Discussions autour de la voix

Anouchka a écrit:

Icare a écrit:

The Armed Man: A mass for peace de Karl Jenkins.

Je l'ai chantée avec ma première chorale aux Sables d'Olonne (en quittant la Bretagne), il y a quelques années.
Très beau. Et quoique la musique puisse sembler extrêmement fluide et coulant comme une source douce qui appelle à l'apaisement et à une certaine rêverie.. (ce que voulait Jenkins que tu cites longuement fort justement) : C'est très difficile à chanter..

Lorsque je décris une musique sous ces termes: "simplicité, fluidité, qui coule de source", c'est d'abord un ressenti, de ce qui en ressort pendant l'écoute. Je sais simplement par expérience qu'il y a des musiques qui, par la richesse de leurs timbres, leur richesse harmonique, tout un ensemble d'éléments constituant leur architecture, sollicitent plus d'attention que d'autres plus limpides, plus directes, voire plus prévisibles. Je n'imaginerais pas faire autre chose en écoutant la seconde sérénade de Georges Antheil car cette oeuvre accapare toute mon attention, et j'ai presque envie d'ajouter; malgré moi. Pour les musiques que je connais de Karl Jenkins, c'est un plaisir qui m'est nécessaire mais différent, moins accaparant en tout cas. Je tiens compte aussi du fait que Adiemus est un album que je possède depuis longtemps et que je connais bien, ce qui n'est pas le cas de la Sérénade d'Antheil qui est, au contraire, une découverte récente. Je ne prends pas en considération la difficulté d'interprétation d'une oeuvre pendant l'écoute car ce n'est pas mon affaire, c'est l'affaire du musicien ou du chanteur qui va l'interpréter et dont la difficulté, une fois franchie, peut lui apporter un plaisir supplémentaire, qui n'est pas directement lié à la beauté de l'oeuvre mais à une satisfaction personnelle, celle d'un chanteur (ou musicien) qui a su faire progresser ses possibilités en surmontant une difficulté d'interprétation. En tant que mélomane, la difficulté d'interprétation d'une oeuvre ne sert pas mon appréciation. C'est-à-dire que même si tu m'avais dit que The Armed Man est une pièce vocale facile à chanter, ça n'aurait rien ôté de l'appréciation que je lui porte, et surtout rien ôté du plaisir qu'elle me procure. C'est aussi vrai dans le cas inverse. Le fait d'apprendre qu'elle est difficile à chanter ne me la rendra ni plus belle ni plus émouvante. Néanmoins, même si la personnalité musicale de Karl Jenkins n'est pas de celles qui m'impressionnent, The Armed Man et Adiemus sont des oeuvres sur lesquelles j'aime revenir de temps en temps. Il est plus que probable que, dans quelques années, je revienne en parler sur ce forum.

Jenkins : Bien sûr que la difficulté d'interprétation n'a rien à voir avec ton écoute de mélomane..!
C'était juste un constat de choriste, sur le travail que nous avions fourni, et justement, si "on chante bien", cela ne doit ABSOLUMENT PAS se ressentir !
En-dehors de toute considération de chanteuse, c'est une oeuvre que j'aime énormément, je la connais par coeur dont évidemment la traduction (c'est important pour moi car c'est un véritable hymne à la paix).

Durant la seconde moitié de la journée, je me suis émotionnellement partagé entre la voix de Jill Gomez et 17 Chants d'Auvergne de Joseph Canteloube et celle de Claire Lefilliâtre sur 12 Mélodies pour soprano, piano & quatuor à cordes de Joseph Jongen. Si je connais les Chants d'Auvergne depuis longtemps, les 12 mélodies de Joseph Jongen furent une totale découverte. Elles représentent d'ailleurs ma première entrée dans l'oeuvre de ce compositeur que j'avais envisagé, au départ, d'aborder par sa musique orchestrale. Néanmoins, des musiques qui réunissent voix de soprano, piano et quatuor à cordes me furent trop tentantes pour bouder l'occasion. Il aurait fallut que le compositeur soit complètement mauvais pour que j'en ressorte déçu. J'aime le genre, tout autant que j'aime la voix de femme, le piano et le quatuor à cordes. Je n'avais donc pas eu l'impression de prendre un grand risque. Et pour tout dire, j'ai frôlé le coup de coeur du jour et du moment. Tout d'abord, que ce soit dans les Chants de Canteloube ou dans les Mélodies de Jongen, il y avait la voix de soprano. Il s'est trouvé que j'ai aussitôt aimé le timbre de voix de Jill Gomez ainsi que celui de Claire Lefilliâtre. Ce n'est pas toujours le cas et il m'est déjà arrivé, quelquefois, d'être freiné dans mon enthousiasme par un timbre de voix qui m'est moins séduisant, moins magnétique. Dans les Chants d'Auvergne, c'est un orchestre qui accompagne la soprano Jill Gomez avec par moments de belles sorties d'un hautbois solo. J'évoque souvent "Baïlèro" comme étant le chant le plus hypnotisant, le plus magnifique. Toutefois, je ne pense pas qu'il puisse voler la vedette à un autre chant de style similaire, "La Delaïssàdo": quelle merveilleuse mélodie s'y dessine dans une orchestration adéquate et superbement aérée, portée par la voix toute en lumière de Jill Gomez. Il y a là une voix et des combinaisons subtiles qui ont su me procurer le frisson espéré.

https://www.youtube.com/watch?v=t97aspN62fU


Avec les Mélodies de Joseph Jongen, je n'ai certes pas rencontré une émotion aussi forte, mais le plaisir fut au rendez-vous, comme je l'avais pressenti. C'est évidemment une atmosphère très chambriste et intimiste, dans un esprit de musique de chambre française, peut-être aussi inspirées par César Frank qui est un compositeur que je connais encore trop superficiellement, son unique symphonie, un quintette, pas davantage. Les ambiances intimistes qui en ressortent sont souvent chaleureuses, douillettes, dans lesquelles j'ai envie de me blottir: un véritable cocon musical dans lequel je me suis senti confortablement installé pendant environ 45 minutes, entre nostalgie et émerveillement, dans les sentiers battus d'un paysage sonore qui pourrait être celui que j'ai toujours connu ou imaginé.