Guiraut Riquier (parfois orthographié Giraut Riquier ou en italien Giraldo Ricchieri), né vers 1230 à Narbonne (Aude) et mort en 1292 à Narbonne, est considéré comme l'un des derniers troubadours occitans.Il a fréquenté les cours de personnages importants qui accueillaient encore les troubadours. Il a donc été protégé successivement par le vicomte Amalric IV de Narbonne, par Alphonse X, roi de Castille et aussi par le comte Henri II de Rodez.
Il était initialement au service du vicomte Aimeric IV, où il est resté pendant environ 16 ans. À la mort de celui-ci, en 1270, il partit pour l'Espagne, arrivant à la cour d' Alphonse le Sage, roi de Castille, l'un des plus grands mécènes de l'époque, avec qui il était déjà en contact depuis 1254. Riquier a également dédié quelques cansos à Pierre III d'Aragon, protecteur et patron des troubadours, mais on ne sait pas s'il s'est arrêté dans cette cour. Probablement en 1279 il a quitté l'Espagne en suivant le chemin des pèlerins et, cependant, en 1280 Guiraut se retrouve en France, où il est susceptible de s'être arrêté à la cour des comtes de Comminges et Astarac, puis s'installe un moment à la cour de Henri II, l'un des seigneurs les plus éclairés de l'époque, et troubadour lui-même, à qui il dédie le troisième de ses retroenchas. Malgré l'affection pour le comte, Riquier se sent méconnu dans ses besoins, poétique mais aussi matériel, quand il se plaint ...
"Je voudrais qu'un gentilhomme me protège correctement, pour que je n'aie plus à errer d'une cour à l'autre: je voudrais arrêter de faire cette vie, puisque les connaisseurs sont si peu nombreux que tu n'honores pas ou tu ne sais pas talent poétique."
Guiraut continue alors son "errance futile" à la recherche d'un arrangement, finissant par retourner dans sa ville natale. A Narbonne, Aimeric V était encore établi, depuis que Guiraut avait quitté antérieurement la cour, et le vicomte semble n'avoir pas eu beaucoup de sympathie pour la poésie provençale et les troubadours de cour jugés inutiles. En outre, après la Croisade des albigeois, la civilisation du joi d'amor dépérit. Les influences religieuses orthodoxes, soutenues par l'action inquisitoriale, remplacent l'inspiration de l'amour profane. Guiraut évolue lui-même vers la poésie religieuse. Sentant fort bien que les temps sont changés, il écrit mélancoliquement : "Je suis venu trop tard parmi les derniers" (Mas trop suy vengutz als derriers). À la poésie lyrique d'essence amoureuse (fine amor) ou politique, il préfère une poésie plus religieuse. La dame profane célébrée par les troubadours devient chez lui la Vierge Marie.
Sa veine poétique, non plus celle du passé, tend alors de plus en plus à évoluer vers un thème religieux plutôt que vers l'amour terrestre ou courtois. Enfin, en 1292, "désormais vieux, anachronisme vivant", Guiraut continue d'écrire de "ce qui a été perdu", réalisant qu'il est "hors de son temps", dans un monde "plein de mensonges" . Sa mort marquera la rupture entre deux périodes historiques et son dernier travail n'est rien d'autre qu'une "épitaphe de tout le mouvement troubadour". William D. Paden interprète également ce "malaise" en disant que le poète avait "le malheur de durer plus longtemps que le temps où l'on appréciait ce qu'il avait à offrir".
Il est connu pour un partimen, un débat poétique, qu'il eut avec Bonfils, Auzit ay dir, Bofil, que saps trobar ("J'ai entendu dire, Bonfils, que tu savais composer"), mais aussi pour son soin de la conservation de ses propres œuvres.
Après Cerverí de Girona, Guiraut de Riquier est le plus prolifique des troubadours, avec plus d'une centaine de compositions en tous genres, principalement des vers et des cansos. Les poèmes, scrupuleusement datés (ce qui est assez inhabituel pour les troubadours précédents), permettent d'établir toute la période de son activité poétique (1254-1292). Quatorze de ses compositions comprennent des mélodies. Les chansons d'amour sont dédiées à une mystérieuse Belh Deport (bonne posture), un senhal bien sûr, mais ne convainc pas dans l'esprit passionné, alors que ses six pastorelas vont aider à élargir les possibilités formelles et expressives du genre. Il nous reste six de ces pastourelles, où c'est la même femme qui tient des rôles différents (jeune fille, femme mariée, mère de famille) en une sorte de roman plein de grâce et proche d'une composition dramatique.
Parmi ses épîtres, il y a un long commentaire sur une chanson écrite vers 1200 par Guiraut de Calanso et la fameuse supplication (1275) à Alphonse le Sage, où il déduit la confusion rampante qui régnait à la cour concernant les mots troubadour et jongleur. En réalité, "ce n'est pas un simple préjugé sémantique, car le troubadour cherche à protéger le statut de sa profession et, plus généralement, à mettre en place des digues pour sauvegarder tout un modus vivendi qui menaçait de disparaître". Il tente donc de le rattraper en proposant une quadruple classification hiérarchique des "arts de la représentation". En premier lieu, il y a les "docteurs en poésie, et non les troubadours; à la fin, les bouffons vulgaires.
1. docteurs en poésie 2. troubadours 3. jongleurs-ménestrels 4. bouffons, ceux qui s'abandonnent à des activités excessives et vulgaires.
Pour la reconnaissance de ses mérites poétiques, Guiraut obtient le titre de doctor de trobar.
Œuvres
Ayant recueilli lui-même ses propres œuvres, on possède sans doute la collection complète de ses textes. On dénombre 106 pièces, dont 48 œuvres musicales. Parmi ces œuvres, on dénombre 2 aubes (albas), 26 chansons, 15 chansons religieuses, 1 chanson de croisade, 3 retrouanges, 1 coblas, 1 descort, 6 pastourelles, 1 planh, 16 sirventès, dont trois chantés.
Chansons et autres
Tan m'es plazens lo mals d'amor (1254) Aissi pert poder amors (1255) En re no-s melhura (1256) Amors, pus a vos falh poders (1257) Tant vei, qu'es ab joipretz mermatz (1257) Aissi cum selh, que francheman estai (1258) No m sai d'amor si m'es mala o bona (1259) A mon dan sui esforcius (1260) Be-m meravelh co non es envejos (1260) Ab lo temps agradiu gai (1261) Pos astres no m'es donatz - retroancha (1262) Aissi com es sobronada (1263) Be-m volgra d'amor partir (1264) Ab panc er decazutz (1265) Si chans me pogues valensa (1265) Anc non aigui nul temps de far chanso (1266) De far chanson sui marritz (1268) Si ja-m deu mos chans valer (1269) Ples de tristor, marritz e doloiros (1270) Quar dregz ni fes (1270) De midons e d'amor (1271) Mout me tenc ben per pagatz (1272) Humils, forfaitz, repres e penedens (1273) Grans afans es ad home vergonhos (1274) Fis e verais e plus ferms que no suelh (1275) Jhesus Cristz filh de Dieu viu (1275) Karitatz et Amors e fes (1276) Los bes, qu'ieu truep en amor (1276) Ogan no cugei chantar (1276) Qui-m disses non a dos ans (1276) Razos m'adui voler qu'eu chan soven (1276) Voluntiers faria (1276) Xristias vei perillar (1276) Creire m'an fag mei dezir (1277) Yverns no-m de chantar embargat (1277) No cugei mais d'esta razon chantar (1279) S'ieu ja trobat mon agues (1280) Pos sabers no-m val ni sens (1282) Mentaugutz (1283) Per proar si pro privatz (1283) Anc mais per aital razo (1284) En tot quant qu'ieu saupes (1284) Lo mons par enchantatz (1284) Qui-s tolgues (1284) Fortz guerra fai tot lo mon guerrier (1285) Gauch ai, quar esper d'amor (1285) Jamais non er hom en est mon grazitz (1286) Ops m'agra que mos volers (1286)
Pastourelles
L'autre jorn m'anava L'autrier trobey la bergeira d'antan Gaya pastorelha Lautrier trobei la bergeira D'Atarac venia A Sant Pos de Tomeiras
Tensos e partimens
A.n Miquel de Castilho - Guiraut Riquier - Miquel de Castillo - Codolet Arras s'esfors, N,E[n]veyos, vostre sens - Guiraut Riquier - Envejos Auzit ay dir, Bofil, que saps trobar - Guiraut Riquier - Bofill Coms d'Astarac, ab gensor - Guiraut Riquier - Conte d'Astarac Falco, don[a] avinen - Guiraut Riquier - Falco G[uillem] Raynier, pus non puesc vezer vos - Guiraut Riquier - Guillem Rainier Guilhem de Mur, chauzetz d'esta partida - Guiraut Riquier - Guillem de Mur Guilhem de Mur, que cuia far - Guiraut Riquier - Guillem de Mur Senhe.N Austorc d'Alboy, lo coms plazens - Guiraut Riquier - Austorc d'Alboy - Enric II Senhe.N Enric, a vos don avantaje - Guiraut Riquier - Enric II di Rodez - Marques (de Canillac) e Peire d'Estanc (jutje) Senhe.N Enric, us reys un ric avar - Guiraut Riquier - Enric II di Rodez - Seigner d'Alest (Peire Pelet) Senhe.N Jorda, sie.us manda Livernos - Guiraut Riquier - Jordan de l'Isle Jourdain - Raimon Izarn - Paulet de Marseilla Guiraut Riquier, diatz me Jaufre de Pon - Guiraut Riquier Guiraut Riquier, a sela que amatz - Marques - Guiraut Riquier Guiraut Riquier, segon vostr'essien - Guillem de Mur - Guiraut Riquier - jutjamen (Enric II di Rodez) Guiraut Riquier, pus qu'es sabens - Guillem de Mur - Guiraut Riquier De so don yeu soy doptos - Guillem de Mur - Guiraut Riquier - Enric II di Rodez - Marques de Canillac