Air « Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen »
Il s’agit du 2e air de la Reine de la Nuit dans
la flûte enchantée de
Mozart.
Il fait probablement partie de la poignée d’airs d’opéra que tout le monde reconnaît en quelques secondes et jouit d’une telle popularité qu’on peut l’entendre dans des pubs ou même des sonneries de téléphone. Il figure en bonne place dans toutes les compilations, best of, anthologies et autres florilèges de l’opéra. Bref, si vous avez plus de cinq ans, et même si vous ne savez pas lire, vous avez déjà entendu cet air.
Cependant malgré cela, rares sont ceux qui savent le contexte de colère et de rage exprimées dans toute cette virtuosité.
Je copie ici, le texte et la traduction proposés par Wikipedia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Der_H%C3%B6lle_Rache_kocht_in_meinem_Herzen
Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen; / La vengeance d'enfer bout dans mon cœur ;
Tod und Verzweiflung flammet um mich her! / La mort et le désespoir dardent autour de moi !
Fühlt nicht durch dich Sarastro Todesschmerzen, / Si Sarastro ne ressent pas la douleur de la mort par toi,
So bist du meine Tochter nimmermehr! / Tu n’es plus ma fille, non plus jamais !
Verstossen sei auf ewig, verlassen sei auf ewig, / Que soient à jamais bannis, à jamais perdus,
Zertrümmert sei'n auf ewig alle Bande der Natur / À jamais détruits tous les liens de la nature
Wenn nicht durch dich Sarastro wird erblassen! / Si Sarastro n’expire pas par ton bras !
Hört! Hört! Hört, Rachegötter! Hört der Mutter Schwur! / Entendez ! Entendez ! Entendez, dieux de vengeance ! Entendez le serment d’une mère !
Situation :
Il s’agit d’un air de l’acte II. Les principaux personnages sont maintenant connus. Pamina, la fille de la Reine de la Nuit a été enlevée et retenue par Sarastro, le grand maître des Initiés. La Reine de la Nuit a confié à Tamino, un noble au grand cœur, la mission de la sortir des griffes de ce personnage.
Tamino et Pamina s’aiment. Or, depuis le début de l’acte II, on s’aperçoit que Sarastro n’est pas l’horrible personnage supposé jusqu'ici, mais qu’il a, au contraire, protégé Pamina de l’influence maléfique de sa mère. Dans des dialogues qui sont souvent coupés dans les enregistrements (
Cf le livre « Mozart, opéras – mode d’emploi » de Pierre Michot) on apprend que Sarastro succède au mari de la Reine de la nuit, qui ne lui a pas laissé le pouvoir (peur de ses ambitions malveillantes?) et donc que Sarastro possède légitimement le « Cercle Solaire aux sept auréoles », privilège de son autorité.
Or, Tamino s’est rallié aux Initiés, le seul et dernier espoir de la Reine de la Nuit pour récupérer ce Cercle Solaire, c’est faire disparaître Sarastro. C’est donc dans cet air que se révèle son vrai visage : elle tend un poignard à sa fille destiné à la fatale entreprise dans un flot de paroles exprimant toute sa haine.
A l'écoute:L’air commence par quelques accords de cordes, rapides comme dans la précipitation que nous amène la colère. Puis en forte cadencé les cordes, qui ponctueront en pulsation, le début de cet air mimant ainsi les battements du cœur.
Le vocabulaire est puissant, terrifiant, absolu. Vengeance, enfer, mort, désespoir (
Hildesheimer s’était demandé comment est-on désespéré si on est mort !

) Puis l’injonction : Sarastro doit mourir par toi ! L’air devient ascendant continu, plus de martèlement, la colère folle est soudainement maîtrisée par l’inéluctable conclusion et la conséquence : sinon tu n’es plus ma fille ! Répété avant le jaillissement dans l’aigu de notes d’une beauté ensorcelante.
Une transition orchestrale, mais cette fois avec les cuivres supplémentaires, comme les trompettes de Jéricho, 4 sommations accompagnant la reprise de l’air. « Que soient à jamais détruits… »; le chant est moins rapide, plus grave, plus solennel. Une première fois plutôt au bas du registre et une deuxième fois, comme une annonce après une décision mûrement réfléchie, plus aiguë avec la reprise insensiblement des martèlements, « Si Sarastro n’expire pas par ton bras ! »
Puis une mélodie transcendante, il s’agit de parler aux dieux, quand même, avec le final apocalyptique ! Le ton devient péremptoire décisif. Pamina se retrouve un poignard à la main sans qu’elle ne puisse rien dire.
Quelques références discographiques que j'apprécie:
