Pierre JANSEN (cinéma)

Eléments biographiques:

PIERRE JANSEN,né Pierre Georges Cornil Jansen,le 28 février 1930 à Roubaix,est un compositeur qui s'est avant tout fait connaître par ses travaux pour le Septième Art, notamment par sa collaboration assidue avec le réalisateur français fraîchement disparu CLAUDE CHABROL. Dans ce domaine, tout comme certaines partitions de GEORGES DELERUE et ENNIO MORRICONE, ses musiques sont souvent proches des diverses expressions de la création musicale contemporaine, avec une orchestration qui peut trouver son inspiration chez BELA BARTOK (Marie-Chantal contre Docteur Kha) ou MAURICE OHANA (Le Boucher). Elles visent souvent à instiller l'angoisse dans les intrigues développées par CHABROL.

Dans le genre très atmosphérique et anxiogène:

https://www.youtube.com/watch?v=3TG-mip5XRA

Je viens de découvrir une délicieuse musique que Pierre Jansen avait composée pour le film de Claude Chabrol, LES BICHES. Elle existe désormais en CD. Pour ceux qui connaissent un peu le cinéma français et principalement celui de Chabrol, ils se rappelleront des trois acteurs principaux, Jean-Louis Trintignant, Jacqueline Sassard et Stéphane Audran. Dans cette partition, les cordes y ont une certaine présence mais elles n'en sont pas forcément la couleur principale. Les percussions légères et cristallines y apportent ci et là une teinte lumineuse. La harpe y joue un rôle plus qu'épisodique. Elle est l'un des sons-moteurs de cette partition tantôt sombre, tantôt mystérieuse, tantôt dansante et datée, tantôt onirique et intemporelle. Certains instruments à vent comme la flûte, la clarinette et le hautbois, ornent délicatement des thèmes fortement raffinés et d'une élégance très française.

Pardonne-moi Icare, mais à part le 2e extrait, la valse, je n'arrive pas à écouter les autres extraits qui me brisent les oreilles : j'ai l'impression que les sons triturent mon cerveau dans tous les sens, si j'ose dire.

Ce qui veut dire que tes oreilles ont un degré de tolérance moins élevé que les miennes envers la musique moderne, voili voilou! Très tourmentée et un peu dissonante, je te l'accorde, mais si prenante de gravité, si adaptée à l'univers filmique de Chabrol...

Pour les films je suis tout-à-fait d'accord. Ils vont avec les images. Je me souviens d'un film de david Lean (je crois) "la Fille de Ryan". La musique allait tellement bien avec les images et l'histoire qu'on ne l'entendais même plus, elle faisait partie des images.

Icare a écrit:

Je viens de découvrir une délicieuse musique que Pierre Jansen avait composée pour le film de Claude Chabrol, LES BICHES. Elle existe désormais en CD. Pour ceux qui connaissent un peu le cinéma français et principalement celui de Chabrol, ils se rappelleront des trois acteurs principaux, Jean-Louis Trintignant, Jacqueline Sassard et Stéphane Audran. Dans cette partition, les cordes y ont une certaine présence mais elles n'en sont pas forcément la couleur principale. Les percussions légères et cristallines y apportent ci et là une teinte lumineuse. La harpe y joue un rôle plus qu'épisodique. Elle est l'un des sons-moteurs de cette partition tantôt sombre, tantôt mystérieuse, tantôt dansante et datée, tantôt onirique et intemporelle. Certains instruments à vent comme la flûte, la clarinette et le hautbois, ornent délicatement des thèmes fortement raffinés et d'une élégance très française.

Réécoute de cette délicieuse musique aujourd'hui et toujours aussi séduit!

Pierre Jansen a aussi composé de la musique pour deux films de Francis Girod, L'Etat Sauvage avec Michel Piccoli, Jacques Dutronc, Claude Brasseur, Doura Mane et Marie-Christine Barrault... et Le Grand Frère avec Gérard Depardieu et Claude Brasseur.

La plus fascinante à mon oreille est ce qu'il composa pour L'Etat Sauvage, partition symphonique sous la forme de deux suites, d'un caractère assez tonitruant et avec une partie obsessionnelle  assez récurrente qui me plait beaucoup. Je trouve que Jansen n'a pas manqué d'idées et développe une ambiance musicale particulière constituée notamment de cuivres, piano et cordes. Certes, le compositeur, musicalement parlant, ne tiendra pas compte de la situation géographique du film qui se situe en Afrique, c'est-à-dire qu'il n'emploiera pas d'instruments ni de folklores pouvant l'évoquer ou alors de façon plus indirecte et insidieuse. Il contournera le "cliché", ce qui n'est rien d'autre qu'un parti-pris, le parti-pris de Jansen & Girod n'étant d'ailleurs pas une règle en soi. D'autres compositeurs de talent et imaginatifs purent utiliser le parti-pris inverse et obtenir un résultat tout aussi satisfaisant d'un point de vue artistique. Tout dépend de quelle manière le "cliché" va être exploré, voire perverti. Cette parenthèse refermée, la partition très expressive et corrosive de Pierre Jansen, si elle ne fait pas vibrer les lames des balafons, fait vibrer les images du film de Girod avec beaucoup de dextérité.     

Le Grand Frère contient, quant à lui, quelques beaux passages, d'autres moins, dont le final avec une trompette mélancolique. Touchant, celui-là!     

http://www.myskreen.com/film/romance/3024185-l-etat-sauvage/

Un article très intéressant au sujet de la musique de Pierre Jansen  sur cadenceinfo.com :
ICI

Sinon très peu à trouver sur YT mais quand même ceci, la musique de film de  "Les Innocents aux mains sales" avec comme commentaire :

Citation :

Paraphrasant subtilement l'esprit de certaines musiques contemporaines, mais sans jamais en prendre possession totalement, l'art musical de Pierre Jansen a souvent été sous-estimé. En réalité, son œuvre vise à éviter au maximum la déperdition de la valeur musicale quand celle-ci est confrontée au discours cinématographique...

Pour en savoir plus aller sur cadenceinfo où cette musique est référencée comme musique "nouvelle vague"  de même que Georges Delerue, Antoine Duhamel, Maurice Jarre et Michel Legrand !  Je n'avais jamais entendu parler de cette "catégorie" ? Qu'en penses-tu Icare ?

Qu'en penses-tu Icare ?

A vrai-dire, les catégories ne m'ont jamais inspiré grand chose et les rangements par catégories non plus. "Nouvelle vague", je n'ai jamais compris ce que ça voulait dire et n'ai jamais cherché véritablement à comprendre.

Je suis très triste aujourd'hui car je viens d'apprendre le décès de Pierre Jansen.

Je sais que je ne pourrai pas évoquer dans un seul cycle - trop fastidieux - toutes les collaborations entre un cinéaste et un compositeur que j'ai sélectionnées à partir de trois films minimum. Il me faudra impérativement leur consacrer un second cycle que je m'apprête à rédiger sur papier, ce que je fais pour chacun d'entre eux depuis des années et qui sont ensuite répertoriés dans un classeur. J'ai voulu, en conclusion de ce premier cycle, évoquer la collaboration étroite et consistante entre Pierre Jansen et Claude Chabrol, par le biais d'une compilation assez ancienne puisqu'elle date de 1989. Elle contient les suites de cinq partitions écrites pour le cinéma de Claude Chabrol:
___Le Scandale - 1967 - suite de 11'40



___Juste avant la nuit - 1971 - suite de 7'24
Charles Masson, chef d'entreprise et père de famille, est entraîné par sa maîtresse Laura dans des jeux pervers. Ainsi va-t-elle un jour jusqu'à lui demander de faire semblant de la tuer. Elle le provoque tant et si bien que Charles finit par l'étrangler dans le studio parisien où ils se rencontrent. Après avoir jeté dans une bouche d'égout un mouchoir compromettant, il rentre chez lui. Laura était l'épouse du meilleur ami de Charles, François Tellier, architecte, qui ne tarde pas à découvrir que celle-ci le trompait…

___Marie-Chantal contre le Docteur Kha - 1965 - extrait de 6'47
Un aspect bartokien et obsessionnel qui n'est pas pour me déplaire!


___Les Noces Rouges - 1972 - suite de 12'03
Les Noces rouges s'inspire d'un fait divers, l'affaire des amants diaboliques de Bourganeuf qui a secoué un bourg de la Creuse en 1970. Le 24 février 1970, René Balaire, artisan-commerçant en chauffage sanitaire, meurt brûlé vif dans un tragique accident de voiture conduite par son épouse Yvette Balaire qui en réchappe miraculeusement. L'enquête révèle qu'il a été abattu d'une balle de revolver par l'amant d'Yvette, Bernard Cousty.

___Les Innocents aux mains sales - 1973 - suite de 8'30

___Le Boucher - 1970 - suite de 9'
Le site Indiewire le qualifie comme le « chef-d'œuvre de Chabrol, une construction élégante d'ambiance, de ton et d'atmosphère qui est d'une efficacité désarmante et extrêmement inquiétante » La musique de Pierre Jansen participe aisément à l'atmosphère de ce film.

Je suis loin de connaître toutes les oeuvres de Pierre Jansen, que ce soit ses compositions pour le Septième Art, la télévision ou le concert, et je ne prétendrais bien sûr pas que tout mérite d'être connu, encore faudrait-il pouvoir toutes les écouter pour le savoir. Ce qui est certain, c'est que chaque inédit titille ma curiosité: qu'a-t-il pu bien composer sur Les Bonnes Femmes qui est sa toute première collaboration avec Claude Chabrol et, apparemment, sa première musique de film? Si elle est du même tonneau que ce qu'il a composé pour Le Scandale et Les Noces rouges du même cinéaste, je suis preneur! Quelle musique, guerrière ou non, a-t-il composée pour Flammes sur l'Adriatique d'Alexandre Astruc (1968), d'autant plus que le film lui-même ne doit pas être facile à dégoter? En voici le synopsis:

En avril 1941, l'équipage du destroyer yougoslave ''Zagreb'' est confronté à l'invasion de la Yougoslavie par les forces de l'Axe. Quand l'armistice survient, un lieutenant tente de convaincre le commandant du navire de résister aux injonctions de la hiérarchie militaire selon lesquelles le bâtiment doit être désarmé et remis aux autorités allemandes.

Si elle est aussi audacieuse que celle qu'il concocta pour Le Boucher ou aussi prenante que celle de Juste avant la Nuit, je suis également preneur! Mon rêve serait que ressorte en compact disc sa fabuleuse partition pour le film de Serge Moati, Nuit d'or (1976) qui avait bénéficié, jadis, d'une sortie en 33tours, sur une face, l'autre étant occupée par la non moins fabuleuse bande originale du plus mauvais "Chabrol", selon les déclarations de celui-ci; La Décade prodigieuse. A l'époque du vinyl, on pouvait trouver aussi une composition plus "détendue" et moins sombre, moins dramatique, de Pierre Jansen, une musique tendre, féminine, aux sonorités claires, composée pour le film de Claude Goretta, La Dentellière (1977). J'espère la redécouvrir un jour car il s'agit d'une des premières musiques de Jansen que j'ai écoutées et aimées, sans doute aussi parce qu'à l'époque j'avais vu le film à la télévision.

Je continue mon aventure musicale en compagnie de Pierre Jansen avec les deux partitions qu'il composa pour le cinéma de Francis Girod; L'Etat sauvage et Le grand frère. Girod a collaboré avec plusieurs compositeurs. Ses deux premiers films, Le Trio infernal et René la Canne seront mis en musique par Ennio Morricone, le troisième, L'Etat Sauvage par Pierre Jansen et le quatrième, La Banquière, là encore par Ennio Morricone. Il s'en suivra d'autres collaborations, avec Georges Delerue, Romano Musumarra, Alexandre Desplat et Laurent Petitgirard. Je trouve que sur L'Etat sauvage, Pierre Jansen s'est surpassé, composant ainsi une de ses musiques les plus inventives et captivantes, une bande originale présentée sur disque sous la forme de deux suites pour orchestre, une de 16'41" et une seconde de 12'53". Ce qu'il composa pour Le grand frère offre une B.O. plus inégale, néanmoins il y a quelques très beaux thèmes dont deux avec trompette solo, un qui démarre sur une citation ou imitation classique°° avant d'évoluer dans une dimension plus personnelle et plus émouvante, un final qui reprend plus ou moins le même thème mélodique sur un ton très mélancolique...j'adore la trompette et plus encore la trompette mélancolique!



°° Avec la "Sonate interrompue", j'ai expérimenté une forme très élaborée de superposition: un pastiche de Mozart est d'abord exposé, puis intervient le thème du film (composition de Jansen), et les deux musiques s'interpénètrent. Pierre Jansen.

Réécoute d'un album qui contient quatre suites de musiques de films: la première suite est la plus célèbre puisqu'il s'agit du fameux Ferdinand tiré de Pierrot le Fou d'Antoine Duhamel, une musique qui est tellement en osmose avec le romantique désespéré que j'ai toujours été... ...j'aime tellement cette musique, ces cordes passionnées, ce thème mélodique d'une infinie mélancolie... Antoine Duhamel a été mon "artiste invité" dans mon cycle consacré à Pierre Jansen, il m'est tellement difficile de les dissocier bien qu'ils aient, chacun, un style très caractéristique. Impossible de se tromper, de les confondre, aussi bien musicalement parlant que physiquement d'ailleurs. Il paraît que Pierre Jansen fut un joyeux luron dans la vie, jamais loin de la blague, même sa tête est drôle, ses traits épais, son nez bien crochu... Mais sa musique, c'est autre chose, intense et dramatique, comme celle, martiale avec piano, cuivres et choeurs d'hommes graves: le sujet est viril, un film de guerre dans l'ex-Indochine réalisé par Pierre Schoendorffer, que je suis heureux de posséder en dvd: La 317ème Section. Sa bande originale, je la connais et l'apprécie depuis des lustres, sous la forme d'une suite de moins de dix minutes. En la réécoutant, j'avais l'impression de la connaître par choeur, mais ça ne m'empêcha pas d'entrer dans cet univers intensément dramatique, un véritable concentré! La suite qui est proposée du Landru de Claude Chabrol (1962) est bien plus conséquente puisqu'elle fait quasiment le double en durée. J'ai eu l'impression de la redécouvrir. Elle présente un aspect musical très exacerbé, bavard, versatile, pouvant aller du joyeux au grave, du séduisant au terrifiant, comme si la musique de Jansen prenait un caractère schizophrène afin d'illustrer un personnage diabolique, haut en couleur: Landru. L'album s'achève sur une suite de presque sept minutes de Marie Chantal contre le Docteur Kha, un film de Claude Chabrol. J'adore cette musique!

Afin de conclure mon cycle consacré à Pierre Jansen, j'ai réécouté plusieurs suites tirées de sa musique de film pour le cinéma de Claude Chabrol, La Décade prodigieuse, qui est une suite concertante pour orgue, piano et orchestre, sans doute mon oeuvre préférée du compositeur. Je l'avais découverte à l'ère du 33tours: sur une face cette oeuvre-là, sur l'autre une suite de l'excellente musique qu'il composa pour le film de Serge Moati, Nuit d'or, qui, à ma connaissance, n'existe pas encore en CD. Ensuite, sur le même album, j'ai écouté deux extraits de L'Oeil du Malin, une mini-suite de Que la Bête meure, deux extraits de Docteur Popaul et une suite de Juste avant la Nuit que j'avais déjà réécoutée en début de cycle, sur un autre album plus ancien consacré à ses compositions pour le cinéma de Chabrol. Dans l'ensemble, en dehors de Landru et de L'Oeil du Malin, très bonnes musiques que j'avais moins en mémoire que les autres, je n'ai pas eu l'impression de redécouvrir des musiques que je n'avais pas écoutées depuis longtemps. A vrai dire, elles étaient toujours très présentes dans mon esprit, comme si elles ne me quittaient jamais. Elles doivent correspondre à mon tempérament, à mon caractère, illustrent-elles d'une certaine façon mes réflexions, mes états d'âme, mes tourments, voire mes obsessions. Sa musique est souvent grave, introvertie, parfois brutale, sévère, limite austère, avec une forme de lyrisme prise dans les chaînes de la retenue, rarement de séduction immédiate, mais si fascinante dans ses profondeurs lorsqu'on se laisse submerger par elles...