On ne peut pas dire que les partitions d’Agostino Steffani suscitent une production discographique très abondante. A écouter cet enregistrement, on se demande bien pourquoi. Ce musicien originaire de Vénétie, formé à Padoue et à Rome, ordonné prêtre en 1680, poursuivit sa carrière à la cour de l’électeur de Bavière avant de servir celle de Hanovre, tant comme compositeur que comme diplomate. Les honneurs de ses charges politiques (évêque de Spiga en 1706, il devint nonce apostolique en Allemagne du Nord en 1709) lui firent peu à peu abandonner la musique, activité qu’il cessa officiellement en 1709, soit près de vingt ans avant sa mort. Si, de ses œuvres, on retient plus facilement les duos de chambre (plus de quatre vingts), il est vrai plus faciles à monter que d’autres, il fut également un compositeur d’opéras.
A la fin du XVIIe siècle, malgré la suprématie de l’opéra italien en Europe musicale, la France, foyer artistique et culturel rayonnant, n’en exerça pas moins son influence dans le domaine musical grâce aux tragédies lyriques nouvellement créées par Lully (Cadmus et Hermione ne date que de 1673). Que l’on songe à cette filiation quand on écoute les œuvres de Purcell ! Cette influence s’étendit aux pays d’Europe du Nord, comme le révèlent ces suites théâtrales de Steffani, musicien sous influence s’il en est puisqu’il effectua un voyage à Paris en 1678 où il assista sans doute à la création de Bellerophon. Quatre de ses opéras sont ici représentés, d’Henrico Leone à Amor vien dal Destino, à travers des suites de danses, ballets ou divertissements (à l’image de ceux des opéras français), qui en furent extraites et imprimées séparément au début du XVIIIe siècle.
Si la proximité avec la musique française y est manifeste (ouverture à la française, importance et diversité des rythmes de danse, effectif fourni des cordes coloré çà et là par les flûtes à bec et les hautbois), on y entend également des échos des masques de l’Orpheus Britannicus, similitude d’autant plus troublante que Steffani ne se rendit jamais en Angleterre : rythmes agrestes (l’ "Air gay" et la Gavotte des Trionfi del Fato semblent tout droit sortis de The Fairy Queen), timbres bucoliques, chaconne finale, etc. Enfin, on sent ce que Haendel doit à ce musicien, tant certaines pièces ne dépareraient pas au milieu de la Water Music, comme cette noble Marche grave d’Henrico Leone ou ce trio des Trionfi del Fato.
L’ensemble Sonatori de la Gioiosa Marca, déjà remarqué dans Vivaldi, défend ces musiques avec brio. D’une homogénéité, d’une richesse et d’une variété de timbres exemplaires, ils savent trouver le ton juste pour chaque pièce et éviter le collage disparate et ennuyeux. Les contrastes sont mis en relief sans brusquerie. Marche noble, douceur des Ombres graves, délicat menuet en pizzicato, rigaudon alerte, tout s’enchaîne avec grâce et cohérence – seules deux interventions du chœur, heureusement limitées, sont en-deçà. On reste émerveillé par l’interprétation autant que par la diversité d’inspiration du compositeur. A écouter, donc, sans modération.
Choeur In Canto( choeur )
Sonatori de la Gioiosa Marca( ensemble baroque )
Divox Antiqua / Intégral 2001
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