Ennio Morricone à propos de sa première empreinte musicale pour le Septième Art:
<<La musique de "Il Federale / The Fascist" a été la première musique de film signée par moi. Je dis cela, car avant ces débuts, j'avais déjà écrit (composé) de la musique pour des films signés par d'autres compositeurs. Luciano Salce lui-même, réalisateur de "Il Federale" m'a engagé pour écrire la partition de ce film, car pour son précédent film ("Le Pillole di Ercole"), le producteur Dino De Laurentüs m'avait rejeté, parce que je lui étais inconnu. Les producteurs de "Il Federale" (Broggi et Libassi) m'ont accepté et j'ai fait mes débuts avec cette partition dans un film qui a eu un grand succès. Avec moi, d'autres personnes ont fait leurs débuts: l'actrice Stefania Sandrelli, le directeur de la photographie Enrico Menczer, le producteur exécutif Gianni Minervini, je me souviens de ça comme un bon et chanceux film pour tout le monde. C'était en 1961, l'année de la naissance de ma fille Alessandra.>>
J'ai interrompu temporairement mon cycle "Piano ou orchestre" parce que j'avais simplement envie de réécouter plusieurs musiques de films d'Ennio Morricone. Ce compositeur, par sa musique, m'a accompagné toute ma vie, comme d'autres ce le fut avec Vivaldi, Mozart, Beethoven, Ellington ou qui sais-je encore...J'ai décidé de privilégier que des anciennes bandes originales, entre - on va dire - 1961 et 1978. Je n'ai pas privilégié cette période parce qu'elle est ma préférée chez ce compositeur - toutes ses périodes m'intéressent -, autant celle de la révélation que celle de la maturité et de la confirmation. Je n'ai pas nécessairement besoin de marquer une prédilection pour l'une d'entre elles. Chacune dispose d'un intérêt et d'une spécificité qui lui sont propres. J'ai donc réécouté une poignante partition composée pour une mini-série de Giorgio Pelloni qui s'intitule Noi Lazzaroni (1978). Une des particularités de cette musique est un emploi de la voix d'Edda Dell'Orso très différent de, par exemple, Il était une fois dans l'Ouest. Dans Noi Lazzaroni, elle prend une dimension plus viscérale, plus sicilienne, plus déchirante. C'est complètement autre chose.
https://www.youtube.com/watch?v=QCivIjRlZ_E
J'ai également réécouté la musique de son premier western Duello nel Texas (1963) de Ricardo Blasco où des éléments caractéristiques de son style apparaissent, puis celle plus complète de son premier grand succès international, Pour une Poignée de Dollars (1964) de Sergio Leone. Ensuite, j'ai réécouté sa première musique composée pour un film, celle de Il Federale (1961) de Luciano Salce. J'aime de plus en plus cette B.O., ses combinaisons instrumentales, ses thèmes: elle regorge de fantaisie, d'ironie et révèle un musicien créatif...une créativité et des talents d'arrangeur/orchestrateur qui, ceci-dit, s'affichaient déjà dans ses arrangements pour la RAI, lorsqu'il était encore très courant que les chanteurs s'accompagnent d'un orchestre. J'ai aussi réécouté une bande originale que l'on peut aisément qualifier de monothématique, composée pour un film d'Aldo Lado, La Cosa Buffa (1972-73), un thème d'essence romantique, légèrement obsessionnel, assez riche en soi par son traitement et ses orchestrations, qui évolue selon différentes physionomies et se trouve totalement transcendé dans sa dernière exposition. Désormais, je compte bien réécouter la musique un peu étrange et poétique qu'il composa en 1969 pour une sorte de film obscur héroïco-comique, Tre Nel Mille de Franco Indovina, réalisateur qui mourut brutalement trois ans plus tard dans un accident aérien. Je retrouverai ainsi, entre autres combinaisons sonores, la beauté délicate d'une harpe ou d'une guitare sèche, une certaine ironie et une ambiance parfois bruitiste et naturalistique, parfois mystique. Je ressens comme une forme de plénitude dans le thème principal pour guitare solo et cordes, et, plus globalement, un aspect antique émane de toute la partition, jusque dans les morceaux les plus étranges...je pense par exemple au tout dernier qui s'intitule "Arrivo al Castello 2#"...ou les plus primitifs, je pense alors à la "Saltarelle des trois marionnettes avec plusieurs mandolines et une percussion, sorte de caisse au son très rudimentaire: Le saltarello ou la saltarelle est une danse joyeuse et vivante dont les origines remontent au saltatio des Latins. Elle s'est développée à partir du treizième siècle dans l'Italie centrale. Cette danse est d'origine ancienne, typique de l'Italie centrale où on la retrouve dans le Latium, les Abruzzes, les Marches, l'Ombrie et le Molise. Elle pourrait remonter au SALTATIO , qui fut très populaire chez les Latins avant la conquête romaine. La saltarelle ou le saltarello appartient à la même famille que la tarentelle, la ballarella, la zumbarella, la ciuppicarella et la pizzicarella. Ce sont originellement des danses de bergers et de paysans. Je n'ai jamais vu ce film, mais en écoutant la musique d'Ennio Morricone, je me sentais si loin du monde moderne, si loin de la civilisation, dans un autre temps tantôt doux-rêveur, tantôt poétique, tantôt étrange et aussi en osmose avec la nature; les arbres, les oiseaux, les ruissellements de l'eau. Je les entends dans la musique par les bois, les vents.
L'intrigue: <<L'intrigue du film se déroule en l'an 1OOO. Un chevalier (Fortunato) et deux soldats qui ont survécu à un champ de bataille (Cob et Famine), sont dépouillés de tous leurs biens, vêtements compris, par des bandits. Les trois infortunés parviennent à se rhabiller en déshabillant tour à tour trois religieux et à reprendre la route, affamés...Aventures et mésaventures se succèdent.>>
Icare Admin
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Ennio Morricone est sans doute le compositeur qui a eu le plus de collaborations suivies avec un réalisateur, on cite généralement celles avec Sergio Leone et Giuseppe Tornatore, voire Henri Verneuil, mais il y en a eu d'autres qui furent très fructueuses, celles avec Elio Petri, Giuliano Montaldo et Mauro Bologini, pour ne citer que celles-ci. Hier, j'ai réécouté un titre qui est le fruit d'une autre fructueuse collaboration avec le réalisateur Alberto Negrin. Le titre en question est Viaggio nel Terrore: L'Achille Lauro. C'est un film tv réalisé en 1990 et réunissant Burt Lancaster dans le rôle tragique de Léon Klinghoffer, Eva Marie Saint, Robert Culp, Brian Bloom, Dominique Sanda, Renzo Montagnani, Bernard Fresson et Gabriele Ferzetti. L'histoire relate la prise d'otage (fait réel) des passagers du navire de croisière l'Achille Lauro qui a abouti à l'assassinat de Leon Klinghoffer, un retraité juif-américain, par les terroristes du Front de libération de la Palestine le 8 octobre 1985. Les fondations sont posées, place à la musique.
Outre un thème principal lyrique et mélodique dans la plus pure tradition du compositeur, la musique, écrite pour orchestre symphonique, est entièrement atmosphérique et atonale, mettant beaucoup en valeur les cuivres et les trompettes. Sa principale particularité est de jouer énormément sur l'attente et l'angoisse, avec cette volonté de créer une forme d'immobilité mobile. Elle ne prend pas le contre-pied des images d'Alberto Negrin, elle en renforce au contraire l'expression et étire le temps. On est très loin d'une partition romantique telle que Cinéma Paradiso ou profondément nostalgique comme Il était une fois en Amérique. Il s'agit davantage d'un voyage vers le chaos jouant sur le caractère insupportable de l'attente. Ennio Morricone avait déjà composé une musique pour un film qui s'articulait également autour de l'attente, l'attente d'un ennemi qui n'arrive jamais; dans une forteresse au milieu du désert; Le Désert des Tartares de Valerio Zurlini, une de ses toutes meilleures musiques pour le cinéma. Je n'en dirais pas autant pour Achille Lauro qui ne bénéficie pas du même potentiel de séduction: la musique ne cherche pas à flatter l'oreille, lyrique et consensuelle qu'au travers de son thème principal, profondément atmosphérique, elle s'obstine dans l'atonalisme le plus anxiogène fondé sur l'attente et le chaos.
Je pense à un thème en particulier qui caractérise parfaitement mon propos: "Two Sounds, Two Signals". Tout l'orchestre s'articule autour d'une seule note jouée au piano, toujours la même, sur la même fréquence et tonalité, imperturbable. Je pense d'ailleurs que ce type de construction autour d'une seule note a toujours fasciné ce compositeur et que lorsqu'un film lui en offrit l'opportunité, avec l'aval du cinéaste, il sauta sans hésiter sur l'occasion d'assouvir son goût pour la recherche et l'expérimentation. Ce morceau ne fait cependant pas partie de mes préférés. J'adore les cuivres dans les trois premiers extraits, surtout "A Night on the Mediterranean Sea" ou encore, plus loin, "Calm Sea". Les cuivres y sont somptueux, envoûtants, mystérieux. Dans les morceaux réellement fondés sur l'attente, plus angoissants, ma préférence va à une construction qu'il avait déjà expérimentée dans sa musique de chambre des années 1950 (Suoni per Dino), "Trumpets Signals" qui est une sorte de compte-à-rebours. Son efficacité "filmique" m'apporte des frissons même hors image.
Icare Admin
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Folco Quilici naquit à Ferrare (Italie) le 9 avril 1930 et mourut à Orvieto le 24 février 2018. Il mena une carrière de réalisateur, photographe et écrivain italien. Il était un documentariste apprécié , actif dans la diffusion naturaliste depuis les années 1950. Fils du journaliste Nello Quilici et du peintre Emma Buzzacchi, il est également le frère de l'architecte Vieri. Après avoir terminé le "Liceo Ginnasio Torquato Tasso" à Rome, il a commencé une activité cinématographique et s'est spécialisé dans la prise de vue sous-marine, devenant très populaire même au-delà des frontières nationales. Il a étudié la réalisation au Centre expérimental de la cinématographie. Il a été inscrit comme journaliste indépendant par l'Ordre national des journalistes à partir du 19 février 1963 et pour cette raison, il a été récompensé par le même Ordre, en 2013, pour ses 50 ans d'activité publicitaire. En 2006, le magazine Forbes l'a inclus parmi les 100 noms les plus influents au monde grâce à ses films et livres sur l'environnement et les cultures. En 2008, il a reçu le prix "La Navicella d'Oro", décerné par la Société géographique italienne , avec la motivation suivante:
<< En plus d'un demi-siècle d'activité professionnelle constante, il a configuré un modèle personnel de voyageur capable d'explorer et d'observer avec une rigueur et une poésie convaincantes les territoires les plus pertinents de la culture géographique, historique et artistique de la société humaine d'hier et d'aujourd'hui, obtenant des résultats stylistiques -expressifs de grande valeur et de grande valeur communicative>>
Je connais au moins trois collaborations entre Folco Quilici et Ennio Morricone, Oceano en 1971, pour le cinéma, Sardegna (1972), un épisode de la série documentaire L'Italie vue du Ciel (1966-1978) qui se compose de 14 épisodes en tout, et enfin Cacciatori di Navi/Chasseurs de Navires (1990) qui est une fiction, une sorte de thriller en milieu marin réunissant à l'affiche Michael Beck, Perry King, Fabio Testi, Paolo Bonacelli et Yuji Okumoto. La dernière fois que j'avais réalisé un cylcle "marin", j'avais retenu la plus belle de leur collaboration, Oceano, encore que Sardegna la suit de près. Hier, j'ai retenu Cacciatori di Navi pour une partition qui s'articule généreusement autour d'un thème principal ample et d'un lyrisme exacerbé, mettant en scène la virtuosité de deux frères joueurs de flûtes de pan, venu d'un pays d'Amérique latine (le Pérou?) et l'envoûtante flûte basse de Paolo Zampini sur les morceaux les plus lents, développant un son particulièrement caverneux, exotique. Il me procure à chaque fois une sensation de fraîcheur:
<<Né à Pistoia, il a complété ses études de flûtiste sous la direction de Mario Gordigiani, se perfectionnant plus tard avec Roberto Fabbriciani et Severino Gazzelloni. Depuis plus de 25 ans, il donne des concerts à la fois en tant que soliste et en tant que membre d'importants orchestres et ensembles: Sinfonica della RAI di Roma, Roma Sinfonietta, Gruppo di Roma, Orchestra dell'Amit, Solistes de l'Académie philharmonique romaine. Avec l'orchestre de l'UMR, il enregistre, en tant que soliste, des centaines de bandes sonores pour le cinéma, puis collabore avec Nicola Piovani pour des œuvres théâtrales; avec Franco Piersanti, pour les concerts consacrés à Nino Rota; avec Luis E. Bacalov. Etant un des interprètes préférés d'Ennio Morricone, il interprète depuis de nombreuses années sa musique de film mais aussi sa musique de chambre. Il a donné des concerts en France, Belgique, Angleterre, Allemagne, Norvège, Tchécoslovaquie, Israël, États-Unis, Espagne, Syrie. Il a enregistré pour Rai Uno, Mediaset et Tele Monte-Carlo. Il est professeur de flûte au Conservatoire "Luigi Cherubini" de Florence. Paolo Zampini apparaît, en tant que soliste, avec Gilda Buttà et Luca Pincini dans un CD (MegItaly - CNI) intitulé "Io, Ennio Morricone" et dans le DVD (Warner Music) "Arena concert", tous deux entièrement dédiés au répertoire des films mis en musique par le compositeur romain.>>
https://www.youtube.com/watch?v=18E_oOEIZh8
Folco Quilici à propos de Cacciatori di Navi:
<<Vous vous demandez peut-être pourquoi j'ai filmé l'aventure des "Cacciatori di Navi" (chasseurs de navires)? C'est parce que cela faisait de nombreuses années que je souhaitais mettre fin à mes images-fresques animées consacrées à la mer. En 1952, j'ai réalisé "Sesto Continente", un plein documentaire présentant scientifiquement la vie sous la surface des vagues. C'est en 1956 que j'ai montré - avec l'aide d'Ennio Flaiano - dans "Ultimo Paradiso" comment les océans avaient inspiré, sous une forme épique, notre littérature classique. En 1960, j'ai réalisé "Tikoyo e il suo pescecane" (Tikoyo et son requin) basé sur un texte d'Italo Calvino, et qui dépeignait la mer sous la forme d'une légende, ainsi que "Oceano" - c'était en 1970 - interprété dans le lumière d'un conte de la tradition populaire. "Fratello Mare" a été consacré en 1975 à la fin des Océaniens. Un autre côté du vaste monde liquide a été évoqué par un film: c'était le côté magique, le pouvoir magique de la mer, son pouvoir d'allumer - depuis des temps immémoriaux et partout - la peur, la terreur. C'est le sujet des vaisseaux fantômes, des dieux sombres des profondeurs. A ce sujet j'ai donc réalisé "Cacciatori di navi", qui raconte l'histoire de quatre amis insouciants qui, sans s'en rendre compte, défient le pouvoir secret et indomptable d'une "mer maudite". Et ils sont vaincus, après une aventure les impliquant dans un crescendo rendu possible par une mer extraordinairement spectaculaire comme celle du Brésil amazonien, où le film a été tourné.>>
Icare Admin
Nombre de messages : 17861 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Ces musiques qui me donnent envie d'aimer les films...
Lorsque je découvre et apprécie, dans le sens contraire de la "normalité", une musique avant le film auquel elle se rapporte, je finis (pas toujours mais souvent - ça dépend quand même un peu du synopsis) par avoir une furieuse envie de voir le film en question, avec le secret espoir de l'aimer autant que la musique qu'il a généré dans le cerveau du compositeur. J'avais déjà évoqué cette "envie" qui est en même temps une pure curiosité intellectuelle, avec Une Nuit d'Olivier Florio, mais aussi Fräulein Doktor (film d'Alberto Lattuada - 1968) qui permit à Ennio Morricone d'écrire pour l'image une de ses pages symphoniques les plus abouties et personnelles dans une écriture contemporaine qui lui était chère. Le film évoque un personnage ayant réellement vécu, celui d'une espionne énigmatique, surnommée Fräulein Doktor, et qui aurait agi pour le compte des services secrets germaniques, au cours de la Première Guerre mondiale. Le morceau en question atteint presque les neuf minutes et s'intitule "The poison gas battle at Ypres". Il s'agit sans doute d'une scène de guerre vers la fin du film particulièrement brutale et effrayante où l'on peut voir des soldats allemands montés sur des chevaux, portant des masques à gaz. Leur apparence est alors monstrueuse, faisant croire à des créatures hybrides hideuses, entre humains et éléphants. Il y a dans la pièce symphonique de Morricone qui est une sorte de marche macabre pachydermique, des barrissements par les cuivres: l'allusion n'y est sûrement pas inconsciente.
Au-delà d'une musique très appropriée et apocalyptique, cette scène montre toutes les horreurs de cette guerre avec l'utilisation des gaz, arme de destruction massive. Même si aucune époque n'est parfaite, je suis quand même heureux d'être né en 1963 et de n'avoir pas connu ça. Comment peut-on arriver à un tel degré de cruauté et d'horreur? Joachim, tu connais ce film?
https://www.youtube.com/watch?v=tqiuOhNke-M
Dans un tout autre genre, une autre musique d'Ennio Morricone me donne envie de voir le film pour lequel elle a été imaginée et conçue. Il s'agit de Grazie Zia/Merci ma tante, un film dramatique italien de 1968 réalisé par Salvatore Samperi. Grazie Zia devait concourir au Festival de Cannes de l'année 1968, hélas, le festival a été annulé en raison des événements de cette même période en France. Le film réunit à l'affiche Lou Castel dont la prestation m'avait beaucoup plus dans Les Poings dans les Poches de Marco Bellocchio (1965), la superbe Lisa Gastoni et Gabriele Ferzetti que j'avais personnellement découvert par le rôle de Morton dans Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone (1968). Le synopsis: <<Alvise (Lou Castel) est un jeune homme qui se croit paralysé. Il reçoit un traitement pour son problème psychologique. Son père laisse Alvise quelques jours aux soins de tante Lea (Lisa Gastoni), qui est la sœur de la mère d'Alvise. Alvise devient amoureux de sa tante et Lea lui rend également la pareille progressivement. Lea rompt sa relation avec Stefano (Gabriele Ferzetti) pour être avec son neveu. Alvise promet de faire l'amour à Lea si elle joue avec lui et le bat à l'un des jeux. Lea et Alvise jouent à un certain nombre de jeux menant au jeu ultime de l'euthanasie.>> La partition d'Ennio Morricone emploie d'une manière assez insolite et obsessionnelle un choeur d'enfants. Ce ne fut pas la première fois: Chi l'ha vista morire d'Aldo Lado (1972), Quando l'amore e sensualita de Vittorio De Sisti (1973)...Si je cite ces deux exemples, ce n'est pas un hasard car les voix d'enfants y sont tout autant obsessionnelles et manifestent un même sentiment de malaise...et de mal-être, perversité, etc...Dans Grazie Zia, l'approche y est peut-être encore plus corrosive par une orchestration et des constructions mélodiques particulièrement minimalistes. Pourtant, ce matin, cette musique m'a procuré une certaine fraîcheur et un bien-être certain.
Icare Admin
Nombre de messages : 17861 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Une musique peut me bouleverser par sa forte mélancolie, la beauté de ses thèmes, la mélodie, la façon dont elle est développée et orchestrée. Une musique peut me fasciner par sa violence, sa viscéralité, son caractère obsessionnel, tranchant, électrisant: puis-je en sortir émotionnellement comme foudroyé! En réécoutant La Sconosciuta - L'inconnue en français - qui correspond à la huitième collaboration entre Ennio Morricone et Giuseppe Tornatore, des tas de choses ont traversé mon esprit: un amour profond de la musique de sa forme la plus classique qui soit à sa forme la plus aléatoire et abstraite, sans qu'aucune de ces formes n'annulent l'autre, au contraire, se rejoignent, se télescopent en moi comme autant d'expressions et émotions musicales devenues essentielles, incontournables, ne serait-ce déjà par leur complémentarité. J'ai aussi pensé, pendant l'écoute, même si, en même temps, j'étais complètement sous l'emprise émotionnelle de cette musique, n'en perdais pas une miette, comme par exemple la plus douce et discrète des harpes égrainant un paisible "Lento", à des faits d'actualité et de société, les violences conjugales, ces femmes qui meurent sous les coups d'hommes violents. J'ai aussi pensé à la petite Victorine: j'ai revu ce visage aux traits si doux et aux yeux magnifiquement bleus. Je ne sais pas pourquoi ces pensées ont traversé mon esprit pendant que j'écoutais cette partition d'Ennio Morricone. Peut-être parce que la musique, même si elle n'a aucun rapport avec les évènements qui nous rendent joyeux ou nous attristent, nous rapprochent malgré nous des faits de la vie qui nous bouleversent ou nous préoccupent. Je dis "nous" alors qu'il serait sans doute plus prudent que je dise "je". Peut-être parce que la musique est l'écho transcendé de notre temps, le miroir sonore des images qui nous imprègnent. Certains prétendent que la musique est pour eux un échappatoire, qu'elle est leur moyen de prédilection pour s'évader, temporairement du moins, de la laideur ou ne serait-ce que de la lourdeur du monde qui les entoure ou de la vie qu'ils mènent. Pour ma part, si la musique m'est indispensable, ma matière première en matière de spiritualité, je ne dirais pas qu'elle est mon moyen d'évasion, en tout cas pas entièrement. Elle est plutôt l'énergie qui transcende mes pensées, les sublime, et qui me permet de regarder le monde en face, en pleine lumière, avec ses beautés et ses laideurs, ses tumultes urbains et ses paysages sans fin, ses villes, ses déserts, ses forêts, ses mers, ses montagnes, ses intempéries mais aussi ses guerres et ses fêtes et ses manifestations de vie.
https://www.youtube.com/watch?v=rU-lJoJwCBk
Cette partition d'Ennio Morricone est interprétée par l'"Orchestra Roma Sinfonietta" sous la direction de son auteur. Elle invite plusieurs solistes dont les violonistes Marco Rogliano & Marco Serino, l'altiste Fausto Anzelmo, fidèle collaborateur du compositeur, le violoncelliste Luca Pincini, le clarinettiste Franco Ferrante, la guitare électrique de Rocco Zifarelli, la contrebasse électrique de Nanni Civitenga et la batterie pop de Vincenzio Restuccia. Ennio Morricone a également sollicité les services, pour un morceau en particulier, de Rocco Petruzzi, spécialisé dans le rock-métal électronique. Le morceau fait partie des extraits que je préfère avec un orchestre qui prend progressivement de la consistance tout en préservant une certaine distance avec la partie électronique, une approche complètement inédite de son auteur à ce moment-là. La partition est tour à tour mélancolique, inquiétante, obsessionnelle, tumultueuse, mystérieuse, troublante, désespérée, fataliste, viscérale, chahutée, lacrymale, magnétique et électrisante.
Dernière édition par Icare le 2020-11-06, 07:40, édité 1 fois
laudec
Nombre de messages : 5669 Age : 72 Date d'inscription : 25/02/2013
L'avantage avec Sans mobile apparent (1971) c'est que je connais tout autant le film de Philippe Labro que la musique d'Ennio Morricone. Il fait partie de tous ces thrillers ou films policiers d'une époque pour lesquels je garde une réelle affection, qu'il fussent mis en musique par des Quincy Jones, Lalo Schifrin, Dave Grusin, Jerry Goldsmith ou donc Ennio Morricone comme c'est le cas pour celui-là: le synopsis: "Nice, 1971. Le commissaire Carella enquête sur deux meurtres semblables commis la même journée. Deux autres surviennent le lendemain. Une course contre la montre s'engage pour trouver le lien entre ces quatre meurtres sans mobile apparent…" Je me suis toujours demandé comment lui était venue l'idée du thème principal qui surprend par la nonchalance de sa mélodie sifflée et sa partie centrale délicieusement obsessionnelle. Elle colle si bien à l'atmosphère du film et du personnage du commissaire Carella interprété par Jean-Louis Trintignant, ou est-ce plutôt la musique d'Ennio Morricone qui détermine l'atmosphère du film..?..
Bien sûr, le compositeur n'est plus là pour m'apporter une réponse satisfaisante, et quand bien même le serait-il, il a mis en musique un grand nombre de films après celui-ci et ce n'est pas sûr qu'il se souvienne de tous les détails qui l'ont conduit à cette composition, sans compter qu'il pourrait évoquer le mystère de l'inspiration. Toutefois, ce n'est pas ce thème (main title/end title) en particulier qui m'a amené à l'inclure dans mon cycle actuel. Cette B.O. en est d'ailleurs la conclusion. Ce sont d'autres moments musicaux, notamment un que je trouve très électrisant et qui m'avait beaucoup marqué lorsque j'avais vu ce film pour la première fois: c'est lorsque Carella se met à courir et que se plaque sur l'action une musique faite d'un piano martelé et répétant un même motif, de cordes speedées et ultra-dissonantes et d'un effet électronique particulier que l'on retrouve dans d'autres bandes originales du compositeur comme Le Serpent (1973) de Henri Verneuil. Malheureusement, je n'ai pas trouvé cet extrait (film-musique) en question, néanmoins l'effet électronique se retrouve aussi dans le main title.
https://www.youtube.com/watch?v=AlJyWiKFBLI
Je crois qu'il s'agit du SYNKET ou SYN-KET mais sans en être complètement sûr. Il me semble quand même que Ennio Morricone en parle dans son livre-entretien Ma musique, ma vie, conçu avec le journaliste et compositeur Alessandro De Rosa qu'il faudra que je le relise car truffé d'informations intéressantes et aussi d'échanges plus techniques et parfois philosophiques entre les deux musiciens. Il s'agirait d'après ce que j'ai compris d'un synthétiseur modulaire. J'ai trouvé cette partie d'article: <<Inspiré par les idées de Harald Bode proposées dans le JAES Journal de 1961, Paul Ketoff a conçu un nouveau synthétiseur à transistor contrôlé en tension, beaucoup plus petit, pour remplacer le Fonosynth (et encore une fois, indirectement financé par Colombia Princeton). Ketoff a présenté son nouvel instrument baptisé "Syn–Ket" (Synthesizer-Ketoff) au compositeur américain John Eaton à l'"American Academy", qui a rapidement reconnu les possibilités d'utiliser le synthétiseur pour des performances live; c'est-à-dire des performances sans aucun magnétophone - les performances de musique électronique de cette période reposaient généralement sur le son enregistré car les synthétiseurs étaient énormes, stationnaires, multi-composants, basés en studio et beaucoup trop gros pour passer à un espace de performance en direct.>>
Si c'est bien de cet appareil qu'il s'agit, Ennio Morricone l'employa également dans La Classe ouvrière va au Paradis d'Elio Petri qui est daté à la même année que Sans Mobile Apparent, et, dans un usage très différent, dans Quando la Preda è l'Uomo/Quand la Proie est l'Homme (1972) de Vittorio De Sisti. Dans le film de Philippe Labro, ce son électronique a un effet rampant et vénéneux. J'ai toujours imaginé qu'il s'agissait du bruit que faisait le serpent alors que le serpent ne fait pas ce bruit-là: comme un son-parasite qui traverse la musique, qu'elle soit tonale ou atonale, un son qui finit par lui appartenir définitivement, au point que si je devais entendre cette musique sans cet élément électronique, il me manquerait quelque-chose, un peu comme Le Clan des Siciliens sans la guimbarde.
Snoopy Admin
Nombre de messages : 31857 Age : 49 Date d'inscription : 10/08/2006
<<En 1597, le scientifique Galileo Galilei rencontre le philosophe Giordano Bruno , auteur de traités qui bouleversent l'Église pour leur extrême précision sur la nature du monde. En fait la période est celle de l'oppresseur et de la Contre-Réforme et Bruno ayant aggravé ses relations avec l'Église, est injustement jugé et condamné au bûcher. Pendant ce temps, Galileo reçoit un télescope en cadeau d'un ami et perfectionne son potentiel. Grâce à elle, le scientifique fait donc ses premières expériences sur les étoiles et se met à écrire ses traités. Mais le nouveau Pape Urbano VIII et son cardinal bien-aimé découvrent ces théories, les trouvent hérétiques et ordonnent au scientifique de se rétracter publiquement.>>
L'atmosphère étrange et mystérieuse qui caractérise la bande originale de Galileo, typique d'un certain style de la musique de Ennio Morricone, est basée sur une étude et une recherche minutieuses de la musique ancienne tout en gardant à l'esprit les styles musicaux d'avant-garde du vingtième siècle. C'est exactement l'approche qui m'intéresse dans une partition de ce type: apprécier les inspirations concrètes d'une oeuvre musicale, puissent-elles se situer dans les siècles passés mais entendre aussi une musique singulière bien encrée dans son époque. La dimension expérimentale de l'auteur émerge puissamment par des sections de cor dissonantes accompagnées d'un chœur viscéral qui semble s'extraire de la mémoire des pierres, sans compter ces cordes dont la sonorité les rend quasiment irréelles. Ce morceau de grande intensité dramatique - il me donne toujours l'impression d'exprimer la voix de la sentence - alterne entre les chants et l'hymne "Eresia defunta sia" sur les paroles de la réalisatrice Liliana Cavani et une musique délicate qui oscille entre romantisme et mystère: ce troisième aspect de la bande-son de Galileo est probablement celui qui me touche le plus, poétiquement et spirituellement parlant. En l'écoutant, hier après-midi, allongé sur mon canapé, les yeux fixés vers le ciel, j'étais en totale osmose avec la musique, ou plutôt c'est tout ce qui traversait le ciel à ce moment-là qui prenait une dimension étrange, mystérieuse, presque surréaliste: d'abord une musique qui flirte avec la tonalité sans que celle-ci ne soit réellement définie, puis une autre musique plus atonale, peut-être sérielle, mais d'une extrême douceur et suggestivité. Sur cette musique, les nuages dans le ciel se déplaçaient très lentement, tantôt ils prenaient la forme de vaisseaux spatiaux, tantôt ils ressemblaient à des méduses géantes, l'illusion d'être en feu par les rayons d'un soleil de plus en plus bas qui les atteignaient encore, tantôt ils imitaient la forme de sculptures abstraites. J'étais moi-même dans une autre dimension, l'ouïe et la vue monopolisées dans une émotion commune et totalement improvisée. Soit dit en passant, j'avais beaucoup aimé le film de Liliana Cavani que j'avais vu seulement en Italien quelque-part sur la toile dans des conditions visuelles et sonores qui n'étaient pas optimales. Vivement le dvd!
Icare Admin
Nombre de messages : 17861 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Le cinéma et la télévision ont porté plusieurs fois la vie d'un peintre à l'écran. Nous retiendrons (en vrac) --La Vie passionnée de Vincent Van Gogh (1956), un film réalisé par Vincente Minnelli et George Cukor avec Kirk Douglas dans le rôle du peintre et sur une musique de Miklos Rozsa, --Rembrandt (1999), un film de Charles Matton avec Klaus Maria Brandauer dans le rôle du peintre et sur une musique de Nicolas Matton arrangée par Hervé Postic. --Lautrec (1998) de Roger Planchon avec Régis Royer dans le rôle de Toulouse-Lautrec, sur une musique de Jean-Pierre Fouquey, --Modigliani (2004) de Mick Davis avec Andy Garcia dans le rôle de l'artiste et sur une musique de Guy Farley, --Paul Gauguin (1950), court-métrage documentaire d'Alain Resnais sur une musique de Darius Milhaud, --La Vie de Salvador Dali (1990) d'Antoni Ribas avec Lorenzo Quinn, fils d'Anthony Quinn, dans le rôle de Dali, sur une musique d'Antonio Sechi, --The Agony and the Ecstasy (1965), un film de Carol Reed qui offre à Charlton Heston le rôle de Michelangelo sur une musique d'Alex North comprenant un prologue de Jerry Goldsmith. --Michel-Ange (2019), un film d'Andreï Kontchalovski avec Alberto Testone dans le rôle principal et sur une musique d'Edouard Artemiev. Je crois me rappeler aussi d'une série télévisée italienne mise en musique par Bruno Nicolai qui retraçait la vie de Michelangelo réalisé dans les années 1970, mais n'ai pas trouvé de renseignements précis, si ce n'est la date 1964 et que le rôle du peintre était tenu par Gian Maria Volonte... --Artemisia (1997), un film d'Agnès Merlet qui réalise une biographie romancée de la peintre Artemisia Gentileschi, avec Valentina Cervi dans le rôle de l'artiste et sur une musique de Krishna Levy. --La vita di Leonardo da Vinci (1971), mini-série italienne réalisée par Renato Castellani avec Philippe Leroy dans le rôle-titre et sur une musique de Roman Vlad --Frida (2002), un film de Julie Taymor qui retrace la vie de la peintre mexicaine Frida Kahlo, avec dans son rôle Salma Hayek et sur une musique d'Elliot Goldenthal. --Camille Claudel (1988), un film de Bruno Nuytten avec Isabelle Adjani dans le rôle-titre et sur une musique de Gabriel Yared.
C'est une petite liste non exhaustive des peintres portés à l'écran que je me suis amusé à faire, en grande partie de mémoire, à l'exception des dates et quelques noms que j'ai du vérifier. Certains d'entre eux furent portés plusieurs fois à l'écran, comme par exemple Gauguin, Van Gogh et Camille Claudel qui a également été incarnée par Juliette Binoche dans Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont (2013). La bande originale que j'ai réécoutée aujourd'hui avec beaucoup d'intérêt fut écrite pour un film du cinéaste italien Luciano Salce qui retrace la vie ou une partie de la vie du peintre espagnol Domínikos Theotokópoulos, dit Le Greco (1541-1614) dont le style se caractérise par des formes allongées et des couleurs vives. Il est interprété par Mel Ferrer. Je n'ai pas vu ce film, comme la plupart de ceux que je viens de mentionner, à l'exception de Frida de Julie Taymor. En fait, ça peut paraître étrange, mais je n'ai jamais été très attiré par les biographies cinématographiques, que ce soit sur les peintres ou sur des stars de la chanson ni même sur les grands compositeurs des siècles passés. Je préfère les biographies sous la forme de documentaires. Le dernier que j'avais regardé était d'ailleurs sur Rameau et j'avais beaucoup aimé. La musique pour choeur et orchestre que Ennio Morricone composa pour El Greco (1964) de Luciano Salce est vraiment somptueuse à mon oreille. D'une puissance religieuse qui me fait frémir, elle peut être un orgue solennel qui s'élève, une flûte ancienne qui me ramène en des temps perdus, un piano mystérieux venu troubler la beauté d'un choeur a cappella et le souffle épique des cordes d'un romantisme devenu divin...c'est-à-dire une musique qui se situe entre le romantique et le religieux.
Dernière édition par Icare le 2020-11-05, 06:54, édité 5 fois
laudec
Nombre de messages : 5669 Age : 72 Date d'inscription : 25/02/2013
Modigliani (2004) de Mick Davis avec Andy Garcia dans le rôle de l'artiste et sur une musique de Guy Farley,
Et aussi Montpanasse 19, ou les Amants de Montparnasse, sur la vie de Modigliani à Paris, avec le bouleversant Gérard Philipe. Le film est de 1958, réalisation Jacques Becker, musique de Paul Misraki.
Icare Admin
Nombre de messages : 17861 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Modigliani (2004) de Mick Davis avec Andy Garcia dans le rôle de l'artiste et sur une musique de Guy Farley,
Et aussi Montpanasse 19, ou les Amants de Montparnasse, sur la vie de Modigliani à Paris, avec le bouleversant Gérard Philipe. Le film est de 1958, réalisation Jacques Becker, musique de Paul Misraki.
Je ne connaissais pas, n'avais pas l'intention de tous les citer non plus, seulement ceux qui me revenaient à l'esprit et que j'ai pu compléter avec Wikipédia. Merci pour ce complément d'information.
Icare Admin
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Giordano Bruno - film de Giuliano Montaldo - 1973:
L'argument:
A la fin du XVIème siècle, Giordano Bruno, philosophe et moine défroqué, revient de l'étranger pour s'installer à Venise. Ses opinions en matière de philosophie et de religion font scandale parmi les protégés d'Orsini, un noble de la ville. Chassé par Fosca, sa maitresse, puis arrêté par ordre de Mocenigo, un autre noble déçu qu'il lui ait refusé de lui enseigner la magie noire, Bruno est finalement remis, après tortures et procès, à l'Inquisition romaine. Malgré le soutien d'Orsini, Bruno est accusé d'être possédé, et alors que les inondations et la peste ravagent Rome, ses ennemis réclament sa mort expiatoire. Et bien que ses idées soient peu à peu acceptées, en particulier par les Inquisiteurs, l'Eglise continue de le juger hérétique et par conséquent, il est dégradé des ordres religieux et ses écrits sont interdits. Livré à la justice civile, il est condamné et brûlé vif.
https://www.youtube.com/watch?v=gL8DM66CszI
Giordano Bruno est un film de coproduction italo-française, réalisé en 1973 par Giuliano Montaldo. Il réunit à l'affiche Gian Maria Volonte et Charlotte Rampling, Hans Christian Blech et Mathieu Carrière. Ce film marque aussi l'une des plus belles réussites de la collaboration entre Ennio Morricone et Giuliano Montaldo, une collaboration entamée en 1967 avec Le Carnaval des Truands qui s'est poursuivie jusqu'en 2008 avec Les démons de Saint-Pétersbourg. Le film que j'ai pu voir sur la Toile dans des conditions correctes mais assez moyennes malgré tout raconte les dernières années du philosophe italien Giordano Bruno depuis que Giovanni Mocenigo le dénonce à l'inquisition, la rencontre avec le cardinal Bellamino, les interrogatoires, les tortures et le bûcher au Campo de 'Fiori à Rome le 17 février 1600. J'avais pu apprécier (très relativement) la splendide photographie de Vittorio Storaro qui a magnifiquement réussi à mettre en valeur une Venise à partir des œuvres des grands peintres du XVIe siècle. Pour ce film, Ennio Morricone a composé un thème de forme classique pour cordes et orgue très passionné. Il y en aura plusieurs déclinaisons dont une avec hautbois solo. D'autre part, il s'est appliqué à représenter l'atmosphère dans laquelle la société de l'époque était plongée, une société qui, visiblement, n'acceptait pas que la science bouscule la foi, considérait alors le blasphème et jugeait hystériques tous ceux et celles qui s'y prêtaient: ce gouffre entre le sacré et le profane est bien défini dans la partition d'Ennio Morricone: des pièces intenses de musique chorale religieuse dont une provient de la bande originale qu'il composa neuf ans plus tôt pour le film El Greco de Luciano Salce, alternent avec des pièces orchestrales de moyen effectif atonales et suggestives, totalement anachroniques et contrastant avec quelques processions pour voix et percussions: la partie atonale, aussi viscérale que le thème principal même si c'est dans un style plus austère et dissonant, Sans être néanmoins trop anxiogène, plutôt étrange et mystérieuse, elle "illumine" le côté scientifique du protagoniste, vécu dans une société toujours crédule dans l'occulte et prête à pratiquer la chasse aux sorcières à cause de l'inquisition dominante.
Icare Admin
Nombre de messages : 17861 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Il Sorriso del Grande Tentatore - film de Damiano Damiani - 1974:
L'argument:
L'intrigue se déroule dans un institut religieux romain, dirigé par une religieuse dont les invités réguliers sont également religieux sauf que pour diverses raisons, ils doivent, aux yeux du Vatican , rester hors du monde: il y a une femme, Emilia, sauvée d'une condamnation à mort dans son pays d'origine, la Bolivie, grâce à l'intervention de l'Eglise; un prêtre ouvrier, un évêque cubain qui soutient le régime de Fidel Castro, un prêtre polonais accusé de collaborer avec les nazis, un prince héritier d'une famille d'aristocrates liée au Vatican qui entretient une relation incestueuse avec sa propre sœur, et ainsi de suite... L'arrivée d'un écrivain agnostique, appelé par le prêtre polonais pour l'aider à écrire ses mémoires du temps du nazisme et qui conteste les méthodes psychologiques de ses supérieurs, provoque un véritable bouleversement dans la vie cloîtrée monotone et plate de tous les personnages. Le film de Damiano Damiani réunit à l'affiche Glenda Jackson, Claudio Cassinelli, Lisa Harrow, mais aussi Adolfo Celi et Francesco Rabal, histoire de ne citer que des acteurs que je connais. Si je n'ai jamais eu l'occasion de voir ce film j'ai toujours été sensible à cette partition intense traversée par des voix d'enfants obsessionnelles.
https://www.youtube.com/watch?v=klwsq4a-Wi0
<<Plongeant une fois de plus dans l'immense œuvre produite par Ennio Morricone, la partition qu'il composa en 1974 pour "Il Sorriso del Grande Tentatore" de Damiano Damiani occupe une place très importante parmi les compositions expérimentales du maestro. Encore une fois, la grandeur de sa musique ne réside pas uniquement dans la qualité des compositions, mais aussi dans la facilité avec laquelle différents genres y sont incorporés. Si la partition dans son ensemble est unique, on retrouve dans ses racines l'influence de plusieurs de ses œuvres antérieures. La combinaison troublante de piano et de voix qui se chevauchent dans les passages choraux enveloppe chaque note d'une couverture de tension, nous rappelant "La Corta Notte delle Bambole di Vetro" (1971) ainsi que ses partitions pour les premiers films de Dario Argento. Les fans de Morricone reconnaîtront à quel point le chœur d'enfants offre un contraste saisissant qui met en évidence la relation entre l'Église, le nazisme, la psychanalyse, l'ecclésiarchie corrompue et l'inceste.
D'autres traits de la partition nous rappellent "Escalation" (1968) - un film de Roberto Faenza - avec ses rythmes évangéliques, et ses sonorités rappelant les œuvres de Carl Orff. Comme pour sa partition pour le film de Faenza, Morricone utilise le Dies Irae, mais cette fois sans humeur psychédélique, lui donnant un ton plus religieux. En écoutant encore plus profondément, on constate des similitudes remarquables avec des compositeurs de l'avant-garde italienne du XXe siècle: Luigi Nono pour son utilisation des voix, Bruno Maderna pour ses innovations électroniques, Giacomo Manzoni pour ses idées, et Luciano Berio pour son génie. Dans les années 60 et 70, Morricone avait acquis un niveau incroyable de confiance en lui dans ses compétences, mis en évidence par une succession continue de productions étonnantes. Il manifeste ici son incroyable capacité à rendre accessible à tous une musique complexe: le type de musique qui, sans ces efforts, serait resté entre les mains de quelques auditeurs élitistes. Cependant, le compositeur n'atteint pas simplement ce résultat en écrivant de la musique plus simple, mais offre un aperçu du style de Stravinsky en cherchant des moyens de créer de nouvelles expressions à partir d'éléments traditionnels. Dans «Il Sorriso del Grande Tentatore», le style d'expression de Morricone est avant-gardiste, mais enraciné dans des traditions musicales familières telles que l'Ars Nova et le baroque.>> Fabio Babini.
Snoopy Admin
Nombre de messages : 31857 Age : 49 Date d'inscription : 10/08/2006
Sans aucun doute, c'est pour ça que je ne l'ai toujours pas vu. Je me prépare psychologiquement avant de le regarder. Plus sérieusement, le cinéma de Damiano Damiani m'intéresse beaucoup car il met souvent en lumière les parties sombres mais bien réelles de la société, puissent-ils s'agir des imbroglios entre police, justice et pouvoir politique, comme dans Confession d'un commissaire de police au procureur de la république (1971) que j'ai en dvd et aime beaucoup ou l'univers carcéral avec L'istruttoria è chiusa: dimentichi/Nous sommes tous en liberté provisoire (1971) que je ne connais pas encore.
Snoopy Admin
Nombre de messages : 31857 Age : 49 Date d'inscription : 10/08/2006
Chose amusante, Adolfo Celi ressemble à l'un de nos anciens premier ministre
Ce n'est pas Raffarin qui osera dire le contraire. Adolfo Celi est un acteur italien né le 27 juillet 1922 à Messine, en Sicile, et mort le 19 février 1986 à Rome. Il a souvent tenu le rôle du méchant, le plus célèbre étant sûrement celui d'un "James Bond": Opération Tonnerre de Terence Young (1965). Ce que l'on sait moins c'est qu'il quitta l'Italie pour partir en Amérique du Sud à la fin des années 1940 où il devint un éminent metteur en scène au Brésil et en Argentine. Il mit en scène plus de quarante productions pour le théâtre brésilien de São Paulo, réalise trois films et de nombreuses dramatiques télévisées au Brésil. Il dirigea l'Opéra Théâtre de Rio, pour lequel il assura également des mises en scènes, avant de revenir en 1963 dans son pays natal: l'Italie. Un an plus tard, sa carrière d'acteur débuta réellement à partir de L'Homme de Rio de Philippe de Broca. Pour ne pas être trop hors-sujet il joua au moins dans six films mis en musique par Ennio Morricone: __ Le Carnaval des truands de Giuliano Montaldo - 1967, un mafieux __ Opération frère cadet (OK Connery) d'Alberto De Martino - 1967 - parodie de "James Bond", le méchant __ Danger : Diabolik ! (Diabolik) de Mario Bava - 1968 - tient le rôle de Ralph Valmont, le parrain de la mafia. __ Qui l'a vue mourir ? (Chi l'ha vista morire?) d'Aldo Lado - 1972 - le marchand d'art Serafian __Libera, amore mio de Mauro Bolognini - 1973 - Felice Valente, anarchiste exilé sous le régime fasciste de Mussolini __ Il sorriso del grande tentatore de Damiano Damiani - 1974 - le Père Borelli
Icare Admin
Nombre de messages : 17861 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Addio Fratello Crudelli - Dommage qu'elle soit une putain - 1971
Traduction du titre italien: Adieu frère cruel. Synopsis:
<<Durant la Renaissance Mantoue , les frère et soeur Giovanni (Oliver Tobias) et Annabella (Charlotte Rampling) cultivent secrètement un amour incestueux. Lorsque Annabella tombe enceinte de son frère, elle décide d'épouser le moins importun de ses nombreux prétendants, le noble Soranzo (Fabio Testi). Cependant, lorsqu'il découvre que sa désormais épouse, qui lui avait été refusée depuis si longtemps, n'est pas seulement vierge, mais même enceinte, il invite la famille de la mariée à un banquet pour se venger de la honte subie et commettre un massacre. Cependant, ce sera Giovanni lui-même qui versera le sang le premier, tuant sa sœur bien-aimée et offrant son cœur à son rival.>>
Addio Fratello Crudele est un film qui fut réalisé par Giuseppe Patroni Griffi, inspiré par la tragédie théâtrale de John Ford°°: Dommage qu'elle soit une putain, une tragédie qui fut vraisemblablement mise en scène pour la première fois entre 1629 et 1633. Le film réunit à l'affiche, parmi les rôles principaux, Charlotte Rampling, Oliver Tobias et Fabio Testi, mais aussi Antonio Falsi, Rick Battaglia et Rino Imperio. Comme pour Giordano Bruno de Giuliano Montaldo que j'évoque un peu plus haut, la photographie est signée Vittorio Storaro qui est réputé pour fournir un travail de très grande qualité.
°°John Ford ( Ilsington , 1586 - Devon , vers 1640 ) était un dramaturge anglais. Ne pas confondre avec le cinéaste américain de son vrai nom John Martin Feeney dit John Ford (1894-1973).
Je note trois collaborations entre le cinéaste Giuseppe Patroni Griffi et Ennio Morricone: Metti, una sera a cena, Mettons un soir à dîner (1969), tirée d'une pièce théâtrale que Patroni Griffi a mise en scène à l'Eliseo de Rome en 1967 avec un grand succès public et avec des rediffusions qui se sont succédées pendant deux ans, Dommage qu'elle soit une putain (1971) et La Gabbia (1985). Je ne mentionne pas Divine Creature (1975) sur une musique de Cesare Andrea Bixio arrangée et dirigée par Ennio Morricone. Pour la petite histoire, ce film présente une scène de nu incarnée par Laura Antonelli d'une durée de sept minutes, ce qui était déjà osé à l'époque.
https://www.youtube.com/watch?v=UYQiNbPLYEM
La partition d'Ennio Morricone pour Addio Fratello Crudele est globalement l'expression d'une grande douceur, quelle que soit la divergence de ton des différents extraits qui la constituent. Il y a tout d'abord le thème principal qui bénéficie de plusieurs déclinaisons et qui développe une de ces mélodies qui savent me faire fondre et me renvoient au plus profond de moi-même. Il y a beaucoup de délicatesse et de féminité dans ce morceau que l'on retrouve à deux reprises dans "Frate Bonaventura", autre moment majeur de cette bande originale qui reprend la mélodie-titre dans un flou harmonique très étudié et d'un grand raffinement. Ceci m'amène à une réflexion que je me suis faite pendant l'écoute: Certains morceaux sont d'une assez longue durée: il y a les deux versions de "Frate Bonaventura", la première dépassant les neuf minutes et la seconde un peu plus courte de 6'45", puis il y a les deux versions de "Sospensione prima" 7'45" et "Sospensione seconda" 9'09". Ces deux moments musicaux, comme leur titre l'indique, sont des plages d'atmosphère, dites "musiques de suspens" et représentent la partie la moins tonale de la B.O.. Néanmoins, ils ne rompent pas avec la douceur dominante, aucune accélération ou irruption brutale dans le développement de ces morceaux, aucune violence ni dissonance abrupte; ils évoluent sur un ton tout aussi délicat que les thèmes principaux, avec des orchestrations adéquates, clavecin, guitare, cordes, petites flûtes errantes, flottements harmoniques, ton mystérieux... Je suppose que ces morceaux ne sont pas explorés en entier dans le film, que le réalisateur n'en utilise que des bribes car il est rare qu'une scène de film permette à un thème de se développer pendant neuf minutes.
Souvent, le musicien est amené à écrire des échantillons musicaux pouvant aller de 50" (parfois même moins) à 3' environ, par exemple - même si le systématisme n'existe pas - ce qui peut parfois s'avérer frustrant dans une écoute seule. En tout cas, dans cette partition d'Ennio Morricone, la musique a droit par moment à de vrais développements, comme cette danse villageoise, "Sveglia nel Castello", en forme de canon, une idée dont il multipliera l'ampleur et l'effet sur le film muet Richard III (1997). N'ayant jamais eu l'occasion, mille fois hélas, de voir le film de Giuseppe Patroni Griffi, j'ignore comment la musique y est employée. Si un morceau de suspens peut encore, à mon humble avis, être assez facilement morcelé selon le besoin de certaines scènes, je me pose davantage la question avec un morceau comme "Frate Bonaventura" qui prend tout son sens et sa consistance poétique dans le geste-même de son développement, voix, flûtes, cordes, petites percussions, guitare, clavecin... Seule la vision du film m'apportera la réponse. Sur le disque, la bande originale s'achève sur une sorte de procession lente intitulée "Inter mortuous liber (dies irae)" pour choeurs, orgue, grosse percussion..., d'abord les voix d'hommes, repris par les voix de femmes, qui s'achève brutalement sur une trompette dissonante.
Dernière édition par Icare le 2020-11-11, 12:50, édité 1 fois
Icare Admin
Nombre de messages : 17861 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Je présente ici un nouveau reportage. Hélas, il n'est pas en français, seulement en Italien. Mais comme il y a les sous-titre en anglais, on arrive quand même à comprendre ce qui s'y raconte. Je dis ça pour celles et ceux qui passeraient par ici et que ça intéresserait. Je l'ai posté ici aussi pour moi-même, pour le retrouver facilement et y revenir lorsque j'en aurai envie. J'étais surtout heureux de pouvoir enfin écouter des témoignages de l'organiste argentin Giorgio Carnini et le guitariste Bruno Battisti d'Amario auxquels j'avais dédié un topic sur ce forum, mais aussi de la soprano Edda Dell'Orso qui fut un des principaux interprètes de sa musique au cinéma, le saxophoniste Gianni Oddi, nom auquel je n'avais jamais porté attention avant ce reportage, le pianiste-compositeur Enrico Pieranunzi qui, je crois, n'a pas encore son topic, et Marco Morricone, le deuxième fils du compositeur avec Andrea Morricone. Toutes les musiques entendues dans le documentaire, des plus mélodiques aux plus jazzy en passant par les plus expérimentales et psychédéliques, sont d'Ennio Morricone et toutes proviennent de ses compositions pour l'image, de sa production la moins récente et qui se situe aux alentours des années 1970, fin des années 60. C'est pour cette raison que je poste cette vidéo dans ce topic en particulier.
https://www.youtube.com/watch?v=Nke7uVphBw8
Icare Admin
Nombre de messages : 17861 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Il Bandito dagli occhi azzuri/Le Bandit aux yeux bleus d'Ennio Morricone:
Comme je l'ai déjà écrit sur un autre fil de discussions, le jazz frappa plusieurs fois à la porte du cinéma italien, souvent par des maîtres réputés dans ce domaine - je pense à Giorgio Gaslini, compositeur dont j'ai déjà pas mal d'albums et qui a offert au vaste monde du jazz beaucoup de son énergie créatrice, pour le cinéma, il y eut, entre autres, La Notte (1961) d'Antonioni qui mit en scène Jeanne Moreau, Monica Vitti et Mastroianni. J'ai évoqué aujourd'hui l'excellent jazz de Piero Piccioni pour Una Vita Violenta (1962) de Pasolini. Puis, il y a, en parallèle, des compositeurs de renom qui ne se sont absolument pas faits un nom dans ce domaine mais ont davantage composé une partition jazz lors d'une opportunité qui s'est présentée à eux, à l'occasion d'un film qui suggérait volontiers ce type d'approche. Ce fut le cas d'Ennio Morricone lorsqu'il aborda le film d'Alfredo Giannetti; Le Bandit aux yeux bleus/Il Bandito dagli occhi azzurri (1980) avec Franco Nero et Dalila di Lazzaro parmi les premiers rôles. Une question peut alors naturellement se poser: est-ce qu'Alfredo Giannetti, le réalisateur, imaginait dès le départ une partition jazz pour illustrer les différentes scènes de son film, un "Poliziottesco" comme on dit en Italie pour désigner ce genre de cinéma? Si oui, pourquoi n'a-t-il pas directement fait appel à un musicien réputé dans ce domaine, un jazzman? Il n'en manquait pas en Italie ni ailleurs. Ou alors se pourrait-il qu'il souhaitait collaborer avec Ennio Morricone et que c'est ce dernier qui lui ait suggérer l'idée d'une musique jazzy? L'idée validée par le cinéaste, il a ensuite relevé le défi.
En tout cas, je me souviendrai toujours de la scène du générique-début avec un Franco Nero déguisé en homme boiteux un peu terne et fatigué par la vie, sortant de son lieu de travail, sur un thème musical très jazzy et énergique. Le contraste est saisissant et si formidablement adapté. En fait, en voyant les images du film, même en coupant le son, j'entends ce jazz intérieur qui les anime.
https://www.youtube.com/watch?v=OT8iJT29nlQ
Je n'ai pas trouvé de vidéo qui ne contienne que le générique-début comme ça arrive parfois, mais c'est un film que j'aimerais bien avoir en dvd avec au moins des sous-titres en français. Jusqu'ici, je ne l'ai vu que par le biais de Youtube en italien, ce qui n'est évidemment pas une condition optimale pour voir un film, un film que j'aime bien même s'il n'est pas parfait et sans aucun doute passé de mode: j'adore souvent les films passés de mode... Ce n'est quand même pas la première fois qu'Ennio Morricone convoqua le jazz au cinéma, mais rarement il le fit sur une B.O. quasiment en entier - il y a deux titres de forme classique dont le superbe "Madre assente" - au point que le jazz en soit la couleur dominante. Le plus souvent, il s'agissait de morceaux de circonstance au sein d'une bande originale. Côté interprétation, Ennio Morricone convoqua deux belles pointures du jazz, l'excellent pianiste Enrico Pieranunzi qui, plus tard, lui rendra hommage à deux reprises aux côtés du bassiste Marc Johnson et du batteur Joey Baron, et le non moins formidable contrebassiste Riccardo Del Fra que j'apprécierai bien après comme compositeur dans le jazz mais également dans le cinéma du cinéaste belge Lucas Belvaux.
Synopsis: <<Gênes (Italie) fin des années 1970 Renzo Dominici (Franco Nero) travaille dans une société financière qui en fin de mois est en possession d’une fortune colossale. L’employé est un comptable vieux et boiteux dont la santé ne semble pas florissante. Mais chez lui, la perruque ôtée, les lentilles de contact retirées, l’homme est bien plus fringant, plus jeune et athlétique. Renzo prépare minutieusement le braquage de son entreprise. Il couvre ses arrières par une fuite en bateau vers le Panama et se rend indispensable à l’entreprise…>>
Icare Admin
Nombre de messages : 17861 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Dans le fil consacré au basson, j'avais laissé entendre que mon intérêt pour cet instrument s'était amorcé à partir de certaines musiques de films d'Ennio Morricone. Donc, pendant plusieurs jours, j'ai fait fonctionner ma mémoire et sélectionné douze bandes originales susceptibles d'employer le basson. Ce dont j'étais certain dès le départ, c'est qu'il n'y avait aucune B.O. d'Ennio Morricone qui mettait réellement en scène le basson comme il a pu le faire avec la flûte traversière, par exemple, dans Il Prato des frères Taviani (1979) ou encore dans Professione figlio, aussi appelé Bugie Bianche, de Stefano Rolla (1979), deux films qui justifiaient par leur intrigue l'emploi de la flûte comme instrument dominant. Le hautbois a souvent été employé en soliste dans la musique de Morricone, l'emploi le plus célèbre se situant dans Mission de Roland Joffé (1986). Concernant le basson, l'emploi qui en a généralement été fait par le compositeur italien au cinéma est beaucoup moins évident qu'un grand solo sur un générique ou dans une forme concertante. En revanche, il a bien composé une oeuvre de concert (hors-cinéma) dans le courant de l'année 1981 qui fut entièrement consacrée à cette famille d'instruments: Totem Secondo pour 5 bassons et 2 contrebassons qui, malheureusement pour moi, n'a pas été rééditée en CD. Sauf si ma mémoire me fait défaut, il n'y a pas eu d'emploi aussi marqué dans sa musique de film. Lorsque j'ai réalisé ma petite sélection, j'en avais conscience, il s'agissait davantage d'une couleur instrumentale dans certains morceaux, une touche d'ironie, un caractère grotesque, sans doute plus perceptible dans certaines partitions écrites pour des satires, des comédies, ou un son particulièrement sombre dans des musiques spécialement conçues pour des thrillers.
https://www.youtube.com/watch?v=tgwwzSR8E_I
Sombre, il l'est, par exemple dans le long générique d'ouverture de The Hateful Eight de Quentin Tarantino (2015) ou dans un morceau de Crossing the Line de David Leland (1991), cocasse et quasi-rossinien dans Stanno Tutti Bene de Giuseppe Tornatore (1990), grotesque dans les génériques respectifs de Occhio alla Penna de Michele Lupo (1981) et Ad Ogni Costo de Giuliano Montaldo (1963) , ironique sur le thème principal de Si Salvi chi Vuole de Roberto Faenza (1980) et Le Trio Infernal de Francis Girod (1974), "naturalistique" dans Tre Nel 1000 de Franco Indovina (1969) et Two Mules for Sister Sara de Don Siegel (1970), joyeux et débonnaire dans Quando le Donne Avevano la Coda de Pasquale Festa Campanile (1970) et quasi-inexistant dans Ruba al Prossimo tuo de Francesco "Citto" Maselli (1968) et inexistant dans Scusi Facciamo l'Amore? de Vittorio Caprioli (1967). Sur ces deux derniers titres, c'est ma mémoire qui m'a joué des tours, mais il y avait trop longtemps que je ne les avais pas réécoutés, donc je remercie ma mémoire de m'avoir joué quelques tours.