Comment Ami Flammer célèbre le 300e anniversaire de son violon
Malgré la crise sanitaire, le musicien entend bien fêter dignement l’anniversaire de son instrument. Rendez-vous le 2 février sur Internet.
Son nom est bien connu des mélomanes. Le violoniste Ami Flammer mène depuis une cinquantaine d'années une retentissante carrière de soliste. Enfant précoce (il a intégré le Conservatoire national supérieur de musique à 13 ans), formé par les plus grands, Josef Gingold, Henryk Szeryng, Isaac Stern ou encore Yehudi Menuhin…, il s'est produit avec Jean-Pierre Rampal et Pierre Amoyal sur les cinq continents. Premier prix de violon au Conservatoire de Paris en 1969, médaille d'or au concours international Maria Canals deux ans plus tard, il a joué avec l'Orchestre Liszt de Budapest ou l'Orchestre philharmonique de Moscou, entre autres.
Cette carrière exceptionnelle, il l'avait relatée dans un livre autobiographique, paru il y a cinq ans aux éditions Christian Bourgois sous le titre Apprendre à respirer sous l'eau. Dans ces Mémoires, l'artiste, né à Metz en 1953, retraçait non seulement son parcours musical, mais aussi l'histoire de sa famille marquée par les persécutions antijuives. Les parents de son père, Maurice Flammer, originaires de Russie, avaient trouvé refuge dans l'Hexagone avant la Première Guerre pour fuir les pogroms. Sa mère, Tamar Rabin, née en Roumanie, puis déportée en Ouzbékistan (par les Soviétiques), émigra en France au lendemain du deuxième conflit mondial.
Le poids de l'histoire
Ce passé le hante. Il sera d'ailleurs au centre de l'intrigue de son prochain roman qu'il a écrit pendant le premier confinement. Ce n'est pourtant pas cette histoire-là qu'il explore ces jours-ci. Pour l'heure, c'est en effet l'anniversaire de son violon qui occupe plutôt ses pensées. Cet instrument est un guarnerius, du nom de la dynastie de facteurs de violons de Crémone, en Italie, qui a longtemps fait concurrence à stradivarius.
L'artisan qui signa le violon d'Ami Flammer est de la deuxième génération de Guarnerius. Il se prénommait Giuseppe-Giovanni et était le fils d'Andrea Guarneri, fondateur de la fabrique. Le certificat attaché à ce violon atteste que la sortie d'atelier de l'instrument remonte à 1720. « Je l'ai acheté il y a 35 ans chez un célèbre luthier parisien avec les cachets que m'avaient rapportés les tournées avec Jean Ferrat que j'effectuais alors », explique le musicien.
Le violon de son maître
Le hasard a voulu que ce violon ait appartenu précédemment à Christian Ferras (1933-1982), qui accompagna les plus prestigieuses formations philharmoniques du monde – Berlin, Vienne et Neuchâtel – mais qui fut également l'un des professeurs d'Ami Flammer.
« Avant d'être le violon de Ferras, ce fut surtout le violon d'Ignaz Schuppanzigh, l'ami et bras droit de Ludwig van Beethoven », complète l'artiste. Lequel interpréta d'ailleurs le rôle de ce musicien dans un spectacle, créé avec François Marthouret en 2019, Le Testament de Beethoven. « C'est à la sortie de l'une de ses représentations que l'idée d'une série de concerts m'est venue pour honorer cet instrument qui m'accompagne depuis plus de trois décennies. »
Un concert sur le Web
Mardi 2 février, cet anniversaire prendra la forme d'un concert de musique de chambre, donné salle Cortot à Paris. La salle sera vide, mais l'événement sera retransmis en direct sur le Net, via la plateforme de streaming RecitHall. Seront interprétés, pour l'occasion, trois des derniers quatuors à cordes de Beethoven : les opus 131, 132 et 135.
Ces œuvres, écrites un an avant la mort du compositeur, ont été créées sur ce violon. Elles seront ici jouées, en dehors d'Ami Flammer, par l'altiste Michel Michalakakos, le violoniste Paul Serri et la violoncelliste Diana Ligeti. « Le premier est un ami de longue date. J'ai bien connu son père, lui-même musicien. Paul et Diana sont deux de mes anciens élèves : deux musiciens très talentueux », émet l'artiste.
Ami Flammer avait prévu une série de vingt dates, l'an dernier, avec ses trois compères. Las. Le Covid-19 a conduit à les annuler quasiment toutes. « En septembre, nous avons quand même pu jouer quelques morceaux dans les jardins du château de Fontainebleau, mais de manière impromptue. Cela n'avait rien à voir avec les conditions d'un vrai récital », soupire le musicien.
Le 20 décembre, Charles Berling, directeur du théâtre de la Liberté à Toulon, contraint de garder sa salle fermée, a négocié avec l'évêque du diocèse de Fréjus qu'une église accueille les quatre musiciens. Un concert y a été donné en catimini. « J'espère que cela n'a pas valu trop d'ennuis à Charles et à monseigneur Rey. Le préfet n'était pas content, m'a-t-on dit », glisse Ami Flammer.
Cette fois, c'est à distance (et dans le strict respect des règles sanitaires) que joueront les quatre musiciens, via le site de streaming RecitHall. « Ce sera pour moi "une première". Je n'ai jamais été un fervent avocat des captations. Mais nous serons en direct et, même si nous ne sentons pas la respiration du public, nous aurons l'assurance de jouer pour des gens, présents de l'autre côté de l'écran. Vous n'imaginez pas combien cela peut être dur pour un musicien de ne plus pouvoir se produire sur scène », soupire le violoniste. Joyeux anniversaire quand même.
Source
Ce concert sera retransmis en direct de la salle Cortot, le mardi 2 février à 19 h 30, sur la plateforme www.recithall.com. Réservations obligatoires.