joachim Admin
Nombre de messages : 27056 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
| Sujet: Ces musiciens qui ont fait l'histoire 2019-05-19, 11:05 | |
| Un livre qui vient de sortir, que je me ferais bien offrir pour la fête des pères Une étude sur le parcours de grands musiciens dans l'histoire de leur temps et de leur pays. L'auteure évoque notamment les relations entre Beethoven et Napoléon Bonaparte, Strauss et Hitler, Chostakovitch et Staline ou Lully et Louis XIV. Elle relate également des anecdotes de leurs vies intimes révélant leurs accointances avec certaines idéologies. On peut voir les pages d'introduction : INTRODUCTION
Percer un peu du mystère de la création
Ils ont été plongés dans les turbulences de l’Histoire. Mozart, Beethoven, Verdi, Debussy, Chostakovitch… Tant d’admirables compositeurs qui n’auraient pas écrit la même musique s’ils n’avaient traversé l’époque riche et intense qui fut la leur. Écouter leurs œuvres, c’est la promesse de voir surgir des siècles d’Histoire. C’est sentir le souffle de la Révolution française, le faste d’un règne ou la froideur d’une dictature. Note après note, c’est comme si l’on éprouvait à notre tour ce qu’ils ont éprouvé, comme si leur temps nous devenait familier. Là se trouve leur énergie insoupçonnée. Bien sûr, la musique peut être entendue pour elle-même. Mais dans leurs partitions, ces créateurs disent aussi leurs combats, le monde qui les entoure et celui dont ils rêvent.
Qu’auraient été les dernières années de Mozart sans l’influence de la philosophie des Lumières ? Lully sans les trois décennies qu’il a passées auprès de Louis XIV ? Les symphonies de Beethoven s’il n’avait pas été imprégné des idées révolutionnaires ? Quant à Verdi, il serait sans doute resté dans l’ombre si le chœur « Va, pensiero » de son opéra Nabucco n’était pas devenu, à son insu, le symbole de l’indépendance italienne, faisant de lui un compositeur de premier plan. Comme l’écrit Adorno dans Figures sonores : « Toute musique, même la plus individuelle qui soit, possède en propre un contenu collectif inaliénable : chaque sonorité individuelle, déjà, dit “nous”. » La musique reflète la société d’une époque.
La puissance de la musique, des cantates de Bach jusqu’aux symphonies de Chostakovitch, je me rappelle l’avoir ressentie immédiatement, dès que j’ai été en âge d’en écouter. Plus tard, en khâgne puis durant mes études en musicologie, j’ai commencé à analyser avec précision les traits spécifiques de telle ou telle œuvre, les influences de chaque compositeur. Je découvrais des trésors. Qu’il est savoureux de décortiquer une partition dans ses moindres détails : un thème, un enchaînement harmonique, une dissonance ! Nietzsche parle de la dissonance comme de la traduction musicale de la douleur, qui contient en elle quelque chose qui la dépasse. Il y a une dimension spirituelle dans ce phénomène sonore. Plusieurs œuvres dans l’histoire de la musique nous viennent alors à l’esprit. Songeons à Chostakovitch qui écrit, en 1941, sa Septième Symphonie en partie à Leningrad, l’actuelle Saint-Pétersbourg, pendant que les nazis bombardent la ville. Il racontera plus tard qu’il a pensé, en écrivant, au fascisme allemand et plus largement aux différentes formes que peut prendre la terreur.
La sensation que la musique permet de humer le climat d’une époque m’a également saisie quand j’ai découvert Le Voyage du compagnon de Mozart. Lorsque l’on sait qu’il a composé cette courte pièce alors qu’il venait tout juste de rejoindre la franc-maçonnerie, on imagine aisément ce Mozart de vingt-huit ans, assis dans une voiture lancée au grand trot sur le pavé de Vienne, qui arrive à la nuit tombée dans l’arrière-salle d’un palais transformée en loge maçonnique pour faire entendre cette musique si pure et si envoûtante à un public qu’il chérit déjà : ses frères. Sept ans plus tard, la franc-maçonnerie allait devenir le socle de son ultime opéra, La Flûte enchantée.
Tous les musiciens se sont engagés à leur manière. Ils ont adopté une attitude de séduction ou d’opposition à l’égard du pouvoir. Certains créateurs sont les porte-voix de régimes politiques bien sombres, comme Richard Strauss tiraillé sous le IIIe Reich entre sa fidélité à Hitler et le désir de conserver son indépendance musicale. Mais quand ils sentent que leur liberté est en jeu, quelle forme prend leur résistance ? Debussy, ne pouvant être appelé sous les drapeaux en août 1914, part en guerre contre la musique allemande avec la volonté d’écrire la musique la plus « française » qui soit. En Union soviétique, dès le milieu des années 1930, Chostakovitch verra, lui, planer au-dessus de son épaule l’ombre de Staline à chaque instant de sa vie. La marche de l’Histoire a aussi fait fuir des musiciens qui pressentaient l’orage dévastateur : Arnold Schoenberg et Kurt Weill, juifs, quittent l’Allemagne dès 1933 et n’y remettront plus jamais les pieds. À partir de ce moment, Kurt Weill, exilé en France puis aux États-Unis, refusera pour toujours de parler et d’écrire en langue allemande.
Si ces musiques n’ont pas changé le cours de l’Histoire, elles ne sont pas passées inaperçues. Elles ont même parfois dérangé, jusqu’au plus haut sommet de l’État. Ces partitions deviennent des documents, comme cette inégalable « forteresse de mémoire » dont parle Milan Kundera à propos de la poésie lyrique. Même lorsqu’elles sont terminées, les œuvres sont mobiles. Verdi ne continue-t-il pas, plus de deux cents ans après sa disparition, d’être le symbole de l’unité italienne ? Regarder dans quelle mesure la musique s’est imprégnée de l’Histoire, c’est aussi réveiller le souvenir d’artistes moins connus comme Gossec, qui a composé tant de pièces pour accompagner les événements de la Révolution française.
En lien avec leur temps, on trouve de tout : opéras, symphonies, cantates, sonates pour piano… Ces pages magistrales sont des fenêtres sur le monde. Elles ont fait vibrer les foules. Elles les ont aidées à vivre, voire à se réconcilier avec leur pays. C’est l’intention de la plupart des compositeurs : écrire une musique qui puisse être accessible à un large public. Par leur choix d’une mélodie simple autour de quelques notes, d’un bruissement de cordes ou d’un rythme envoûtant, ils savent qu’ils convaincront. L’époque les incite parfois à un certain conservatisme. Mais la rupture de style est plus nette lorsqu’ils cherchent à donner à leurs partitions un ton révolutionnaire ou conquérant ; ils utilisent alors une forme et des harmonies peu orthodoxes, bousculant ainsi l’histoire de la musique.
Comment ces œuvres ont-elles vu le jour ? Beaucoup proviennent de commandes passées par de riches protecteurs, des directeurs de salles de concerts, voire des chefs d’État en personne. Songeons à Jean-Baptiste Lully, la figure musicale française du XVIIe siècle, qui a murmuré pendant près de trente-cinq ans à l’oreille de Louis XIV. Au détour d’un accord, d’une orchestration flamboyante, c’est le Roi-Soleil qui surgit. Lully connaissait si bien le roi qu’il était capable, en musique, de devancer ses désirs, d’inventer jusqu’à la couleur qu’il voulait donner à son règne. Mais dans les périodes de guerre, d’oppression, la musique s’entend aussi, au fond, comme quelque chose qui survit, qui se maintient malgré le chaos. Elle sonne comme une délivrance.
Ces compositeurs ont mis le temps en mesures. De Lully à la cour de Versailles jusqu’à Mozart imprégné de tout son être par les idées de la franc-maçonnerie pendant les sept dernières années de son existence, de Richard Strauss emporté dans le tourbillon du nazisme à Chostakovitch persécuté par Staline, ils offrent à travers leur musique, parfois étincelante, parfois mystérieuse, un témoignage singulier de l’Histoire qui se déploie sous leurs yeux. |
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steph-w
Nombre de messages : 719 Age : 63 Date d'inscription : 07/02/2007
| Sujet: Re: Ces musiciens qui ont fait l'histoire 2019-05-19, 13:46 | |
| Probablement un livre intéressant, permettant d'apprendre - ou de réviser - des pages d'histoire, tout en fixant la chronologie de certaines oeuvres musicales et les lier aux événements. - joachim a écrit:
La sensation que la musique permet de humer le climat d’une époque m’a également saisie quand j’ai découvert Le Voyage du compagnon de Mozart. i] Ne cherchez pas qui est ce "Compagnon de Mozart", il s'agit du Lied maçonnique K.468 "Gesellenreise" (J'ai honte, mais j'ai cherché) |
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laudec
Nombre de messages : 5668 Age : 72 Date d'inscription : 25/02/2013
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Jean
Nombre de messages : 8775 Age : 81 Date d'inscription : 14/05/2007
| Sujet: Re: Ces musiciens qui ont fait l'histoire 2019-05-19, 23:09 | |
| Sept ans plus tard, la franc-maçonnerie allait devenir le socle de son ultime opéra, La Flûte enchantée. sauf que "La Flûte enchantée" n'est pas son "ultime" opéra!! |
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| Sujet: Re: Ces musiciens qui ont fait l'histoire | |
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