. Mais ce ne fut pas au point de lui faire de l'ombre. La musique de Denisov m'apporta autre chose et me fascina d'une autre façon. J'avais découvert le concerto pour saxophone alto à peu près dans la même période que celui de Michael Kamen que je trouvais trop mielleux et n'avais d'ailleurs pas conservé. En revanche, celui d'Edison Denisov m'avait séduit d'emblée par la douceur ou plutôt la douce amertume du premier mouvement où deux "Lentos" tiennent en étau un court "Agitato". En fait, c'est tout un climat au sein d'un mouvement sinueux qui finit par créer une impression d'"irréel". C'est ce caractère irréel - que je pourrais également qualifié de lunaire - qui m'est séduisant.

Le second mouvement "Tranquillo" entretient habilement cette impression. L'autre mouvement très intéressant est le "Moderato" final qui se construit de variations sur le thème de l'Impromptu en La bémol majeur de Franz Schubert qui, en réalité, ne sont pas des variations dans le sens traditionnel du terme, mais davantage une musique "autour de Schubert". A savoir que le thème de Schubert disparaît parfois complètement du tissu musical (les cellules mélodiques et le rythme restent) et apparaît de nouveau. Personnellement, ce que je trouve très intéressant et de réellement beau dans ce quatrième mouvement, ce n'est pas le thème mélodique de Schubert qui devient dans la musique de Denisov un simple accessoire, c'est le traitement-même du thème, un traitement très poétique, et plus encore le jeu irrésistible du saxophone qui virevolte et s'entortille autour à la manière d'un continuum. Peinture ne m'a jamais trop enthousiasmé et c'est peut-être la seule oeuvre d'Edison Denisov que j'ai en double. Hehe De la Sonate pour saxophone alto et piano par Claude & Odile Delangle, je retiens surtout, comme toujours, le troisième mouvement et il se pourrait fort que les éléments de jazz, qui se montrent timides dans l'"Allegro" introductif, y soient pour quelque-chose.
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2020-07-02, 17:52

Pris d'engouement pour le triangle russe que je me suis concocté, j'ai poursuivi l'aventure avec trois oeuvres d'Edison Denisov, tout d'abord Colin et Chloe, une superbe suite de son opéra L'écume des jours, sur un livret du compositeur qui a été réalisé d'après une nouvelle de Boris Vian...eh oui, le monde musical est vaste et petit à la fois, "nous" avons parlé de lui il y a peu de temps sur ce forum... Cette suite me donne d'ailleurs très envie de connaître l'opéra de Denisov en entier, car comme pour Alfred Schnittke, c'est leur incursion dans l'opéra qui manque à mes connaissances. Voilà en tout cas, pour me mettre en appétit, une suite tonale, lyrique, éclectique et très bien interprétée par la soprano Nelli Lee, la mezzo-soprano Nina Terrentieva, le ténor Nikolai Dumtsev, "The Latvian SSR Academic Chorus" et "The URSS Ministry of Culture Symphony Orchestra" sous la direction de Vasili Sinaisky. A propos de cet opéra, Edison Denisov écrivit en épigraphe: <<Ce qui m'intéresse, ce n'est pas le bien-être de tous les hommes, mais celui de chacun d'eux.>> Si les extraits les plus lyriques me plaisent beaucoup, j'aime aussi celui qui offre un contraste jazzy, peu importe qu'il puisse paraître plus impersonnel dans l'absolu et se rapprocher de l'exercice de style, je le trouve intéressant, je l'identifie à Boris Vian. Puis il y a ces moments qui m'ont paru presque religieux vers la fin: très beaux.

Ensuite, puisque c'est couplé sur un même album, J'ai réécouté Death is a long sleep - Variations on a theme by J. Haydn ("Tod ist ein langer Schlaf" - Hob XXVII b n°21) pour violoncelle et orchestre de chambre, par Ivan Monighetti, "The Moscow Chamber Orchestra", sous la direction de Pavel Kogan et le Concerto pour violoncelle et orchestre par Carine Georgian, "The Moscow Philharmonic Symphony Orchestra", sous la direction de Dmitri Kitaenko. Le premier opus commence de manière très sombre et sinueuse - la sinuosité étant l'une des caractéristiques du style de Denisov. Elle illustre parfaitement son titre; La mort est un long sommeil. J'y entend comme un chant plaintif qui monte progressivement en intensité. Il y a un moment - ce que je désigne souvent comme "point culminant" - qui m'emporte de toute sa puissance lyrique, un moment où la mélodie se dessine plus nettement, par-dessus un violoncelle tourbillonnant, obsessionnel, ce qui me renvoie directement au troisième mouvement du Concerto pour saxophone, où, dans un même système de "variations" mais cette fois autour d'un Impromptu de Schubert, il fait tourbillonner le soliste: l'effet est irrésistible, rendant à mon oreille le thème de Haydn purement accessoire. Il y a aussi cette idée de terminer l'oeuvre avec douceur, délicatesse, peut-être une volonté qu'elle s'achève par un soupir et même un murmure, sur la pointe de quelques notes. J'ai souvent préféré ce genre de terminaison aux grands fracas cuivreux qui veulent à tout prix en mettre plein les esgourdes avant le coup de tonnerre final, espérant peut-être en contrepartie un tonnerre d'applaudissements de la part du public. Hehe Il en ira de même avec le Concerto pour violoncelle qui s'achève de la même manière, en douceur... Le style est également cérébral et sinueux, et l'oeuvre offre au soliste de superbes moments de solitude et d'errance. Mais, ce qui me captive en priorité dans ce concerto, ce sont les orchestrations qui gravitent autour du violoncelle: il comprend le saxophone, la guitare électrique et un émouvant cor anglais (ou hautbois?) qui illumine surtout la dernière partie du concerto. La combinaison entre la guitare électrique et le violoncelle offre un aspect original et accueillant au concerto. Petite précision toutefois: la guitare électrique n'intervient pas dès le début ni de manière clinquante, et on peut même ne pas la remarquer dans une écoute distraite. Elle se glisse parmi les autres éléments sonores de l'orchestre, tels que le saxophone, le cor et les sonorités métalliques ou cristallines d'un certain type de percussions.
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2020-07-03, 23:07

Icare a écrit:
Je suis dans la découverte de quatre oeuvres de DENISOV qui, jusque là, m'étaient inédites: les Symphonies de chambre N°1 (1982) & 2 (1994), Au plus haut des cieux pour soprano et orchestre de chambre (1987) et Cinq Romances d'Anna Achmatova pour soprano et ensembre (1994). Encore une fois, c'est un grand souffle céleste qui traverse ces oeuvres. Je les ai perçues, lors de cette première écoute, comme un vaste et riche paysage sonore que j'ai juste survolé, appréhendé sur un angle haut et global. J'attends les prochaines écoutes avec impatience, j'attends de mieux apprivoiser un style musical et un sens de l'inouï qui jusqu'ici m'a toujours transporté, voire, dans le meilleur des cas, ébloui.

https://www.youtube.com/watch?v=qK_v7NcB56w


Je viens de réécouter les oeuvres mentionnées dans la citation ci-dessus et je suis toujours à l'affût de ces instants qui me figent émotionnellement et auxquels je finis toujours par accorder un intérêt quasi-exclusif. Ils deviennent des images sonores qui s'impriment dans mon esprit pour un long moment. Sur cet album qui réunit quatre oeuvres d'Edison Denisov, il y en a en réalité plusieurs, mais, ce soir, il se trouve que mon esprit s'est focalisé sur un duo entre la soprano Brigitte Peyré et le hautbois de François Salès. L'extrait qui fut donc, ce soir, le plus magique à mon oreille porte un titre: "Torche éteinte", et il appartient au cycle vocal pour soprano et orchestre de chambre Au plus haut des cieux (1987). J'aurais pu davantage focaliser sur un des passages jouissifs et plus complexes de l'une des deux Symphonies de Chambre, notamment la seconde qui est de la roche en fusion, mais ce fut sur un rapport très pur et détaché entre le hautbois qui démarre le thème et la voix de soprano. Débarrassés de toutes fioritures, nus dans l'étreinte immobile qui les fige dans une beauté brute, presque froide, le duo s'interrompra brusquement... La "Torche éteinte", cette solitude à deux, ce duo lunaire, est pourtant celle qui a allumé une flamme dans mon coeur. Cette fois, je ne vais pas m'attarder sur les deux Symphonies de chambre, malgré la fascination qu'elles me procurent, ni sur Cinq Romances d'Anna Akhmatova pour soprano (Brigitte Peyré) et ensemble (1994), dans un langage plus traditionnel et arrondi, qui en réalité ont été composées initialement pour voix et piano par Ekaterina Kouprovskaia-Denisova, l'épouse d'Edison Denisov, et orchestrées dans sa version pour voix et ensemble instrumental par celui-ci.
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2020-07-03, 23:25

Je trouve aussi qu'il y a quelque chose d'émouvant à écouter ce dialogue entre  la voix et le hautbois, cette torche éteinte

ne me laisse pas indifférente mais plutôt angoissée...
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2020-07-04, 18:25

J'ai précédemment écrit: <<Le Concerto pour saxophone alto et orchestre (1986?), Peinture pour orchestre (1970) et la Sonate pour saxophone alto et piano (1970) font partie des premières oeuvres par lesquelles j'ai découvert Edison Denisov. C'était en plein milieu des années 1990, lorsque je cultivais un goût prononcé pour les musiques sombres et tourmentées. Je fus admirablement bien servi avec le Concerto pour saxophone alto, interprété par Claude Delangle et le "BBC National Orchestra of Wales" sous la direction de Tadaaki Otaka, comme si ce compositeur composait spécialement pour moi.>>

Je pense que ce fut encore plus vrai avec les trois oeuvres d'Edison Denisov que j'ai réécoutées cet après-midi, le Concerto pour deux altos, clavecin et orchestre à cordes (1984), la Musique de chambre pour alto, clavecin et orchestre à cordes (1982) et les Variations sur le thème du choral de Bach "Es ist genug" (1984-1986) pour alto solo, flûte, hautbois, célesta, 2 violons, alto, violoncelle et contrebasse. Cette musique me fut carrément idéal, une révélation qui me conduisit à me saisir de tout l'univers de ce compositeur, plus encore que le Concerto pour saxophone que j'avais du découvrir quelques temps après: une musique idéale parce que sombre et désespérée, tourmentée et sinueuse, mélodique mais plutôt lancinante et introvertie. Puis, pour ces deux oeuvres, Edison Denisov a choisi l'alto, voire deux altos solos pour le concerto et c'est tant mieux car il m'arrive parfois - pas toujours - de préférer la sonorité del'alto à celle du violon. Puis, que ce soit dans le double concerto ou dans la Musique de Chambre, il y a une autre sonorité qui a souvent le don de m'aimanter, sans aucun doute un éternel attachement pour la musique baroque, c'est celle du  clavecin sous les doigts d'Annelie de Man. Il n'a pas exactement le rôle de troisième ou de deuxième soliste, plutôt une sonorité intermédiaire entre les solistes et l'orchestre à cordes, une touche faussement archaïque de séduction instantanée. Les Variations sur le thème du choral de Bach "Es ist genug", bien qu'il s'agisse cette fois de mon compositeur classique de chevet, ne m'ont pas autant séduit que celles sur l'Impromptu en La bémol majeur de Franz Schubert qui illuminent le troisième mouvement du Concerto pour saxophone alto ni autant que celles sur Tod ist ein langer Schlaf de Joseph Haydn dans Death is a long sleep.

Il y a en conclusion de cet album une courte pièce pour orchestre que je n'ai pas encore mentionnée; Epitaph (1983). J'y suis très attaché, aussi bien pour des raisons musicales que politiques.

<<L'Epitaphe pour orchestre de chambre fut composée pour le dixième anniversaire du meurtre de Salvadore Allende. La création eut lieu dans le cadre d'un festival organisé par le journal Unità à Reggio Emilia le 11 septembre 1983 sous la direction de Giorgio Bernasconi et en présence de la veuve d'Allende. L'Epitaphe, évoluant généralement lentement, se caractérise par un contrepoint compliqué, un style coulant et des timbres brillants. Un thème frappant (probablement basé sur du folklore chilien) est présenté en style de choral au début par les vents et les cordes et, vu son caractère intervallaire, il peut presque constamment être entendu dans la structure interne de la pièce. Des éclats plus expressifs font leur apparition au centre de l'oeuvre, particulièrement accentués par des accords "fortissimo" comme de mutation au piano supportés par la percussion. La répétition du choral initial (maintenant en valeurs de notes raccourcies) marque le début d'une sorte de réexposition qui mène l'oeuvre à une conclusion réconciliatrice.>>

Edison Denisov.
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2020-07-05, 10:14

Je viens de me pencher, l'occasion de ce cycle était trop belle, sur plusieurs pièces de sa musique de chambre. Il est dit qu'Edison Denisov s'est fait connaître en Occident comme un des seuls compositeurs russes - avec André Volkonski, Sofia Goubaïdoulina, Alfred Schnittke - ayant bravé pendant trente ans les foudres des musiciens officiels soviétiques, en écrivant une musique d'avant-garde dont le langage empruntait des éléments à l'atonalisme d'Arnold Schoenberg et Pierre Boulez. J'estime d'ailleurs qu'il a eu bien raison...Pourtant, lorsque l'on questionne Denisov, il affirme avec force que sa musique est d'abord une confession de l'âme et que son lyrisme est en étroite parenté spirituelle avec celui de Moussorgski sans pour autant copier les modèles d'écriture du XIXème siècle. Et c'est vrai qu'il ne les a pas copiés et qu'il est indéniable que son écriture, son approche musicale, est très personnelle. Sa musique de chambre m'a remis une nouvelle fois devant cette évidence et cette poétique au lyrisme contenu et tourmenté qui m'est si cher.

Je ne vais pas suivre l'ordre du disque et vais d'abord m'arrêter sur trois oeuvres qui ont pour moi un aspect et une évolution similaires; Trois pièces pour violoncelle et piano (1967), en trois mouvements, par Alexandre Roudine et Jean-Pierre Armengaud, Reflets pour piano (1989) par Jean-Pierre Armengaud et Quintette pour piano et quatuor à cordes (1987) en trois mouvements, toujours avec J-P. Armengaud. Que ce soit dans les "Trois pièces" ou dans le "Quintette", les mouvements lents sont aux extrémités alors que le mouvement rapide est au centre. Dans les mouvements lents, on retrouve bien ce lyrisme un peu introverti, sinueux, tourmenté, qui me correspond tellement, en totale adéquation avec ma sensibilité musicale, non pas que c'est une musique qui m'angoisse ou me rende cafardeux, au contraire, elle m'emplit de joie: sa profonde mélancolie m'emplit de joie. Reflets pour piano seul est devenu, lors de cette nouvelle écoute, un idéal avec la même caractéristique: un piano qui, lentement, trifouille les méandres de l'âme humaine, sur un ton un peu nébuleux au départ, puis, après une longue accélération et une montée en intensité sans éclatement, sans cluster, prend alors une sonorité plus lumineuse et porteuse d'un certain mystère. Ce même piano illuminera la partie finale du Quintette. L'"Allegro", mouvement médium des Trois pièces pour violoncelle et piano, adopte le langage sériel dans sa forme la plus virulente, ce qui est aussi vrai dans l'"Agitato" du Quintette, mais ce que j'apprécie, c'est que le compositeur n'en abuse pas, comme s"il avait vite compris les limites de cette technique et l'assèchement qu'elle risquait de produire si elle s'éternisait sur toute l'oeuvre. Je trouve que leur brièveté leur confère une réelle force expressive. Dans le "Lento" qui achève les Trois pièces, la forme sérielle me semble toujours là mais dans une texture beaucoup plus douce et souple. D'ailleurs, lorsque la Sonate pour violoncelle et piano, pourtant composée quatre ans plus tard, démarre, j'ai l'impression qu'elle en est la continuité.

Le disque commence avec les Variations sur un thème de Schubert (1986), le même air célèbre tiré de l'Impromptu en la bémol, qu'il exploite selon le même principe et développement que dans le troisième mouvement du Concerto pour saxophone alto qui, lui, date de 1970. Jean-Pierre Armengaud écrivit ceci: <<Déjà cité dans son concerto pour violon et dans celui pour alto, Schubert apparaît ici au travers des premières mesures de l'Impromptu en la bémol, qui disparaissent peu à peu, noyées dans une autre matière musicale, chromatique et tournant sur elle-même, mais avec une simplicité réfléchie qui n'est pas sans évoquer certaines pages des "Préludes" de Chostakovitch.>> C'est exactement cela. Dans le concerto, c'est le saxophone qui en est l'élément magnétique, ici, dans cette version de 1986, c'est le violoncelle d'Alexander Rudin qui tient ce rôle. Ce qui me plait c'est que l'air de Schubert n'est pas trop répété, juste ce qu'il faut, avant de se diluer dans un développement qui me plait encore une fois beaucoup, et lorsqu'il réapparaît, toujours au piano, le violoncelle, par un tournoiement continu, m'a déjà hypnotisé et détourné de l'impromptu.
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2020-07-05, 23:21

<<Composé en 1980, le "Requiem" est l'une des oeuvres majeures de Denisov. C'était pour Pierre Boulez la composition la plus importante de son ami russe. Commande du Norddeutscher Rundfunk, le "Requiem" fut créé le 30 octobre 1980 dans l'église Saint-Jacques de Hambourg. Cette création fut suivie d'exécutions très applaudies lors du Festival d'automne de Varsovie (1983), à Riga, à Leningrad et à Moscou (1984), à Düsseldorf et à Leipzig (1985), puis de nouveau à Leningrad et, pour la première fois, à Paris (1986). A l'issue de la première audition à Moscou, deux jeunes filles abordèrent le compositeur et lui dirent: "Nous vous avons attendu car nous voulions vous remercier. Dans votre musique, il y a de la lumière, il y en a si peu dans notre vie." L'aspiration à la lumière était en effet au coeur de ce "Requiem" hors du commun (...).>> Sigrid Neef - 1998

C'est toujours ce qui me fascine dans le Requiem d'Edison denisov. Ces deux jeunes filles ont parfaitement perçu cette lumière qui traverse le tissu d'une musique tourmentée et qui évolue malgré tout dans un style que je serais loin de qualifier d'optimiste et d'extraverti. Que ce soit dans sa musique de chambre en passant par ses concertos, je retrouve toujours cette écriture tourmentée et lancinante, ainsi que cette mystérieuse luminosité qui traverse sa musique. Deux instruments ont retenu agréablement mon attention; le hautbois qui est lui-même un agent lumineux du Requiem et la guitare électrique qui est employée avec parcimonie et beaucoup de délicatesse, comme de fines et minuscules étoiles sonores qui s'égrainent ci et là. Si je ne pense pas le mettre devant le Requiem d'Artyomov lors d'un éventuel classement préférentiel, il serait en tout cas très haut placé, probablement dans le trio de tête avec le Requiem allemand de Brahms.

Trois autres oeuvres sont couplées avec le Requiem, tout d'abord Romantic Music d'un style moderne, pour hautbois, harpe et trio à cordes qui me captive surtout par la beauté des timbres dont certains merveilleusement saturés, puis je retrouve Peinture pour orchestre, mais cette fois dans une autre interprétation que celle de Tadaaki Otaka, par le fameux Gennady Rozhdestvensky que je commence à savoir écrire de tête sans oublier une lettre Hehe - elle m'a mieux intéressé lors de cette nouvelle écoute, mais pas sûr que ce soit parce que j'ai trouvé cette interprétation meilleure... - et enfin une petite merveille qui s'écarte du style habituel du compositeur et épouse la tonalité et un romantisme nettement plus flagrant que l'oeuvre qui en a le titre, Happy End pour deux violons, violoncelle, contrebasse et orchestre à cordes (1985). Pareil que Sigrid Neef, je la perçois comme une féerie musicale empreinte de solennité sans toutefois éluder la rêverie méditative: un authentique "Happy End" musical.
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MessageSujet: Re: Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996)   Edison Vassiliévitch Denisov (1929-1996) Empty2020-07-06, 19:54

A l'intérieur du fascicule de mon disque, réunissant trois oeuvres pour clarinette d'Edison Denisov, j'ai une belle interview du clarinettiste Eduard Brunner par Wulf Weinmann. Je ne crois pas nécessaire de la reproduire ici, cependant une de ses réponses m'a interpellé, lorsque Weinmann lui demanda s"il trouvait Denisov moderne:

<<Denisov l'est d'une certaine manière - mais que signifie moderne? Il est l'un des compositeurs russes qui, à l'époque, s'est fort intéressé à Darmstadt qui alors donnait le ton; il y avait Stockhausen et surtout Boulez qui, si j'ose dire, montrait la marche à suivre...et gare à la pluie de critiques contre celles et ceux qui ne la suivaient pas... Hehe ...bon ça c'est moi qui le dis et ce n'est probablement pas Alexandre Rabinovitch ni Henze qui me contrediront...Denisov s'est orienté dans cette direction, fasciné par le côté constructif. Pour moi, il est simplement un compositeur russe extraordinairement intéressant parce que malgré tout le côté constructif de sa musique - il fut d'abord mathématicien avant de se tourner vers la composition - on retrouve dans son oeuvre un énorme élément spécifiquement russe.>>

Plus loin, Brunner dira que Denisov a ce tempérament très russe de mettre les sentiments en avant, de les extérioriser. C'est évidemment un point avec lequel je suis entièrement d'accord, car même si Denisov emploie un langage musical assez moderne, sa musique n'en sort jamais asséchée pour autant et, c'est sans doute aussi pour cette raison, qu'à partir de la seconde moitié du vingtième siècle, j'ai tendance à préférer les compositeurs russes aux compositeurs français, par exemple, notamment ceux de la même génération que Denisov, je dis bien "tendance" car cela mérite néanmoins d'être relativisé. Je ne saurais dire si, par exemple, je préfère la musique d'Edison Denisov à celle de Marcel Landowski, ce qui n'a aucune importance si ce n'est que j'adore ces deux compositeurs!

J'ai d'abord commencé l'écoute par un trio relativement court - guère plus de neuf minutes - intitulé Ode (1968) par Eduard Brunner (clarinette), Robert Levin (piano) et Peter Sadlo (percussion). C'est vif, énergique, brillant et pas suffisamment long pour lasser, au contraire, ça donne du punch et, malgré le ton moderne qui caractérise la pièce, j'ai toujours plaisir à l'écouter. Le Concerto pour clarinette et orchestre (1989), sous la direction de Jansug Kakhidze, me plonge une nouvelle fois dans les fascinants méandres d'une musique tourmentée, nébuleuse mais comme traversée d'une fine lumière, souvent représentée par la clarinette et parfois par un hautbois solitaire. C'est peut-être le mystère qui l'habite qui rend ce concerto lumineux et émouvant. Le second mouvement "Lento" est un de ces moments merveilleux qui me fait voyager loin à l'intérieur de mes pensées et si haut, en même temps, à l'extérieur de celles-ci. Je pense n'avoir jamais autant ressenti toute la beauté de ce concerto pour clarinette qu'aujourd'hui. Je dois dire que depuis le début de ce "Portraits croisés", je suis tellement imbibé par le style poétique de ce compositeur auquel je suis déjà très sensible à la base, qu'il n'est pas étonnant d'y être de plus en plus réceptif, sensible: le concerto en est d'ailleurs une parfaite illustration ainsi que le Quintette pour clarinette et quatuor à cordes (1987) qui offre une formidable palette de couleurs et d'expressions au soliste. Si les cordes ont une présence et ne manquent pas d'intensité, si elles peuvent même entamer un dialogue avec la clarinette, celle-ci domine l'oeuvre sans virtuosité excessive, pouvant se montrer infiniment douce et méditative par endroits.
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